Spécificité de la théologie orthodoxe

Spécificité de la théologie orthodoxe

2015 Spécificité de la théologie orthodoxe Mgr Stephanos-1Nos approches théologiques (orthodoxes) à propos des énergies divines, la divinisation de l’homme, la protection et la sauvegarde de l’environnement, la transfiguration en Christ du cosmos ne relèvent pas de la scolastique et ne se fondent pas, comme c’est le cas pour le monde latin, sur la dualité du divin et de l’humain ou sur le seul concept de la nature morale de l’homme.
Elles sont liturgiques et mystiques ; elles mettent l’accent sur l’unité du divin et de l’humain, sur l’union ontologique de l’homme avec Dieu.
Les trésors spirituels de notre théologie existent pour tous. Ils font pressentir une autre manière d’être, un éthos animé par la force et la joie secrète de la Résurrection.
Il serait absurde de penser que l’Orthodoxie s’oppose à l’Occident à un moment où, partout dans le monde on accorde une valeur excessive au progrès matériel et où nos sociétés sont de plus en plus soumises à un libéralisme débordant qui asservit la personne humaine et nuit à toute vie qui se veut d’abord spirituelle.
Une théologie capable de promouvoir, dans une société où tout se vend, s’achète, se calcule, ce qui est gratuit, inassimilable ; capable en d’autres termes de promouvoir une réalité qui demande a être contemplée et non utilisée.
Une théologie qui nous présente non le divin magique des sectes, donateur d’émotions et de pouvoirs, mais un Dieu “fou” qui transcende sa propre transcendance pour nous restituer l’existence comme sens et comme fête, dans le témoignage de la beauté ; beauté qui n’est plus de séduction et de possession mais de communion.
Il faut en finir avec une conception de la rédemption “où la souffrance du Fils est indispensable pour apaiser les humeurs du Père”.
Dieu n’a pas l’idée du mal. Il n’est pas l’auteur du mal, mais le crucifié du mal, qui nous ouvre en retour les voies de la Résurrection
Ce petit reste que mentionne avec tant d’émotion l’Ecriture Sainte et qui définit si bien notre Eglise en Estonie, après avoir été dépouillée à l’extrême par les épreuves du siècle passé au point de devenir “pauvre pour Dieu dans la fragilité évangélique”, peut aujourd’hui se comporter, au sein du monde orthodoxe, avec une authentique conversion qui bannit tout orgueil confessionnel, tout sentiment de supériorité sur le plan de la culture ou de la civilisation.
Autrement dit, une Eglise humble et servante qui aspire plus que tout à être toute tissée de cette Lumière que seules la gratuité et l’abnégation de l’Evangile du Christ peuvent éclairer, expliciter et justifier pour la vie du monde.

C’est encore à nous de trouver les mots pour convaincre que la théologie orthodoxe est avant tout une théologie de célébration, où la pensée s’éclaire dans le mystère, autrement dit dans le pourquoi de la vie et de la mort et peut- être surtout dans le pourquoi du mal.
Et encore…Dans cette même perspective, qui passe nécessairement par l’exigence de la catharsis aussi bien que par celle d’une meilleure connaissance de notre théologie patristique, l’Eglise Orthodoxe d’Estonie serait bien inspirée (dans cette région du Nord de l’Europe qui l’a vue naître et qui demeure son milieu d’évolution naturel) d’approfondir l’expérience des grands mystiques d’Occident et la théologie du Catholicisme romain tout en ne perdant pas de vue non plus sa relation et son parcours historique commun avec le monde de la Réforme, plus précisément avec celui du Luthérianisme.
Et ce, non pas pour faire ressortir les dangers et les déviations de l’Occident mais au contraire pour opposer une évaluation positive dans le but de reconnaître et de voir comment on peut lire, de façon orthodoxe, les éléments qui ont déviés, le plus souvent à cause du contexte dans lequel ils ont été contraints de s’exprimer.
Avec cette autre Europe chrétienne notre Eglise est évidemment appelée à introduire, dans nos sociétés sécularisées contemporaines, trois attitudes fondamentales : le repentir entre les nations après tant de guerres et de persécutions ; l’autolimitation, pour un plus juste partage avec les plus pauvres ; enfin le respect et la spiritualisation de la terre.

Mgr Stephanos
Métropolite d’Estonie
(*) Cette brève étude a été publiée par le Bureau de la Représentation de l’Eglise de Grèce auprès de l’Union Européenne par la maison d’édition INDIKTOS – Athènes 2011, pp.59-77

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