Qui était Dietrich Bonhoeffer ?

Qui était Dietrich Bonhoeffer ?

Présentation par le Pasteur Yves Noyer, à l’occasion de la soutenance de son mémoire de Master de théologie à l’Institut Protestant de Théologie de Paris le 9 décembre 2016

 

 
Allemand et protestant, né le 4 février 1906 à Wroclaw (Poméranie orientale, dans l’actuelle Pologne), dans une famille nombreuse (8 enfants).
Son père est un psychiatre renommé. Sa mère est issue de la noblesse allemande.
Après de brillantes études secondaires il obtient le baccalauréat à 17 ans.
Il entreprend des études de théologie sanctionnées par une thèse de doctorat à 21 ans puis par une thèse d’habilitation à 24 ans.

 

Envoyé, en 1928, à Barcelone, comme vicaire de la paroisse protestante allemande, il passe ensuite une année à l’Union théological Seminary de New York.
Après ce séjour, il donne des enseignements dans la Faculté de théologie de Berlin, tout en étant pasteur d’une Église implantée dans un quartier populaire de Berlin. Il s’engage dans un des mouvements œcuméniques internationaux, « l’Alliance universelle pour l’amitié par les Églises », de 1931 à 1937.
En parallèle, dès 1933, il prend fait et cause pour cette fraction de l’Église protestante  d’Allemagne  qui  restera dans l’histoire sous le nom de l’« Église confessante » (Bekennende Kirche): en février 1933, lors d’une conférence sur le « Führer Prinzip » il montre le danger d’un glissement du rôle de conducteur (Führer) à celui de séducteur (Verführer). En avril, à la suite des premières lois contre les Juifs, il réagit par une étude sur leur place dans l’Église ; à nouveau en septembre de la même année lors d’un colloque œcuménique, il obtient le vote d’une résolution sur la question juive. Puis il participe à la rédaction, avec le pasteur Martin Niemoller, d’un texte à l’origine de la création de la «Ligue de détresse des pasteurs » (Pfarremotbund) qui accorda des subsides à tous les pasteurs protestants qui avaient dû quitter leur ministère en raison de leurs origines juives.
D’octobre 1933 à avril 1935, il est à Londres comme pasteur d’une des paroisses protestantes de langue allemande ; il y crée un mouvement de soutien en faveur de l’Église confessante et fait connaître la Déclaration théologique de Barmen, votée le 31 mai 1934 lors d’un Synode confessant réunissant des délégués des trois Églises luthérienne, réformée et unie d’Allemagne.
Il est appelé par la Direction provisoire de l’Église confessante pour diriger un séminaire clandestin, où il vécut une intense activité idéologique. Son activité d’enseignant se double de l’animation d’une vie communautaire dans une Fraternité. Ce séminaire est fermé par la Geheime Staats Polizei (connue sous le nom de Gestapo) en septembre 1937.

C’est de cette période que sont nés les trois ouvrages théologiques que [le pasteur Y.Noyer] présente dans [son]  mémoire : Vivre en disciple (1937), Tentation (1938) et De la vie communautaire (1938).

À la suite de cette fermeture, l’expérience est prolongée sous la forme plus discrète  de vicariats  collectifs -dans deux villages de Poméranie orientale- vécus en relation avec des pasteurs en poste, eux-mêmes aidés par des vicaires-étudiants. Ceci dura jusqu’en 1940, où à nouveau la Gestapo ferma ces deux vicariats collectifs.

Sollicité par son beau-frère, Hans Dohnányi un des responsables des Services secrets de l’Armée et sous ce couvert un des membres importants de la conjuration contre Hitler, qui fonctionna de 1938 à 1944, Bonhoeffer entra lui-même dans ces Services secrets et fut chargé d’une mission consistant à informer les Alliés par le biais des responsables œcuméniques, en particulier l’évêque anglican de Chichester, George Bell et le pasteur néerlandais  A. Visser’t Hooft, secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises en formation (de 1938 à  1948).

C’est en raison de documents pourtant cachés dans un lieu isolé, qui présentait les preuves accumulées par Dohnányi mais aussi les noms des principaux responsables de la conjuration, qui furent découverts en 1945 par la Gestapo, que Bonhoeffer -sur les ordres express d’Adolf Hitler- fut pendu dans le camp de concentration de Fossenbürg, le 9 avril 1945, en compagnie de l’amiral Canaris chef de l’abwehr (nom des services secrets), de son adjoint le général Oster et, d’autres membres de la conjuration. Furent aussi exécuté ses beaux-frères: Hans Von Dohnanyi et Rüdiger Schleicher, ainsi que son frère Klaus Bonhoeffer.

Que faut-il mettre  en valeur ?

 La pensée  théologique  de Bonhoeffer est cohérente, centrée  sur  le  Christ et « le Christ existant en tant que  communauté»: l’Église doit occuper un espace dans le monde pour pouvoir attester de la vérité de l’Evangile. Elle doit prendre en considération toute la réalité humaine, y compris en repérant que le Christ est « au milieu » du monde.
Une question toujours ouverte: « Dans un monde devenu majeur », comment  dire  Dieu  dans un monde sans dieu ? »
Sa pensée  est centrée sur  l’incarnation  de la Parole  de Dieu  en  jésus  de  Nazareth  qui nous  fait connaître qui es l’homme véritable.
Une cohérence humaine : ce que Bonhoeffer proclame dans la réflexion théologique est toujours en lien avec la vie qu’il mène. Sa conversion est clairement l’occasion pour lui de franchir une étape qualitative vers une harmonie encore plus grande: « Je n’étais pas encore devenu chrétien. La Bible m’a libéré de tout cela, en particulier le Sermon sur la montagne.  Depuis  tout a changé… »
Et surtout: «Je crois que je n’ai jamais beaucoup changé, si ce n’est à l’occasion de mes premiers voyages à l’étranger et sous l’influence, éprouvée pour la première fois consciemment, de la personnalité de mon père. J’ai alors renoncé au verbalisme en faveur de la réalité… Nous  n’avons vécu, ni l’un ni l’autre une rupture dans notre vie. Nous avons sans doute rompu consciemment, et de notre propre initiative,  avec beaucoup de choses…  Autrefois, il m’arrivait de languir après une telle rupture ; aujourd’hui, je  pense autrement. » (Lettre à E. Bethge)
Un engagement de toute sa personne après une réflexion et une prière arrivées au stade d’une conviction intime. Une illustration: le processus de réflexion en vue de prendre la décision de rentrer en Allemagne et de quitter le refuge  des  États-Unis, en toute conscience…
En bref, Dietrich Bonhoeffer est un véritable témoin du Christ, prenant pleinement au sérieux la réalité de notre époque mais comme habitée mystérieusement par le Christ. C’est à l’Église d’en faire découvrir la présence, par la mise en valeur des «dons de la grâce »( 1Co 12 ).

 

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