Que devient le Monastère de Tibhirine

Que devient le Monastère de Tibhirine

Faisons tout d’abord un petit rappel historique. Les trappistes (moines cisterciens de la stricte observance) se sont installés une première fois en Algérie au 19ème siècle entre 1843 et 1904 à Staoueli à 20 km d’Alger. Ils étaient plus de 100 moines.

Les moines veulent revenir au 20ème siècle et achètent en 1938 le domaine de Tib-Harine (jardins potagers en berbère) propriété de l’avocat Benoit Mosca. Tib-Harine deviendra Tibhirine en 1962. Ce domaine de 374 ha à 1000 mètres d’altitude est proche la ville de Médéa mais suffisamment isolé pour respecter leur besoin de solitude.
Le monastère a été érigé en abbaye en 1947 ; frère Luc venait d’arriver. Le dispensaire, qu’il ouvre aussitôt pour la population voisine constitue assez vite un lien fort avec l’extérieur. Quelques moines décident de rester en 1962 lors de l’indépendance de l’Algérie. Le cardinal Duval réussit à convaincre les responsables cisterciens de maintenir une communauté sur place grâce à l’arrivée de nouveaux moines.
Les moines de Tibhirine ont donné la quasi totalité du domaine à l’Etat Algérien dès 1964 en ne conservant que 14 ha dont 8 ha de terres agricoles.

En 1984 la communauté élit un nouveau prieur le père Christian de Chergé. Après avoir tous décidé de rester en 1993 malgré les menaces et les événements tragiques de la décennie noire, sept d’entre eux sont enlevés dans la nuit du 26 au 27 Mars 1996 et exécutés en Avril ou Mai 1996.

Avec la venue de 5 moines d’autres abbayes, les 2 « rescapés » frère Amédée et frère Jean-Pierre essaient de relancer la vie monastique. Les normes exigées de sécurité ne s’accordent pas au rythme cistercien de prière et de travail. Aussi, après avoir planté environ 1 600 arbres fruitiers, pommiers surtout, ils confient en Mai 2001 le domaine au diocèse d’Alger qui appelle le père Jean-Marie Lassausse prêtre de la Mission de France. Celui-ci a une formation agricole et avec deux ouvriers algériens Samir et Youssef ils exploitent les 8 ha de cultures principalement des arbres fruitiers.

En 2010 Xavier Beauvois réalise un film « Des hommes et des Dieux » sur les moines de Tibhirine qui retrace leur vie quotidienne et leurs angoisses face à la montée de la violence dans le pays durant les mois précédant leur enlèvement. Ce film a un succès considérable compte tenu du sujet (plus de 3 millions de spectateurs) et contribue à la notoriété du monastère en France et à l’international .

En Août 2016 le diocèse d’Alger en la personne du père Paul Desfarges appelle la Communauté du Chemin Neuf à prendre la suite. Le père Henri Teissier évêque d’Alger de 1988 à 2008 avait déjà demandé à de nombreuses communautés de venir.

Quel est le rôle de la Communauté du Chemin Neuf (CCN) aujourd’hui ? Il est de plusieurs ordres : maintenir une vie de prière et une tradition d’hospitalité en ce lieu dédié à la fraternité, entretenir les lieux et exploiter les terres agricoles, élargir sa vocation pour l’Unité des Chrétiens au dialogue entre les personnes de religions différentes.

Actuellement nous parons au plus pressé l’exploitation agricole, l’entretien de la maison et l’accueil des nombreux visiteurs qu’ils soient des membres des communautés chrétiennes d’Algérie dans une hôtellerie d’une dizaine de lits, des familles d’expatriés, de quelques groupes de touristes mais surtout des visiteurs algériens de plus en plus nombreux attirés par ce lieu de mémoire. Ces visiteurs se chiffrent par centaines chaque mois. Certains viennent par exemple par amitié car beaucoup d’entre eux ou de leur famille ont été soignés par le frère Luc (Frélou!) Mais si les sept moines sont martyrs c’est à dire témoins de leur foi et de leur amitié pour le peuple Algérien ; on peut dire aussi pour reprendre l’expression de l’écrivain Karima Berger que « c’est l’hospitalité Algérienne qui a été martyrisée à Tibhirine », nos visiteurs veulent en témoigner.

La présence de la CCN se limite aujourd’hui à trois frères, deux prêtres Eugène et Bruno, Yves et une sœur célibataire consacrée Félicité qui a pris la suite du père Jean-Marie Lassausse pour les travaux agricoles avec les fidèles Youssef et Samir. Ils reçoivent des aides bénévoles ponctuelles.

Pour l’entretien de la maison les besoins sont importants. Le monastère dont certains bâtiments ont plus de 100 ans et d’autres datent des années 1950 a été érigé pour héberger une vie commune de cinquante moines ! L’ancienne ferme coloniale du 19ème a un besoin urgent de refaire sa toiture (notre photo – un semi-remorque de tuiles). L’hôtellerie manque de confort. Le chauffage central n’a pas fonctionné depuis plusieurs décennies….

Que nous réserve l’avenir nous ne le savons pas mais Tibhirine est un pont entre les peuples Algériens et Français, entre l’Islam et le Christianisme.

 

Arnaud Motte, ccn  Vincennes
30 mai 2018

 

 

 

Site internet du monastère de Tibhirine

Page Facebook du monastère de Tibhirine

Bibliographie sur les moines de Tibhirine géré par l’abbaye d’Aiguebelle

ccn

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