Karlsruhe 2022_11ème assemblée du Conseil Œcuménique des Eglises

 

Déclaration finale de l’assemblée plénière du COE

Depuis le moment où il a voyagé sur la terre, et même dans ce moment présent, Jésus adresse sans cesse ces paroles à chaque être humain. La vie, les paroles et les actions de Jésus sont une invitation constante au mouvement – d’un lieu physique à un autre, d’un groupe de personnes à un autre, d’un état d’esprit à un autre. Surtout, au milieu des problèmes du monde, Jésus nous appelle à venir à lui et à demeurer dans son amour, un amour qui est offert pour le monde entier (cf. Mt 11, 28).

 

  1. Le tout dernier livre de la Bible, l’Apocalypse, parle des forces anciennes de la souffrance humaine à l’œuvre dans le monde : la guerre, la mort, la maladie et la famine. Alors que l’assemblée du Conseil œcuménique des Églises s’est réunie à Karlsruhe en 2022, nous étions conscients de leurs manifestations dans le monde d’aujourd’hui. Dans leur sillage viennent l’injustice et la discrimination, où ceux qui ont le pouvoir l’utilisent souvent pour opprimer les autres plutôt que pour construire l’inclusion, la justice et la paix.
  2. Les individus, les peuples et les pays sont également confrontés à des catastrophes découlant directement d’une relation irresponsable et brisée avec la création qui a conduit à l’injustice écologique et à la crise climatique. Alors que l’urgence climatique s’accélère, il en va de même pour les souffrances vécues par les personnes appauvries et marginalisées.
  3. Tout en poursuivant notre pèlerinage ensemble en tant qu’assemblée du Conseil œcuménique des Églises, notre humeur a été celle de l’anticipation et de l’espérance, et même de la joie, car par la puissance de l’Esprit Saint, l’invitation du Christ reste ouverte à tous, en fait à toute la création.
  4. « L’amour du Christ pousse le monde vers la réconciliation et l’unité. » Cet amour, en réponse aux cris de ceux qui souffrent, nous oblige à venir à lui dans la solidarité et à répondre et à agir pour la justice. Nous sommes appelés à nous réconcilier dans l’amour de Dieu et à témoigner de cet amour révélé en Christ (1 Jean 4:9-11).
  5. La réconciliation est un mouvement vers Dieu et les uns vers les autres. Cela implique une volonté d’écouter Dieu et les uns les autres. C’est une conversion du cœur, de l’égoïsme et de l’apathie à l’inclusion et au service, reconnaissant notre interdépendance avec la création.. Nous confessons que, même si nous désirons de tout notre cœur servir Dieu et notre prochain, nous nous sommes retrouvés défaillants, en désaccord et parfois en marchant dans des directions opposées. Nous confessons que nous avons besoin de la puissance transformatrice de l’amour du Christ pour nous rendre dans un monde vraiment réconcilié et uni. . .
  6. Les chrétiens, et les structures que nous avons construites, ont été complices des abus des autres, et nous devons nous repentir et nous joindre à ce mouvement de réconciliation. Face à la guerre, à l’inégalité et aux péchés contre la création aujourd’hui, l’amour du Christ nous appelle tous au repentir, à la réconciliation et à la justice

Notre voyage ensemble

Au milieu de toute notre diversité, nous avons réappris dans notre assemblée qu’il y a un pèlerinage de justice, de réconciliation et d’unité à entreprendre ensemble ;
  • En nous réunissant en Allemagne, nous apprenons le coût de la guerre et la possibilité d’une réconciliation;
  • En écoutant ensemble la parole de Dieu, nous reconnaissons notre appel commun ;
  • En écoutant et en parlant ensemble, nous devenons des voisins plus proches;
  • En nous lamentant ensemble, nous nous ouvrons à la douleur et à la souffrance de l’autre;
  • En travaillant ensemble, nous consentons à une action commune
  • En célébrant ensemble, nous nous réjouissons des joies et des espoirs de chacun;
  • En priant ensemble, nous découvrons la richesse de nos traditions et la douleur de nos divisions.

 

« Allez dans le monde entier »

  • Depuis son ascension au ciel, et même en ce moment présent, le Christ donne sans cesse ce commandement à tous ceux qui le suivent
  • Comme la réconciliation nous rapproche de Dieu et les uns des autres, elle ouvre la voie à une unité fondée dans l’amour de Dieu. En tant que chrétiens, nous sommes appelés à demeurer dans l’amour du Christ et à être un (Jean 17). Une telle unité, qui est un don de Dieu, qui naît de la réconciliation et qui est fondée sur son amour, nous permet de faire face aux problèmes urgents du monde. Nous trouverons la force d’agir à partir d’une unité fondée sur l’amour du Christ, car elle nous permet d’apprendre ce qui fait la paix, de transformer la division en réconciliation et de travailler à la guérison de notre planète vivante. L’amour du Christ nous soutiendra tous dans la tâche d’embrasser tout le monde et de surmonter l’exclusion.
  • Nous avons goûté à l’expérience d’un tel amour que nous avons rassemblés dans 352 Églises membres avec nos partenaires œcuméniques, des amis d’autres communautés religieuses et de toutes les régions du monde pour rechercher l’unité au milieu de notre diversité. Ensemble, nous avons écouté des voix souvent marginalisées dans le monde : les femmes, les jeunes, les personnes handicapées, les peuples autochtones
  • Nous aspirons à un mouvement plus large, à la réconciliation et à l’unité de toute l’humanité, et même du cosmos tout entier. Ce serait une unité dans laquelle Dieu établit la justice, un lieu égal pour tous, à travers lequel la création peut être renouvelée et fortifiée. Nous comptons sur l’amour du Christ pour agir et plaider en faveur de la justice climatique. Nous joignons nos voix à l’assemblée d’Amsterdam (1948) selon laquelle « la guerre est contraire à la volonté de Dieu » et à l’assemblée de Nairobi (1975) selon laquelle « le racisme est un péché contre Dieu ». Nous déplorons de devoir répéter ces déclarations.
  • Dans notre assemblée, nous avons utilisé beaucoup de mots, mais à partir de ceux-ci, nous avons façonné une nouvelle détermination. Maintenant, nous demandons l’aide de Dieu pour transformer nos engagements en actions. Nous nous engageons à travailler avec toutes les personnes de bonne volonté. En réfléchissant aux fruits de notre travail à Karlsruhe, nous invitons tous à devenir des pèlerins ensemble.

Voir sur le site du COE: https://www.oikoumene.org/fr/about-the-wcc/organizational-structure/assembly


 

2 September 2022, Karlsruhe, Germany: WCC acting general secretary Rev. Prof. Dr Ioan Sauca speaks in the introduction to a thematic plenary focused on Europe, at the 11th Assembly of the World Council of Churches, held in Karlsruhe, Germany from 31 August to 8 September, under the theme “Christ’s Love Moves the World to Reconciliation and Unity.”

Que reste – t – il de l’Assemblée du COE à Karlsruhe ? Quelles décisions ont été prises ? Quelles suites à attendre ?

Après l’Assemblée du COE, Serge Fornerod, Directeur des relations extérieures des « Eglises Evangéliques Réformées de Suisse », a fait un bilan. Que pouvons-nous apporter de Karlsruhe ? Quels sont les documents les plus importants ? Un résumé.

Une Assemblée du COE est un événement spirituel avant que d’être un rassemblement politique. Elle donne des impulsions à moyen terme, elle met ou remet des sujets à l’ordre du jour des Eglises ou du mouvement œcuménique plus qu’elle ne prend des décisions contraignantes.
Comment pourrait-il en être autrement avec une Assemblée de près de 900 délégués avec droit de vote qui ne se réunit que tous les 8 ans, élabore ses documents finaux pendant un week-end, les fait adopter au pas de charge et avec une méthode de consensus exigeante ? Toute autre attente face à une telle Assemblée est non seulement irréaliste, mais potentiellement exposée à des intentions populistes.
Ceci dit, l’Assemblée reçoit et reflète très fidèlement les soucis, souffrances et menaces auxquelles les Eglises et le monde sont exposés ou confrontés très directement. Ces dossiers sont traités dans les documents finaux sous divers angles, élaborés dans les Comités de l’Assemblée : celui du message de l’Assemblée, celui des lignes directrices pour les programmes du COE, les recommandations des « conversations œcuméniques » et celui des affaires publiques essentiellement.

Ils dessinent:

 

A_L’agenda du COE pour les prochaines années:

 

L’urgence climatique
Elle a été soulignée à plusieurs reprises, en particulier la nécessité d’une action rapide et radicale, telle que réclamée par la forte délégation de jeunes présents à Karlsruhe.

 

Le renforcement du rôle de plateforme du COE
pour trouver des alliés (dans la société civile, auprès de partenaires interreligieux ou de nouveaux partenaires œcuméniques) et des solutions à des conflits qui touchent directement les Eglises.

 

Ukraine-Russie :
La présence d’une délégation d’Ukraine très visible et vocale a souligné la solidarité du COE avec les victimes ; pour autant, on ne peut pas dire qu’un dialogue ait eu lieu entre les délégués ukrainiens et russes ou n’ait été même été possible dans ces circonstances. La responsabilité de la guerre a été clairement exprimée à plusieurs reprises. Le ton relativement modéré du document final a été justifié par le modérateur de cette commission par la priorité mise pour maintenir la porte de la discussion avec l’EOR ouverte. La question de savoir dans quelle mesure l’Eglise orthodoxe russe est complice dans ce conflit ne peut pas être entièrement séparée de celle de savoir dans quelle mesure elle est aussi otage du gouvernement et d’une partie de sa propre tradition. Le fait que de nombreuses Eglises du Sud aient exprimé leur peu de compréhension sur le fait que cette guerre en Europe devrait être traitée autrement qu’une autre guerre doit être entendu.

 

Israël-Palestine, Syrie-Liban, Irak.
L’emploi du mot « apartheid » pour décrire la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens n’a pas obtenu le soutien escompté, et l’Assemblée n’a pu que constater le désaccord profond sur ce sujet. Mais le COE va poursuivre son observation attentive de la situation et son soutien aux Eglises locales. Mais cette déclaration met aussi l’accent sur les autres pays de la région et la nécessité d’une approche et d’un apaisement de toute la région pour trouver une solution durable au drame palestinien.

 

La poursuite du dialogue et de la formation théologique en vue de l’unité
avec l’Eglise catholique et l’élargissement de ce dialogue à d’autres acteurs confessionnels (World Evangelical Alliance, World Pentecostal Fellowship…) ou des plateformes (Global Christian Forum, Religions for peace…), devenus des partenaires à part entière pour agir ensemble.
    • le travail de fond contre le racisme, les discriminations, le non-respect des droits humains: Statement on confronting racism and xenophobia, overcoming iscrimination, ensuring belonging (PIC 01.05 rev)
    • le suivi de crises, conflits ou sujets oubliés ou en danger de l’être : Haut-Karabach, les peuples indigènes, la séparation des deux Corées, la Papouasie occidentale, le génocide contre les Syriaques. (PIC 01.06-01.10)

B : Mais il s’agissait aussi de faire l’état des lieux interne des Eglises, de leur témoignage à l’Evangile et de leur foi dans ce contexte.

Et là aussi, des choses fortes ont été dites à l’intention du nouveau Comité Central. Cela a été synthétisé au mieux dans le « message de l’Assemblée ».  J’en retiendrais trois :

  1. Un message de résilience et d’action.
Tels ont été les mots de la modératrice sortante, Dr. Agnès Abuom. Cette mention de la résilience me parait caractéristique de l’assemblée de Karlsruhe par rapport à d’autres. Résilience, non seulement à cause du COVID-19, des gros défis auxquels il a confronté non seulement les Eglises mais le COE lui-même. Cela a infligé une lourde incertitude jusqu’à la dernière minute à l’organisation. Mais aussi parce que l’incertitude, la peine, voire la souffrance caractérisent aussi le travail même du COE et des Eglises dans bien des domaines :
    • l’aggravation de la crise climatique,
    • la guerre en Ukraine,
    • l’accroissement des situations de crise dans les Eglises et sur la planète,
    • la modestie des résultats effectifs dans le rapprochement dogmatique, ecclésiologique ou éthique,
    • l’accroissement des partenaires de dialogue et de collaboration stratégique sans possibilité d’accroître proportionnellement les ressources,
    • la fragilité vécue et avouée des progrès réussis par les Eglises et le COE dans plusieurs domaines,
    • la faiblesse, la vulnérabilité du témoignage chrétien et de sa capacité à changer les grandes choses du monde.
Tout ceci, et bien d’autres choses encore ont été en filigrane de l’Assemblée, ont créé une ambiance recueillie et sobre et ont renforcé l’appel à l’action. Le message de l’Eglise au monde est d’abord celui d’une humilité assumée et d’un appel au changement des consciences.

 

  1. Un appel à agir ensemble maintenant :«l’amour du Christ nous presse.» (2 Co 5,14).
Le titre du message de l’Assemblée capte bien l’urgence exprimée si passionnément par les jeunes (mais pas seulement), aussi bien sur l’urgence climatique que sur la progression de l’œcuménisme ou la place accordée aux voix des jeunes et des femmes, quitte à casser les codes de procédure bien rodés. L’assemblée ne pouvait pas ne pas entendre ce message. Ce cri est porté non seulement par l’urgence, mais aussi et surtout par l’espoir et la confiance en un Dieu qui n’abandonnera pas son Eglise ni sa création. L’espoir exprimé a surpassé le cri. L‘éthique chrétienne comme une culture alternative à celles du monde et des puissants a été réaffirmée avec force.
Le passage central du message de l’Assemblée le dit ainsi :
En nous réunissant en Allemagne, nous avons appris le coût de la guerre et la possibilité de la réconciliation; En entendant la parole de Dieu ensemble, nous reconnaissons notre vocation commune; En nous écoutant et en nous parlant les unes les autres, nous nous rapprochons; En nous lamentant ensemble, nous nous ouvrons aux douleurs et aux souffrances des autres; En travaillant ensemble, nous acceptons l’action commune; En célébrant ensemble, nous nous réjouissons de nos joies et de nos espérances respectives; En priant ensemble, nous découvrons la richesse de nos traditions et la douleur de nos divisions.

 

  1. « La justice, c’est ce à quoi ressemble l’amour dans la sphère publique »

    a affirmé la Co-modératrice de la Commission Foi et Constitution, Susan Durber [1]. La déclaration sur l’unité explicite la formule souvent entendue pendant l’Assemblée de « l’œcuménisme du cœur » 

 

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