Les grands accords œcuméniques du XX° siècle V

 

XLII Les grands accords œcuméniques du XX° siècle V

 

Les Eglises orientales non catholiques avec l’Eglise Catholique Romaine

 

« Ce qui a été dit plus haut de la légitime diversité en matière de culte et de discipline doit s’appliquer aussi à la formulation théologique des doctrines. Effectivement, dans l’effort d’approfondissement de la vérité révélée, les méthodes et les moyens de connaître et d’exprimer les choses divines ont été différents en Orient et en Occident. Il n’est donc pas étonnant que certains aspects du mystère révélé aient été parfois mieux saisis et mieux exposés par l’un que par l’autre, si bien que ces diverses formulations théologiques doivent souvent être considérées comme plus complémentaires qu’opposées. Quant aux traditions théologiques authentiques des Orientaux, on doit le reconnaître, elles sont enracinées de façon excellente dans les Saintes Écritures ; développées et exprimées dans la vie liturgique, elles se nourrissent de la tradition vivante des apôtres, des écrits des Pères orientaux et des auteurs spirituels ; elles portent à une juste façon de vivre, voire à la pleine contemplation de la vérité chrétienne. »

Décret sur l’œcuménisme « Unitatis redintegration »du concile œcuménique Vatican II

    

Les Églises orthodoxes orientales dans le monde :

  • Religion principale (plus de 75%)
  • Religion majoritaire (50% – 75%)
  • Religion minoritaire importante (20% – 50%)
  • Religion minoritaire (5% – 20%)
  • Religion très minoritaire (1% – 5%)
  • Religion très minoritaire (moins de 1%), mais avec autocéphalie locale

 

Dynamique de ces accords ou déclarations communes

     Je me permet de citer un peu longuement un article [1] d’Hervé Legrand o.p. qui éclaire la dynamique de ces accords ou déclarations communes avec les Eglises orientales non catholiques

     « Le rapprochement avec les autres chrétiens que Jean XXIII espérait de Vatican II ne se révélait donc pas très aisé. La réorientation doctrinale souhaitée eut lieu, cependant, et trouva son expression dans l’une des formulations ecclésiologiques les plus importantes du concile : « L’unique Église du Christ subsiste dans l’Église catholique » (Lumen Gentium 8). Dans sa nouveauté, cet énoncé permettait d’évaluer positivement l’ecclésialité des autres Églises, à la lumière du décret UR, comme Paul VI le confirma aux observateurs non catholiques [2]. Les « Églises séparées du Siège romain » devenaient des « Églises particulières » au sens théologique et non purement conventionnel du terme [3] »

Et plus loin :

« l’œcuménisme progressé entre catholiques et orthodoxes et catholiques et luthériens ces deux-là retiendront notre attention de façon privilégiée car ils sont exemplaires pour saisir la démarche œcuménique par laquelle l’Église catholique s’efforce de dépasser le « catholicisme » pour croître en catholicité…/…

Théologiquement, le catholicisme n’est qu’une figure particulière prise par l’Église catholique, quand, déjà séparée de l’Orient et réduite ensuite géographiquement aux pays méditerranéens par la Réforme, elle a redéfini son identité, intellectuellement par le recours privilégié à la scolastique et ecclésiologiquement par une insistance obsessionnelle sur l’universalité de l’Église, assimilée à une étroite centralisation des décisions pastorales et doctrinales à Rome. Ce catholicisme des derniers siècles, comme Église unitaire, pouvait difficilement servir l’unité de l’Église, comme J. Ratzinger le fit remarquer, à la suite du canoniste luthérien H. Dombois [4] : « L’image d’un État centralisé, que l’Église catholique offrit d’elle-même jusqu’au concile, ne découle pas de la charge de Pierre… Le droit ecclésial unitaire, la liturgie unitaire, l’attribution unitaire des sièges épiscopaux à partir du centre romain… sont des choses qui ne font pas nécessairement partie de la primauté en tant que telle [5]» La catholicité de l’Église n’est pas cet universalisme appauvrissant, précurseur de la mondialisation. En grec, kath’olon signifie « selon le tout » ou, en paraphrasant, « être riche du tout, dans sa particularité ». Mais cette plénitude qualitative demeure l’objet d’une poursuite. Dans le récit de la Pentecôte, la catholicité est symbolisée par le fait que chacun des auditeurs provenant de « toutes les nations qui sont sous le ciel » (Ac 2, 5) entendait « la Bonne Nouvelle en sa langue maternelle » (Ac 2, 8). Ainsi, toute culture est capable de la foi chrétienne et l’Église est appelée à parler toutes les langues, à être une et diverse, bref catholique. »

 

Église syriaque orthodoxe

L’Église syriaque orthodoxe [6] (syriaque : ܥܺܕܬܳܐ ܣܽܘ̣ܪܝܳܝܬܳܐ ܗܰܝܡܳܢܽܘܬܳܐ ܬܪܺܝܨܰܬ ܫܽܘ̣ܒ̣ܚܳܐ1) est une Église orientale autocéphale. Elle fait partie de l’ensemble des Églises des trois conciles [7]. Le chef de l’Église  porte le titre de Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient (en syriaque : ܦܛܪܝܪܟܐ ܕܐܢܛܝܘܟܝܐ ܘܕܟܠܗ̇ ܡܕܢܚܐ , avec résidence à Damas.

Accords bilatéraux :

Le premier d’entre eux, sous le règne du patriarche Ignace Jacques III d’Antioche et du pape Paul VI aboutit à une déclaration commune publiée au Vatican le 27 octobre 1971 signée par les deux responsables religieux [8] :

« La période de récrimination et de condamnation mutuelles a fait place à une volonté de s’efforcer ensemble, sincèrement de diminuer et, éventuellement de supprimer le fardeau de l’histoire qui pèse encore lourdement sur les chrétiens.
Un progrès a déjà été fait, et le pape Paul VI et le patriarche Ignace Jacques III d’Antioche sont d’accord sur le fait qu’il n’y a pas de différences dans la foi qu’ils professent, concernant le mystère du Verbe de Dieu, fait chair et devenu réellement homme même si, au cours des siècles, des difficultés ont surgi des différentes expressions théologiques par lesquelles cette foi était exprimée. »

Ce dialogue a été poursuivi par le patriarche Mar Ignace Zakka Ier Iwas et le pape Jean-Paul II et a abouti à une déclaration commune [9] le 23 juin 1984 à Rome

Église copte orthodoxe

     L’Église copte orthodoxe est une Église antéchalcédonienne et autocéphale. Elle fait partie de l’ensemble des Églises des trois conciles qui rassemble environ 15 à 20 millions de baptisés (principalement Égypte). Son chef porte le titre de pape d’Alexandrie et patriarche de la Prédication de saint Marc et de toute l’Afrique, avec résidence au Caire.

Dialogue bilatéral

      • Mai 1973 : visite à Rome du pape Shenouda III qui rencontre le pape Paul VI. Il s’agit de la première rencontre et du premier rapprochement entre Rome et Alexandrie depuis le concile de Chalcédoine en 451, soit depuis plus de 1500 ans. Les deux patriarches signent une déclaration commune le 10 mai 1973 [10].

À la suite de cette rencontre fut constituée la « Commission mixte entre l’Église catholique et l’Église copte orthodoxe». Parmi les documents produits par ladite commission il y a lieu de souligner :

      • la déclaration christologique [11] du 29 août 1976
      • la formule christologique du 12 février 1988 approuvée par les deux Églises qui déclare :

« Nous croyons que notre seigneur, Dieu et Sauveur, Jésus-Christ, le Verbe Incarné est parfait dans Sa Divinité et parfait dans Son Humanité. Il fit Son Humanité Une avec Sa Divinité, sans mélange, sans amalgame, sans confusion. Sa Divinité n’a pas été séparée de Son Humanité à un seul instant, même pas le temps d’un clin d’œil.

Nous anathématisons à la fois les doctrines de Nestorius et Eutychès »

Église apostolique assyrienne de l’Orient

L’Église apostolique assyrienne de l’Orient [12] ou Sainte Église apostolique assyrienne de l’Orient (‘Ittā Qaddishtā wa-Shlikhāitā Qattoliqi d-Madnĕkhā d-Ātārāyē) est une Église autocéphale de tradition syriaque orientale. Elle fait partie de l’ensemble des Églises des deux conciles. Le chef de l’Église porte le titre de Catholicos-Patriarche de la Sainte Église Apostolique Assyrienne de l’Orient (ou celui, plus traditionnel, de Métropolite de Séleucie-Ctésiphon, Catholicos et Patriarche de l’Orient), avec résidence à Erbil au Kurdistan (Irak).

Déclaration christologique commune

      • 11 novembre 1994 : signature au Vatican d’une « Déclaration christologique commune [13] » par le pape Jean-Paul II et le patriarche Mar Dinkha IV.

Le pape Jean Paul II et le patriarche Mar Dinkha IV, en signant cette déclaration, ont clos, pour leurs Églises, les différentes controverses liées à la querelle nestorienne.

« Sa Sainteté Jean-Paul II, Évêque de Rome et Pape de l’Église catholique, et Sa Sainteté Mar Dinkha IV, Catholicos-Patriarche de l’Église assyrienne de l’Orient, rendent grâce à Dieu qui leur a inspiré cette nouvelle rencontre fraternelle.
Ils considèrent celle-ci comme une étape fondamentale sur la voie de la pleine communion à restaurer entre leurs deux Églises. En effet, ils peuvent désormais proclamer ensemble devant le monde leur foi commune dans le mystère de l’Incarnation
. »

      • 2 juillet 2001 : Rome reconnaît la validité de l’Eucharistie célébrée selon l’anaphore de Addai et Mari [14], qui n’inclut pas le récit évangélique de l’Institution.

Église apostolique arménienne

     L’Église apostolique arménienne [15] (en arménien : Հայաստանեայց Առաքելական Եկեղեցի, Hayastaneayc Arakelakan Yekeqeci) est une Église chrétienne « orthodoxe orientale » autocéphale. C’est une des Églises des trois conciles.

Elle revendique son titre d’« apostolique » en faisant remonter ses origines aux apôtres Jude, Thaddée,   et Barthélemy. Devenue religion officielle du royaume d’Arménie avec la conversion du roi Tiridate IV par saint Grégoire l’Illuminateur, elle développe son particularisme du VIe au début du VIIIe siècle, qui voit sa christologie se stabiliser selon la doctrine miaphysite.

Le « Patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens » qui réside à Etchmiadzin près d’Erevan bénéficie d’une primauté d’honneur parmi les différents hiérarques.

Déclaration commune

      • 1996 : déclaration commune de Jean-Paul II et de Karékine Ier :

« …Ils saluent avec une satisfaction particulière le grand progrès réalisé par leurs Églises dans leur recherche commune de l’unité dans le Christ, le Verbe de Dieu fait chair. Dieu parfait dans sa divinité, homme parfait dans Son humanité, Sa divinité est liée à Son humanité dans la Personne du Fils Unique de Dieu, dans une union qui est réelle, parfaite, sans confusion, sans altération, sans division, sans aucune forme de séparation.

La réalité de cette foi commune en Jésus Christ et dans la succession même du ministère apostolique, a été parfois voilée ou ignorée. Des facteurs linguistiques, culturels et politiques ont largement contribué à l’apparition de divergences théologiques qui ont trouvé une expression dans la terminologie utilisée pour la formulation de leur doctrine. […] en vertu de la déclaration présente, les controverses et les divisions regrettables qui ont parfois découlé des façons différentes d’exprimer cette foi, ne devraient plus continuer à influer de façon négative sur la vie et sur le témoignage de l’Église d’aujourd’hui[16]»

 

 

[1] LEGRAND Hervé, « L’œcuménisme aujourd’hui », Raisons politiques, 2001/4 (no 4), p. 121-132. DOI : 10.3917/rai.004.0121. URL : https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2001-4-page-121.htm)
[2] Acta Apostolicae Sedis, 56, 1964, p. 1010-1011 (in : LEGRAND Hervé, « L’œcuménisme aujourd’hui », Raisons politiques, 2001/4 op. cit.)
[3] Dans les explications préalables au vote du texte, on écarte une objection à cette appellation en rappelant « qu’il est manifeste dans la tradition catholique que les Églises orientales séparées sont appelées Églises et ceci en un sens propre », Acta Synodalia, Vatican, 1975, vol. III, pars 7, p. 35 1011 (in : LEGRAND Hervé, « L’œcuménisme aujourd’hui », Raisons politiques, 2001/4 op. cit.)
[4] Joseph Ratzinger prend appui à deux reprises sur Hans Dombois dans Le nouveau peuple de Dieu (Paris, Aubier, 1971), p. 68 puis p. 124 où il cite « Kirchenspaltung und Einheitsproblematik », dans Begegnung der Christen. Festschrift O. Karrer, Stuttgart, Evangelisches Verlagswerk ; Frankfurt, J. Knecht, 1960 (2e éd.), p. 395 : « L’histoire nous apprend que l’unité de l’Église et l’Église unitaire se contredisent tellement qu’une Église unitaire ne saurait être le modèle de l’unité de l’Église ». (in : LEGRAND Hervé, « L’œcuménisme aujourd’hui », Raisons politiques, 2001/4 op. cit.)
[5] «… Par suite, la tâche à envisager serait de distinguer à nouveau, plus nettement, entre la fonction proprement dite du successeur de Pierre et la fonction patriarcale ; en cas de besoin de créer de nouveaux patriarcats détachés de l’Église latine… on pourra, dans un avenir pas trop éloigné, se demander si les Églises d’Asie et d’Afrique, comme celles d’Orient, ne pourraient pas “devenir l’équivalent” de patriarcats sous ce nom ou tout autre que l’on voudra donner à l’avenir à ces Églises dans l’Église », dans J. Ratzinger, Le nouveau peuple de Dieu, op. cit., p. 68-69. ». (in : LEGRAND Hervé, « L’œcuménisme aujourd’hui », Raisons politiques, 2001/4 op. cit.)
Voir à ce sujet l’article très important de : VANHOOMISSEN Guy, « Une Messe sans paroles de consécration ? À propos de la validité de l’anaphore d’Addaï et Mari », Nouvelle revue théologique, 2005/1 (Tome 127), p. 36-46. DOI : 10.3917/nrt.271.0036. URL : https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2005-1-page-36.htm

 

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