la participation à l’eucharistie dans la Russie actuelle.

La conférence des évêques de l’Église orthodoxe russe  publie ce document sur la participation à l’eucharistie.

Texte suivi d’un article de Danièle Gousseff qui dans la revue orthodoxe “Contacts” donne une autre approche de la question de participation à l’Eucharistie dans l’orthodoxie.

Document sur la participation à l’eucharistie dans la Russie actuelle. (texte entier)

2015 04 01 orthodoxie russe

 

Du 2 au 3 février s’est réunie la conférence des évêques de l’Église orthodoxe russe en la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou. 259 évêques y ont participé avec, à leur tête, le patriarche de Moscou, Cyrille. Plusieurs documents ont été approuvés, dont celui que nous publions ci-après, intitulé « De la participation des fidèles à l’eucharistie ». Ce document donne des directives aux archipasteurs (prélats), pasteurs et laïcs de l’Église orthodoxe russe au sujet des différents problèmes liés à la communion et à la préparation à celle-ci.

L’eucharistie est le principal mystère de l’Église, institué par le Seigneur Jésus-Christ à la veille de Ses souffrances salvatrices, de Sa mort sur la Croix et de Sa résurrection. La participation à l’eucharistie et la communion au corps et au sang du Christ constituent un commandement du Sauveur qui, par Ses disciples, a dit à tous les chrétiens : « Prenez, mangez, ceci est mon corps » et « Buvez-en tous ; car ceci est mon sang, le sang de la Nouvelle Alliance » (Matth. 26, 26-28). L’Église même est le corps du Christ et, pour cette raison, le mystère du corps et du sang du Christ manifeste de façon visible la nature mystique de l’Église, créant la communauté ecclésiale.

La vie spirituelle du chrétien orthodoxe est impensable sans la communion aux saints mystères. En communiant aux saints dons, les fidèles sont sanctifiés par la force de l’Esprit Saint et sont unis avec le Christ Sauveur et les uns avec les autres, constituant ainsi le corps unique du Christ.

Le mystère de l’eucharistie nécessite une préparation particulière. Dans l’Église, le temps même, qu’il s’agisse de celui de la vie humaine ou de l’histoire de toute l’humanité, est l’attente et la préparation à la rencontre avec le Christ, tandis que tout le rythme de la vie liturgique constitue l’attente et la préparation de la divine liturgie et par conséquent de la communion, raison pour laquelle elle est célébrée.

La pratique de la communion et la préparation à celle-ci a changé et a revêtu différentes formes dans l’histoire de l’Église.

À l’époque apostolique déjà, la tradition s’est établie dans l’Église de célébrer l’eucharistie chaque dimanche (et si possible, plus souvent ; par exemple le jour de la mémoire des martyrs), afin que les chrétiens puissent demeurer continuellement en communion avec le Christ et aussi les uns avec les autres (cf. par exemple, I Cor. 10, 16-17 ; Actes 2, 46 et 20,7). Tous les membres de la communauté locale participaient à l’eucharistie hebdomadaire et communiaient, tandis que le refus de participer à l’eucharistie sans motifs suffisants était exposé à la réprobation : « Tous les fidèles qui restent dans l’église et entendent les Écritures, mais ne restent pas à la prière et à la sainte communion, doivent être excommuniés, comme causant du désordre dans l’Église » (9ème canon apostolique). La pratique primitive chrétienne de la communion à chaque divine liturgie reste l’idéal pour notre époque aussi, ladite pratique constituant une partie de la tradition de l’Église.

En même temps, la croissance quantitative de l’Église au IIIème et particulièrement au IVème siècle a abouti à des changements, y compris dans la vie liturgique. Avec l’augmentation du nombre de jours dédiés à la mémoire des martyrs et des fêtes, les assemblées eucharistiques ont eu lieu toujours plus souvent, et la présence de chaque chrétien à celles-ci a commencé à être considérée par beaucoup comme souhaitable, mais non obligatoire, de même que la participation à la communion.

L’Église a opposé à cela la norme canonique suivante : « Ceux qui viennent à l’église et écoutent la lecture des saints livres, mais ne veulent pas prendre part à la prière liturgique avec le peuple ou, par une sorte d’indiscipline, se détournent de la communion à la sainte eucharistie, qu’ils soient exclus de l’Église, jusqu’à ce que, s’étant confessés et ayant produit des fruits de repentir et demandé le pardon, ils aient ainsi obtenu celui-ci » (2ème canon du concile d’Antioche).

Néanmoins, l’idéal élevé d’être prêt en permanence à recevoir les saints mystères s’est avéré difficilement réalisable pour de nombreux chrétiens. Aussi, déjà dans les œuvres des saints Pères du IVe siècle, on trouve des témoignages au sujet de la coexistence de pratiques différentes concernant le rythme de la communion. C’est ainsi que saint Basile le Grand parle de la communion quatre fois dans la semaine comme d’une norme : « Communier même tous les jours et participer au saint Corps et au précieux Sang du Christ est chose bonne et profitable, car Lui-même dit clairement : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle (…) Nous, cependant, nous communions quatre fois par semaine : le dimanche, le mercredi, le vendredi et le samedi, et aussi les autres jours, si l’on y fait mémoire de quelque saint » (Lettre 93).

Moins d’un demi-siècle plus tard, saint Jean Chrysostome remarque que beaucoup – dont des moines et moniales – se sont mis à communier une ou deux fois par an : « Beaucoup, en toute une année, ne participent qu’une fois à ce sacrifice ; d’autres, deux fois ; d’autres, plusieurs fois. Je m’adresse donc à tous, non seulement à ceux qui sont présents ici, mais encore à ceux qui demeurent dans le désert ; car ceux-ci [également] communient une fois par an, et ce n’est pas rare qu’ils le fassent une fois en deux ans. Quoi donc ? Qui approuverons-nous ? Ceux qui [communient] une fois [l’an], ceux qui communient souvent, ou ceux qui [communient] rarement ? Ni les uns, ni les autres, ni les troisièmes, mais ceux-là seuls qui communient avec un cœur pur et une vie irréprochable. Que ces derniers s’approchent toujours [des saints mystères] ; quant à ceux qui ne sont pas tels [ils ne doivent pas communier], pas même une fois [dans l’année] » (Homélie sur l’épître aux Hébreux, 17,4).

Au IVe siècle a été fixée définitivement la norme qui s’était constituée, à l’époque pré-nicéenne, du jeûne eucharistique obligatoire, à savoir l’abstinence totale de nourriture et boisson le jour de la communion jusqu’à la réception des saints mystères du Christ : « Que le saint Mystère de l’autel ne soit accompli que par des hommes à jeun » (41ème canon du Concile de Carthage ; confirmé par le 29ème canon In Trullo).

Cependant, à la limite des IV e et V e siècles, certains chrétiens lièrent la communion non seulement à l’observance de l’abstinence eucharistique avant la Liturgie, mais aussi, selon le témoignage de saint Jean Chrysostome, avec le temps du grand carême. Le saint hiérarque appelle à une communion plus fréquente : « Dites-moi, lorsque vous participez à la communion une fois par an, pensez-vous que quarante jours vous suffisent pour purifier les péchés de toute cette période ? Et même encore, à peine une semaine se sera-t-elle écoulée que vous vous livrerez à vos anciens excès ! Or, si après quarante jours à peine de convalescence d’une longue maladie, vous vous permettiez sans mesure tous les aliments qui engendrent les maladies, ne perdriez-vous pas votre peine et vos efforts passés ? Car si [la santé] physique est réglée ainsi, d’autant plus [la santé] morale ! ( …) Vous accordez quarante jours, peut-être même moins, à la santé de votre âme, et vous croyez avoir apaisé votre Dieu ! (…) Je parle ainsi, non pour vous interdire d’approcher [les saints mystères] une fois par an, mais plutôt parce que je souhaiterais que vous vous en approchiez toujours » (Homélie sur l’épître aux Hébreux, 17,4).

Dans le milieu monastique de Byzance, vers les XI e et XII e siècles s’est établie la tradition de ne communier qu’après une préparation comprenant le jeûne, l’examen de sa conscience devant le père spirituel du monastère, la récitation d’une règle particulière de prières avant la communion. Cette règle est née et a commencé à se développer précisément à cette époque. C’est vers cette tradition qu’ont commencé à s’orienter également les pieux laïcs, étant donné que la spiritualité monastique, dans l’orthodoxie, a toujours été reçue comme un idéal. Cette tradition est représentée sous sa forme la plus stricte, par exemple, dans les rubriques du Typicon russe (chapitre 32) qui, à la différence du Typicon grec, mentionne le jeûne obligatoire d’une semaine avant la communion.

En 1699, dans la rédaction du liturgicon [služebnik] russe a été incluse une rubrique intitulée « Avis didactique ». Celle-ci comprend aussi, entre autres, une indication sur le délai obligatoire de préparation à la sainte communion, à savoir que, durant les quatre carêmes, tous ceux qui le souhaitent peuvent communier, tandis qu’en dehors de ces périodes il convient de jeûner sept jours, ledit délai pouvant être réduit : « Si donc, en dehors des quatre carêmes habituels, on souhaite s’approcher de la sainte communion, que l’on jeûne sept jours auparavant ; en cas de nécessité, que l’on ne jeûne que trois jours, ou un seul jour ».

En pratique, cette approche extrêmement stricte envers la préparation à la sainte communion, qui avait des côtés spirituels positifs, a néanmoins amené au fait que certains chrétiens ne communiaient pas pendant longtemps, en se référant à la nécessité d’une préparation digne. Contre une telle pratique de communion peu fréquente était dirigée, en partie, la norme de la communion obligatoire de tous les chrétiens de l’Empire russe, au moins une fois par an, contenue dans le « Règlement spirituel » : « Chaque chrétien doit communier souvent à la sainte eucharistie, ne serait-ce qu’une fois par an. Celle-ci constitue notre action de grâces la plus belle envers Dieu pour tant de choses accomplies pour notre salut par la mort du Sauveur… Aussi, si un quelconque chrétien montre qu’il s’éloigne fort de la sainte communion, il manifeste ainsi qu’il n’est pas dans le corps du Christ, c’est-à-dire qu’il ne participe pas à l’Église ».

Au XIXe et début du XXe siècle, les gens pieux aspiraient à communier au moins lors des quatre carêmes. Beaucoup de saints de cette époque, parmi lesquels saint Théophane le Reclus, saint Jean de Cronstadt et d’autres saints appelaient à s’approcher des saints mystères encore plus souvent. Selon les paroles de saint Théophane, « le rythme [de la communion] à raison d’une ou deux fois par mois, est le plus raisonnable », bien qu’on « ne puisse rien dire de désapprobateur » de la communion plus fréquente. Chaque fidèle peut se diriger par les paroles suivantes de ce saint : « Communiez aux saints mystères plus souvent, selon ce que le père spirituel l’autorise, mais efforcez-vous seulement de vous en approcher avec la préparation convenable et, encore plus, avec crainte et tremblement, afin, qu’en s’y habituant, on ne s’en approche pas avec indifférence ».

L’exploit de la confession de la foi de l’Église pendant les années de persécutions du XXe siècle a incité de nombreux prêtres et fidèles à repenser la pratique qui existait précédemment de la communion peu fréquente. Entre autres, en 1931, le Synode patriarcal provisoire, dans son décret du 13 mai, a décidé de « Reconnaître recevable le souhait concernant la possibilité de la communion fréquente des chrétiens orthodoxes et, pour ceux qui sont le plus avancés parmi eux, la communion chaque dimanche ».

Actuellement, de nombreux orthodoxes communient bien plus souvent que la majorité des chrétiens dans la Russie prérévolutionnaire. Néanmoins, la pratique de la communion fréquente ne peut être étendue automatiquement à tous les fidèles sans exception, étant donné que la fréquence de la communion dépend directement de l’état spirituel et moral de l’homme afin que, selon les paroles de St Jean Chrysostome, les fidèles s’approchent des saints Mystères « avec une conscience pure, autant que cela nous soit possible » (Discours III,4)

I. La préparation

Les exigences de la préparation à la sainte communion sont définies pour chaque fidèle par les dispositions et les normes ecclésiales, qui sont appliquées par le père spirituel, en tenant compte de la régularité de la communion aux saints mystères, de l’état spirituel, moral et corporel, des circonstances extérieures de la vie telles que, par exemple, celles de la profession, la surcharge due au souci des autres.
Le père spirituel du fidèle est le prêtre chez lequel il se confesse de façon régulière, qui connaît les circonstances de sa vie et son état spirituel. Néanmoins, les fidèles peuvent se confesser chez d’autres prêtres dans le cas d’impossibilité de se confesser à leur père spirituel. S’il n’en a pas, le fidèle doit s’adresser avec ses questions concernant la communion au prêtre de l’église où il souhaite communier.
À l’instar du père spirituel, qui se dirige par les dispositions et les normes ecclésiales et qui, sur leur base, guide le chrétien, le fidèle qui va communier doit, à son tour, avoir conscience que le but de la préparation n’est pas l’accomplissement extérieur de conditions formelles, mais l’acquisition d’un état de repentir pour son âme, le pardon des offenses et la réconciliation avec le prochain, l’union avec le Christ dans les saints mystères. La prière et le jeûne sont appelés à aider celui qui se prépare à la communion et à l’acquisition de cet état intérieur.
En se rappelant des paroles du Sauveur fustigeant ceux qui imposent aux hommes des fardeaux pesants et insupportables (cf. Matth. 23,4), les pères spirituels doivent prendre conscience qu’une sévérité injustifiée, de même qu’une condescendance exagérée peuvent constituer un obstacle à l’union de l’homme avec le Christ Sauveur, lui causer un préjudice spirituel.
La préparation des moines et moniales à la participation au mystère de l’eucharistie est réalisée conformément au Règlement [de l’Église orthodoxe russe] concernant les monastères et le monachisme ainsi qu’aux règles internes des monastères.
La pratique du jeûne préparatoire est réglementée par la tradition ascétique de l’Église. Le jeûne, sous la forme d’abstinence de nourriture grasse et de l’éloignement des distractions, accompagné par la prière ardente et le repentir, précède traditionnellement la communion aux saints mystères. La durée et la mesure du jeûne peuvent être différentes en fonction de l’état intérieur du chrétien, et aussi des circonstances objectives de sa vie. En partie, en cas de maladies aiguës ou chroniques, exigeant un régime alimentaire particulier, et pour les femmes qui sont enceintes ou allaitent, le jeûne peut être abrégé, allégé ou abrogé. Cela concerne aussi les chrétiens qui, provisoirement ou de façon permanente séjournent dans des foyers ou institutions civils qui offrent la même nourriture pour tous (unités militaires, hôpitaux, internats, écoles spéciales, lieux de détention).
La pratique qui s’est constituée de nos jours, selon laquelle celui qui communie quelques fois dans l’année jeûne trois jours avant la communion, correspond pleinement à la tradition de l’Église. Il convient également de reconnaître comme acceptable la pratique selon laquelle celui qui communie chaque semaine ou quelques fois par mois et qui, ce faisant, observe également les jeûnes et carêmes d’un ou plusieurs jours indiqués par le Typicon, s’approche du saint calice sans jeûne complémentaire, ou en observant un jeûne d’une journée ou encore en jeûnant le soir, la veille de la communion. La décision à ce sujet doit être prise avec la bénédiction du père spirituel. Les exigences de préparation à la sainte communion adressées aux laïcs qui communient souvent concernent également les clercs.
La Semaine lumineuse, celle qui suit la fête de Pâques, constitue un cas particulier pour ce qui concerne la pratique de la préparation à la sainte communion. La norme canonique ancienne sur la participation obligatoire de tous les fidèles à l’eucharistie du dimanche, a été étendue, au VIIe siècle, à la divine liturgie célébrée tous les jours au cours de la Semaine lumineuse : « Depuis le saint jour de la résurrection du Christ notre Dieu jusqu’au Nouveau Dimanche, les fidèles doivent fréquenter toute la semaine les saintes églises, se réjouissant dans le Christ et chantant des psaumes et des cantiques et des chants spirituels, s’appliquant à la lecture des saintes Écritures et faisant leurs délices de la communion aux saints mystères ; en effet, nous serons ainsi ressuscités et exaltés avec le Christ » (66e canon du Concile In Trullo). Il ressort clairement de ce canon que les laïcs sont appelés à communier aux liturgies de la Semaine lumineuse. Étant donné que, lors de la Semaine lumineuse, le Typicon ne prévoit pas de jeûne et que ladite semaine est précédée des sept semaines du grand carême et de la Semaine sainte, il convient de reconnaître conforme à la tradition canonique la pratique qui s’est constituée dans de nombreuses paroisses de l’Église orthodoxe russe, selon laquelle les chrétiens qui ont observé le grand carême s’approchent de la sainte communion pendant la Semaine lumineuse, limitant le jeûne à ne pas prendre de nourriture après minuit. Une pratique analogique peut être étendue à la période qui s’étend de la Nativité du Christ jusqu’à la Théophanie. Celui qui se prépare à la communion en ces jours doit, avec une attention particulière, se garder de la consommation immodérée de nourriture et de boisson.

II. Le jeune

Il convient de différencier le jeûne eucharistique dans le sens strict, du jeûne de préparation. Il s’agit dans le premier cas de l’abstinence totale de nourriture et de boisson, à partir de minuit jusqu’à la sainte communion. Ce jeûne est canoniquement obligatoire (cf. le 41e canon de Carthage cité plus haut). Toutefois, l’exigence de ce jeûne eucharistique n’est pas appliquée aux nourrissons, ainsi qu’aux personnes souffrant de maladies soudaines ou chroniques, nécessitant la prise systématique de médicaments ou de nourriture (comme par exemple en cas de diabète), et aux mourants. En outre, cette exigence, à la discrétion du père spirituel, peut être atténuée en ce qui concerne les femmes enceintes ou allaitant.
Le droit canon prescrit de s’abstenir des relations conjugales lors de la période de préparation à la sainte communion. Le 5e canon de Timothée d’Alexandrie parle de l’abstinence à la veille de la communion.
L’Église appelle les chrétiens exposés à la nocive habitude du tabagisme d’y renoncer. À ceux qui n’ont pas encore la force de le faire, il appartient de s’abstenir de fumer depuis minuit et, si cela est possible, depuis le soir, la veille de la communion.
Étant donné que la liturgie des dons présanctifiés est réunie aux vêpres, sa célébration le soir est une norme découlant du Typicon (au demeurant, en pratique, cette liturgie est habituellement célébrée le matin). Conformément à la décision du Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe du 28 novembre 1968, « lors de la célébration de la divine liturgie des dons présanctifiés le soir, l’abstinence de nourriture et de boisson pour les communiants ne doit pas être inférieure à six heures, étant toutefois entendu que l’abstinence avant la communion, depuis minuit, au commencement de la journée concernée, est fort louable, et qu’elle peut être observée par ceux qui en ont la force physique ».
Il convient aussi de s’orienter vers une abstinence non inférieure à six heures lors de la préparation à la communion pour la divine liturgie célébrée la nuit (par exemple, pour les fêtes de Pâques ou de la Nativité du Christ).
La préparation à la communion consiste non seulement à renoncer à une nourriture définie, mais aussi à une assistance plus fréquente aux offices, ainsi qu’à l’accomplissement de la règle de prière.
Une partie intégrante de la préparation dans la prière à la réception des saints dons est constituée par l’office de la sainte communion, composé du canon correspondant et des prières. La règle d’encore d’autres prières (cf. « Règle pour ceux qui se préparent à célébrer et ceux qui veulent communier aux saints mystères divins du corps et du sang de notre Seigneur Jésus-Christ », se trouve dans le « Psautier complet ». Pendant la Semaine lumineuse, la règle de prière est constituée du canon pascal, ainsi que du canon et des prières de la sainte communion. La règle personnelle de prière doit être accomplie hors de l’office ecclésial, qui présuppose toujours une prière universelle. Une attention pastorale particulière est requise à l’égard des gens dont le cheminement spirituel ne fait que commencer et qui ne sont pas encore habitués à de longues règles de prières, ainsi qu’à l’égard des enfants et des malades. Le « Psautier complet » propose la possibilité de remplacer les canons et les acathistes par la prière de Jésus et les métanies. Dans l’esprit de cette indication, avec la bénédiction du père spirituel, la règle susmentionnée peut être remplacée par d’autres prières.
Étant donné que la liturgie est l’apogée du cercle liturgique entier, la présence aux offices qui la précèdent, en premier lieu les vêpres et les matines (ou les vigiles), constitue une partie importante de la préparation à la réception du saint corps et du saint sang du Christ.
Dans le cas où la personne était absente à l’office du soir la veille de la communion, ou si elle n’a pas accompli la règle de prière dans son intégralité, le père spirituel ou le confesseur doit inciter celle-ci à une préparation minutieuse à la communion, tout prenant en compte les circonstances de sa vie et les causes valables possibles.
En se préparant à la réception des saints mystères du Christ lors de la divine liturgie, les enfants de l’Église doivent venir à l’église au début de l’office. L’arrivée en retard à la divine liturgie constitue une négligence envers le mystère du Corps et du sang du Christ, particulièrement lorsque les fidèles arrivent à l’église après les lectures de l’épître et de l’Évangile. En cas d’un tel retard, le confesseur ou le père spirituel peut prendre la décision de ne pas permettre à la personne de communier. Une exception peut être faite pour les personnes aux capacités physiques restreintes, les mères qui allaitent, les enfants en bas âge et les adultes qui les accompagnent.
À l’issue de la divine liturgie, le chrétien doit écouter ou lire les prières d’actions de grâces après la sainte communion. Le chrétien doit faire tous les efforts pour que, après avoir rendu grâces au Seigneur dans la prière pour le don reçu, il garde celui-ci dans la paix et la piété, l’amour envers Dieu et le prochain.
Eu égard au lien indissociable entre la communion et la divine liturgie, le clergé ne doit pas tolérer la pratique en vigueur dans certaines églises, consistant à interdire aux fidèles de communier les jours des fêtes de Pâques, de la Nativité du Christ, de la Théophanie, les samedis des défunts [pendant le Grand Carême] et le jour des défunts, le mardi de la deuxième semaine pascale.

III. L’examen de conscience

Celui qui se prépare à la sainte communion accomplit un examen de sa conscience, ce qui suppose un repentir sincère des péchés commis et leur révélation devant le prêtre lors du mystère de la pénitence. Dans des conditions où beaucoup de ceux qui viennent dans les églises ne sont pas encore suffisamment enracinés dans la vie ecclésiale, moyennant quoi ils ne comprennent pas, parfois, la signification du mystère de l’eucharistie ou n’ont pas conscience des conséquences morales et canoniques de leurs péchés, la confession permet au confesseur de juger de la possibilité de permettre à celui qui se repent d’accéder aux saints mystères du Christ.
Dans des cas individuels, conformément à la pratique qui s’est créée dans de nombreuses paroisses, le père spirituel peut bénir le laïc pour communier au corps et au sang du Christ plusieurs fois au cours de la semaine (par exemple, durant la Semaine sainte et la Semaine lumineuse) sans confession préalable avant chaque communion, sauf dans la situation où celui qui souhaite communier ressent la nécessité de se confesser.
Lorsqu’ils accordent la bénédiction correspondante, les pères spirituels doivent particulièrement se rappeler de leur grande responsabilité envers les âmes des ouailles, qui leur est confiée dans le mystère du sacerdoce.
Dans certaines paroisses se produit une longue attente jusqu’au commencement de la communion des laïcs. La raison en est la longue communion du clergé lors d’offices concélébrés ou les confessions effectuées après le chant de communion. Un tel état de fait doit être considéré comme non souhaitable. Le mystère de la pénitence doit être effectué si possible en dehors de la divine liturgie, afin de ne pas priver celui qui confesse et celui qui se confesse de la pleine participation à la prière eucharistique commune. La confession des fidèles par un prêtre au moment de la lecture de l’Évangile et du canon eucharistique est inacceptable. Il est souhaitable de procéder à la confession de préférence la veille au soir ou avant le commencement de la liturgie. En outre, il est important d’instituer des jours et des horaires fixes dans les paroisses dans lesquelles un prêtre est sans faute présent pour rencontrer ceux qui souhaitent parler à un pasteur.
IV. Les empêchements
Il n’est pas permis de communier dans un état d’emportement, de colère, de péchés non confessés ou d’offenses non pardonnées. Ceux qui osent s’approcher des dons eucharistiques dans une telle situation s’exposent eux-mêmes au jugement de Dieu, selon les paroles de l’apôtre : « Celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même. C’est pour cela qu’il y a parmi vous beaucoup d’infirmes et de malades, et qu’un grand nombre sont morts » (1 Cor. 11, 29-30).
En cas de péchés graves, l’application des canons relative à l’excommunication pour de longues périodes (supérieures à un an) ne peut être pratiquée qu’avec la bénédiction de l’évêque diocésain. En cas d’utilisation abusive de sanctions par le prêtre, la question peut être transmise pour examen au tribunal ecclésiastique.[…]
V. Le mariage
Comme cela est mentionné dans « Les bases de la conception sociale de l’Église orthodoxe russe » (ch. X,2) et dans les décisions du Saint-Synode de l’Église orthodoxe russe du 28 décembre 1998, l’Église insiste sur la nécessité du mariage religieux, tout en ne privant pas de la communion aux saints mystères les époux vivant en union matrimoniale [civile], conclue en acceptant tous les droits et obligations légales en découlant et qui est reconnue en tant que mariage juridiquement valide, mais qui pour quelques raisons n’a pas été sanctifiée par l’office religieux. Cette mesure d’économie ecclésiale, qui s’appuie sur les paroles du saint apôtre Paul (1 Cor. 7,14) et le 72e canon du Concile In Trullo, a pour but de faciliter la participation à la vie de l’Église pour les chrétiens orthodoxes qui se sont mariés avant de participer de façon consciente aux mystères de l’Église. À la différence de la cohabitation lascive, qui constitue un empêchement à la communion, une telle union aux yeux de l’Église se présente comme un mariage légal (à l’exception des cas de « mariages » permis légalement tels que, par exemple, l’union entre parents proches ou la cohabitation de personnes de même sexe reconnus dans certains pays, lesquels sont inacceptables du point de vue de l’Église). Cependant, le devoir des pasteurs est de rappeler aux fidèles la nécessité non seulement de la conclusion d’un mariage juridiquement valable, mais la sanctification de celui-ci dans le cadre de l’acte sacré ecclésial.
Doivent être soumis à un examen individuel les cas où des personnes vivent ensemble depuis longtemps, ont souvent des enfants communs, mais ne sont mariés ni ecclésialement ni civilement, l’une des parties à cette cohabitation ne souhaitant ni l’une ni l’autre forme de mariage. De telles cohabitations sont peccamineuses et leur propagation dans le monde constitue une opposition au dessein divin concernant l’homme, dangereuse pour l’institution du mariage, et elles ne peuvent recevoir aucune reconnaissance de la part de l’Église. Cela dit, le père spirituel, connaissant les circonstances de la vie de la personne concrète, par condescendance à la faiblesse humaine, peut, dans des cas exceptionnels, permettre la communion à la partie qui est consciente du caractère peccamineux d’une telle cohabitation et aspire à conclure un mariage légal. Le concubin à cause duquel le mariage n’est pas conclu n’est pas admis à la communion. Si ne serait-ce que l’un des deux concubins se trouve marié par ailleurs, les deux parties ne peuvent être admises à la communion sans régularisation canonique de la situation et l’accomplissement d’une nécessaire pénitence.
VI. Les enfants
La préparation des enfants à la sainte communion a ses spécificités. Sa durée et son contenu sont définis par les parents après avoir consulté le père spirituel et doivent prendre en compte l’âge, l’état de santé et le degré d’ecclésialisation de l’enfant.
Il est nécessaire que les parents qui amènent régulièrement leurs enfants au saint calice, ce qui est bien en soi, s’efforcent à communier avec eux (s’il est impossible que les deux parents communient en même temps, qu’ils les fassent à tour de rôle). La pratique selon laquelle les parents font communier les enfants, mais s’approchent eux-mêmes rarement de la sainte communion, constitue un obstacle au renforcement, dans la conscience des enfants, de la nécessité de participer à la table eucharistique. La première confession avant la communion, conformément au 18e canon de Timothée d’Alexandrie, a lieu lorsque l’enfant atteint l’âge de dix ans, mais dans la tradition de l’Église orthodoxe russe, la première confession, en règle générale, s’effectue dès l’âge de sept ans. Ce faisant, l’âge de la première confession et aussi la fréquence de la confession pour l’enfant âgé de sept à dix ans doivent être déterminés, dans le cas de la communion chaque dimanche, conjointement par le père spirituel et les parents, en tenant compte des particularités individuelles et du développement de l’enfant, ainsi que de sa compréhension de la vie ecclésiale.
Pour les enfants jusqu’à trois ans, le jeûne eucharistique n’est pas obligatoire. Selon la tradition, dès qu’ils ont atteint l’âge de trois ans, on apprend graduellement aux enfants dans les familles orthodoxes à s’abstenir de nourriture et de boisson avant la communion aux saints mystères. Vers l’âge de sept ans, l’enfant doit s’habituer à communier strictement à jeun. Dès cet âge, on doit apprendre à l’enfant à lire les prières préparatoires à la sainte communion, dont le contenu et l’étendue sont définis par les parents en fonction de l’âge, du développement spirituel et intellectuel de l’enfant.
Les parrains doivent prendre une pleine participation à l’éducation des enfants dans la piété, les incitant notamment à communier régulièrement aux saints mystères du Christ et aidant les parents à les amener au saint calice.
L’eucharistie est le mystère central de l’Église. La communion régulière est nécessaire à l’homme pour son salut, conformément aux paroles de notre Seigneur Jésus-Christ : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez son sang, vous n’avez point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour » (Jn. 6, 53-54).
(Source : Orthodoxie.com)

Un article de la revue orthodoxe Contacts donne une autre approche de la question de participation à l’Eucharistie dans l’orthodoxie.

 

À la suite de la publication de ce document important de la conférence des évêques de l’Église orthodoxe russe il nous semble utile de signaler à nos lecteurs l’article d’Élie Korotkoff* paru dans Contacts. Revue française de l’Orthodoxie (n° 248) sous le titre
« Repentir, ascèse, eucharistie » (disponible à la librairie de La Procure, à Paris).
Comme dans le document russe, l’auteur procède à une analyse historique de la question de la préparation à la communion eucharistique. Dans une deuxième partie il se livre à « quelques réflexions pour notre temps sur la préparation à la communion ». Il n’est pas possible de résumer en quelques lignes ce texte très précis, détaillé et nuancé. Mais ce qu’il est très important de souligner est qu’il aboutit à une conclusion quelque peu différente de celle des évêques du patriarcat de Moscou et met moins l’accent sur les prescriptions rigoureuses de la préparation à la communion, qu’à la nécessité, pour le chrétien, de mener une vie quotidienne conforme à l’Evangile et à sa participation active à la liturgie. En effet, c’est cette vie quotidienne qui doit constituer en elle-même une préparation à la communion au Corps et au Sang du Christ. Cela implique qu’il communie à chaque liturgie comme c’était le cas au début du christianisme, et que la confession est liée aux besoins de sa vie spirituelle et n’a pas un caractère de condition nécessaire pour qu’il puisse communier.
On peut observer que le propos d’Élie Korotkoff correspond assez bien à la pratique des paroisses orthodoxes en France, particulièrement des paroisses francophones où toutes les prières sont dites à haute voix et où la participation des fidèles à l’Eucharistie est fréquente.

Danièle Gousseff

* (Membre d’une paroisse orthodoxe près de Caen (Partriarcat de Constantinople), responsable de la commission de traductions liturgique de la Fraternité Orthodoxe en France.)

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