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Marié, Catholique, membre engagé dans la Communauté de Chemin Neuf, Co-Président de l'Association Chrétienne Oecuménique de Normandie, délégué à l’œcuménisme et à la promotion de l'unité des chrétiens du diocèse de Rouen

Décès du théologien orthodoxe Boris Bobrinskoy

.Le 7 août 2020

Décès du P. Boris Bobrinskoy

Ses obsèques ont été célébrées à Bussy-en-Othe (Yonne), en Bourgogne, où il a vécu ses dernières années à proximité de l’un des plus anciens monastères orthodoxes en France

 

Pendant plus de cinquante ans, de 1954 à 2006, le père Bobrinskoy a été professeur titulaire de la chaire de théologie dogmatique de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, à Paris. Avant d’en devenir le doyen durant plus d’une décennie.
Boris Bobrinskoy fut curé de la paroisse orthodoxe de la Sainte-Trinité à Paris (Cathédrale de la rue Daru). C’est lui qui a permis une liturgie en français sur les tons slaves à la crypte.

 

Engagé dans le dialogue œcuménique

il a longtemps été membre de la commission « Foi et Constitution » du Conseil œcuménique des Églises (COE) et membre de la commission mixte de dialogue catholique-orthodoxe pendant vingt ans. il avait l’habitude de dire que « la communion eucharistique n’était pas le point de départ mais le point final de la rencontre entre les Églises ».

De 1969 à 1990 il a été responsable de la participation orthodoxe à l’Institut supérieur d’études œcuméniques, nouvellement créé, dans la foulée de Vatican II, à l’Institut catholique de Paris. “Je considère comme une bénédiction de Dieu d’avoir pu participer au dialogue œcuménique et d’avoir été constamment poussé à rendre compte de ma foi vis-à-vis de mes frères non orthodoxes dans un esprit de fidélité et de loyauté à la tradition orthodoxe, mais aussi de discrétion et de respect, attentif aux impulsions de l’Esprit dans notre chrétienté divisée” [1]

Il était l’auteur d’une demi-douzaine d’ouvrages portant principalement sur la théologie de la Trinité et du Saint-Esprit, sur la théologie de l’Église et sur la liturgie, fruit d’un enseignement de près de trente ans à l’institut de théologie orthodoxe Saint-Serge,


[1] AUBE-ELIE, CATHERINE. Rencontre avec le père Boris Bobrinskoy, théologien orthodoxe. Revue Unité des Chrétiens. N°140 – octobre 2005. Voir l’interview complète in  :  https://unitedeschretiens.fr/Boris-Bobrinskoy.html

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Le clerc, la femme, et le pouvoir

 

Un des grands débats actuels qui agitent l’Eglise Catholique, tourne -et c’est justifié- autour de la place de la femme en son sein. Avec entre autres une question récurrente : peux-t-on ordonner des femmes prêtres ?
La question suscite bien des remous et la hiérarchie catholique est en ébullition dès que le sujet est abordé [1].
Et si le problème n’était pas là seulement ? Autrement dit, la question posée est-elle la bonne question et la réponse apportée ne cache-t-elle pas autre chose que ce qu’elle dit ?

 

Une impasse ?

 

Le problème actuel majeur dans l’Eglise Catholique, fortement souligné par le pape François est le cléricalisme [2]. Et le cléricalisme est une expression majeure de ce péché fondamental qu’est la soif de pouvoir, de domination.
Être prêtre ou évêque dans une société cléricale comme l’Eglise Catholique a comme conséquence de posséder et exercer un pouvoir immense. Et les femmes en sont largement exclues, sauf à être sous l’autorité d’un prêtre.
Avec le problème ainsi posé l’impasse est double.
  • C’est par rapport au ministère sacerdotal une erreur.
  • C’est par rapport à la place des femmes -et plus largement des laïcs- dans l’Eglise une autre erreur.

Par rapport au ministère sacerdotal

L’expression « sacerdoce ministériel » souvent employé me semble être au moins maladroite.
Ce n’est pas « le prêtre » qui est au service. C’est le service particulier qui lui est demandé au sein du Peuple de Dieu, et qui lui est reconnu par l’ordination, qui le fait prêtre. Il s’agit bien de ministère sacerdotal. Le prêtre participe au ministère de l’évêque, au service de la fraction du peuple de Dieu qui lui est confiée : veiller à la fidélité dans la transmission de la foi reçue des apôtres, être le ministre des sacrements, et être le serviteur de l’unité et de la vocation missionnaire du Peuple de Dieu. « Au milieu de tous les baptisés, les prêtres sont des frères parmi leurs frères, membres de l’unique Corps du Christ dont l’édification a été confiée à tous. [3] »

 

Par rapport à la place des femmes dans l’Eglise.

La revendication féministe d’accès au ministère sacerdotal peut-il être un appel réel ? Je n’oserai en juger. Je note simplement que des femmes perçoivent cet appel [4]. Apparemment l’Esprit-Saint se moque de la dogmatique ! Il faudrait peut-être s’en préoccuper autrement qu’en évacuant le problème en le niant ou en apportant des réponses en référence au genre (masculin / féminin) qui sont pitoyables.[5]
Cette revendication par les chrétiennes d’accès aux ministères peut être aussi un désir détourné à plus de participation aux décisions qui sont prises pour elles…sans elles. (Puisque pour accéder à des postes de pouvoir il faut être prêtre…soyons prêtres.)

Une conversion nécessaire.

 

Il faut se souvenir qu’en occident, le regard de la société sur les femmes a été longtemps conditionné par le regard de l’église avec trois préjugés majeurs :
  • Les femmes étaient considérées comme inférieures aux hommes dans tous les domaines : physiquement, intellectuellement et émotionnellement. Comme on croyait que seul le sperme mâle ‘contenait’ l’enfant à naître, les femmes étaient considérées comme des êtres humains incomplets.
  • Comme Ève avait provoqué la chute de l’espèce humaine et la perte de la grâce, on pensait que toute femme portait la malédiction de son péché.
  • On croyait que les menstruations rendaient impure. En tant que créatures impures, les femmes ne pouvaient s’approcher de l’autel et des offices sacrés.
Il semble bien que pour un certain nombre de clercs ces préjugés aujourd’hui totalement irrecevables continuent à marquer -inconsciemment j’espère- leur rapport au féminin
Et pourtant.
Des femmes se sont formées et ont obtenus des licences, masters et doctorats en sciences religieuses. Leurs compétences sont parfois supérieures à celle des hommes, et en tout cas égales.

Des pas importants ont été réalisés par le Pape François.

Elles peuvent être membres de commissions et même depuis 2017 consultantes et en poste de responsabilité dans des dicastères romains [6]
Le problème du pouvoir dans l’Eglise Catholique -mais je le pense identique dans les Eglises Orthodoxes- ne peut être résolu si on fait de la « théologie misogyne » en allant chercher des arguments dans une tradition qui doit tout au factuel pour tenter d’en faire un dogme intangible.[7]

Pour résoudre ce problème de pouvoir la solution est simple. Pas besoin d’ordonner des femmes prêtres. Il suffit qu’a tous les niveaux de décision de l’Eglise des femmes, des hommes des couples, soit associés avec voix décisionnelles à la marche de l’Eglise. Que le processus ne soit pas simplement consultatif mais réellement synodal.
La vocation de femmes au ministère sacerdotal n’est pas un problème théologique. C’est un problème de conversion d’un pouvoir de clercs, mâles, à une pratique synodale de l’Eglise Peuple de Dieu.

 

Je rêve de voir le prochain pape élu par cinquante cardinaux, cinquante théologiennes et cinquante laïcs mariés et célibataires.
L’Esprit Saint n’en soufflerai pas moins -et peut-être même un peu plus- sur le conclave, et mon Eglise Catholique Romaine aurait peut-être une autre allure…
« I Have a Dream » disait le pasteur Martin Luther King. Il s’agissait déjà de libération et de justice.
Je fais un rêve….

 

Georges Fournier

 

[1] Voir à ce sujet le pape Jean-Paul II qui se débat comme diable en bénitier pour finalement asséner un argument d’autorité fort peu convaincant, parce qu’un argument d’autorité supposé clore un débat est toujours un signe de faiblesse argumentaire.  (PAPE JEAN-PAUL II. Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes. [En ligne] Vatican 22 mai 1994. Consulté le 12 juillet 2020.Disponible sur le web : http://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/apost_letters/1994/documents/hf_jp-ii_apl_19940522_ordinatio-sacerdotalis.html
[2] PAPE FRANCOIS. Lettre au cardinal Marc Ouellet, président de la commission pontificale pour l’Amérique latine. [En ligne] Vatican 19 mars 2016. Consulté le 12 juillet 2020.Disponible sur le web : http://www.vatican.va/content/francesco/fr/letters/2016/documents/papa-francesco_20160319_pont-comm-america-latina.html
[3] « Le sacrement de l’Ordre confère aux prêtres de la Nouvelle Alliance une fonction éminente et indispensable dans et pour le Peuple de Dieu, celle de pères et de docteurs. Cependant, avec tous les chrétiens, ils sont des disciples du Seigneur, que la grâce de l’appel de Dieu a fait participer à son Royaume. Au milieu de tous les baptisés, les prêtres sont des frères parmi leurs frères, membres de l’unique Corps du Christ dont l’édification a été confiée à tous» in : CONCILE VATICAN II. Décret sur le ministère et la vie des prêtres presbyterorum ordinis. [En ligne] Vatican 7 décembre 1965. Consulté le 12 juillet 2020.Disponible sur le web : http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_decree_19651207_presbyterorum-ordinis_fr.html
[5] SACREE CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI. Déclaration « Inter insignores » sur la question de l’admission des femmes au sacerdoce ministériel. [En ligne] Vatican 15 octobre 1976. Consulté le 17 juillet 2020. Disponible sur le web : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19761015_inter-insigniores_fr.html
[6] Le Pape François a nommé, ce mercredi, une femme laïque au poste de vice-présidente à la Secrétairerie d’Etat, un des plus importants ministères du Vatican voir : GUDRUN SAILER. Femmes au Vatican : une présence en constante progression. [En ligne]. Vatican news, 14 juillet 2020. Consulté 14 juillet 2020. Disponible sur le Web : https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2020-03/femmes-vatican-presence-en-progresson.html  
[7] Voir Jean-Paul II. Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes. Op cit

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Vicariat Sainte-Marie-de-Paris et Saint-Alexis-d’Ugine

samedi 4 juillet 2020

L’assemblée générale constitutive du Vicariat de tradition russe auprès de la Métropole de France du Patriarcat de Constantinople, sous le vocable de Sainte-Marie-de-Paris et Saint-Alexis-d’Ugine, s’est réuni à Meudon sous la présidence du métropolite Emmanuel de France.

Ce Vicariat est la continuation de l’ex-Exarchat patriarcal des églises orthodoxes de tradition russe resté dans l’obédience du Patriarcat de Constantinople suite à la décision du 29 novembre 2018 du Saint-Synode du de supprimer son statut

 

ref: site orthodoxie.com

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Archevêché des Églises Orthodoxes de Tradition Russe en Europe Occidentale, Patriarcat de Moscou

Ordinations épiscopales des évêques vicaires de l’Archevêché des Églises Orthodoxes de Tradition Russe en Europe Occidentale :

 

Les 27 et 28 juin 2020 ont eu lieu, avec la bénédiction de Sa Sainteté Cyrille, patriarche de Moscou et de toute la Russie, les ordinations épiscopales des évêques vicaires de l’Archevêché des Églises Orthodoxes de Tradition Russe en Europe Occidentale :

 

– l’ordination épiscopale de l’archimandrite Syméon (Cossec) le samedi 27 juin 2020, à 09h30 en la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky à Paris, au cours de la célébration de la Divine Liturgie présidée par Son Eminence le Métropolite JEAN de Doubna, Archevêque dirigeant des Églises Orthodoxes de Tradition Russe en Europe Occidentale en concélébration de Son Éminence le Métropolite Antoine de Chersonèse et d’Europe occidentale, Exarque du Patriarche de Moscou en Europe occidentale, de Son Eminence Monseigneur Nestor, Archevêque de Madrid et Lisbonne et de Son Excellence Monseigneur Marc de Neamt (Patriarcat de Roumanie).

 

– l’ordination épiscopale de l’archimandrite Elisée (Germain) aura lieu le dimanche 28 juin 2020, à 09h30 en la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky à Paris, au cours de la célébration de la Divine Liturgie présidée par Son Eminence le Métropolite JEAN de Doubna, Archevêque dirigeant des Églises Orthodoxes de Tradition Russe en Europe Occidentale en concélébration de Son Éminence le Métropolite Antoine de Chersonèse et d’Europe occidentale, Exarque du Patriarche de Moscou en Europe occidentale et de Son Eminence Monseigneur Nestor, Archevêque de Madrid et Lisbonne, et de Son Excellence Monseigneur Syméon de Domodedovo, vicaire de l’Archevêché des Églises Orthodoxes de Tradition Russe en Europe Occidentale du Patriarcat de Moscou.

 

 

 

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Quelle est l’essence fondamentale de l’Eglise Orthodoxe ?

 

Quelle est l’essence fondamentale de l’Eglise Orthodoxe ?

 

Une tempête significative

 

Quelques réflexions sur un article du R.P. Alexandre SCHMEMANN Un texte assez ancien [1] (Résumé ici) (50 ans) qui reste d’actualité et peut être utile pour comprendre -en partie- ce qui se joue en France depuis un an entre ce qui fut l’Exarchat Russe de France et d’Europe occidentale du Patriarcat de Constantinople devenu pour la plus grande part Archevêché des Eglises Orthodoxes Russes en Europe Occidentale sous l’égide du Patriarcat de Moscou et la partie constituant le Vicariat de Tradition Russe au sein de la Métropole Grecque-Orthodoxe de France restée dans le Patriarcat de Constantinople,
et aussi ce qui est à la base de l’incompréhension entre le Patriarcat de Constantinople et le Patriarcat de Moscou. Rivalité certes politique, mais aussi au-delà idéologique et religieuse.
Ce qui se passe avec le schisme ukrainien en est l’illustration.

Ce qui est en jeu est la manière dont les deux parties et leurs alliés considèrent l’essence profonde de l’Eglise Orthodoxe.

 

Pouvoir et/ou Unité

 

De par son histoire, le Patriarcat de Constantinople (dont la titulature complète du Patriarche est « Archevêque de Constantinople, nouvelle Rome, et Patriarche Œcuménique ») se conçoit comme Primat de l’Orthodoxie. Le premier concile de Constantinople, en 381, lui reconnaît une « prééminence d’honneur après l’évêque de Rome, car Constantinople est la Nouvelle Rome »[2].
Mais très vite, Basileus et Patriarche vont se considérer de fait comme les deux pouvoirs, politique et religieux, de la Cité de Dieu. Tous les autres leur étant subordonnés.

À partir du VIIe siècle, sous les coup de boutoirs des invasion arabo-ottomanes Byzance perd les territoires  des patriarcats d’Antioche, Jérusalem et Alexandrie, ce qui réduit les Églises orthodoxes en Orient au seul patriarcat de Constantinople qui recueille les sièges des différents patriarcats à Constantinople sous son autorité.
La rupture consommée en 1054 entre l’Eglise de Rome et les Eglises Orthodoxes puis l’instauration du « Rum Millet » après la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453 met de fait le Patriarche de Constantinople chef religieux de tous les chrétiens des territoires conquis (jusqu’aux portes de Vienne assiégée en 1683)
Au XIX° siècle le déclin du pouvoir ottoman et la libération des territoires conquis par les Turcs en Europe permet aux Eglises nationales de prendre leur autonomie face à Constantinople.

Empreinte de l’histoire

La mémoire inconsciente du Patriarcat de Constantinople est, semble-t-il, profondément marqué par cet imperium alors que les Eglises autocéphales le sont aussi mais de manière négative, leur autonomie ayant été plus conquise contre le Patriarcat de Constantinople qu’octroyée par lui.
D’autant plus qu’on peut considérer que si l’Empire Ottoman s’effondre avec la défaite de 1918 et le démembrement qui s’en suit qui débouche sur la révolution kémaliste laïque de 1923, le retour, à partir de 2003, d’un régime semi-dictatorial islamo-conservateur conduit par Recep Tayyip Erdogan replace le Patriarche de Constantinople dans la position précaire de ses prédécesseurs sous le joug Islamique.
L’aventure de ce qui aurait dû être le Grand et Saint Concile Panorthodoxe en est un exemple. Devant se tenir à Nicée -symbole fort à cause du Ier concile oecuménique- Erdogan “pour des raisons de sécurité” interdit le lieu. Le concile se tiendra en Crête. Et sera un échec, prélude au schisme Russe causé par les immixions de Constantinople en Ukraine
L’Eglise de Russie impose son autocéphalie au Patriarche de Constantinople dès 1589. Elle est jusqu’au XXe siècle la grande puissance du monde orthodoxe avant de subir soixante douze ans de régime communiste.

 

Quelle est l’essence de l’Orthodoxie ?

Les divers mouvements qui agitent le monde orthodoxe et les réactions qu’ils provoquent sont à observer en tenant compte de ce contexte. Au-delà des questions de pouvoir -si présentes bien sûr- la question qui est posée est bien celle de la nature profonde, de l’orthodoxie. C’est l’essence même de l’Orthodoxie comme communion synodale d’Eglises autonomes qui est en jeu.

 

 

[1] Un article du R.P. Alexandre SCHMEMANN écrit en 1971 à l’occasion du 30° anniversaire de l’autocéphalie de « L’Église Orthodoxe en Amérique » : SCHMEMANN Alexandre. Une tempête significative. Un document retrouvé. ( Traduction française du Père Stéphane Bigham de l’article « A Meaning-full Storm », Church, World, Mission : Reflections on Orthodoxy in the West, Crestwood, NY, St. Vladimir’s Seminary Press, 1979, pp. 85-116. En russe in Tserkov, mir, missia: mysli o Pravoslavii na Zapade, Sviato-Tikhonovskij – Institut, Moscou 1996).
[2] Canon 3 du Concile de Constantinople de 381 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Premier_concile_de_Constantinople

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UNE TEMPETE SIGNIFICATIVE

UNE TEMPETE SIGNIFICATIVE [1]

R.P. Alexandre SCHMEMANN [2]

Ecrit en 1971 à l’occasion du 30° anniversaire de l’autocéphalie de « L’Église Orthodoxe en Amérique »

 

« La tempête qu’a provoquée « l’autocéphalie » de l’Église orthodoxe en Amérique (E.O.A.) est probablement l’une des crises les plus significatives qui aient eu lieu dans l’histoire de l’Église orthodoxe depuis plusieurs siècles. Elle pourrait toutefois avoir des effets bénéfiques si les acteurs principaux de ce drame l’acceptaient, comme une occasion unique pour dissiper une confusion que, depuis trop longtemps, les Orthodoxes eux-mêmes ont voulu ignorer.
Si l’Amérique est soudainement devenue le centre d’attention et de passions des Orthodoxes, c’est parce que la situation de l’Église, ici, devait révéler tôt ou tard la nature véritable et la portée de ce qui est dû fait une crise panorthodoxe.

 

Le père Schmemann se propose ensuite « d’examiner la nature et les causes de la tempête qu’elle a provoquée, ainsi que les motifs profonds, parfois inconscients, que cachent ces réactions passionnées. »

Il propose d’abord quelques repères :

 

LA TRADITION ET LES SAINTS CANONS
 
  • Les Saints Canons ne sont pas la seule source de la Tradition canonique. Mais comme tradition première ils sont la norme et le standard de tout développement canonique ultérieur, le contexte même selon lequel, on doit évaluer toute l’histoire de l’Église – au passé, au présent ou au futur
  • Les mots clés du débat – autocéphalie, juridiction, etc. font appel à des précédents du passé, reconnu comme faisant partie de la Tradition
Le critère d’évaluation doit être avant tout ecclésiologique : il faut se référer à la doctrine permanente et immuable de la nature de l’Église, à son “essence”.

 

UNE TRADITION FORMEE PAR TROIS STRATES SUCCESSIVES :
  1. La première strate : l’Église locale de l’Antiquité
 L’Église locale c’est la communauté réunie autour de son évêque et de son clergé. Aucune Église n’est sous l’autorité d’une autre ; aucun évêque n’est sous l’autorité d’un autre. La nature même de cette dépendance, et donc de l’unité entre les Églises, n’est pas “juridictionnelle”. La primauté n’est pas un principe “juridictionnel”. Si, selon le Canon apostolique 34, les évêques, partout, doivent savoir qui est le premier parmi eux, le même canon définit la primauté par rapport à la Sainte Trinité, qui possède un certain ordre mais, bien sûr, aucune notion de “subordination”.
Finalement, il existe dès le début un centre universel d’unité – une primauté universelle. D’abord, c’était l’Église de Jérusalem, ensuite celle de Rome. C’est une primauté que même les théologiens romains modernes définissent (au moins pour la période ancienne) en termes de “sollicitude” plutôt que de “pouvoir” ou de “juridiction”.
Telle est la Tradition canonique essentielle.

C’est à la lumière de cette tradition, qu’on peut « lire » le véritable sens des strates suivantes :

  1. La deuxième strate : l’Église de l’Empire
 Avec la reconnaissance de la religion chrétienne comme religion d’Empire par Gatien (380) il y a intégration progressive des structures de l’Église dans le système administratif de l’Empire. Cette strate se distingue de la précédente, se fonde sur des principes différents et a donc des implications différentes pour l’ecclésiologie orthodoxe. Elle « exprime et ordonne la vie historique de l’Église, c’est-à-dire sa relation avec le monde au sein duquel elle est appelée à vivre sa vocation et sa mission. »
Voilà le cœur de la question : la nature de l’Église, qui n’est pas juridictionnelle, peut, et même doit inévitablement avoir “dans ce monde” une expression juridictionnelle qu’elle ne possédait pas avant et qui ne fait pas partie de sa nature essentielle.
L’idéal de la symphonie entre « l’imperium » et le « sacerdotium » exigeait un homologue ecclésiastique de l’empereur, un centre personnel de l’Église allant de pair avec le centre personnel de l’Empire.
 Il y a une très nette différence entre le rôle et la fonction du Patriarche Byzantin et la tradition canonique à cette même époque.
  • Du point de vue canonique, le Patriarche de Constantinople demeurait le primat de l’Église d’Orient, bien que cette primauté lui fût accordée parce que sa ville était celle de “l’empereur et du sénat” (Canon 28 de Chalcédoine), ainsi que le primat de son propre “diocèse”.
  • Du point de vue “impérial par contre, il devenait le chef de l’Église, centre non seulement de l’unité de l’Église mais aussi de son gouvernement « juridictionnel ».

Les évêques locaux, à l’instar des gouverneurs civils, se sont transformés peu à peu en représentants, voire délégués, d’un pouvoir central, c’est-à dire du Patriarche et de son Synode permanent.

  1. La troisième strate : l’Église nationale

La conquête des provinces byzantines par les Arabes, les Turcs, l’invasion latine de 1204, le défi des Slaves, au Nord, etc.… font qu’en pratique Byzance devient un État grec, relativement petit et faible. Les nations entrées dans sa zone d’influence politique, religieuse et culturelle (Bulgares, Serbes et, plus tard, Russes) nées de la vision byzantine, se mettent à s’approprier sa vision théocratique.

C’est à partir de ce constat qu’apparait l’idée d’autocéphalie -l’indépendance ecclésiale- comme fondement de l’indépendance nationale et politique.

 

L’IDEE ISLAMIQUE/ LA NATION-RELIGION (MILLET)

 « Malgré la chute de Byzance en 1453, l’idée islamique de la “nation-religion” (Milet) a garanti pour tout le monde byzantin, soumis à cette époque à la domination turque, la continuation de la tradition “impériale”.

Selon la logique du système Milet, le Patriarche œcuménique a assumé, non seulement de facto mais aussi de jure, le rôle de chef de tous les chrétiens ; il est devenu en quelque sorte leur empereur.
La période qui suit (fin XV°s – XIX°s) est pour l’Orthodoxie, à quelques exceptions près, une période de divisions, de sclérose théologique et, de nationalisme ecclésial complètement sécularisé.

 

LA SITUATION EN AMERIQUE

Il était naturel aussi que l’explosion ait lieu en Amérique.

Tant que les Églises orthodoxes restaient isolées les unes par rapport aux autres, chacune vivant dans son propre “monde”, il était peu probable qu’une crise ouverte éclate. Ce qui se passait dans une Église donnée n’intéressait guère les autres.
En Amérique, le principe national qui veut que « chaque Russe, Grec, Serbe ou Roumain fait partie de son Église d’origine où qu’il se trouve dans le monde, et chaque Église nationale possède ipso facto des droits canoniques partout. » a produit un effet inattendu : on a vu fleurir des Eglises en exil, et des diocèses avec évêques et territoire canonique.

 

HELLENISME CHRETIEN OU HELENISME GRECO-PAÏEN ?

« Presque toutes les Églises orthodoxes sont, à des degrés divers, victimes d’un nationalisme hypertrophié et se réfèrent exclusivement au “précédent” national dans l’histoire de l’Église.

Par contre, le moment de vérité qui vient de sonner concerne aussi la couche que nous avons appelée impériale. C’est ici que nous trouvons la racine profonde de la réaction spécifiquement grecque face à la tempête contemporaine. »
Si, pour la majorité des Orthodoxes, le centre de leur mentalité ecclésiale est national, le nationalisme de la mentalité grecque n’est pas univoque. Les racines du nationalisme grec ne se trouvent pas, comme pour les autres Orthodoxes, dans la réalité et l’expérience de l’Église-nation, mais dans l’oikouméné byzantin, c’est-à-dire dans la couche du passé que nous avons nommée impériale.
Par nature, la pensée orthodoxe grecque se réfère à la typologie byzantine i.e. « la transformation presque inconsciente de la couche “impériale” de la tradition orthodoxe en une couche essentielle, c’est-à-dire la transformation de Byzance en une dimension permanente, essentielle et normative pour l’Orthodoxie elle-même. »
« Les Byzantins s’appelaient romains, non pas grecs, parce que Rome, et non pas la Grèce, était symbole d’universalité. La nouvelle capitale ne pouvait qu’être la Nouvelle Rome. Jusqu’au VIIe siècle, le latin, non pas le grec, était la langue officielle des chancelleries byzantines. Les Pères de l’Église auraient été horrifiés de se faire appeler Grecs. »

 

LE RÔLE DU PATRIARCHE OECUMENIQUE

 « La première difficulté vient des façons différentes de comprendre la place et de la fonction du Patriarche œcuménique dans l’Eglise orthodoxe. Toutes les Églises orthodoxes, sans exception, lui accordent la primauté, mais entre les Églises grecques et les autres il existe des différences substantielles dans la compréhension de cette primauté. »

  • Pour les Églises non grecques, le rôle du Patriarche œcuménique est enraciné dans l’ecclésiologie essentielle qui, dès le début, a toujours connu un centre universel reconnu par tous ce qui en fait un centre d’unité
  • Cet ordre des choses n’est pas immuable et peut être modifié par un concile [3]
Cette interprétation, pourtant, est “anathème” pour les Grecs qui se réfèrent à une vision du trône œcuménique avant tout spirituelle et psychologique plus qu’ecclésiologique et canonique. L’expression « Constantinople est le siège qui possède la primauté universelle que l’Église lui a accordée » s’est transformée en « Constantinople doit être le siège… »

 

Le P. Schemann après une longue analyse historique en arrive à cette compréhension de la manière « grecque » de considérer l’autocéphalie : « Par conséquent, même aujourd’hui, les hiérarques grecs ne comprennent guère le principe d’autocéphalie, qui constitue le fondement de l’organisation actuelle de l’Église. Ils ne le comprennent ni dans son principium, c’est-à-dire le droit d’accorder l’autocéphalie, ni dans sa modalité, c’est-à-dire dans ses implications pour les relations entre les Églises. »

 

Et conclut par un état des lieux en 1971 :
« Jusqu’à présent, de par sa situation spécifique, une seule “partie” de l’Église orthodoxe implantée en Amérique (celle qui s’appelait communément, avant 1970, « Métropolie russe », puis « Église Orthodoxe en Amérique ») s’est vue “forcée” à retourner aux sources. [4]
 
Tôt ou tard, on comprendra que ce n’est pas conforter l’Orthodoxie que de chercher à préserver l’hellénisme “ethnico-linguistique”, la “russité”, la “serbité”, etc. Par contre, en mettant en pratique les exigences essentielles de l’Église, nous sauverons tout ce qui est essentiel dans chaque forme de la foi et de la vie chrétiennes.
 
Le Père G. Florovsky, théologien russe vivant et travaillant en exil, avait eu le courage, dans son livre Les voies de la théologie russe, de dénoncer et de condamner les déviations de la “russité” par rapport à l’hellénisme chrétien. Il a ainsi libéré toute une génération de théologiens russes des derniers complexes du pseudo-messianisme et du nationalisme religieux. Le moment n’est-il pas venu qu’un théologien grec accomplisse la même tâche, difficile certes, mais nécessaire, pour libérer l’esprit grec des ambiguïtés de l’hellénisme “ethnico-linguistique” ?
 
Tôt ou tard, il apparaîtra évident à tous que le Patriarche œcuménique, s’il veut exercer la primauté universelle, n’y arrivera pas par des réactions défensives et négatives, ni par un appel douteux à des traditions et à des précédents également douteux et inapplicables. Il y parviendra plutôt en montrant positivement le chemin vers la réalisation de la nature essentielle de l’Église “en tout lieu de son empire”. »

 

 

 

[1] SCHMEMANN Alexandre. Une tempête significative. Un document retrouvé. ( Traduction française du Père Stéphane Bigham de l’article « A Meaning-full Storm », Church, World, Mission : Reflections on Orthodoxy in the West, Crestwood, NY, St. Vladimir’s Seminary Press, 1979, pp. 85-116. En russe in Tserkov, mir, missia: mysli o Pravoslavii na Zapade, Sviato-Tikhonovskij – Institut, Moscou 1996).
[3] Par exemple, si l’Église Catholique romaine s’unissait à l’Orthodoxie, la primauté universelle pourrait (ou pourrait ne pas) revenir à l’Ancienne Rome. Telle est la position ecclésiologique, dans sa forme la plus simple, des Eglises non grecques.
[4] Une étude de mars 2002 souligne la multiplicité des juridictions, qui rend le paysage orthodoxe américain extrêmement complexe : plus de 20 principales juridictions orthodoxes, réparties en 50 diocèses. En raison de leurs liens étroits avec les Églises-mères, auxquelles elles restaient liées, les communautés orthodoxes sur sol américain ont été directement affectées par les développements dans leurs pays d’origine. (MAYER, Jean-François. Religioscope. Eglises orthodoxes aux Etats-Unis : une identité en mutation. 11 mars 2002 [consulté 16 mai 2020] disponible sur le web : https://www.religion.info/2002/03/11/eglises-orthodoxes-aux-etats-unis-une-identite-en-mutation/

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J’ai aimé lire

Qu’avez-vous fait de Jésus de Christine Pedotti
Christine Pedotti s’adresse aux responsables de l’église catholique et les interpelle en profondeur en ramenant sans cesse leurs actes, comportements et enseignements aux paroles et aux agissements du Christ dans les évangiles en 130 pages et dix petits chapitres :

1.De la crise ; 2.De la sexualité ; 3.Du péché et du crime ; 4.Du père et de la mère ; 5.Du pouvoir ; 6.Du scandale ; 7.De l’exemplarité ; 8.De l’urgence ; 9.Du catholicisme ; 10.De l’avenir

Auxquels elle joint trois annexes : 1.Lettre du pape François au peuple de Dieu ; 2.Les principales étapes du dévoilement de la pédocriminalité et de sa dissimulation dans l’Église catholique ; 3.Les causes de la pédophilie des prêtres.

Au-delà du ton incisif, voire polémique, les analyses sont, hélas, pertinentes ! Les questions sont de vraies questions que l’Eglise Catholique doit impérativement affronter et solutionner. La faillite de notre système catholique romain appelle un renouvellement total de la manière de penser et de vivre l’Eglise, sous peine de sclérose et/ou de disparition.

Il est remarquable que le catholicisme se développe le plus dans la société les moins instruites. Cela devrait poser question. Non sur la validité du message, mais sur la manière dont l’Eglise Catholique Romaine -et pas seulement elle- propose de le vivre concrètement ad intra comme ad extra.

(Voir en complément un article du Bulettin Théologique n° 13 du Centre Théologique Universitaire de Rouen

 

Christine Pedotti est écrivain, éditrice et journaliste catholique. Licenciée en histoire et diplômée de Sciences PO, licenciée en théologie à l’institut catholique de Paris, elle entre à Bayard presse où elle écrit pour Grain de soleil. Elle fonde Enfance Chrétienne, née de la fusion des éditions Mâme et Fleurus. Elle est la cheville ouvrière des encyclopédies Théo. Elle est rédactrice en chef de Témoignage chrétien et a coordonné la rédaction de « Jésus. L’encyclopédie » publiée sous la direction de Joseph Doré chez Albin Michel en 2017.

 


 

François Dvornick: Byzance et la primauté Romaine

 

L’Auteur
František (François) Dvornik, Tchécoslovaque, Prêtre, spécialiste des histoires byzantine et slave.
Docteur ès Lettres (Paris Sorbonne 1926), professeur d’histoire ecclésiastique à la faculté de théologie catholique de Prague (1928), il est l’un des fondateurs de l’Institut d’études slaves de Prague et cofondateur de la revue scientifique Byzantinoslavica.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il enseigne au Collège de France et à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris.
De 1948 à 1965, il est professeur d’études byzantines au Dumbarton Oaks Center à l’université Harvard.
Il est nommé consultant pour l’histoire de l’œcuménisme au Concile Vatican II à partir de 1961.
F. Dvornik compte parmi les plus fameux byzantologues du monde. Son travail sur le patriarche Photius Ier de Constantinople fait référence.

Byzance et la primauté romaine

La primauté romaine reste le principal obstacle au rapprochement entre l’Eglise Catholique et l’Eglise Orthodoxe. La division politique, les querelles théologiques exacerbées, les questions ecclésiologiques sans doute plus profondes vont conduire à des positions qui se rapprocheront avant de diverger, après 1204, dans des polémiques plus politiques que religieuses (Introduction)

Tant que le siège du pouvoir impérial est à Rome, la primauté de siège apostolique romain ne fait pas débat. Le “principe d’accommodement” à la division politique de l’empire est une réalité depuis les apôtres eux-mêmes (Chap.1). Mais à partir du transfert de la capitale de Rome à Constantinople (330) les différences de vécu vont avoir des effets polémiques sur les rapports entre l’Eglise de Rome et l’Eglise de Constantinople. C’est à cette période (IV°s) que va être affirmée l’origine pétrinienne du siège romain, en attribuant au fondateur le rôle de “premier évêque” -ce qui est abusif.

Dans l’Orient, ce “principe d’apostolicité” sera aussi l’utilisé, en réaction à son utilisation continue par Rome dans ses efforts pour lui imposer sa suprématie .

Les peurs et les incompréhensions -et même les procès d’intention- font que le synode de Constantinople en 381 et surtout le canon XXVIII du concile de Chalcédoine[1] en 451 sont vivement questionnés par Rome comme dangereux pour l’unité de l’Eglise et la primauté du siège romain (Chap.2)

Le schisme d’Accace (484-519) (chap.3) qui parraine un compromis avec les monophysites (Hénoticon)  va provoquer chez le Pape Gélase une réaction très vive : non seulement il refuse de reconnaitre le canon XXVIII de Chalcédoine, mais il affirme la juridiction de Rome sur toute l’Eglise, ce qui est parfaitement inacceptable pour Constantinople qui veut bien reconnaitre la primauté de Rome, mais entend conserver son autonomie. Le Pape Hormisdas et l’Empereur Justinien vont débloquer la situation en publiant le “libellus Homisdae” ou l’Eglise de Rome est reconnue comme: le “Siège apostolique, [où] la religion catholique a toujours été immaculée” et où “persiste la totale et la vraie force de la religion chrétienne

L’empereur Justinien qui est le grand artisan de cette nouvelle entente souhaite une réharmonisation de l’Empire entre Rome et Constantinople en plaçant quasiment à égalité comme don divin “sacerdotium et impérium”. Mais les invasions et la perte de la domination maritime vont mettre à mal l’œuvre de Justinien, provoquer une rupture dans les communications de tous ordres. Les idées, les intérêts divergent : Constantinople, confrontée à l’envahisseur Perse et Arabe, se recentre sur sa culture hellénistique et orientale, alors que l’occident confronté aux Germains va tenter de les christianiser mais aussi va intégrer une partie de leurs traditions. (Chap.4)

Les crises des VII° et VIII°s (chap.5): monothélisme -avec comme conséquences l’arrestation du Pape par l’Empereur et sa mort en exil-  synode ‘in trullo” (692), dont certains aspect sont refusés par l’Eglise de Rome[2]; confirment un éloignement progressif des  conceptions de la discipline de l’Eglise. Si la conclusion de la crise iconoclaste permet au Pape de réaffirmer la primauté romaine, sa lettre qui est lue au concile Nicée II (787) est soigneusement censurée de tout ce qui est revendication romaine de primauté juridique.

L’acceptation du principe d’apostolicité  par les Eglises d’Orient va conduire à un renouveau de l’idée Pentarchique[3] au VIII° et IX°s (Chap.6), ce qui n’impliquait pas une revendication d’égalité des Sièges et ne remettait pas en cause la primauté romaine. Même au cours du conflit qui l’oppose à Rome, le Patriarche Photius ne remet pas en cause la primauté romaine, au contraire.

La crise, -les crises- du XI°s (chap.7) vont mettre à mal une entente doctrinale orient-occident si difficilement réalisée. Avec l’avènement d’un pouvoir germanique fort en occident, les “grecs” sont perçus comme  des étrangers, alors que Byzance conserve l’idée d’une unité de l’Empire Romain qui, de fait, n’existe plus. Ce déséquilibre encore masqué va se révéler au grand jour avec les conquêtes par les Normands des territoires byzantins d’Italie (X° et XI°s). Ensuite tout est bon à querelle: différences d’usage, de discipline ecclésiastique, de théologie. Même les tentatives d’alliance contre les Normands tournent à la querelle. La bulle d’excommunication contre le Patriarche de Constantinople (1054) n’est que la conséquence d’une impossibilité de se comprendre.

La prise de Constantinople par les armées de la 4eme croisade (chap.8) et la création d’un empire latin avec un patriarche latin à la tête de l’Eglise grecque, va conduire les “grecs” sur une position défensive qui deviendra une opposition totale et mettra fin à toute possibilité d’entente.

Conclusion
C’est en vertu du principe d’accommodement que Byzance va réclamer une place particulière. Rome va s’efforcer de remplacer, dans l’organisation de l’église, le principe d’accommodement par le principe d’apostolicité. Le fait que l’Eglise Byzantine impressionnée par cette référence à un Apôtre-Fondateur adopte aussi peu à peu ce même principe provoque -me semble-t-il-  une distorsion de compréhension de ce qu’est l’ Eglise en Occident et en Orient, parce que les  définitions de l’Eglise ne sont pas les mêmes.
Le périmètre des patriarcats orientaux est à l’échelle d’un diocèse, alors que Rome, qui ne se reconnait pas comme un patriarcat mais comme le Principe d’Unité de l’Eglise, se pense à l’échelle du monde. Les conflits qui s’ensuivent seront des conflits de juridiction plus que des conflits théologiques, Rome étant au contraire reconnue comme gardienne de la foi, au moins jusqu’à ce que François Dvornik intitule très justement “La catastrophe de 1204”.
Byzance et la primauté romaine est un livre-bilan des dernières recherches de l’auteur sur “l’organisation de l’Eglise primitive et les idées qui sanctionnaient cette organisation” [4]. L’idée de primauté dans l’église byzantine est présentée dans un cadre nouveau: plutôt que d’aborder cette question de façon théologiquement antagoniste, c’est en faisant un travail d’historien[5], en examinant les positions de l’Eglise byzantine et de l’Eglise romaine telle que les textes de l’époque les font connaitre, et à partir du point de vue des Byzantins, que F. Dvornik fait apparaitre une nouvelle manière de considérer ce problème.
     Il y a peu de recensions sur cet ouvrage (en général en anglais), mais il est intéressant de noter que sur  les deux trouvées[6] celle de Vassil T Istavridis historien orthodoxe, se termine sur ce remerciement: “Le lecteur Orthodoxe est très  reconnaissant de l’application de cette méthode dans l’étude présente, de l’objectivité avec laquelle l’auteur traite son matériel dans la relation tant à l’Est que l’Ouest, et comme Orthodoxe, exprime l’espoir de voir plus d’études de la même sorte émanant d’études théologiques et historiques Occidentales.”

 

[2] https://www.universalis.fr/encyclopedie/concile-in-trullo/
[3] Formulée par Justinien (Novelle 123, VI°s) et énoncée explicitement dans les actes du synode ‘in trullo”.
[4] Le schisme de Photius : histoire et légende, Paris, éd. du Cerf, coll. « Unam Sanctam », no 19, 1950; The Slavs : their early history and civilization, Boston, American Academy of Arts and Sciences, 1956; The idea of apostolicity in Byzantium and the legend of the apostle Andrew, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1958
[5] Francis Dvornik, Byzance et la Primauté romaine,  article paru dans The American Ecclesiastical Review:  pp 289-312, éd. The Catholic University of America Press, 05/1961
[6] Cyril Mango: Journal of theological studies, 01/01/1966, Volume : 17, Page : 202; et Vasil T. Istavridis: The Greek Orthodox theological review,  01.07.1965, Volume : 11, Numéro : 1

 


Le bulletin théologique du CTU est maintenant disponible aussi en ligne

 


 

Lettre à ma belle fille catholique pour lui expliquer le

protestantisme

Antoine Nouis
Antoine Nouis a été durant plus de vingt ans pasteur de l’église réformée de France. Auteur de plusieurs livres sur la spiritualité et la pensée protestante, il est aujourd’hui journaliste à l’hebdomadaire réforme.

 “Dans ce beau texte sous forme d’adresse à sa belle-fille, il propose de dévoiler les spécificités de la foi protestante, et ce qui la différencie du catholicisme. Il retrace  à la  fois les principes, l’implantation puis l’histoire du protestantisme en France et son importance, souvent méconnue. Il montre également l’actualité et la pertinence de la foi protestante, ses points de convergence et parfois de divergence avec la foi catholique, et comment  les deux traditions peuvent se nourrir l’une de l’autre.”

 

 C’est un petit livre (106 pages de texte) que tous les catholiques français devraient lire. C’est non seulement intelligent, mais c’est chaleureux, clair, et profondément imprégné d’affection pour l’église catholique sans renier en rien sa manière protestante d’exprimer sa foi.

C’est aussi une vraie leçon d’œcuménisme qui cherche dans l’autre le supplément de richesse et non le “defectus” supposé.

C’est édité chez Labor et Fides et ça coute 14€

C’est peu pour devenir intelligent !

 

 


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BULLETIN THÉOLOGIQUE
N°6 – Toussaint 2016
Le Bulletin théologique est une revue éditée
par des professeurs et étudiants
(On trouvera ici les liens vers tous les bulletins du CTU )

 Sommaire

 Contributions théologiques
 Spiritualité
 Actualités des livres
 Sitographie et Bibliographie: Autour de la canonisation de Mère Teresa
(Paul Paumier)

Listes des auteurs


JPII Miséricorde divineDans cette année de la miséricorde ouverte par le pape François, il est bon de se retourner vers ce texte un peu ancien, certes, mais qui garde, outre son actualité,toute sa pertinence.
La miséricorde s’y exprime comme “le rapport de la justice avec l’amour”(n°5) “la fidélité du père à sois-même est totalement centrée sur l’humanité du fils perdu, sa dignité” (n°6)
La miséricorde comme Amour qui pardonne et restaure trouve son sommet et son accom!plissement dans la passion, la résurection et l’ascension de Jésus-Christ.
A relire -ou lire- de toute urgence
Jean-Paul II: La miséricorde divine, Centurion Paris 1981

 Contacts n° 243
Revue française de l’ orthodoxie
Comprendre les enjeux du prochain concile de l’Eglise orthodoxe

20151213 Contacts  Dans la ligne du colloque de l’ACONor : “Découverte et actualité des Eglises Orthodoxes: unité et diversité” qui s’est tenu à Caen du 15 au 17 novembre dernier, je vous propose ce numéro 243 de la revue “Contacts: revue française de l’orthodoxie ” qui reprends les actes du colloque du 18 au 20 octobre 2012 organisé au Collège des Bernardins à Paris par l’ Institut de théologie orthodoxe St Serge à Paris et le Centre œcuménique de l’Université catholique de Leuwen en Belgique.

Bien que vieux de deux ans déjà il comporte un double intérêt: éclairer les problématiques de ce prochain Grand et Saint Concile Panorthodoxe tant par des théologiens orthodoxes que par des apports de théologiens catholiques.

Un chapitre particulièrement intéressant est celui sur les relations œcuméniques des Eglises orthodoxes. Il met le doigt sur deux points particulièrement importants: le fait que les accords signés par “l’Eglise Orthodoxe” ne sont pas forcément reçus par les Eglises Orthodoxes dans leur diversité; et le second par le fait que -de même que l’Eglise Catholique pour elle-même- les Orthodoxes assimilent facilement l’Eglise à l’Eglise Orthodoxe. (Nature et mission de l’Eglise (2005). Je vois bien par l’expérience  -en tant que catholique romain, les Eglises de la réforme n’ayant pas cette position totalitaire-  combien il est nous est difficile de regarder « autrement » la réalité de ce qu’est l’Eglise. Et pourtant nous ne pourrons en faire l’économie si nous voulons exprimer l’ Eglise du Christ autrement que par une théologie -implicite ou explicite- du retour à la « vraie » Eglise (qui ne saurait être que la nôtre bien sûr !)

Geo

Pour se procurer la revue suivre le lien: Contacts


Bernard Sesboüé sj
Pour une théologie oecuménique
Coll: Cogitatio Fidei
ed du Cerf, Paris 1990

2015 07 Pour une théo oec

Il y a des livres qui sonnent comme des évidences. Ce fut le cas pour moi avec le livre du Pasteur Birmelé ” l’horizon de la grâce ” et il en est de même avec ce livre de Bernars Sesboüé s.j. Théologiens réputés l’un et l’autre dans leurs Eglises respectives on sent le même souffle, le même appel, la même certitude: ce chrétien d’une autre Eglise qui est mon frère, Dieu me donne d’abord à l’aimer, ensuite à le comprendre et enfin à chercher ce qui nous met en chemin, l’un avec l’autre, vers le Seigneur: non pas tant pour chercher à établir une vérité qui nous est commune, que pour recevoir notre vérité et notre unité de celui qui, seul, est la Voie, la Vérité, et la Vie.

Ce livre est le fruit d’un engagement de plus de trente ans au Groupe des Dombes et dans diverses commissions officielles de dialogue œcuménique en France et au plan international.

Le Père Sesboüé termine son livre sur cette invitation à tout chrétien, qu’il soit catholique ou non, à avancer sur les voies de l’Unité: “Changer, c’est le terme même de la conversion dans le NT : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1,15), c’est-à-dire : changez votre cœur.
Oui, la dynamique œcuménique est une dynamique de conversion: elle nous
change et elle doit encore nous changer pour nous réconcilier complètement. Plus elle progressera, plus elle rendra possible la conversion des mentalités, des institutions ou des « structures », toutes cristallisations objectives de nos libertés.
C’est par là que passe le patient cheminement de la réconciliation du peuple de Dieu dans une conversion commune à l’Évangile.”
“Ces divers écrits, d’époques différentes, abordent les points les plus fondamentaux de la recherche oecuméniques de ces dernières années. Il veut être une contribution catholique à la pleine communion entre les Églises.” (4° de couverture)
Depuis 1990 des choses ont changé évolué, mais le mouvement reste le même.

Ce livre est trouvable en ligne.


 

 L’ Atlas des religions
Atlas des religions 001publié par La Vie et Le Monde est devenu un classique, traduit et diffusé jusqu’ en Amérique latine et réédité en librairie. Il reste, à ce jour, la seule publication offrant une vision approfondie du paysage religieux mondial, à la fois à travers l’histoire,donc sur le temps long, et dans ses composantes les plus contemporaines. Il propose en effet une approche synthétique de l’ensemble
des grandes religions, mais aussi une analyse détaillée, pays par pays, fruit de la collaboration des deux rédactions de La Vie et du Monde et de l’apport des plus éminents universitaires.
Les cartes et graphiques sont remarquables Cette publication non seulement nous ouvre sur les réalités des autres religions mais elle permet de les ,mettre en perspective dans notre pays, en Europe et dans le monde.
Un “outil” de référence pour, non seulement, ne pas dire n’importe quoi, mais -plus important- pour ne pas penser n’importe comment…
12€ dans toutes les bonnes librairies.
Pas cher pour ne pas mourir idiot!
Geo

 

L’Église – Vers une vision commune

Conseil œcuménique des Églises :
Document du Foi et Constitution n° 214
Publié avec Unité Chrétienne par la Fédération Protestante de France,ISBN 979-10-94234-00-6, 76 pages, prix : 6,50 €
2015 04 l'eglise vers une vision communeCe second texte de Foi et constitution fait suite au premier : Baptême, Eucharistie, Ministère (1982) – et aux réactions officielles à ce document – qui a cerné des domaines clefs de l’ecclésiologie dans lesquels les études devaient se poursuivre ; il fait également suite aux questions ecclésiologiques soulevées dans le document d’étude : Un seul baptême – Vers la reconnaissance mutuelle (2011).
Pendant vingt ans, les représentants délégués des Églises orthodoxes, protestantes, anglicanes, évangéliques, pentecôtistes et catholique romaine ont tenté de dégager une vision globale, multilatérale et œcuménique de la nature, du but et de la mission de l’Église.
Les Églises ont fait part de leurs réactions et critiques constructives aux deux premières ébauches d’une déclaration commune.
La Commission de Foi et constitution répond à ces Églises par le présent document.
Ce texte dont certaines parties datent de vingt ans est déjà, dans certains cas, dépassé par les accords bilatéraux. Il a fallu ce temps pour que les Eglises Orthodoxes, pour des raisons souvent autres que théologiques, puissent donner leur signature et un accord à la publication.
On reproche parfois aux Eglises et communautés cclésiales (pour reprendre la distinction de Vatican II) de ne pas s’engager assez résolument dans la recherche véritable de l’unité, on déplore des piétinements, des avancées potentielles qui ne voient pas le jour encore… C’est ne pas mesurer vraiment combien, en 50 ans, un grand chemin a été parcouru -théologiquement c’est indéniable- mais également dans la connaissance, le respect et l’amour des frères et sœurs d’autres Eglises. A tel point que le danger qui nous guette aujourd’hui est celui de se contenter finalement d’une coexistence pacifique entre nos Eglises et ne plus voir les enjeux de rechercher et d’accueillir dans l’Esprit Saint une réelle unité visible.
En 50 ans les avancées sont en fait énormes. En témoigne ce texte de convergence de Foi et Constitution. Un texte important et fort, stimulant, qui fait le point sur les questions ecclésiologiques qui se posent à nos Eglises, quant à sa nature et sa mission, quant aux sacrements et aux ministères.
On mesure dans ces pages combien il y a aujourd’hui de convergences dans nos compréhension de ce qu’est l’Eglise et sa mission. Les divergences ne sont pas éludées et sont bien présentées, comme les questions qui restent livrées aux différentes Eglises dans cette quête de l’unité à laquelle nous sommes appelés et qui est ici qualifiée et rappelée comme étant une urgence (au regard des appels du Christ lui-même en Jn 17 et au regard aussi du scandale que représente nos divisions.
Concrètement, après une introduction qui explique comment on en arrive aujourd’hui à ce texte, quatre chapitres nous aident à entrer dans les diverses réalités de ce qu’est l’Eglise et ce que Dieu attend d’elle :
1. La mission de Dieu et l’unité de l’Eglise (envisagée dans le dessein de Dieu, dans ses perspectives historiques et dans l’appel à l’unité)
2. L’Eglise du Dieu Trine (l’Eglise comme communion, l’Eglise aussi comme signe et servante du dessein de Dieu pour le monde, avec la question d l’unité dans la diversité)
3. L’Eglise – croître en communion (il y est question de la foi, des sacrements et des ministères)
4. L’Eglise – Dans et pour le monde.Ce texte a été le sujet de la session oecuménique de la Communauté du Chemin Neuf et est l’objet de l’étude de la Commission Théologique de l’ ACONor
on peut le commander (6,5€) aupres de: “Unité Chrétienne, 7 place Saint Irénée, 69005 Lyon” ou par mail: secretariat@unitechretienne.org

 

Istina 014-2/3 :
DU CŒUR DE L’HOMME AU CORPS DE L’ÉGLISE : LE BAPTÊME DANS L’ESPRIT SAINT

2015 04 BESt 001Colloque organisé par la communauté du Chemin Neuf
du 7 au 10 mars 2013 sous la présidence de
Mgr Justin Welby, Archevêque de Canterbury, Primat de la Communion Anglicane, et de Mgr Philippe Ballot archevêque de Chambéry.
I. Jalons historiques et problématiques
avec les contributions de : L. Fabre, M. Healy, C. M. Robeck,
G. Tchonang, N. Blough, P. Hocken, A. Birmelé, É. Vetö
II. Expérience individuelle et ecclésiale de l’Esprit
avec les contributions de : C. Grappe, É. Vetö, M. Stavrou,
F. Lestang, A. Birmelé, J. Famerée, C. M. Robeck
III. Baptême dans l’Esprit Saint et vie de l’Église
avec les contributions de : P. Dockwiller & M. Healy
Cette expérience fondamentale du renouveau charismatique qu’est le Baptême dans l’ Esprit-Saint est ici étudié loin des agitations partisanes, mais de façon historique, scripturaire et théologique.
J’ai particulièrement apprécié l’article de Philippe Dockwiller: “Unicité de la grâce baptismale: l’Esprit-Saint est la force de ce dont le Baptême est la forme” (pp 283-295)
Il n’en reste pas moins que les expressions Baptême dans l’ Esprit-Saint et effusion de l’Esprit-Saint restent deux termes accolés à une même réalité, même si le terme “baptême” doit être préféré -et tant pis pour les prélats qui trouvent que ça voudrait dire que les catholiques vivent la même chose que les “protestant” (p 119)
Ben oui ! C’est mal ?
Je préférerai qu’ on distingue les deux expériences de façon fondamentale:
– d’une part l’ effusion de l’ Esprit-Saint: don gratuit et inattendu de Dieu qui vient nous envahir par grâce, sans volonté de notre part (st Paul sur le chemin de Damas)
– d’autre part le baptême dans l’Esprit-Saint: don de Dieu reçu à travers la prière des frères réunis en Eglise et qui a pour préalable la volonté de reçevoir le Christ comme mon sauveur et lui remettre ma vie, et pour conséquence la mission (voir l’article de A. Birmelé: Baptême dans l’Esprit-Saint et Eglise. pp 247-257)
Ce numéro d’ Istina est un éclairage bienvenu pour faire entrer dans notre intelligence ce que, dans le renouveau, nous vivons par grâce.

 

BULLETIN THEOLOGIQUE

logo CTUDepuis presque 20 ans, le Centre Théologique Universitaire de Rouen accompagne les chrétiens normands désireux de se former en théologie.
Au long d’un parcours universitaire destiné à obtenir la licence de théologie en partenariat avec l’Institut Catholique de Paris, les étudiants s’immergent dans le vaste monde de la théologie et de l’exégèse.
De bien des façons, même si un diplôme ne fait pas tout, les fruits de ces formations poussent ici et là.
L’arrivée de ce bulletin en est un assurément.
Projet ambitieux qui consiste à rendre compte de l’actualité de la théologie dans notre région.
Projet modeste puisqu’il entend ne pas se substituer aux revues déjà établies.
Avec des articles, des recensions d’ouvrages, les conférences, le bulletin entend donner un écho de ce qui se vit en Haute-Normandie au sujet de la théologie.
La tenue d’un bulletin est une activité exigeante et passionnante.
Exigeante car il faut tenir les délais, accompagner les articles, relancer les auteurs, veiller aux détails de l’édition (même sur le web).
Passionnante car elle demande une attention constante « aux signes des temps », à la façon dont nos sociétés réfléchissent et sollicitent les capacités de réflexion des disciples du Christ.
Puisse ce bulletin contribuer à la réflexion et témoigner combien aussi en théologie, l’Eglise, suivant la formule de Paul VI, veut se faire conversation avec le monde.
Père Jean-Baptiste SEBE
Directeur du CTU

L’HORIZON DE LA GRACE
André Birmelé
Ed. Olivétan/le Cerf Paris 2013
2014 01« Partant du témoignage biblique et revisitant les grands moments de l’histoire du christianisme, André Birmelé en présente les orientations majeures. La Révélation, la Parole de Dieu, la foi, le péché, Jésus-Christ, sa Croix et sa Résurrection, le Salut par la grâce, les Sacrements, l’Église… Les convictions chrétiennes fondamentales sont examinées tour à tour, présentées sans simplification mais dans un langage accessible, volontairement dégagé du détail des débats scientifiques.
L’auteur montre aussi que maints sujets qui ont provoqué des divisions entre les Églises sont à présent le lieu d’une profession de foi commune, le fondement d’une diversité réconciliée… »
Cet exposé de la foi chrétienne telle qu’elle est comprise par la théologie luthérienne est toujours ouverte sur les compréhensions différentes des autres Eglises. Et c’est là pour le catholique que je suis une des très grandes richesses de ce livre. Il nous fait entrer dans une compréhension différenciée entre les interprétations qui ne sont plus vraiment séparatrices pour nos Eglises et celles qui le sont encore, et qui trouvent leur source non pas dans la compréhension de l’Eglise comme instrument du salut, mais dans la nature de cette instrumentalité.
Le bon sens populaire affirme que « qui n’entends qu’une cloche n’entend qu’un son ! » Voilà une excellente manière, pour ceux d’entre nous qui ne sont pas Protestants, d’entendre « un autre son de cloche » donné avec intelligence, brio, et respect par un grand théologien.
Je ne dirai pas comme dans Charlie hebdo « si vous ne pouvez pas l’acheter volez-le » mais c’est évidemment un livre à lire et à faire lire.
Geo

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Tous sont appelés…

Dieu ne choisit pas les gens parfaits et capables pour sa mission ! Il les rend capables en les appelant !
.
.Lorsqu’on lit vraiment la Bible, on se rend compte que les témoins de la foi ne sont pas des personnes parfaites, lisses, compétentes et sans défauts. Elles ont acceptés simplement de suivre Dieu tant bien que mal, de se laisser façonner par Lui et aussi pardonner pour leurs erreurs de parcours.
.
.Et si plutôt qu’écrire un livre de plus dans la Bible Dieu voulait t’utiliser ? Tu accepterais de répondre à son appel pour que le Royaume de Dieu, d’amour et de paix soit davantage répandu et connu dans notre monde ?
.
.Dieu t’appelle parce qu’Il est le premier à croire en toi. Ta vie à un potentiel…de malade !
.
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ET SI ON SE TROMPAIT D’UNITE ?

On parle de façon indifférenciée de l’Unité…mais de quelle unité parle-t-on ?

L’œcuménisme est la recherche de l’unité des chrétiens. Les dialogues entre les Eglises sont un des moyens de cette unité mais est-ce le seul ? L’unité des chrétiens n’est pas nécessairement l’unité des Eglises. Certes la recherche de consensus de plus en plus fins est non seulement souhaitable et nécessaire[1] mais ne résume pas tout.

Je pense même que la diversité de nos Eglises (à condition que ce soit une diversité réconciliée) est une vraie chance et une vraie richesse que nous avons encore à découvrir. C’est sur ce modèle[2] qu’a été créé la Communion des Eglises Protestantes en Europe (CEPE)[3] au sein du protestantisme.

Il faut bien reconnaître que c’est d’une démarche plus pesante que l’Eglise Catholique avance sur ce chemin. Mais elle avance… tirée par le Pape François qui pose des gestes nécessaires que certains trouvent sans doute (trop) audacieux…et qui sont parfois ambigus[4]

Il serait sans doute bon de se souvenir que la bataille autour de termes controversés de Vatican II (comme le fameux « subsistit in ») qui ont été interprété à postériori par certains théologiens conservateurs (comme le deviendra le Cardinal Ratzinger en tant que préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi et en tant que Pape Benoit XVI), sont affirmés dans leur sens le plus restrictif[5], en trahison complète de la volonté des Pères conciliaires[6] et de l’explication beaucoup plus nuancée de Jean-Paul II dans l’encyclique « Ut unum sint »[7]

Si « en l’Eglise Catholique subsiste l’unique Eglise du Christ », c’est clairement indiquer qu’elle n’est pas la seule, même si elle l’est parfaitement. Les Eglises orthodoxes et les Eglises d’Orient sont, elles aussi, des Eglises originelles. Et les différentes Eglises issues de réformes depuis le XVI° siècle enseignent la foi reçue des Apôtres. Et même parfois de façon plus radicale que nos « vieilles » Eglises.

Il reste un pas essentiel à faire pour l’Eglise Catholique : cesser de se croire au fond la « seule » Eglise véritable, et sans renier le magistère d’unité du pape tel qu’il a été vécu dans les premiers siècles chrétiens, admettre qu’elle est une confession de la foi chrétienne éminente certes, mais pas la seule.

On ne peut pas faire l’unité avec des frères que l’on traite comme des inférieurs accablés de soi-disantes « déficiences » mais bien avec des pairs, des égaux.

C’est une même foi qui nous unit : être chrétien c’est -au minimum- se référer à l’auto-révélation de Dieu en et par Jésus-Christ, mort et ressuscité, retourné vers le Père, à sa médiation exclusive pour le salut, et au fait qu’il se communique à nous par sa Parole dans la bible et les sacrements du baptême et du repas du Seigneur (qu’on l’appelle Divine Liturgie, Eucharistie, ou Sainte Cène) au moins.

Evangélisation / baptême et repas du Seigneur sont ce qui nous « fait » fondamentalement chrétien.   

« Nous avons été tous baptisés dans un seul esprit et dans un seul corps. Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et nous avons été abreuvés d’un seul Esprit » (1Cor. 12,13)

Après la résurrection les Ecritures montrent Jésus qui envoie ses disciples en mission pour enseigner et baptiser. Et des avancées importantes de compréhension partagée ont été réalisée à la conférence du Conseil Œcuménique des Eglises en 1982 à Lima par le document BEM (Baptême, Eucharistie, Ministère) de « Foi et Constitution »[8]

Pratiquement toutes les Églises chrétiennes reconnaissent la valeur et la validité du baptême des autres Églises grâce à de nombreuses et fructueuses discussions œcuméniques. La reconnaissance mutuelle est établie notamment entre l’Église catholique, l’Église anglicane et les Églises luthéro-réformées et méthodiste.

Par contre la situation est plus complexe avec les Baptistes qui ne reconnaissent pas le baptême des petits enfants[9]. Cependant dans la pratique des accords locaux existent comme en Suisse [10] et le dialogue progresse[11]

 

Pareillement, pour le Repas du Seigneur. La notion de « présence réelle[12] » mérite mieux que les idées toutes faites et répétées à l’envi.

Quelle compréhension chaque Eglise a de la présence du Seigneur dans la célébration liturgique de la Divine Liturgie, Eucharistie, ou Sainte Cène ?  Les convergences sont plus nombreuses qu’on le croit, même si les vocabulaires sont piégeant. Les concepts demandent à être éclairés et confrontés. La « présence symbolique » des Eglises évangéliques, la présence réelle telle qu’envisagée par les Eglises de la CEPE sont-elles si éloignées en fait de la présence réelle sous un mode non physique ? La transsubstantiation si chère à l’Eglise catholique est-elle la meilleure façon de parler du mode de présence de Jésus-Christ dans l’eucharistie étant donné qu’elle se base sur des principes de physique aristotélicienne que l’on sait aujourd’hui fondamentalement faux et que le physicisme est repoussé par la théologie catholique ?

La recherche de l’Unité des Chrétiens passe par ces deux chantiers. Ils sont nécessaires pour qu’un accueil au Repas du Seigneur puisse se réaliser de manière ordinaire. La réalisation d’une supra-Eglise qui engloberait tout n’est pas nécessaire et serait même -à mon avis- un appauvrissement.

Il n’est pas nécessaire d’avoir un même évêque pour communier à la même table. Il faut reconnaître dans le pain et le vin, mangé et bu, la présence du Seigneur réalisée selon sa parole. (Lc 22,17-20). Les Eglises orthodoxes sont diverses et se reconnaissent entre elles en communion. La Concorde de Leuenberg unit les Eglises protestantes d’Europe qui restent diverses mais en communion de chaire et d’autel au minimum.

Ce qui nous unit est une même foi en Jésus-Christ qui par amour pour nous est mort et ressuscité, est retourné vers le Père, et qui nous libère du péché. Les évêques, successeur dans la foi des apôtres étaient douze et Pierre avait une fonction d’unité[13], jusqu’à ce que l’orgueil confessionnel, la volonté de puissance (et je pourrai citer en plus les six autres péchés capitaux) nous aient séparés.

Les théologies particulières, parfois (souvent !) volontairement antagonistes, ont été un formidable moyen d’exclusion des uns par les autres. Elles peuvent devenir une richesse. Elles le sont déjà. Les dialogues engagés en sont les prémisses.

Tous nous avons à travailler pour le Seigneur. Pas pour nos « chapelles » : « Quand l’un déclare : “Moi, j’appartiens à Paul,” l’autre : “Moi à Apollos,” n’agissez-vous pas de manière tout humaine ? Qu’est-ce donc qu’Apollos ? Qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs par qui vous avez été amenés à la foi ; chacun d’eux a agi selon les dons que le Seigneur lui a accordés. Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé, mais c’est Dieu qui faisait croître. Ainsi celui qui plante n’est rien, celui qui arrose n’est rien : Dieu seul compte, lui qui fait croître. Celui qui plante et celui qui arrose, c’est tout un, et chacun recevra son salaire à la mesure de son propre travail. Car nous travaillons ensemble à l’œuvre de Dieu, et vous êtes le champ de Dieu, la construction de Dieu » (1Co 3,4-9)

Geo
[1] LIENHARD MARC, Identité confessionnelle et œcuménisme, in Études théologiques et religieuses, 2007/3 (Tome 82), p. 417-437. DOI : 10.3917/etr.0823.0417. En ligne : https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2007-3-page-417.htm#
[2] & 45 de la Concorde de Leuenberg : https://fr.wikisource.org/wiki/Concorde_de_Leuenberg
[4] Comme cette détestable habitude de remettre sur le tapis le terme inaudible d’indulgence, véritable « chiffon rouge » pour nos frères protestants.
[5] Réponses à des questions concernant certains aspects de la doctrine sur l’Église : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20070629_responsa-quaestiones_fr.html
[6] LEGRAND HERVE, « Quelques réflexions ecclésiologiques sur l’Histoire du concile Vatican II de G. Alberigo », in Revue des sciences philosophiques et théologiques, 2006/3 (Tome 90), p. 495-520. & 3.2.  DOI : 10.3917/rspt.903.0495. En ligne : https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2006-3-page-495.htm
[7] PAPE JEAN-PAUL II. Lettre encyclique « Ut unum sint » sur l’engagement œcuménique du 25 mai 1995. Cerf/Flammarion Paris 1995, n° 10 et 11 pp 13 et 14. ISBN 2-204-05258-2
[8] CONSEIL ŒCUMENIQUE DES ÉGLISES – FOI ET CONSTITUTION. Baptême, Eucharistie, Ministère, Paris, le Centurion – Presses de Taizé, 1982. Disponible sur le web : http://documentation-unitedeschretiens.fr/
[9] Avec le document de la Commission Théologique Internationale de l’Eglise Catholique sur « L’espérance du salut pour les enfants qui meurent sans baptême (2007) » la vieille malédiction augustinienne qui damnait les enfants morts hors baptême est tombée. Les limbes sont tombés au niveau de l’option théologique possible (n°40). J’aurais plutôt tendance à dire qu’au vu du texte c’est désormais une option théologique impossible. Et c’est tant mieux. Du fait de la non nécessité absolue du baptême des petits enfants, ce peut être un élément positif vers une compréhension commune du baptême.  Cf : L’espérance du salut pour les enfants qui meurent sans baptême : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/cti_documents/rc_con_cfaith_doc_20070419_un-baptised-infants_fr.html
[10] HOEGGER MARTIN. (responsable du dialogue œcuménique dans l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud) Un élargissement de la reconnaissance mutuelle du baptême : https://www.academia.edu/11365877/Un élargissement de_la_reconnaissance_mutuelle_du_baptême
[11] SIEGWALT GERARD. Le défi du baptême. Une mise en perspective œcuménique. Études théologiques et religieuses, 2012/3 (Tome 87), p. 355-370. DOI : 10.3917/etr.0873.0355. Disponible sur le web : https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2012-3-page-355.htm
[12] fr. MALDAME Jean-Michel op. Croire. Quelle présence réelle dans l’eucharistie ? La Croix. Com / Croire. Disponible sur le web : https://croire.la-croix.com/Definitions/Sacrements/Eucharistie/Quelle-presence-reelle-dans-l-eucharistie.
[13] PAPE JEAN-PAUL II. Lettre encyclique « Ut unum sint » sur l’engagement œcuménique. op. cit. n° 88 ss.
     Sur le sujet,on peut consulter DELAIGUE CHRISTOPHE. Quel pape pour les chrétiens ? ed. Groupe Artège, Descléé de Brouver, Paris 2014

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