Quelle est l’essence fondamentale de l’Eglise Orthodoxe ?
Quelle est l’essence fondamentale de l’Eglise Orthodoxe ?
Une tempête significative
Quelques réflexions sur un article du R.P. Alexandre SCHMEMANN Un texte assez ancien [1] (Résumé ici) (50 ans) qui reste d’actualité et peut être utile pour comprendre -en partie- ce qui se joue en France depuis un an entre ce qui fut l’Exarchat Russe de France et d’Europe occidentale du Patriarcat de Constantinople devenu pour la plus grande part Archevêché des Eglises Orthodoxes Russes en Europe Occidentale sous l’égide du Patriarcat de Moscou et la partie constituant le Vicariat de Tradition Russe au sein de la Métropole Grecque-Orthodoxe de France restée dans le Patriarcat de Constantinople,
et aussi ce qui est à la base de l’incompréhension entre le Patriarcat de Constantinople et le Patriarcat de Moscou. Rivalité certes politique, mais aussi au-delà idéologique et religieuse.
Ce qui se passe avec le schisme ukrainien en est l’illustration.
Ce qui est en jeu est la manière dont les deux parties et leurs alliés considèrent l’essence profonde de l’Eglise Orthodoxe.
Pouvoir et/ou Unité
De par son histoire, le Patriarcat de Constantinople (dont la titulature complète du Patriarche est « Archevêque de Constantinople, nouvelle Rome, et Patriarche Œcuménique ») se conçoit comme Primat de l’Orthodoxie. Le premier concile de Constantinople, en 381, lui reconnaît une « prééminence d’honneur après l’évêque de Rome, car Constantinople est la Nouvelle Rome »[2].
Mais très vite, Basileus et Patriarche vont se considérer de fait comme les deux pouvoirs, politique et religieux, de la Cité de Dieu. Tous les autres leur étant subordonnés.
À partir du VIIe siècle, sous les coup de boutoirs des invasion arabo-ottomanes Byzance perd les territoires des patriarcats d’Antioche, Jérusalem et Alexandrie, ce qui réduit les Églises orthodoxes en Orient au seul patriarcat de Constantinople qui recueille les sièges des différents patriarcats à Constantinople sous son autorité.
La rupture consommée en 1054 entre l’Eglise de Rome et les Eglises Orthodoxes puis l’instauration du « Rum Millet » après la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453 met de fait le Patriarche de Constantinople chef religieux de tous les chrétiens des territoires conquis (jusqu’aux portes de Vienne assiégée en 1683)
Au XIX° siècle le déclin du pouvoir ottoman et la libération des territoires conquis par les Turcs en Europe permet aux Eglises nationales de prendre leur autonomie face à Constantinople.
Empreinte de l’histoire
La mémoire inconsciente du Patriarcat de Constantinople est, semble-t-il, profondément marqué par cet imperium alors que les Eglises autocéphales le sont aussi mais de manière négative, leur autonomie ayant été plus conquise contre le Patriarcat de Constantinople qu’octroyée par lui.
D’autant plus qu’on peut considérer que si l’Empire Ottoman s’effondre avec la défaite de 1918 et le démembrement qui s’en suit qui débouche sur la révolution kémaliste laïque de 1923, le retour, à partir de 2003, d’un régime semi-dictatorial islamo-conservateur conduit par Recep Tayyip Erdogan replace le Patriarche de Constantinople dans la position précaire de ses prédécesseurs sous le joug Islamique.
L’aventure de ce qui aurait dû être le Grand et Saint Concile Panorthodoxe en est un exemple. Devant se tenir à Nicée -symbole fort à cause du Ier concile oecuménique- Erdogan “pour des raisons de sécurité” interdit le lieu. Le concile se tiendra en Crête. Et sera un échec, prélude au schisme Russe causé par les immixions de Constantinople en Ukraine
L’Eglise de Russie impose son autocéphalie au Patriarche de Constantinople dès 1589. Elle est jusqu’au XXe siècle la grande puissance du monde orthodoxe avant de subir soixante douze ans de régime communiste.
Quelle est l’essence de l’Orthodoxie ?
Les divers mouvements qui agitent le monde orthodoxe et les réactions qu’ils provoquent sont à observer en tenant compte de ce contexte. Au-delà des questions de pouvoir -si présentes bien sûr- la question qui est posée est bien celle de la nature profonde, de l’orthodoxie. C’est l’essence même de l’Orthodoxie comme communion synodale d’Eglises autonomes qui est en jeu.
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