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Quelle est l’essence fondamentale de l’Eglise Orthodoxe ?

 

Quelle est l’essence fondamentale de l’Eglise Orthodoxe ?

 

Une tempête significative

 

Quelques réflexions sur un article du R.P. Alexandre SCHMEMANN Un texte assez ancien [1] (Résumé ici) (50 ans) qui reste d’actualité et peut être utile pour comprendre -en partie- ce qui se joue en France depuis un an entre ce qui fut l’Exarchat Russe de France et d’Europe occidentale du Patriarcat de Constantinople devenu pour la plus grande part Archevêché des Eglises Orthodoxes Russes en Europe Occidentale sous l’égide du Patriarcat de Moscou et la partie constituant le Vicariat de Tradition Russe au sein de la Métropole Grecque-Orthodoxe de France restée dans le Patriarcat de Constantinople,
et aussi ce qui est à la base de l’incompréhension entre le Patriarcat de Constantinople et le Patriarcat de Moscou. Rivalité certes politique, mais aussi au-delà idéologique et religieuse.
Ce qui se passe avec le schisme ukrainien en est l’illustration.

Ce qui est en jeu est la manière dont les deux parties et leurs alliés considèrent l’essence profonde de l’Eglise Orthodoxe.

 

Pouvoir et/ou Unité

 

De par son histoire, le Patriarcat de Constantinople (dont la titulature complète du Patriarche est « Archevêque de Constantinople, nouvelle Rome, et Patriarche Œcuménique ») se conçoit comme Primat de l’Orthodoxie. Le premier concile de Constantinople, en 381, lui reconnaît une « prééminence d’honneur après l’évêque de Rome, car Constantinople est la Nouvelle Rome »[2].
Mais très vite, Basileus et Patriarche vont se considérer de fait comme les deux pouvoirs, politique et religieux, de la Cité de Dieu. Tous les autres leur étant subordonnés.

À partir du VIIe siècle, sous les coup de boutoirs des invasion arabo-ottomanes Byzance perd les territoires  des patriarcats d’Antioche, Jérusalem et Alexandrie, ce qui réduit les Églises orthodoxes en Orient au seul patriarcat de Constantinople qui recueille les sièges des différents patriarcats à Constantinople sous son autorité.
La rupture consommée en 1054 entre l’Eglise de Rome et les Eglises Orthodoxes puis l’instauration du « Rum Millet » après la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453 met de fait le Patriarche de Constantinople chef religieux de tous les chrétiens des territoires conquis (jusqu’aux portes de Vienne assiégée en 1683)
Au XIX° siècle le déclin du pouvoir ottoman et la libération des territoires conquis par les Turcs en Europe permet aux Eglises nationales de prendre leur autonomie face à Constantinople.

Empreinte de l’histoire

La mémoire inconsciente du Patriarcat de Constantinople est, semble-t-il, profondément marqué par cet imperium alors que les Eglises autocéphales le sont aussi mais de manière négative, leur autonomie ayant été plus conquise contre le Patriarcat de Constantinople qu’octroyée par lui.
D’autant plus qu’on peut considérer que si l’Empire Ottoman s’effondre avec la défaite de 1918 et le démembrement qui s’en suit qui débouche sur la révolution kémaliste laïque de 1923, le retour, à partir de 2003, d’un régime semi-dictatorial islamo-conservateur conduit par Recep Tayyip Erdogan replace le Patriarche de Constantinople dans la position précaire de ses prédécesseurs sous le joug Islamique.
L’aventure de ce qui aurait dû être le Grand et Saint Concile Panorthodoxe en est un exemple. Devant se tenir à Nicée -symbole fort à cause du Ier concile oecuménique- Erdogan “pour des raisons de sécurité” interdit le lieu. Le concile se tiendra en Crête. Et sera un échec, prélude au schisme Russe causé par les immixions de Constantinople en Ukraine
L’Eglise de Russie impose son autocéphalie au Patriarche de Constantinople dès 1589. Elle est jusqu’au XXe siècle la grande puissance du monde orthodoxe avant de subir soixante douze ans de régime communiste.

 

Quelle est l’essence de l’Orthodoxie ?

Les divers mouvements qui agitent le monde orthodoxe et les réactions qu’ils provoquent sont à observer en tenant compte de ce contexte. Au-delà des questions de pouvoir -si présentes bien sûr- la question qui est posée est bien celle de la nature profonde, de l’orthodoxie. C’est l’essence même de l’Orthodoxie comme communion synodale d’Eglises autonomes qui est en jeu.

 

 

[1] Un article du R.P. Alexandre SCHMEMANN écrit en 1971 à l’occasion du 30° anniversaire de l’autocéphalie de « L’Église Orthodoxe en Amérique » : SCHMEMANN Alexandre. Une tempête significative. Un document retrouvé. ( Traduction française du Père Stéphane Bigham de l’article « A Meaning-full Storm », Church, World, Mission : Reflections on Orthodoxy in the West, Crestwood, NY, St. Vladimir’s Seminary Press, 1979, pp. 85-116. En russe in Tserkov, mir, missia: mysli o Pravoslavii na Zapade, Sviato-Tikhonovskij – Institut, Moscou 1996).
[2] Canon 3 du Concile de Constantinople de 381 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Premier_concile_de_Constantinople

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Annonciation

Marie et l’Ange

 

La jeune fille qui reçoit la visite de l’Ange (Lc 1) est dans le présent d’une vie humaine ordinaire. Ce qui va changer radicalement le cour de sa vie c’est cette annonciation et la réponse qu’elle y donne.

L’Ange du Seigneur, expression de la parole de Dieu dans le temps humain, est toujours fracture dans cet espace limité qui se développe dans un temps qui s’écoule heure après heure sans possibilité de retour en arrière ni accélération vers l’avant.
Dieu, lui, est dans la non-temporalité ” A tes yeux Mille ans sont comme hier, comme un jour qui s’en va, une heure dans la nuit” (Ps 89,4). Dieu n’est pas présent à l’instant “T” du présent de l’histoire humaine, il est présent à toute l’histoire humaine. D’où son nom révélé a Moïse: “Je Suis”

 

L’irruption de l’Ange dans le présent de Marie, c’est l’irruption de l’intemporalité de Dieu dans sa vie de femme humaine. Sa réponse va être adhésion à ce plan de Dieu.
Il faut s’arrêter sur les versets 31-35 du chapitre 1 de l’Evangile de Luc: Les paroles de l’Ange ne peuvent se comprendre qu’a partir de sa “position” dans le plan de Dieu. Il lui expose ce qui va se passer alors qu’elle n’a pas ouvert la bouche, comme si tout était déjà d’accord !
Alors qu’en est-il de la liberté de Marie?
En fait sa réponse est totalement libre. Simplement elle est déjà connue de Dieu.

 

Son “fiat” va être mise en conformité de son “temps humain” avec l’intemporalité de Dieu. En recevant le message de l’Ange, elle entre de plein pied dans le vouloir de Dieu. Le terme qu’emploie Marie dans sa réponse n’est pas “servante du Seigneur” comme (mal) traduit le plus souvent, mais “esclave du Seigneur”. Elle se désapproprie de tout ce qu’elle est. Et cela a des conséquences. En acceptant que soit engendré en elle celui qui est “sans péché” le Saint (v 35) elle va être elle-même crée sans ce péché originel qui est rébellion contre Dieu

 

Son “fiat” entraîne son “innocence”. C’est donc dans la dynamique de son don total d’elle même à la volonté de Dieu qu’elle est faite “immaculée conception”, comme re-créée par Dieu pour recevoir Jésus. En entrant dans le “plan de Dieu” c’est toute sa vie qui est sanctifiée de sa naissance à sa mort.
Dieu “sait” que Marie va exercer sa liberté dans le sens de la grâce. Marie n’est pas prédestinée. Mais son oui prononcé dans l’espace-temps humain résonne de toujours à toujours dans l’intemporalité de Dieu. “L’immaculée conception” n’est pas a envisager dans le sens d’une préparation de Marie a dire oui, mais bien la conséquence de son oui à entrer dans l’intemporalité de Dieu (v 38)

 

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Les baptisés sont membres du corps qu’est l’Église qui célèbre dans le lieu où ils se trouvent.

 

Les baptisés sont membres du corps qu’est l’Église qui célèbre dans le lieu où ils se trouvent.

 

Paris, le 23 novembre 2018. Mgr l’archevêque Jean de Charioupolis, exarque du patriarche œcuménique, a publié le communiqué qui suit :

” L’Archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale, exarchat du Patriarcat œcuménique de Constantinople, comme toutes les entités ecclésiales d’Occident, suit avec préoccupation l’évolution des relations tendues entre les Églises orthodoxes, mais les vit également de manière toute particulière en son sein.

En effet, étant enracinées dans l’héritage spirituel et culturel de l’émigration russe, les paroisses et communautés de l’Archevêché font face à de nombreuses interrogations des fidèles, en lien avec les tensions qui ont vu le jour récemment entre le Patriarcat de Moscou et le Patriarcat œcuménique dont nous dépendons. La première des questions à laquelle nos prêtres et nos laïcs sont confrontés, celle de la communion eucharistique est certainement la plus grave.

Le Patriarcat de Moscou a pris la décision unilatérale d’interrompre la communion eucharistique avec le Patriarcat œcuménique, en imposant cette décision à tous les fidèles, clercs ou laïcs. Pour l’Archevêché, habitué à concélébrer avec le Patriarcat de Moscou, cette interruption de communion est une grande souffrance. De fait, pratiquement à aucun moment de l’Histoire, l’Archevêché n’a été en rupture complète de communion avec le Patriarcat de Moscou, même dans les temps les plus sombres du 20e siècle, car tant l’Archevêché que l’ensemble du Patriarcat œcuménique de Constantinople et l’ensemble du Patriarcat de Moscou ont toujours continué de professer le même symbole de foi. C’est cette profession de foi qui est le critère de leur orthodoxie, et, jusqu’à ce jour, aucune de nos Églises n’a modifié son symbole de foi.

De par son caractère unilatéral (et selon nous disproportionné), la décision du Saint-Synode de Moscou n’est évidemment pas applicable dans les églises de l’Archevêché. Dans la situation actuelle, nos prêtres et nos diacres n’étant pas invités à concélébrer par les églises dépendant du Patriarcat de Moscou ; cela ne leur interdit pas de s’y rendre, à titre personnel, pour se joindre discrètement à la prière de toute l’Église. En revanche, pour les laïcs, c’est-à-dire pour les fidèles orthodoxes baptisés qui ne sont pas ordonnés diacres, prêtres ou évêques, cette interdiction, selon l’ecclésiologie orthodoxe, ne peut pas avoir cours. En effet, un laïc d’Europe occidentale, au plan sacramentel, appartient à l’unique Corps catholique du Christ, donc à toutes les juridictions simultanément et non à une structure hiérarchique, qu’elle soit celle de Constantinople, de Moscou ou une autre.

 

Les baptisés ne sont pas la propriété de leurs évêques, ils sont membres du corps qu’est l’Église qui célèbre dans le lieu où ils se trouvent à un moment donné.
 

Par exemple, si un fidèle habitant Saint-Pétersbourg déménage sur l’île de Crète, il cesse d’être membre de l’Église de Russie et devient pleinement membre de l’Église de Crète (qui dépend du Patriarcat œcuménique) ; contrairement à un membre du clergé, le laïc n’a pas à demander de congé canonique à son évêque pour déménager.

Le fait que, dans les pays occidentaux, plusieurs juridictions épiscopales orthodoxes coexistent sur le même territoire a pour corollaire que, sur le plan sacramentel, nos fidèles sont, en puissance, simultanément membres de toutes les entités ecclésiales qui professent le même symbole de foi. Au plan administratif, certes, les fidèles peuvent assumer des charges spécifiques dans l’une ou l’autre paroisse particulière, mais cela n’entame pas leur appartenance au corps ecclésial entier. La coexistence de juridictions multiples sur un même territoire, qui par ailleurs est souvent décriée, apparaît, dans les circonstances actuelles, comme un facteur d’unité sacramentelle.

Nous ne devons pas insulter la Grâce de Dieu, présente et agissante dans toutes nos Églises, même lorsqu’elles vivent des conflits, tant que ceux-ci n’altèrent pas l’orthodoxie de la foi. Au contraire, il nous faut laisser agir l’Esprit Saint, tout particulièrement à travers ce partage eucharistique auquel nous sommes invités. Nous assurons les membres du clergé du Patriarcat de Moscou de notre amour fraternel et espérons pouvoir, au plus vite, à nouveau concélébrer avec eux ; en ce qui concerne les laïcs, nous leur redisons notre communion de foi et d’amour et attendons, autour du Corps et du Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, toute personne orthodoxe laïque qui veut répondre à cette invitation du Seigneur : « Prenez et mangez, ceci est mon corps, rompu pour vous en rémission des péchés. Buvez-en tous, ceci est mon sang, celui de la nouvelle alliance, répandu pour vous et pour la multitude en rémission des péchés ».

† Archevêque Jean de Charioupolis, exarque patriarcal des paroisses orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale

 

 

Source : https://orthodoxie.com/message-pastoral-de-mgr-jean-de-charioupolis-sur-la-situation-des-clercs-et-des-fideles-face-levolution-des-relations-tendues-entre-les-eglises-orthodoxes/

 

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La réponse de Marie

Tu l’as entendu, ô Vierge : tu concevras un fils, non d’un homme – tu l’as entendu- mais de l’Esprit Saint.
L’ange, lui, attend ta réponse : il est temps pour lui de retourner vers celui qui l’a envoyé. Nous aussi, nous attendons, ô Notre Dame. Accablés misérablement par une sentence de condamnation, nous attendons une parole de pitié. Or voici, elle t’est offerte, la rançon de notre salut.Consens, et aussitôt nous serons libres. Dans le Verbe éternel de Dieu, nous avons tous été créés ; hélas, la mort fait son œuvre en nous. Une brève réponse de toi suffit pour nous recréer, de sorte que nous soyons rappelés à la vie

 

Ta réponse, ô douce Vierge, Adaml’implore tout en larmes, exilé qu’il est du paradis avec sa malheureusedescendance ;
Il l’implore, Abraham, il l’implore, David, ils la réclament tous instamment, les autres patriarches, tes ancêtres, qui habitent eux aussi au pays de l’ombre de la mort. Cette réponse, le monde entier l’attend, prosterné à tes genoux. Et ce n’est pas sans raison, puisque de ta parole dépendent le soulagement des malheureux, le rachat des captifs, la délivrance des condamnés, le salut enfin de tous les fils d’Adam, de ta race entière.

 

Ne tarde plus, Vierge Marie. Vite,réponds à l’ange, ou plutôt, par l’ange réponds au Seigneur.
Réponds une parole et accueille la Parole ; prononce la tienne et conçois celle de Dieu ; profère une parole passagère et étreins la Parole éternelle.

 
Pourquoi tarder ? Pourquoi trembler? Crois, parle selon ta foi, et fais-toi tout accueil.
Que ton humilité devienne audacieuse, ta timidité, confiante.

L’ange, lui, attend ta réponse : il est temps pour lui de retourner vers celui qui l’a envoyé. Nous aussi, nous attendons, ô Notre Dame.
Certes il ne convient pas en cet instant que la simplicité de ton cœur virginal oublie la prudence ; mais en cette rencontre unique ne crains point la présomption, Vierge prudente. Car si ta réserve fut agréable à Dieu dans le silence, plus nécessaire maintenant est l’accord empressé de ta parole. Heureuse Vierge, ouvre ton cœur à la foi, tes lèvres à l’assentiment, ton sein au Créateur.
Voici qu’au dehors le Désiré de toutes les nations frappe à ta porte. Ah! Si pendant que tu tardes il allait passer son chemin, t’obligeant à chercher de nouveau dans les larmes celui que ton cœur aime.
Lève-toi, cours, ouvre-lui : lève-toi par la foi, cours par l’empressement à sa volonté, ouvre-lui par ton consentement.

 

Voici, dit-elle, la servante du Seigneur : que tout se passe pour moi selon ta parole.

 

ST BERNARD, ABBE DE CLAIRVAUX : À la louange de la Vierge Mère. Sources Chrétiennes, n° 390.  Ed. Le Cerf. Paris 1993

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Semper reformanda

Les protestants, dont je suis, sont les champions tous azimut de la réforme. L’année 2017 vient de nous le rappeler à satiété. Mais il ne faut pas que cette pulsion réformatrice devienne trompeuse.
Fêter les 500 ans de Luther, c’est bien. Pas seulement pour les protestants.

 

La tendance du protestantisme est assez paradoxale; les évangéliques cultivent souvent un conservatisme peu critique, là où les libéraux sont tentés de fuir en avant, confondant l’esprit de la réforme avec l’adaptation illimitée aux modes du temps présent.

Or la vraie Réforme comporte deux implications rigoureuses et exigeantes: la fidélité à l’Evangile, d’une part, le respect de la communion fraternelle, d’autre part. La fidélité à l’Evangile ne signifie pas le fondamentalisme littéraliste, mais demande de nous laisser inspirer par l’Esprit de l’Evangile. Par exemple, l’amour inconditionnel des personnes homosexuelles va dans ce sens, mais pas nécessairement l’idée d’un mariage pour tous, peu conforme à l’idée du mariage chrétien. Le respect de la communion fraternelle n’exige pas une unanimité de doctrine et d’éthique, mais la capacité de vivre ensemble des divergences pratiques et théoriques.

Entre catholiques et protestants, nous avons encore de grandes différences doctrinales, par exemple sur la question des ministères et des sacrements.
Comme protestants, nous considérons depuis belle lurette que les femmes sont tout aussi bien habilitées à exercer le saint ministère pastoral que les hommes, et qu’elles peuvent donc également célébrer tous les sacrements. Et, de même, nous reconnaissons pleinement le droit des pasteurs, hommes ou femmes, à se marier.
Nous sommes persuadés que l’Eglise catholique finira un jour par adopter de tels points de vue. Pour le moment, nous vivons ces réalités dans la divergence, sans que cela doive entraver nos relations œcuméniques.

C’est dire que l’œcuménisme n’est jamais une paisible ou insipide cohabitation entre des points de vue figés: il est toujours légitime et fécond de nous interpeller mutuellement. Je respecte le point de vue catholique; mais je ne l’estime jamais définitif ni intouchable.

Comme l’Eglise protestante, l’Eglise catholique est sans cesse à réformer.
Aimons-nous, sans jamais renoncer au questionnement réciproque.

 

Denis Müller | 06.11.2017
Théologien et éthicien protestant, professeur honoraire d’éthique à l’université de Lausanne (Faculté de théologie et de sciences des religions), et à la Faculté autonome de théologie protestante de l’université de Genève.

 

Source: https://www.cath.ch/blogsf/semper-reformanda/

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Victor Hugo et la Bible

On doit au poète et romancier français, l’un des rares poèmes sur la Bible. On le trouve dans le recueil des Contemplations intitulé «Aux Feuillantines». Il relate la découverte émerveillée de la Bible par trois enfants :

… Sur le haut d’une armoire un livre inaccessible.
Nous grimpâmes un jour jusqu‘à ce livre noir ;
Je ne sais pas comment nous fîmes pour l’avoir,
Mais je me souviens bien que c’était une Bible…
Des estampes, partout ! Quel bonheur ! Quel délire !…
Nous lûmes tous les trois ainsi, tout le matin,
Joseph, Ruth et Booz, le bon Samaritain ;
Et, toujours plus charmés, le soir nous le relûmes…

 

Victor Hugo et la Bible Martin

 

Le jeune Hugo emprunte de nombreux ouvrages à la Bibliothèque de l’Arsenal et à la Bibliothèque royale. Les registres de prêts attestent qu’il en a sorti le 26 juin 1822 un des volumes de « La Sainte Bible contenant l’Ancien et le Nouveau Testament, traduite en français sur la Vulgate, par Lemaistre de Sacy, 1701 »
Trente ans après, le 6 juillet 1852, Victor Hugo s’est réfugié à Bruxelles. Il écrit à son épouse : « J’avais aussi des volumes très précieux, Ronsard, l’Histoire de Paris, ma Bible… Je pense que tu as tout mis en sûreté. »
On peut toujours voir aujourd’hui, dans la bibliothèque de sa maison d’exil à Guernesey (Hauteville House), la Bible de David Martin, sa préférée.

 

« Une Bible par cabane »

Dans son livre « Claude Gueux », Victor Hugo dénonce la misère dans laquelle la société abandonne le peuple.
C’est l’histoire d’un homme ne sachant ni lire ni écrire, sans travail qui, voyant sa famille mourir de faim, vole et est condamné à cinq ans de prison. Grâce à cette histoire vraie, Victor Hugo démontre que la société pervertit l’homme en le laissant dans l’ignorance et la pauvreté.
Son premier vœu est que la société donne accès à l’instruction gratuite et obligatoire pour tous les hommes. Cependant cela ne suffit pas : encore faut-il savoir quoi lire. Quel livre peut apporter réconfort, espérance ? Quel livre offre un message d’amour qui s’adresse à tous les hommes ? Victor Hugo reconnaît que seule la Bible a ce pouvoir d’insuffler l’espérance à un homme découragé.
Que chaque homme possède une Bible et un travail, la misère et la corruption disparaîtront. C’est le message que Victor Hugo a laissé à la postérité : « Souvenez-vous qu’il y a un livre… plus éternel que la charte de 1830 : c’est l’Écriture Sainte. Donc ensemencez les villages d’évangiles. Une Bible par cabane. Que chaque livre et chaque champ produisent à eux deux un travailleur moral. »

José Loncke

Lire l’article sur Croire et Vivre

 

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Comment le “hand spinner“ vous fera faire de la théologie

Par EDMOND PROCHAIN publié le 22/05/2017

C’est le gadget à la mode : un petit objet que l’on fait tourner entre ses doigts et aurait des effets positifs contre le stress et pour la concentration. Vertus auxquelles on pourrait donc ajouter… la théologie trinitaire.

La légende du « hand spinner » s’est répandue aussi vite que cette drôle de toupie s’est incrustée entre les mains des adolescents ou de vos collègues de bureau. Originellement conçu pour aider à la concentration des enfants autistes, cet objet qui semble tourner à l’infini une fois lancé viendrait remplacer de nombreux gestes du quotidien, du stylo qu’on manipule en permanence aux cheveux enroulés autour d’un doigt, en passant par les ongles rongés… Le phénomène est tel que la question finit par se poser : faut-il faire la chasse au jouet du moment ou simplement attendre que la mode passe ? Il existe pourtant une autre option, plus étonnante : en profiter pour comprendre enfin le concept chrétien de la Trinité !

Observons en effet les caractéristiques de l’objet. Un « hand spinner » est composé d’un axe central autour duquel se déploient trois bras (sur la plupart des modèles, du moins), chacun étant lesté de la même façon pour garantir l’équilibre. Dès que la toupie commence à tourner sur elle-même, la force centripète vient encore renforcer son équilibre, si bien qu’on peut la faire tenir aisément sur un doigt aussi longtemps qu’elle reste en mouvement.

Mais alors, quel rapport avec la théologie ? Eh bien il se trouve que par sa forme générique, le « hand spinner » n’est pas sans rappeler un vieux symbole chrétien, connu sous le nom de « bouclier » (ou « écusson ») de la Trinité. Il s’agit en effet d’un schéma très simple, de forme triangulaire, qui explique comment le Père, le Fils et l’Esprit saint peuvent être trois personnes distinctes tout en étant un seul Dieu.

Comment le “hand spinner” vous fera faire de la théologie

Dieu y est en effet l’axe central autour duquel « tournent » les trois personnes de la Trinité, toutes égales et participant d’une même substance divine (on dit qu’elles sont consubstantielles). Les Pères de l’Église différenciaient ainsi, en grec, l’ousia (l’essence, l’être) et l’hupostasis (l’hypostase, soit le fondement, traduit ensuite par « personne »). Il n’y a donc pas trois dieux différents mais un seul Être, au sein duquel coexistent trois personnes dans un mouvement incessant d’amour que la théologie chrétienne a d’ailleurs appelé périchorèse… du grec périchôrèsis, que l’on peut traduire par «rotation ».

Le schéma est né comme une interprétation visuelle d’un texte apparu au VIe siècle, le Symbole d’Athanase (attribué à Athanase d’Alexandrie, rien ne prouve cependant qu’il en soit réellement l’auteur). Également appelé Quicumque (son premier mot en latin), il s’agit d’un credo dont voici les premières lignes : « Quiconque veut être sauvé doit, avant tout, tenir la foi catholique : s’il ne la garde pas entière et pure, il périra sans aucun doute pour l’éternité. Voici la foi catholique : nous vénérons un Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’Unité, sans confondre les Personnes ni diviser la substance : autre est en effet la Personne du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit ; mais une est la divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, égale la gloire, coéternelle la majesté. » L’idée de « tenir la foi catholique » pour être sauvé a inspiré cette image de bouclier rappelant la Trinité.

Revenons, alors, au « hand spinner ».
Sa ressemblance avec le « bouclier » de la Trinité a l’avantage de permettre une application visuelle aux concepts légèrement complexes d’essence et d’hypostases, de substance et de personnes… Prenez en main l’objet et observez ses trois branches, séparées et pourtant liées entre elles en un seul objet. Faites-le désormais tourner : l’élan donné par le roulement à billes de l’axe central fait que vous ne voyez plus entre vos mains qu’un seul disque complet. Mus par l’élan perpétuel de l’amour divin, Père, Fils et Esprit ne sont qu’un seul et même Dieu.
Vous venez de comprendre la Trinité.

 

Tirée par les cheveux, cette récupération catéchétique d’un gadget à la mode ? Sans doute un peu.
Mais n’oublions pas que la tradition catholique s’est très souvent inspirée d’éléments de culture populaire pour rendre sa théologie accessible à tous. C’est ainsi que saint Patrick évangélisa l’Irlande au Ve siècle en utilisant l’image du trèfle pour expliquer – déjà ! – le concept trinitaire.

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Déclaration de foi de l’Eglise protestante unie de France

Le Synode national de l’Eglise protestante unie de France réuni à Lille du 25 au 28 mai 2017 adopte la Déclaration de foi qui suit : 

En Jésus de Nazareth, Dieu révèle son amour pour l’humanité et le monde.
L’Église protestante unie de France le proclame avec les autres Églises chrétiennes. Sur la lancée de la Réforme, elle annonce cette bonne nouvelle : Dieu accueille chaque être humain tel qu’il est, sans aucun mérite de sa part. Dans cet Evangile de grâce, au cœur de la Bible, se manifeste l’Esprit de Dieu. Il permet à l’Église d’être à l’écoute des textes bibliques et de se laisser conduire par eux au quotidien.

 

Dieu nous a créés, nous invitant à vivre en confiance avec lui. Nous trahissons pourtant cette confiance, et nous voilà confrontés à un monde marqué par le mal et le malheur. Mais une brèche s’est ouverte avec Jésus, reconnu comme le Christ annoncé par les prophètes : le règne de Dieu est déjà à l’œuvre parmi nous.

 

Nous croyons qu’en Jésus, le Christ crucifié et ressuscité, Dieu a pris sur lui le mal.
Père de bonté et de compassion, il habite notre fragilité et brise ainsi la puissance de la mort. Il fait toutes choses nouvelles !
Par son Fils Jésus, nous devenons ses enfants. Il nous relève sans cesse : de la peur à la confiance, de la résignation à la résistance, du désespoir à l’espérance.

L’Esprit saint nous rend libres et responsables par la promesse d’une vie plus forte que la mort. Il nous encourage à témoigner de l’amour de Dieu, en paroles et en actes.

Dieu se soucie de toutes ses créatures. Il nous appelle, avec d’autres artisans de justice et de paix, à entendre les détresses et à combattre les fléaux de toutes sortes : inquiétudes existentielles, ruptures sociales, haine de l’autre, discriminations, persécutions, violences, surexploitation de la planète, refus de toute limite.

Dans les dons qu’elle reçoit de Dieu, l’Eglise puise les ressources lui permettant de vivre et d’accomplir avec joie son service : proclamation de la Parole, célébration du baptême et de la cène, ainsi que prière, lecture de la Bible, vie communautaire et solidarité avec les plus fragiles.

L’Église protestante unie de France se comprend comme l’un des visages de l’Église universelle. Elle atteste que la vérité dont elle vit la dépasse toujours.

A celui qui est amour au-delà de tout ce que nous pouvons exprimer et imaginer, disons notre reconnaissance.
« Célébrez Dieu, car il est bon et sa fidélité dure pour toujours. » [1]

 

[1] Psaume 118,1

 

Source: eglise-protestante-unie

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Quand des responsables évangéliques dialoguent avec Rome

Voici un article très intéressant de Jean-François Mayer dans Religioscope .Il prend l’exemple de la Suisse mais le propos est plus large et ouvre sur une compréhension plus fine de la position de l’Alliance évangélique mondiale sur la recherche de l’unité des chrétiens.

 

Quand des responsables évangéliques dialoguent avec Rome
le 20 mai 2017.

 

Pour une présentation de fond, les organisateurs avaient fait appel au professeur d’éthique et sociologue des religions Thomas Schirrmacher, auteur de nombreux ouvrages, secrétaire général adjoint de l’Alliance évangélique mondiale, notamment chargé des relations avec l’Église catholique.

À ce titre, il a souvent l’occasion de se rendre à Rome et de rencontrer le Pape. Au passage, Schirrmacher souligne les relations également entretenues par l’Alliance évangélique mondiale avec les Églises orthodoxes (en particulier avec le Patriarche œcuménique), même si elles sont moins médiatisées.

L’existence même de cette discussion dans le milieu évangélique en Suisse illustre les rapides et profondes transformations des relations entre Églises chrétiennes à l’époque contemporaine.
Il y a une bonne cinquantaine d’années , il arrivait que des groupes de croyants évangéliques se rendent dans des cantons suisses catholiques, afin d’y prier pour que Dieu ouvre ces territoires à la prédication de l’Évangile (au sens où ils comprenaient celle-ci). L’évolution intervenue depuis est considérable, conséquence de transformations tant dans l’Église catholique que dans les milieux évangéliques.

Pour lire l’intégralité de l’article suivre ce lien (ici)

 

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TANQUEREY: Utilité d’une Règle de Vie

 

 

 

 

 

 

Utile , même aux simples fidèles  qui veulent  se sanctifier dans le monde, cette règle s’impose plus particulièrement aux membres des communautés  et à ceux qui vivent dans le ministère. Pour se sanctifier, il faut bien utiliser son temps, surnaturaliser  ses actions et suivre un certain programme de perfection. Or une règle de vie, bien concertée avec le directeur, nous procure ce triple avantage.

A )  Elle nous permet  de mieux utiliser notre temps Comparons en effet la vie d’une personne qui suit une règle de vie , et celle d’une autre qui n’en a point.

a) Sans règlement on gaspille fatalement beaucoup de temps :

1) alors en effet il y a des hésitations  sur ce qu’il y a de mieux à faire ; on met du temps à délibérer, à peser le pour et le contre, et,  comme pour beaucoup de choses il n’y a pas de raison bien décisive, on peut demeurer incertain; et,  la nature prenant le dessus, on est exposé à se laisser entrainer par  la curiosité, le plaisir ou la vanité.

2) C’est alors qu’on néglige un certain nombre de devoirs : n’ayant ni prévu ni déterminé le moment et le lieu favorables  à l’accomplissement de ces différents devoirs , on en omet quelques-uns, parce qu’on  ne trouve  plus le temps de les faire.

3) Ces négligences amènent de l’inconstance: tantôt on fait un effort vigoureux pour se ressaisir, et tantôt on se laisse aller à l’indolence naturelle, précisément parce qu’on a pas  une règle fixe  pour corriger les inconstances de notre nature.

b) Au contraire, avec un règlement bien tracé, on épargne beaucoup de temps :

1) Plus d’hésitations : on sait exactement ce qu’on a à faire, et à quel moment ; si l’horaire n’a pu être tracé d’une façon mathématique, on a posé des jalons, fixé des principes sur les exercices de piété, le travail, les récréations, etc .

2) Plus d’imprévu, ou du moins il y en a peu : car, même pour les circonstances un peu extraordinaires qui peuvent se présenter, on a déterminé quels exercices on peut abréger, et comment  on peut y suppléer par d’autres pratiques; en tout cas, l’imprévu disparaissant, on est immédiatement ressaisi par la règle.

3) Plus d’inconstance, puisque le règlement vient nous solliciter à faire sans cesse ce qui nous est prescrit,  et cela chaque jour  et aux principales heures du jour.  Ainsi se forme des habitudes qui donnent de la continuité à notre vie et assurent notre persévérance;  nos jours sont  des jours pleins, pleins de bonnes œuvres et de mérites.

B) Elle nous permet  de surnaturaliser toutes nos actions

a) Toutes en effet se font par obéissance, et cette vertu ajoute son mérite spécial au mérite propre à chacun de nos actes   C’est dans ce sens   qu’on a dit que vivre de la règle, c’est vivre pour Dieu, puisque c’est accomplir sa sainte volonté. Il y a en outre, dans cette fidélité à la règle, une  valeur éducatrice  incontestable :  au lieu du caprice et du désordre qui tendent à prévaloir  dans une vie mal réglée, c’est la volonté et le devoir qui prennent le dessus, et par conséquent l’ordre et l’organisation : la volonté est soumise à Dieu,  et les facultés  inférieures s’assouplissent pour obéir à la volonté : c’est un retour progressif  à l’état de justice originelle.

b) Il est alors facile d’avoir, en toutes ses actions des intentions surnaturelles : le seul fait de vaincre nos goûts et nos caprices met déjà de l’ordre dans notre vie, et oriente nos actions vers Dieu; mais de plus un bon règlement de vie prescrit un moment de recueillement avant chaque action principale , et nous suggère les intentions  les plus surnaturelles pour les bien accomplir;  chacune se trouve  ainsi  explicitement sanctifiée et devient un acte d’amour de Dieu. Qui dira le nombre de mérites accumulés ainsi chaque jour. !

C) Elle nous trace un programme de perfection.

a) C’est déjà un programme que celui que nous venons de décrire, et le suivre est une marche en avant vers la perfection : c’est la voie de conformité à la volonté de Dieu si prônée par les Saints.

b) Mais de plus il n’est pas de règle de vie complète qui n’indique les principales vertus à pratiquer en rapport avec la condition du pénitent  et son état d’âme. Sans doute il y  aura lieu de modifier parfois ce petit programme en raison  des besoins nouveaux qui  pourront  se produire; mais tout ceci se fera  d’accord avec le directeur et viendra  s’insérer dans la règle de vie pour nous servir de guide.

 

Ad. TANQUEREY:  Précis de Théologie Ascétique et Mystique, 7e éd,  Desclée Paris

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Au-delà d’un légitime  agacement  dû  sans doute  au vocabulaire de l’époque, il me semble que cette petite musique catholique rejoint ce qui s’appelle  dans les Eglises de la Réforme, une doctrine de la Sanctification au sens Weyslésien du terme.

Jean Ayrault

 

( Cf. aussi  :  Th. BOVET :   L’art de trouver du Temps –   Oberlin 1955.)

 

 

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