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XLX Benoit XVI

 

XLX Benoit XVI

Elu pape le 19 avril 2005 il prend le nom de Benoît XVI. En qualité d’évêque de Rome, il est le 265e pape de l’Église catholique ainsi que le chef d’État du Vatican jusqu’à sa renonciation le 28 février 2013.

 

Joseph avant Benoit

     Théologien reconnu, docteur et professeur à l’université, il participe au concile Vatican II -où il est considéré comme réformateur- comme expert ou il prépare, pour le card. Frings de Cologne, un discours très audacieux prononcé le 8 novembre 1963 sur les actions du Saint-Office qui « ne sont pas en harmonie avec les temps modernes et sont une source de scandale pour le monde entier [1]».
     Pour lui, l’Église devait revenir aux sources de la théologie catholique en remontant à la Bible et aux Pères de l’Église afin de pouvoir revivifier l’enseignement de la théologie et permettant de revitaliser la vie catholique
      En 1977, il est nommé par le pape Paul VI successivement archevêque de Munich et Freising et cardinal.

Le pape Jean-Paul II en fait en 1981 son préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi,  président de la Commission biblique pontificale ainsi que de la Commission théologique internationale, à la tête desquelles il reste 23 ans,

Immédiatement après sa prise de fonction, les évêques, théologiens et prêtres contestés ont été invités à Rome dans les cas importants afin de se confronter personnellement à leurs divergences d’opinion. Il aura renforcé les droits des auteurs et donné pour la première fois aux théologiens accusés de déviation dogmatique le droit de se défendre.

Cependant, dans les faits, il affirme de plus en plus une ligne doctrinale conservatrice. Au lieu de faire de la Congrégation un outil de réflexion sur la doctrine et la théologie, ou un espace de dialogue où mettre les idées nouvelles à l’épreuve et aplanir les divergences, de nombreux théologiens catholiques de grand renom ont ainsi été condamnés, comme Hans Küng [2] qui remet en question le concile Vatican I dans ses écrits, et remet en cause le dogme de l’infaillibilité pontificale proclamé en 1870 par Pie IX ; Edward Schillebeeckx o.p.[3] qui aborde la question de la succession apostolique et affirme qu’il y a là une donnée non essentielle pour l’exercice du ministère ; et une grande partie des théologiens de la libération [4] comme Leonardo Boff o.f.m. qui critique l’Église, la considérant comme trop hiérarchisée et comme ayant « passé un pacte colonial avec les classes dirigeantes » et Jon Sobrino s.j.

Déclaration Dominus Iesus

     Dominus Iesus [5] (« le Seigneur Jésus » en latin) est une déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi,  sur l’unicité et l’universalité de Jésus-Christ et de l’Église catholique, initiée par le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation à l’époque, publiée le 6 août 2000.

     Cette déclaration « confirmée certa scientia e apostolica sua auctoritate par le Saint-Père lui-même [6]» est intéressante de bien des manières. Et particulièrement par ce qu’elle montre du rétrécissement dogmatique opéré par celui qui deviendra le pape Benoit XVI à propos du « subsistit in » ( subsiste dans ) qu’on trouve dans Lumen Gentium 8,2 : « Cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, c’est dans l’Église catholique qu’elle subsiste, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui ».

     Dans « Dominus Iesus » le cardinal Ratzinger ajoute un mot qui modifie le sens du terme « subsistit in » : « Par l’expression subsistit in, le Concile Vatican II a voulu proclamer deux affirmations doctrinales : d’une part, que malgré les divisions entre chrétiens, l’Église du Christ continue à exister en plénitude dans la seule Église catholique ; d’autre part, « que des éléments nombreux de sanctification et de vérité subsistent hors de ses structures (DI 16)»

     La note 56 de DI précise : « L’interprétation qui tire de la formule subsistit in la thèse que l’unique Église du Christ pourrait aussi subsister dans des Églises et Communautés ecclésiales non catholiques est donc contraire à la signification authentique du texte conciliaire. Le Concile avait, à l’inverse, choisit le mot subsistit précisément pour mettre en lumière qu’il existe une seule « subsistance » de la véritable Église, alors qu’en dehors de son ensemble visible, existent seulement des « elementa Ecclesiae » qui -étant des éléments de la même Église- tendent et conduisent vers l’Église catholique » Ce qui est falsifier le sens de « subsiste dans »que les pères conciliaires avaient délibérément choisi : ne pas identifier Eglise catholique romaine et Eglise du Christ. [7]

Après avoir été perçu comme un théologien progressiste durant sa participation au concile, le cardinal Ratzinger est au moment de son élection réputé pour ses vues conservatrices sur la foi et les mœurs, ou l’œcuménisme.

 

Pape Benoit XVI

     Après un conclave d’à peine plus de vingt-quatre heures, le 19 avril 2005, le cardinal Ratzinger est élu comme 265eme successeur de Pierre et prend le nom de Benoit XVI. À 78 ans, il est le pape le plus âgé au jour de sa prise de fonctions depuis Clément XII en 1730.

Au cours de l’audience générale du mercredi , le pape a expliqué, en français, les raisons de son choix : « J’ai voulu m’appeler Benoît pour me rattacher en esprit au vénéré pontife Benoît XV, qui a guidé l’Église au cours d’une période difficile en raison du premier conflit mondial. […] C’est sur ses traces que je désire placer mon ministère au service de la réconciliation et de l’harmonie entre les hommes et les peuples ».

Mais Benoît XVI se réfère également à saint Benoît de Nursie, patron de l’Europe, fondateur de l’ordre des Bénédictins : « Le nom de Benoît évoque aussi le père du monachisme occidental, copatron de l’Europe, particulièrement vénéré dans mon pays et surtout en Bavière. Saint Benoît de Nursie avait inscrit dans sa règle de ne rien mettre au-dessus du Christ. Nous lui demanderons donc de nous aider à rester le regard fixé sur le Christ »

Un pape de restauration

     Il s’agit bien du sens que lui donne les historiens français d’une restauration d’un ordre ancien précédent. Ainsi par exemple, Benoît XVI a changé les règles d’élection du pape, revenant à celles d’avant la modification décidée en 1996 par Jean-Paul II [8]

     En novembre 2005, il réduit et fait contrôler les initiatives œcuméniques des franciscains d’Assise. « Le décret de Benoît XVI est une référence dans l’évolution de son pontificat, vieux de sept mois », estiment de nombreux observateurs de l’Église. Jusqu’à présent, son règne a été un exercice de resserrement des pratiques pour correspondre à la doctrine de l’Église telle qu’il la voit. [9]

     Dans son premier message de Noël, adressé au monde depuis la loggia centrale de la basilique Saint-Pierre de Rome, le 25 décembre 2005, le pape Benoît XVI appelle l’humanité du 3e millénaire à un « réveil spirituel », sans lequel a-t-il dit « l’homme de l’ère technologique risque d’être victime des succès mêmes de son intelligence ».

     Le 22 février 2007, il publie une exhortation apostolique post-synodale du nom de Sacramentum Caritaris qui vise à défendre la beauté et la nécessité du culte eucharistique, central dans la liturgie chrétienne [10].

Exhortation Verbum Domini

     Le 30 septembre 2010, il signe l’exhortation Verbum Domini [11] suite à la XIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, du 5 au 26 octobre 2008, qui a eu pour thème La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église.

     Le but de cet exhortation est de réaffirmer le lien profond entre l’Esprit saint et la parole de Dieu ainsi que de clarifier la position de l’Église face à celle-ci.

      Bible et œcuménisme

     « Tout cela nous renforce dans la conviction qu’écouter et méditer ensemble les Écritures nous fait vivre une communion réelle même si elle n’est pas encore pleine; « l’écoute commune des Écritures nous pousse ainsi au dialogue de la charité et fait grandir celui de la vérité ». En effet, écouter ensemble la Parole de Dieu, pratiquer la lectio divina de la Bible, se laisser surprendre par la nouveauté, qui jamais ne vieillit ou ne s’épuise, de la Parole de Dieu, dépasser notre surdité par ces paroles qui ne s’accordent pas avec nos opinions et nos préjugés, écouter et étudier dans la communion avec les croyants de tous les temps : tout cela constitue un chemin à parcourir pour atteindre l’unité de la foi, en tant que réponse à l’écoute de la Parole » (n°46)

Reforme de la curie romaine

     Benoît XVI place ainsi des hommes de confiance, mais selon le journaliste vaticaniste Sandro Magister, des secteurs entiers de la curie vont « à la dérive », notamment celui de la communication [12].

     Certains analystes décrivent par ailleurs les nominations comme une prise de pouvoir des traditionalistes et des intransigeants. Cependant, Benoît XVI nomme comme sous-secrétaire de la commission des ordres religieux, une femme, sœur Nicoletta Vittoria Spezzati, contribuant à féminiser la hiérarchie de l’Église catholique.

Exhortation Ecclesia in Medio Oriente

    Le 14 septembre 2012, le Saint-Père publie la quatrième et dernière exhortation de son pontificat, intitulée Ecclesia in Medio Oriente [13] et dans laquelle il défend l’œcuménisme spirituel, le rôle de l’Église au Moyen-Orient ainsi que les relations entre l’Église catholique romaine et les Églises catholiques orientales

     Dans les n° 11 à 18 L’ensemble est un appel en faveur de l’unité œcuménique « qui n’est pas l’uniformité des traditions et des célébrations ». En ligne avec le Concile Vatican II, le Pape invite à l’œcuménisme spirituel, à une communion comprise non comme une confusion, mais comme une reconnaissance et un respect de l’autre. En même temps, il souligne à nouveau l’importance du travail théologique, aussi bien des différentes commissions œcuméniques que des communautés ecclésiales, afin que -en accord avec la Doctrine de l’Église Catholique Romaine- elles parlent d’une seule voix au sujet des grandes questions morales (famille, sexualité, bioéthique, liberté, justice et paix).

     L’œcuménisme diaconal (service de la charité) est également important, aussi bien au niveau caritatif qu’éducatif. Figurent ensuite quelques propositions pour une pastorale œcuménique d’ensemble: parmi celles-ci : « Pour une pastorale œcuménique renouvelée, en vue d’un témoignage commun, il est utile de bien comprendre l’ouverture conciliaire vers une certaine communicatio in sacris pour les sacrements de la pénitence, de l’eucharistie et de l’onction des malades, qui n’est pas seulement possible, mais qui peut être recommandable dans certaines circonstances favorables, selon des normes précises et avec l’approbation des autorités ecclésiastiques. Les mariages entre fidèles catholiques et orthodoxes sont nombreux et ils demandent une attention œcuménique particulière. J’encourage les Évêques et les Éparques à appliquer, dans la mesure du possible, et là où ils existent, les accords pastoraux pour promouvoir peu à peu une pastorale œcuménique d’ensemble. » (N°16)

     Le Pape se dit, en outre, certain de pouvoir trouver un accord sur une traduction commune du Notre-Père dans les langues locales de la région.

Les relations œcuméniques

Sa compréhension de l’Eglise Catholique Romaine tient plus de la conception préconciliaire que de Vatican II.

Au fond sa vision de l’œcuménisme est l’image d’un dialogue favorisant le retour des  autres confessions vers la seule vraie Eglise en qui subsiste l’Eglise du Christ dans toute sa plénitude. (Voir supra) avec cependant une nuance : ce n’est pas conçu comme une « reddition en rase campagne » comme pour Pie XII mais comme un apport de richesses, un partage de dons.

   La création des Ordinariats anglicans est un bon exemple de l’œcuménisme selon Benoît XVI: il s’agit de réintégrer dans celle-ci des communautés dissidentes [de leurs Eglises] en conservant leur patrimoine spirituel. « Le but est l’unité dans la pluralité, pas l’uniformité. Il en va de même pour les communautés luthériennes qui souhaitent se rapprocher de l’Eglise, et bien sûr aussi, éminemment, pour les Eglises orthodoxes. » [14]

    En ce sens la renonciation par Benoit à son titre de «patriarche d’Occident» est significatif. Et même si les raisons invoquées sont « raisonnables » il faut s’interroger sur l’urgence de procéder à un tel ajustement et son sens profond. Le Pape de Rome, patriarche d’occident, avait un primat d’honneur et d’arbitrage par rapport aux autres patriarcats. Ne plus se reconnaitre comme Patriarche d’Occident, c’est aussi renoncer à être ce « primus inter pares » (premier parmi ses pairs), mais pour être quoi ? 

Le pape François rétablit le titre dans l’Annuario Pontificio de 2024

Dialogue catholique-orthodoxe

    C’est sans aucun doute dans le dialogue catholique-orthodoxe que les acquis ont été les plus importants. Un an après son élection il a pris des mesures qui ont considérablement facilité le dialogue avec le patriarche de Moscou Alexis II, dont les relations avec son prédécesseur Jean-Paul II étaient très tendues.

     L’événement le plus marquant du pontificat en ce qui concerne le dialogue catholique-orthodoxe est probablement la signature d’un document commun, le document de Ravenne [15] du 13 octobre 2007, qui affirme une conception commune de l’Eglise et des ministères. Les partenaires s’accordent également sur la reconnaissance du primat de l’évêque de Rome, mais notent cependant un désaccord sur la manière d’interpréter ce primat.

     le 1er mars 2006, Benoît XVI a pris la décision de renoncer à son titre de «patriarche d’Occident». Il suffit de lire la réaction de L’évêque Hilarion de Vienne et d’Autriche (qui sera plus tard président du département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, de 2009 à 2022) pour comprendre la fausse manœuvre : « Certains ont vu dans cet abandon du titre de patriarche d’Occident un signe du désir du pape d’améliorer les relations avec l’Eglise orthodoxe. Cependant, les raisons pour lesquelles la suppression du titre pourrait améliorer les relations du siège de Rome avec les Eglises orthodoxes restent mystérieuses. Bien au contraire, ce geste peut être interprété comme une preuve des prétentions croissantes de l’évêque de Rome à la primauté universelle [16] »

     Il a fallu une note du Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens expliquant que « le terme Occident recouvre aujourd’hui une réalité bien différente de celle des siècles passés. En effet, cette décision vise aussi à faciliter l’unité des chrétiens. »

Ce qui est sans doute vrai dans la manière de concevoir l’unité des chrétiens de Benoit XVI, mais qui n’est pas partagée par ses interlocuteurs…

Dialogue catholique-protestant

Benoît XVI avec Nikolaus Schneider, président du Conseil de l’Église évangélique en Allemagne, au couvent des Augustins, à Erfurt     Si le dialogue catholique-protestant n’a permis d’aboutir à la signature d’aucun accord au cours du pontificat, il faut signaler le voyage remarqué de Benoît XVI à Erfurt (Allemagne), ville natale du réformateur Martin Luther, en septembre 2011. A cette occasion, il avait rencontré les responsables de l’Eglise protestante allemande (Evangelische Kirche in Deutschland) et leur avait adressé un discours rendant hommage à la figure de Luther et à sa quête inlassable de la miséricorde de Dieu [17].

     Il avait appelé dans ce discours à ne pas se concentrer sur ce qui sépare encore les différentes confessions chrétiennes au point d’oublier l’étendue de ce qu’elles ont en commun. «Le grand progrès œcuménique des dernières décennies est pour moi, que nous nous soyons rendu compte de cette communion», a-t-il déclaré à cette occasion.

Relations avec les anglicans

     Le 23 novembre 2006, Benoit XVI et l’archevêque de Canterbury Rowan Williams, Primat de la Communion Anglicane, ont reconnu l’existence dans une déclaration commune de « sérieux obstacles au progrès œcuménique ». Ils s’engagent cependant à « poursuivre le dialogue ». Les deux chefs religieux ont aussi appelé leurs fidèles à témoigner et agir ensemble pour « la paix au Proche-Orient et dans d’autres parties du monde

     Durant le pontificat se poursuit le dialogue avec la Communion anglicane traditionnelle [18], fondée en 1991 à la suite de divergences au sein de la Communion anglicane

Constitution apostolique Anglicanorum Coetibus (À des groupes d’anglicans)[19]

     Sur l’établissement d’ordinariats personnels pour les anglicans qui entrent dans la pleine communion avec l’église catholique (4 novembre 2009) destinée à accueillir et intégrer des institutions et groupes anglicans au sein de l’Église catholique romaine, tout en assurant « que soient maintenues au sein de l’Église catholique les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de la Communion anglicane, comme un don précieux qui nourrit la foi des membres de l’ordinariat et comme un trésor à partager (3)».
A la Conférence de presse de présentation du document, le cardinal Kasper, pourtant alors à la tête du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens, était absent, prétextant un voyage à Chypres.

      C’est au nom de sa façon particulière d’interpréter le « subsistit in » (voir supra) que Benoit XVI au nom de l’unité de l’Eglise créé cet ordinariat.

     Toute l’ambiguïté de la démarche est relevée par les lefebvristes de la FSSPX qui célèbrent le « vrai œcuménisme » de Benoit XVI : « à l’occasion de cette constitution, il a été déclaré au plus haut niveau de la hiérarchie ecclésiastique que cette démarche d’accueil des demandes de ces communautés d’origine anglicane réalisait le but réel et ultime de l’œcuménisme véritable, c’est-à-dire l’entrée de non-catholiques dans l’Église catholique.

Même si elle est contestée en sourdine par certains (notamment par le calamiteux cardinal Kasper), une telle affirmation tend à rectifier le flou voire l’erreur qui règne sur le faux œcuménisme issu de Vatican II, à savoir une sorte d’œcuménisme de convergence « postconfessionnelle » ou, pour reprendre la formule très douteuse de l’abbé Couturier, la recherche de « l’unité de l’Église quand Dieu le voudra et comme Dieu le voudra », qui évacue subrepticement l’article tout à fait actuel du Credo : « Je crois à l’Église catholique. »[20] 

 

Dialogue interreligieux

Relations avec le judaïsme

     En février 2008, le pape Benoît XVI, dans sa volonté de permettre l’ancien rite de la messe en latin, a décidé de maintenir, avec quelques modifications, une prière pour la « conversion des juifs » contenue dans le missel en latin pour le Vendredi saint. Cette autorisation suscite alors des protestations de la part de membres de la communauté juive

     Au printemps 2009, Benoît XVI s’est rendu en Israël et en Jordanie. Au mémorial de Yad Vashem, il a prononcé le mot de « Shoah » dans son discours et parlé sans ambiguïté des « six millions de Juifs » assassinés par les nazis. En août 2009, Benoît XVI affirme que les camps d’extermination nazis sont des « symboles de l’enfer sur la terre ».

     Le 17 janvier 2010, Benoît XVI renouvelle la visite que Jean-Paul II avait faite, 23 ans plus tôt, à la synagogue de Rome ; le contexte en est plus difficile, à la suite du projet de béatification de Pie XII. Lors de son discours, le pape rappelle que Pie XII a sauvé des Juifs « de façon souvent cachée et discrète » et le président de la communauté juive de Rome, Riccardo Pacifici répond que « le silence de Pie XII durant la Shoah » demeure douloureux.

Relations avec l’islam

Discours de Ratisbonne et ses conséquences

     Le 12 septembre 2006, dans son discours à l’université de Ratisbonne, le pape déplore énergiquement toute violence commise pour des desseins religieux. Dans son discours, le pape signifie que Dieu est le Verbe, le Logos, la Raison primordiale. Or, la raison s’oppose à la violence et aux passions. Il cite notamment l’empereur byzantin Manuel II Paléologue (1391-1425) : « (…) l’empereur, avec une rudesse assez surprenante qui nous étonne, s’adresse à son interlocuteur simplement avec la question centrale sur la relation entre religion et violence en général, en disant : « Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait ». L’empereur, après s’être prononcé de manière si peu amène, explique ensuite minutieusement les raisons pour lesquelles la diffusion de la foi à travers la violence est une chose déraisonnable. La violence est en opposition avec la nature de Dieu et la nature de l’âme. »

     Cette citation des propos de Manuel II dans son discours déclenche de vives réactions politiques et religieuses dans le monde, majoritairement négative dans les pays à majorité musulmane, plutôt positive dans les pays occidentaux prenant la défense du pape au nom du dialogue religieux et de la liberté d’expression.

     Le 20 septembre, lors de l’audience générale à Rome, le pape revient à nouveau sur le discours qu’il a tenu à Ratisbonne. Il insiste sur l’idée centrale de son discours : « Ce ne sont pas la religion et la violence qui vont ensemble, mais la religion et la raison ». Il souhaite aussi que ce discours et le débat qui a suivi puissent « constituer une impulsion et un encouragement à un dialogue positif, même autocritique, aussi bien entre les religions qu’entre la raison moderne et la foi des chrétiens ».

          En mai 2009, lors de son voyage en Jordanie, précédant son séjour en Israël, le pape rencontre le prince Ghazi Bin Muhammad Bin Talal, cousin du roi Abdallah II, et inspirateur de la lettre « Une parole commune entre vous et nous [21]» et note que les musulmans ont aussi particulièrement apprécié l’éclaircissement donné par le Vatican, selon lequel ce qui a été dit à Ratisbonne ne reflétait pas l’opinion de Votre Sainteté, mais était simplement une citation dans un discours académique.

     Cette invitation au dialogue est entendue par des personnalités musulmanes. Un mois après le discours de Ratisbonne, 38 savants musulmans écrivent une lettre ouverte au pape, en vue « de parvenir à une compréhension mutuelle ». En octobre 2007, 138 personnalités musulmanes envoient au pape, et aux responsables des autres confessions chrétiennes, une lettre ouverte intitulée Une parole commune entre vous et nous. Cette initiative est suivie de la création d’un forum permanent de dialogue catholico-musulman [22] dont la première session se tient à Rome, du 4 au 6 novembre 2008.

Relations avec les lefebvristes de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X

Le motu proprio Summorum Pontificum

     C’est une lettre apostolique sous forme de motu proprio publiée le 7 juillet 2007, par laquelle le pape Benoît XVI redéfinissait le cadre juridique de la continuation de la célébration de la forme du rite romain qui était en vigueur en 1962, le rite tridentin [23]. Son principal effet pratique était d’autoriser (art. 1) tout prêtre catholique de l’Église latine, quand il célébrait la messe sans le peuple, à utiliser soit l’édition 1962 soit l’édition 2002 du Missel romain ; et d’autoriser les curés et les recteurs d’églises qui ne sont ni paroissiales ni conventuelles à accepter si un groupe stable de fidèles leur demandait de célébrer la messe selon l’édition 1962 (ce qui a été appelé « le rite extraordinaire ») et à utiliser le « rituel ancien pour l’administration des sacrements du baptême, du mariage, de la pénitence et de l’onction des malades ».

Tentative de réintégration de la FSSPX

     La publication du motu proprio est apparue comme une tentative de « réintégration » de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) dans la pleine communion ecclésiale.
     En effet, Mgr Fellay avait présenté deux conditions préalables :
        • la reconnaissance du droit de tout prêtre catholique de célébrer la messe tridentine
        • la levée de l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité
     Par un décret du 21 janvier 2009, le préfet de la Congrégation pour les évêques le card. Re, agissant au nom du pape, lève l’excommunication des quatre évêques de la FSSPX.
     Au sein de la FSSPX, une forte opposition au projet de rapprochement avec le Saint-Siège s’est manifestée et aucun accord n’a été trouvé.
Au sein de l’Eglise Catholique aussi. Benoit XVI écrira à ce sujet en mars 2009 une lettre aux évêques de l’église catholique au sujet de la levée de l’excommunication des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre [24]

     Publié le 8 juillet 2009 par le pape, le motu proprio Ecclesiae unitatem précise les relations entre le Vatican et la FSSPX. En vertu de ce décret, la Commission pontificale Ecclesia Dei, instituée par Jean-Paul II en 1988, est désormais rattachée de façon étroite à la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Les négociations durent trois ans.

     Malgré cette tendance à la normalisation entre les autorités vaticanes et la FSSPX, une opposition interne à ce rapprochement existe au sein du mouvement. En avril 2012, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galarreta – trois des quatre évêques consacrés par Marcel Lefebvre — adressent un lettre à Bernard Fellay, quatrième évêque consacré par Lefebvre et supérieur de la FSSPX à l’époque, pour dire leur opposition quant à la possibilité d’un accord « purement pratique » avec le Saint-Siège.

     Richard Williamson est expulsé de la FSSPX en octobre 2012 ; il était l’un des opposants les plus acharnés qui œuvraient contre le rapprochement avec le Saint-Siège.

     Quand le 2 juillet 2012, Gerhard Ludwig Müller, évêque de Ratisbonne, devient préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il est également de fait, président de la Commission pontificale Ecclesia Dei.      C’est lui qui déclare, en septembre 2012, que, après une dernière discussion avec les traditionalistes, les négociations ont abouti à un échec ; elles ne reprendront pas.

Séparation d’avec la FSSPX

Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (FSSP)

     La Fraternité sacerdotale Saint-Pierre [25] a été fondée le 18 juillet 1988 en l’abbaye de Hauterive en Suisse par une douzaine de prêtres et de séminaristes, anciens membres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X qui ont refusé la situation de schisme de celle-ci provoquée par des consécrations canoniquement illicites. Peu de temps après sa fondation et grâce à l’aide du cardinal Joseph Ratzinger, elle a été accueillie au sanctuaire marial bavarois de Wigratzbad.

     Le 10 septembre 1988, la commission pontificale Ecclesia Dei accorda l’usage des livres liturgiques de 1962. D’abord accordées à titre expérimental, puis revues en détail par le Saint-Siège en 1999 et par le chapitre général de la fraternité en 2000, les constitutions de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre ont été approuvées définitivement le 29 juin 2003 par le Saint-Siège. La FSSP est en pleine communion avec le Vatican et reçoit l’ensemble du magistère de l’Église et de l’enseignement des papes.

 

Renonciation

 

Le 11 février 2013, à l’issue d’un consistoire public ordinaire convoqué pour valider des propositions de canonisations, le pape annonce, à la stupeur générale, sa renonciation pour le 28 février à 20 heures (heure de Rome), la justifiant par la « vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié. »

Sa renonciation est conforme au Code de droit canonique de 1983 régissant les activités du Saint-Siège : « S’il arrive que le Pontife romain renonce à sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite librement et qu’elle soit dûment manifestée, mais non pas qu’elle soit acceptée par qui que ce soit [26] »

A partir de 20 heures, il devient officiellement « Sa Sainteté Benoît XVI, pape émérite » ou « Sa Sainteté Benoît XVI, pontife romain émérite ». Son successeur, François, se nommant lui-même comme évêque de Rome, appelle à prier pour son prédécesseur qu’il qualifie justement comme « évêque émérite »[27].

Décès

     Le 28 décembre 2022, le pape François annonce que Benoît XVI est gravement malade. Après plusieurs jours de détérioration de son état de santé, le pape Benoît XVI meurt à 9 h 34 le matin du 31 décembre 2022, à l’âge de 95 ans au Vatican, dans le monastère Mater Ecclesiae

 

 

[1] PEDOTTI Christine. La bataille du Vatican. 1962-1962 op. cit. p 278-279
[3] La façon de voir de Schillebeeckx a eu une influence considérable sur le concile Vatican II (1962-1965), en particulier sur la Constitution concernant la Révélation divine (Dei Verbum, 18 novembre 1965) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Schillebeeckx
[4] Pour la pratique, l’instrument d’analyse et d’observation utilisé s’inspire du marxisme. La théologie de la libération entend renouer avec la tradition chrétienne de solidarité. Parmi ses représentants, on compte les archevêques Hélder Câmara et Oscar Romero2 ou encore le théologien Leonardo Boff.  https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9ologie_de_la_lib%C3%A9ration
[7] LEGRAND Hervé, « Quelques réflexions ecclésiologiques sur l’Histoire du concile Vatican II de G. Alberigo », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 2006/3 (Tome 90), p. 495-520. n° 44 à 49. in : https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2006-3-page-495.htm 
[8] . Jean-Paul II avait en effet permis, dans le cas où aucun candidat n’aurait obtenu, au bout de 34 tours de scrutin, la majorité des deux tiers plus une voix, d’élire le nouveau pape à la majorité simple. À la suite de la décision de Benoît XVI, le prochain souverain pontife devra donc à nouveau recueillir les deux tiers des voix des cardinaux réunis en conclave pour être élu, quel que soit le nombre de scrutins.
[9] La réaction à la décision du Vatican a été vive dans toute l’Italie. « Le bastion du dialogue est tombé. Désormais, les franciscains ont les mains liées et ne peuvent plus être un pont entre l’Église et la société », a déclaré Livia Turco, membre du plus grand parti de la coalition d’opposition italienne, les Démocrates de gauche. https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.washingtonpost.com%2Fwp-dyn%2Fcontent%2Farticle%2F2005%2F11%2F28%2FAR2005112801707.html#federation=archive.wikiwix.com&tab=url  
FAMEREE Joseph. «Communion ecclésiale, conciliarité et autorité». Le document de Ravenne. In: Revue théologique de Louvain, 40ᵉ année, fasc. 2, 2009. pp. 236-247.www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2009_num_40_2_3762
[16] https://www.cath.ch/newsf/rome-pourquoi-le-pape-a-renonce-au-titre-de-patriarche-de-l-occident/ voir aussi DELAIGUE Christophe. Quel pape pour les chrétiens. Groupe Artège, Desclée de Brouwer, Paris 2014 (prix du CECEF )
[27] Ce qui est un non-sens. Être Pape est une fonction de l’Evêque de Rome. Le titre de « pape émérite » n’est prévu par aucune législation de l’Église catholique.

 

Les articles sur l’histoire des Eglises resteront disponibles individuellement pendant trois mois
Ils sont ajoutés sur les pages [Histoire de l’Eglise: Eglise et unité] ou [L’Orthodoxie, Eglise des sept Conciles] au fur et à mesure de leur parution

 

XLX Benoit XVI Lire la suite »

XLIX Jean-Paul II : entre continuité et rupture

 

XLIX Jean-Paul II : entre continuité et rupture

 

    Karol Józef Wojtyła, nait le 18 mai 1920 à Wadowice en Pologne, il est successivement prêtre, évêque puis archevêque de Cracovie, créé cardinal en 1967, avant de devenir le 264e pape de l’Église catholique Romaine à moins de cinquante huit ans [1]

Peu de temps après sa nomination comme évêque de Cracovie, le pape Jean XXIII décide d’ouvrir le concile œcuménique Vatican II.  Dans sa réponse au questionnaire pour la phase préparatoire, Karol Wojtyła demande que le concile se prononce clairement sur « l’importance de la transcendance de la personne humaine face au matérialisme croissant de l’époque moderne ». Il souhaite que soit renforcé le rôle des laïcs dans l’Église, mais aussi le dialogue œcuménique et le célibat des prêtres qu’il défend.

Pendant le concile, parlant le français, l’anglais, l’allemand, le polonais, le russe, l’espagnol, l’italien et le latin, il devient progressivement le porte-parole et le laeder de la délégation polonaise.

À l’issue du conclave d’octobre 1978, qui fait suite à la mort subite de Jean-Paul Ier (qui n’a régné que 33 jours) , il est élu, sur proposition du cardinal König. C’est le premier pape non italien depuis 1522, ainsi que le premier pape polonais et slave de l’histoire du catholicisme. Son pontificat est le second plus long de l’histoire : 1978-2005  (plus de 26 ans)

En tant que pape, il s’oppose à l’idéologie communiste et par son action, notamment en Pologne, favorise la chute du bloc de l’Est. Sa volonté de défense de la dignité humaine le conduit à promouvoir les droits de l’homme ( tant que cela concerne les pays communistes ).

 

Pontificat

     Le 22 octobre 1978, lors de la messe inaugurale de son pontificat, il lance à la foule « N’ayez pas peur » montrant sa détermination, appelant à un christianisme plus engagé et à l’ouverture des frontières : « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ. À sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des États, les systèmes politiques et économiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation et du développement. N’ayez pas peur! Le Christ sait ce qu’il y a dans l’homme ! Et lui seul le sait ! » [2]

Parmi les documents majeurs publiés par Jean-Paul II, on compte 14 encycliques, 15 exhortations apostoliques, 11 constitutions apostoliques et 45 lettres apostoliques [3].

La publication du Catéchisme de l’Église catholique en 1992 reste un acte majeur du magistère pontifical de Jean Paul II, par-là il voulut donner « une norme sûre pour l’enseignement de la foi » [4].

Par ailleurs Jean-Paul II a publié de nombreux enseignements, notamment sur la théologie du corps, évoquant le sujet de la sexualité sans tabous. Il souhaitait porter un regard neuf sur la question et changer les idées reçues sur l’Église en matière de sexualité [5].

En 1981, il fonde l’Institut pontifical Jean-Paul II d’études sur le mariage et la famille à Rome avec pour but d’approfondir les étude dans ce domaine ainsi qu’en bioéthique.

Jean-Paul II a créé les Journées mondiales de la Jeunesse, qui ont lieu tous les 2-3 ans et regroupent des milliers de jeunes catholiques du monde entier. Les premières JMJ ont eu lieu à Rome en 1986.

Un pape tourné vers l’extérieur

     Durant son pontificat, Jean-Paul II effectue 104 voyages en dehors du Vatican. Il rend visite à 317 des 333 paroisses de Rome. Il visite 129 nations, la plupart d’entre elles accueillant un pape pour la première fois

     Les trois pays les plus visités par Jean-Paul II sont : la Pologne, son pays natal (neuf fois) ; la France (huit fois, dont sept fois en métropole et une fois à La Réunion) ; et les États-Unis (sept fois).

     Jean-Paul II a un attachement particulier pour la France. Il rappelle, lors de son premier voyage en France en 1980, qu’elle est la « fille aînée de l’Église » et demande, à la fin de son homélie au Bourget : « France, Fille de l’Église et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la sagesse éternelle ? ». Il effectue également deux voyages à Lourdes (1983 et 2004), un voyage « européen » à Strasbourg, Metz, et Nancy (1988), un voyage pour le 1 500e anniversaire du baptême de Clovis à Reims (1996), et un voyage pour les Journées mondiales de la jeunesse à Paris (1997)

     Alors que certains de ses voyages (comme aux États-Unis ou à Jérusalem) le mènent sur les traces de Paul VI, beaucoup d’autres pays n’ont jamais été visités par un pape. Il devient le premier pape à se rendre au Royaume-Uni où il rencontre la reine Élisabeth II, gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre. Lui et l’archevêque anglican de Cantorbéry s’embrassent devant les médias dans la cathédrale de Cantorbéry.

Attentats

     Le mercredi 13 mai 1981, jour de l’audience générale hebdomadaire qui se tient place Saint-Pierre à Rome, et devant une foule de 20 000 fidèles, Jean-Paul II est victime d’un attentat. Mehmet Ali Ağca, un jeune turc de 23 ans fait feu sur le pape avec un pistolet 9 mm, à une distance de moins de six mètres. Atteint par trois balles, le pape doit être opéré en urgence, mais aucun organe vital n’est atteint.

     Le pape, qui venait remercier la Vierge Marie, dans le sanctuaire de Fatima, pour avoir échappé aux coups de feu tirés contre lui par Mehmet Ali Ağca, est attaqué par Juan María Fernández y Krohn, un prêtre intégriste espagnol opposé à la libéralisation de l’Église. Celui-ci se précipite sur le Pape avec un poignard à la main, mais il est rapidement maîtrisé. L’information n’est pas diffusée et le pape termine son voyage sans révéler ses blessures. « Je peux aujourd’hui révéler que le Saint-Père avait été blessé. Quand nous sommes entrés dans la salle, nous avons vu qu’il saignait », déclare son secrétaire d’alors, le P. Stanisław Dziwisz

Repentance de l’Église

Jean-Paul II a tenu à ce que l’Église catholique fasse acte de repentance pour les erreurs commises par les chrétiens dans l’histoire.

Cela concerne :

    • l’affaire Galilée : en 1992, la commission d’étude de la controverse ptoléméo-copernicienne a remis ses conclusions et a reconnu les erreurs commises par les théologiens de l’époque ;
    • les relations avec le judaïsme : en mars 1998, une déclaration émanant de la Commission vaticane pour les relations avec le judaïsme, comportant une introduction de la main du pape lui-même, admettait l’existence d’une culture antijudaïque diffusée par l’Église dans le passé ;
    • la repentance de l’an 2000 lors du Jubilé de l’an 2000, sur les erreurs commises pendant les deux premiers millénaires de l’histoire du christianisme : le pape a appelé à une purification de la mémoire

 

Encyclique « Redemptor hominis » (Le Rédempteur de l’homme)  15 mars 1979  

Comme pour chaque pape, cette première encyclique ressemble à une loi-cadre du pontificat. Après les révérences habituelles en début d’encyclique à ses prédécesseurs (1 à 4), les thèmes développés sont ceux qu’il veut promouvoir. Il est donc intéressant de s’y arrêter. Et particulièrement ceux qui touchent à l’œcuménisme et à l’interreligieux.[6]

Collégialité et apostolat (5): La collégialité s’exprime à travers le Synode des évêques mais aussi les différentes formes d’organisations cléricales (Conférences épiscopales, synodes locaux, etc…) ou laïques qui sont appelés à ( Organisations d’apostolat des laïcs, création de nouveaux organismes ayant souvent un aspect différent et un dynamisme exceptionnel)

Chemin vers l’union des chrétiens(6): « La véritable activité œcuménique signifie ouverture, rapprochement, disponibilité au dialogue, recherche commune de la vérité au sens pleinement évangélique et chrétien; mais elle ne signifie d’aucune manière, ni ne peut signifier, que l’on renonce ou que l’on porte un préjudice quelconque aux trésors de la vérité divine constamment professée et enseignée par l’Eglise. »

« Même si c’est d’une autre manière et avec les différences qui s’imposent, il faut appliquer les réflexions précédentes à l’activité qui tend au rapprochement avec les représentants des religions non chrétiennes » ce qui est dans la droite ligne de la déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes (Nostra Ætate)

Les chapitres suivants (7 à 14) resituent le mystère de la rédemption et la place de l’homme dans ce mystère.

Viennent ensuite des analyses des « signes des temps» à travers « Ce que craint l’homme d’aujourd’hui » (15) à travers « le développement de la civilisation de notre temps marqué par la maîtrise de la technique,[qui] exigent un développement proportionnel de la vie morale et de l’éthique » avec l’interrogation « Progrès ou menace ? » (16) et la réponse : « les droits de l’Homme »(17)

C’est dans cette dynamique que se situe la mission de l’Eglise, qui est d’exprimer et d’agir au nom de « La sollicitude de l’Eglise pour la vocation de l’homme dans le Christ » (18) par le moyen de ses richesse propres : les sacrements (20) et le service (21)

L’encyclique se termine par une méditation sur l’Eglise, « Mère de notre espérance » (22)

 

Jean-Paul II en quelques points incontournables

[ Je développe essentiellement ce qui a trait à l’œcuménisme et à l’interreligieux qui est plus la cible de ce site ]

Les droits de l’Homme

     Ce sont ses discours à l’ONU en 1979 et 1995 qui permettent de saisir sa pensée sur les principaux problèmes abordés, notamment la liberté religieuse, les droits des femmes, des enfants et des familles, le « droit au développement », la discrimination raciale ou la question des réfugiés. Les observateurs du Saint-Siège regrettent que, trop souvent, il existe une contradiction entre les principes affirmés en matière de défense des droits de l’homme et leur mise en œuvre.
Le Saint-Siège observe et dénonce également ce que l’on pourrait appeler une certaine dérive dans la conception même des droits de l’homme tels qu’ils sont défendus ou interprétés à l’ONU par rapport au texte de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Cet éloignement par rapport à l’esprit des origines a été signalé notamment à propos de la question de la défense de la vie ou des droits de la femme [7].

Discours à l’ONU du 2 octobre 1979 [8]

    En 1979, son discours à l’ONU cadre bien avec la situation du monde. Jean Paul II fait siennes toutes les revendications des sans voix.
Il évoque la recherche de la paix, la justice, le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine comme «des valeurs morales objectives communes» à l’Eglise et à l’organisation internationale.

     Dans la foulée, Jean Paul II a accéléré l’adhésion du Saint-Siège aux principales institutions onusiennes : l’organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), celle pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) ou encore le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef). l’Eglise se fait représenter partout, prenant désormais sa part aux débats qui déterminent l’avenir du monde.

Discours à l’ONU du 5 octobre 1995 [9]

     A la tribune de l’ONU à l’occasion du 50eme anniversaire de sa création, Jean Paul II a salué le rôle de l’organisation et suggéré qu’à côté de la Déclaration universelle des droits de l’homme, elle se dote d’une « déclaration des droits des nations (6) ». Il a évoqué ce qu’il a appelé la « révolution non violente de 1989 » ( la libération des pays d’Europe de l’Est du communisme ) et souligné le facteur décisif qu’y avait joué la «solidarité sociale (4) ».
     Mais à l’heure du conflit bosniaque, il a aussi souligné les dangers du nationalisme étroit qui peut conduire au cauchemar.

      «  Jean-Paul II est convaincu que l’existence de l’Onu – dont la Charte proscrit la guerre, sauf le cas de légitime défense immédiate – représente une avancée de grande importance vers un monde où les conflits seraient réglés pacifiquement. Sans aller jusqu’à reprendre la formule audacieuse de Jean XXIII, appelant de ses vœux l’avènement d’une « autorité publique de compétence universelle » ( Pacem in terris, 137), Jean-Paul II mise sur les institutions internationales, si imparfaites soient-elles, pour défendre les droits des peuples faibles contre l’aventurisme unilatéral des forts. Ce n’est pas un hasard si, dix mois après la guerre d’Irak, il choisira de consacrer l’essentiel de son message du 1er janvier 2004 à une apologie du droit international et de l’Onu.

     Un chiffre significatif : en 1978, lorsque Karol Wojtyla accède au pontificat, le Saint-Siège entretient des relations diplomatiques avec 84 Etats; aujourd’hui (2004), avec 172 » [10]

Collégialité et apostolat

     L’organisation de l’Église a été profondément remaniée sous le pontificat de Jean-Paul II. Il a, au cours des 9 consistoires, créé 232 cardinaux et cherché à universaliser la Curie. Dès 1988, la majorité des cardinaux, ceux qui élisent le pape, venait des pays non européens. Il a également convoqué 6 réunions plénières du collège des cardinaux.

     S’il n’a pas fait évoluer la pratique des synodes des évêques, il a convoqué quinze synodes : six assemblées générales ordinaires (sur la famille en 1980, la réconciliation en 1983, les laïcs en 1987, la formation des prêtres en 1990, la vie consacrée en 1994 et en 2001 sur le ministère épiscopal), une assemblée générale extraordinaire (sur le concile Vatican II en 1985), sept assemblées spéciales (sur l’Europe en 1991 et en 1999, l’Afrique en 1994, le Liban en 1995, l’Amérique en 1997, l’Asie et l’Océanie en 1998) et un synode particulier (pour les Pays-Bas en 1980).

     Henri Tincq résume bien l’ambiguïté de ce pontificat à la fois d’ouverture et de fermeture : «  Il réaffirma l’autorité du pape sur les évêques et les églises locales afin de renforcer l’universalité de l’Église. [11] »

Chemin vers l’union des chrétiens

     Il y a une certaine ambigüité dans la démarche œcuménique de Jean-Paul II -que je crois sincère- mais qui se trouve bordée par la nécessité de ne pas renoncer aux « trésors de la vérité divine (RH6) » qui restent à préciser concrètement. Ce qui laisse une marge d’interprétation ténue étant donné que l’Eglise Catholique Romaine estime être de fait comme de droit la seule « vraie » Eglise. D’où une multiplication de dialogues qui se concrétisent rarement par des réceptions et des décisions par le magistère.

Message  aux membres de la Curie romaine

     Il faut évoquer ce texte très important. Il s’agit du message adressé par Jean-Paul II, le 28 juin 1985, aux membres de la Curie romaine auquel l’Encyclique Slavorum Apostoli renvoie à six reprises différentes :

     « Je ne me fatiguerai jamais, dans l’exercice du ministère pétrinien -qui est service de l’unité dans la vérité et la charité-  d’insister sur ce point et d’encourager tout effort en ce sens à tous les niveaux où nous nous rencontrons avec nos autres frères chrétiens…/… Je tiens à redire que c’est avec une décision irrévocable que l’Eglise catholique est engagée dans le mouvement œcuménique et qu’elle veut y contribuer de toutes ses possibilités. C’est pour moi, évêque de Rome, une des priorités pastorales. C’est une obligation qui m’incombe tout particulièrement, en vertu même de ma responsabilité propre. Ce mouvement est suscité par l’Esprit Saint, et je me sens profondément responsable en face de lui. Je lui demande humblement sa lumière et sa force pour servir au mieux cette sainte cause de l’unité. [12] »

L’encyclique Slavorum Apostoli (1985)

 

      Elle est consacrée aux saints Cyrille et Méthode, évangélisateurs des Slaves. (Le 31 décembre 1980, le pape Jean-Paul II les avait proclamés co-patrons de l’Europe avec saint Benoît.)

      Dans cette lettre, il appelle à un dialogue œcuménique : « Cyrille et Méthode sont comme les maillons d’unité, ou comme un pont spirituel, entre la tradition orientale et la tradition occidentale qui convergent l’une et l’autre dans l’unique grande Tradition de l’Eglise universelle. Ils sont pour nous les champions et en même temps les patrons de l’effort œcuménique des Eglises sœurs d’Orient et d’Occident pour retrouver, par le dialogue et la prière, l’unité visible dans la communion parfaite et totale, « l’unité qui n’est pas absorption, ni même fusion ». L’unité est la rencontre dans la vérité et dans l’amour que nous donne l’Esprit.[13] »

 L’encyclique Ut Unum Sint : « Qu’ils soient un) (1995). [14]

     Une préoccupation permanente de Jean-Paul II tout au long de son pontificat a été de communiquer à tous les fidèles de l’Église catholique et de proposer à tous les croyants en Christ la finalité œcuménique (dans les limites exposées ci-dessus) explicitement affirmée dans le premier document de Vatican II, la Constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium [15].

     Le texte de Jean-Paul II se situe comme une réception du décret conciliaire sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio (Vatican II). Le pape souhaite ainsi exhorter les croyants à prendre en compte et mettre en application les résultats du dernier concile, alors qu’approche la fin du deuxième millénaire. Dans l’ensemble, Ut unum sint ne présente guère d’innovations notables par rapport à Unitatis redintegratio ou Lumen gentium (si ce n’est sur la question du ministère propre du pape) [16]

Quelques jalons qui témoignent de cette préoccupation œcuménique de Jean-Paul II:

     Deux grands textes postconciliaires doivent être mentionnés avant tout, en raison de leur caractère volontairement œcuménique: le Code de Droit canonique (1983) et le Catéchisme de l’Eglise catholique (1992). La place de l’œcuménisme dans ces deux documents conclusifs de Vatican II a été souvent analysée. Pour le Code de Droit canonique [17] les canons 755 et 844 (que cite trois fois l’Encyclique, ainsi qu’aux canons 256 par.2; 364 par.6; 383 par.3; 825 par.2. Le Le Code des Canons des Eglises Orientales (CCEO 1990)  [18] est également cité par l’encyclique (canons 902-904, 671).

Le Catéchisme de l’Église catholique [19] consacre ses n° 813-822 [20] au devoir de l’unité de l’Église, mais renvoie plus de quarante fois au Décret conciliaire sur l’œcuménisme, et sans cesse à la Constitution ecclésiam suam sur l’Église.

Vers un dialogue sur le ministère d’unité ?

     L’Encyclique Ut unum sint reprend, ce projet du début du pontificat de Jean-Paul II. Après avoir redit que l’Eglise catholique a «reçu beaucoup du témoignage, des recherches et même de la manière dont ont été soulignés et vécus par les autres Eglises et communautés ecclésiales certains biens communs aux chrétiens» (UUS 87), le Pape parle du ministère d’unité de l’évêque de Rome.

     Le ministère pétrinien de l’unité dans l’Eglise fait aussi l’objet des réflexions de «Foi et Constitution», de la Communion anglicane, des Disciples du Christ, de la Fédération luthérienne mondiale et bientôt de la Commission mixte internationale pour le Dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe. Jean-Paul II le signale et s’en réjouit (UUS 89).

     Après avoir rappelé les données scripturaires sur Pierre, sur Paul, leur place, leurs faiblesses humaines (UUS 91-92), Jean-Paul II ajoute ces considérations auxquelles les écrits pontificaux ne nous avaient pas habitués: « Le désir ardent du Christ est la communion pleine et visible de toutes les communautés… Je suis convaincu d’avoir à cet égard une responsabilité particulière, surtout lorsque je vois l’aspiration œcuménique de la majeure partie des communautés chrétiennes et que j’écoute la requête qui m’est adressée de trouver une forme d’exercice de la primauté ouverte à une situation nouvelle, mais sans renoncement aucun à l’essentiel de sa mission (UUS 95). »

     Et de rappeler ce qu’il disait le 6 décembre 1987 au Patriarche œcuménique de Constantinople: « Je prie l’Esprit Saint de nous donner sa lumière et d’éclairer tous les pasteurs et théologiens de nos Églises, afin que nous puissions chercher, évidemment ensemble, les formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d’amour reconnu par les uns et par les autres (UUS 95) ».

Il ajoute alors une proposition sans précédent:

     « C’est une tâche immense que nous ne pouvons refuser et que je ne puis mener à bien tout seul. La communion réelle, même imparfaite, qui existe entre nous tous ne pourrait-elle pas inciter les responsables ecclésiaux et leurs théologiens à instaurer avec moi sur ce sujet un dialogue fraternel et patient, dans lequel nous pourrions nous écouter au-delà des polémiques stériles, n’ayant à l’esprit que la volonté du Christ pour son Église, nous laissant saisir par son cri «que tous soient un… afin que le monde croie que tu m’as envoyé» (Jn 17, 21)? (UUS 96) »

     Des Églises ont élaboré ou d’exprimé des réponse. Le Conseil Oecuménique des Eglises a lancé une consultation, et son secrétaire général d’alors, Konrad Raiser, n’hésite pas à se demander s’il ne faudrait pas remettre en question l’institutionnalité du C.O.E. pour faciliter «l’intégration ou la pleine participation de l’Eglise catholique romaine» parmi les autres Eglises chrétiennes. [21]

     Aux lendemains de l’Encyclique Ut unum sint, Jean-Paul II a manifesté qu’il était prêt à mettre en œuvre ce dialogue. Nous nous contenterons d’évoquer son homélie du 29 juin 1995 en présence du Patriarche Oecuménique de Constantinople, et ce qu’il y déclare sur l’adjonction du Filioque au Credo de Nicée-Constantinople. Cette homélie a déjà donné naissance à l’importante contribution qu’à sa demande, le Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens a publiée. [22]

Dialogue avec les orthodoxes

JP II et Théoctite de Roumanie

En 1999, Jean-Paul II visite la Roumanie avec les personnalités locales de l’Église orthodoxe. Il est d’ailleurs le premier pape à visiter un pays à majorité orthodoxe depuis le schisme de 1054.

     Au cours de ce voyage, il demande pardon au nom des catholiques pour le sac de Constantinople [23], ce qui est particulièrement important la prise de Constantinople par la quatrième croisade et la création d’un patriarche latin en lieu et place du patriarche grec [24] est un traumatisme de la mémoire orthodoxe bien supérieur aux anathèmes de 1054. Et ce n’est pas le seul grief. [25]

     Lors du Jubilé de l’an 2000, il ouvre la Porte Sainte avec le métropolite orthodoxe Athanasios et le primat anglican George Carey, marquant la volonté d’unité des différents chrétiens.

     Cependant il ne put jamais se rendre en Russie, le patriarche de Moscou, Alexis II, refusant de le rencontrer. Les tentatives de réconciliation avec les orthodoxes ont aussi été entravées par des conflits de juridictions et de frontières, les Églises uniates réclamant les églises confisquées par les Soviétiques au profit des orthodoxes. Le pape fut critiqué du fait du prosélytisme des catholiques en Russie, conduisant au refus de l’épiscopat russe de le recevoir.

     Le 10 juin 2002, il signe avec le patriarche œcuménique Bartholomée Ier de Constantinople la déclaration de Venise « pour le bien de tous les êtres humains et pour la protection de la création », une des premières déclarations communes entre catholiques et orthodoxes depuis 1054.

     En 2004, lors d’un voyage en Grèce, il offre les reliques de Grégoire de Nazianze, conservées jusque-là au Vatican, au Patriarche Bartholomée Ier de Constantinople dans une logique de réconciliation.

Dialogue avec les protestants

     En 1983, Jean-Paul II entre dans un temple évangélique luthérien de Rome (aucun pape avant lui n’avait fait un tel geste) et y prononce un sermon en allemand, à l’occasion du 500e anniversaire de la naissance de Martin Luther.

     À plusieurs reprises il demande pardon, au nom des catholiques, pour les torts infligés aux autres chrétiens.  Ainsi, lors de son voyage en Slovaquie, il se rend devant un monument commémorant l’assassinat de calvinistes par des catholiques.

     En 1998, les Églises luthériennes signent avec le Vatican ensemble un texte, la Déclaration commune sur la justification par la foi [26]

Dialogue avec les Anglicans

   Le voyage de Jean-Paul II en Angleterre du 28 mai au 2 juin 1982, événement considéré par les deux Eglises comme «historique», a constitué un pas important dans le dialogue œcuménique.

     Le pape entame sa « visite pastorale et œcuménique » par une cérémonie à la cathédrale de Westminster. Il est ensuite reçu au palais de Buckingham par la famille royale.

     Le 29, à Cantorbéry, la rencontre avec le docteur Robert Runcie, Primat de la Communion Anglicane, marque la volonté œcuménique de ce voyage. C’était la première visite d’un souverain pontife après la séparation de l’Eglise d’Angleterre d’avec Rome, au 16ème siècle. « Dans l’église cathédrale du Christ de Cantorbéry, le Pape et l’archevêque de Cantorbéry se sont rencontrés à la veille de la Pentecôte pour rendre grâce à Dieu pour les progrès réalisés dans l’œuvre de réconciliation entre nos Communions. Ensemble avec les dirigeants d’autres Églises et communautés chrétiennes, nous avons écouté la Parole de Dieu ; ensemble, nous avons rappelé notre unique baptême et renouvelé les promesses alors faites ; ensemble, nous avons reconnu le témoignage de ceux dont la foi les a conduits à abandonner le don précieux de la vie elle-même au service des autres, tant dans le passé que dans les temps modernes [27] »

Dialogue avec les Eglises orientales (préchalcédoniennes)

Avec l’Église apostolique assyrienne de l’Orient

     Le pape Jean Paul II et le patriarche Mar Dinkha IV, en signant cette La déclaration christologique commune [28] le 11 novembre 1994, ont clos, pour leurs Églises, les différentes controverses liées à la querelle nestorienne.

« Sa Sainteté Jean-Paul II, Évêque de Rome et Pape de l’Église catholique, et Sa Sainteté Mar Dinkha IV, Catholicos-Patriarche de l’Église assyrienne de l’Orient, rendent grâce à Dieu qui leur a inspiré cette nouvelle rencontre fraternelle. Ils considèrent celle-ci comme une étape fondamentale sur la voie de la pleine communion à restaurer entre leurs deux Églises. En effet, ils peuvent désormais proclamer ensemble devant le monde leur foi commune dans le mystère de l’Incarnation.

Avec les Orientaux Orthodoxes (Eglises des trois conciles)

     Durant l’automne de 1988, deux dialogues, l’un officiel et l’autre non, se sont déroulés entre théologiens catholiques romains et théologiens orientaux orthodoxes. Les Églises Orientales Orthodoxes [29], que l’on pourrait caractériser comme l’«Orthodoxie des trois conciles», ne reçoivent ni la profession christologique du concile de Chalcédoine (451), IVe œcuménique, ni les conciles postérieurs

Les dialogues théologiques menés sous Paul VI avec le patriarche Mar Ignatius Jakoub III de l’Eglise syrienne-orthodoxe d’Antioche en 1971 et avec le patriarche Chenouda III de l’Église copte orthodoxe vont se prolonger :

          • en 1984 par l’accord très important signé entre le pape Jean-Paul II et le patriarche syrien-orthodoxe d’Antioche Mar Ignatius Zakka Ier :« Cette identité de foi, quoique incomplète, nous autorise à envisager une collaboration pastorale dans les situations qui se présentent fréquemment de nos jours en raison tant de la dispersion de nos fidèles à travers le monde que des conditions pastorales précaires que créent les difficultés des temps. Il n’est pas rare en effet que, pour nos fidèles, l’accès à un prêtre de leur Église s’avère matériellement ou moralement impossible. Soucieux de répondre à leurs nécessités et en vue de leur utilité spirituelle, nous les autorisons dans ce cas à demander aux pasteurs légitimes de l’autre Église le secours des sacrements de pénitence, d’eucharistie et d’onction des malades, selon leurs besoins. Coopérer aussi dans la formation des prêtres et dans l’enseignement théologique serait un corollaire logique de la collaboration pastorale. Nous encourageons les évêques à promouvoir la mise en commun des moyens à leur disposition pour l’éducation théologique partout où ils jugeront que c’est souhaitable. »[30]
          • JP II Karékine I

            en 1988 entre l’Eglise Catholique et l’Eglise Copte Orthodoxe[31] une déclaration commune sur la christologie

          • en 1996 avec le Patriarche Karékine Ier, Catholicos Suprême de tous les Arménien
          • en 1997 avec Aram Ier Kechichian,  catholicos de la Grande Maison de Cilicie de l’Église apostolique arménienne
 

Dialogue avec les Juifs [32]

     Son pontificat sera ponctué de nombreuses allocutions sur le judaïsme. Dans ce registre, bien qu’elle ne lui soit pas totalement consacrée, l’homélie du 7 juin 1979, prononcée à Auschwitz, constitue un moment inaugural. Elle se prolongera par d’autres textes essentiels, comme la déclaration Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah [33] de 1998, ou des gestes de première importance, telles les visites à Yad Vashem et au Mur des lamentations en 2000.

     Mais l’affirmation trouve une expression superlative en avril 1986, lors de la visite que le pontife rend au grand rabbin Elio Toaff à la synagogue de Rome [34]. Les lieux marquent par leur solennité : c’est la première fois qu’un pape pénètre dans un lieu de culte israélite. Les paroles aussi : Jean-Paul II affirme, non point seulement une succession doctrinale comme le faisaient les pères conciliaires dans Nostra aetate, mais même une amitié fraternelle : « Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière, on pourrait dire nos frères aînés » et « Quiconque rencontre Jésus rencontre le judaïsme ».

Dialogue interreligieux

La rencontre d’Assise (27 octobre 1986)

   Lors de la rencontre de 1986, dans son discours d’accueil, Jean-Paul II, délimite soigneusement les objectifs de celle-ci. Il s’agit pour les différentes religions du monde de viser à satisfaire les aspirations des hommes à la paix, mais en évitant toute idée de syncrétisme :

« Le fait que nous soyons venus ici n’implique aucune intention de chercher un consensus religieux entre nous, ou de mener une négociation sur nos convictions de foi. Il ne signifie pas non plus que les religions peuvent être réconciliées sur le plan d’un engagement commun, dans une concession au relativisme en matière de croyances religieuses, car tout être humain doit suivre honnêtement sa conscience droite avec l’intention de rechercher la vérité et de lui obéir. Notre rencontre atteste seulement, et c’est là sa grande signification pour les hommes de notre temps, que, dans la grande bataille pour la paix, l’humanité, avec sa diversité même, doit puiser aux sources les plus profondes et les plus vivifiantes où la conscience se forme et sur lesquelles se fonde l’agir moral des hommes[35]»

Conformément à la formule rappelée avec insistance « non pas prier ensemble, mais être ensemble pour prier », il est pris soin de séparer les différentes prières par des temps de silence.

     Malgré tout, le cardinal Joseph Ratzinger, préfet la congrégation pour la doctrine de la foi depuis 1981, a une position critique à l’égard de la première rencontre d’Assise, craignant qu’on puisse y voir une affirmation de l’égalité des religions. Il n’a pas pris part à cette rencontre. La rédaction de la déclaration Dominus Iesus, par la congrégation pour la doctrine de la foi, réaffirmant que l’Église est seule source de salut pour l’humanité, est souvent citée comme une réponse à cette crainte.

Visite au Mali : appel au dialogue entre chrétiens et musulmans (28 janvier 1990)

     A cette occasion, il a affirmé que les chrétiens et les musulmans «avaient besoin de rechercher le pardon […] et de se l’offrir mutuellement», et souhaité que ceux-ci ne soient «plus jamais en conflit». «J’espère que notre rencontre sera le signe de notre détermination à faire progresser le dialogue interreligieux de l’Eglise catholique et de l’islam. Ce dialogue s’est accru lors des récentes décennies», a encore affirmé le pape, qui estime qu’«une meilleure compréhension mutuelle conduira sur le plan pratique à présenter nos deux religions non pas en opposition mais en partenariat».

 

Fin de vie

L’historien Philippe Levillain estime que trop malade, Jean-Paul II « n’a pas réellement gouverné l’Église » durant les cinq dernières années de son pontificat.

     Jean-Paul II avait réclamé dès l’ouverture de son pontificat que  les malades soient placés au premier rang. Il s’y retrouve lui-même ayant subi en tout six interventions chirurgicales.
     Après avoir perdu trois litres de sang lors de l’opération de cinq heures qui a suivi l’attentat de 1981, il a été transfusé avec du sang contaminé par un cytomégalovirus, ce qui l’affaiblira énormément par la suite.
Il a souffert de la maladie de Parkinson depuis le milieu des années 1990.

Le pape Jean-Paul II entre dans le coma en soirée puis s’éteint au Vatican le 2 avril 2005, à l’âge de 84 ans.

 

Une canonisation discutable et discutée

     Le 27 avril 2014, lors de la messe du dimanche de la divine Miséricorde, le pape François préside la cérémonie de canonisation conjointe des papes Jean XXIII et Jean-Paul II. C’est la première fois dans l’histoire de l’Église qu’une double canonisation de papes a lieu en présence de deux papes vivants, François, qui préside la cérémonie, accompagné de son prédécesseur Benoît XVI. Jean-Paul II est fêté le 22 octobre, date de son intronisation pontificale.

     Il y a des critiques concernant la couverture des affaires de pédophilie de prêtres catholiques. « Une série de révélations récentes ont écorné l’image de Jean Paul II, canonisé par l’Eglise catholique en 2014 au terme d’une procédure exceptionnelle. En se précipitant, l’institution a manqué de discernement et fait passer un agenda politique et théologique réactionnaire avant de respecter la tradition constante de prudence de l’Eglise catholique en la matière [36] », sans parler de ses complaisances envers le fondateur des « Légionnaires du Christ » Le Père Marcial Maciel Degollado [37].

Le rôle des femmes au sein de l’Église catholique [38] et les négociations financières opaques avec la banque Ambrosiano font aussi question.

Faut-il repenser la canonisation des papes ? Confusion entre sanctification et déification
     On peut être sceptique d’une certaine manière quant à la pratique selon laquelle les papes canonisent leurs prédécesseurs en aussi grand nombre, car il s’agit après tout d’une forme d’auto-sacralisation, et on peut aussi se poser la question de l’impartialité, lorsque l’on doit sa propre ascension à son prédécesseur.
     Mais l’historien admet également que la dévotion de beaucoup de catholiques est directement liée [hélas] à la figure des papes. Une situation toujours vraie dans notre société médiatique actuelle.

     La tendance à considérer les saints comme des figures divines n’est pas nouvelle. Tout au long de l’histoire, la vénération des saints a menacé à plusieurs reprises de se transformer en adoration. Les saints et les bienheureux sont des personnes qui ont abordé et vécu l’Evangile d’une manière particulière. Ils sont des modèles mais pas sans défauts…

 

[1] Pour une biographie complète : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_II
[5] https://www.theologieducorps.fr/tdc/theologie-du-corps-catecheses
[7] Cf article de Yves-Henri Nouailhat : NOUAILHAT Yves-Henri. Le Saint-Siège, l’ONU et la défense des droits de l’homme sous le pontificat de Jean-Paul II. In :  Relations internationales 2006/3 (n° 127), pages 95 à 110 in : https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2006-3-page-95.htm?contenu=article
[10] MELLON Christian. Jean-Paul II, pape de la paix. In : Revue Projet 2004/1 (n° 278), pages 43 à 46 (https://www.cairn.info/revue-projet-2004-1-page-43.htm)
[11] TINCQ Henri. Jean-Paul II. Éditions Librio (Flammarion). Paris, 2005.
[15] «Comme le saint Concile se propose de faire croître toujours davantage la vie chrétienne parmi les fidèles, de mieux adapter aux besoins de notre époque celles des institutions qui sont soumises à des changements, de favoriser tout ce
qui peut contribuer à l’union de tous ceux qui croient au Christ et de donner plus de force à tout ce qui concourt à appeler tous les hommes dans le sein de l’Église, il estime qu’il est de son devoir, à un titre tout particulier, de s’appliquer à restaurer et à promouvoir la liturgie» (Sacrosanctum Concilium, 1).
[16] Voir l’article de CHARRIERE Nicolas. Étude critique : réflexions œcuméniques autour de l’encyclique ut unum sint. Revue de Théologie et de Philosophie n°49 (1999) in : https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=rtp-003:1999:49::526
[21] Cf. le rapport de K. Raiser au Comité central du C.O.E. de Genève, du 14 au 22 septembre 1995
[22] Malgré d’importantes réserves de théologiens grecs restés très « byzantins » : https://www.oodegr.com/francais/papismos/Larchet_Filioque.htm
[25] Voir : MONCLOS Christine de. Le Pape à Athènes. Une main tendue à l’orthodoxie. In: CEMOTI, n°32, 2001. Drogue et politique. pp. 203-304. In : www.persee.fr/doc/cemot_0764-9878_2001_num_32_1_1610
[29] La famille orientale orthodoxe n’a resserré ses liens que depuis quelque vingt-cinq ans, et les contacts n’y ont pas encore atteint à toute la concertation souhaitable. Cette famille rassemble actuellement cinq Églises sœurs: l’Église Copte Orthodoxe (patriarcat d’Alexandrie), l’Église Syrienne Orthodoxe (patriarcat d’Antioche), l’Église Apostolique Arménienne (catholicossats d’Edjmiadzine et de Cilicie), l’Église Orthodoxe Éthiopienne (patriarcat d’Axoum et Addis Abeba) et l’Église Orthodoxe Syro-Indienne (catholicossat de l’Orient). Reste provisoirement absente du dialogue l’Église Apostolique et Catholique Assyrienne de l’Orient, que l’on pourrait appeler celle «des deux conciles», car elle demeure fidèle à la mémoire de Nestorius et des autres excommuniés du IIIe concile œcuménique, celui d’Éphèse (431).( DE HALLEUX André. Le dialogue théologique avec les Orientaux Orthodoxes. In: Revue théologique de Louvain, 20ᵉ année, fasc. 1, 1989. pp. 118-123 : www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1989_num_20_1_2356
[38] « Sous l’influence déterminante du pape Jean Paul II, « la Femme » devient une idée, conçue exclusivement par des hommes – célibataires de surcroît. Son unique vocation, sa raison d’être est d’aider l’homme par le mariage et la maternité ou de servir l’Église dans la chasteté religieuse ; vision sans lien avec les femmes de chair, de sang, d’esprit et d’âme qui constituent, faut-il le rappeler, la moitié du genre humain et au moins les deux tiers des catholiques pratiquants.» https://www.temoignagechretien.fr/decanonisez-le/

 

Les articles sur l’histoire des Eglises resteront disponibles individuellement pendant trois mois
Ils sont ajoutés sur les pages [Histoire de l’Eglise: Eglise et unité] ou [L’Orthodoxie, Eglise des sept Conciles] au fur et à mesure de leur parution

 

 


XLIX Jean-Paul II : entre continuité et rupture Lire la suite »

Les grands accords œcuméniques du XX° siècle VI

 

XLIII Les grands accords œcuméniques du XX° siècle VI

 

Dialogue Communion Anglicane-Eglise Catholique Romaine (ARCIC)

 

La commission internationale anglicane – catholique romaine (connue en anglais sous l’acronyme ARCIC) est une instance de dialogue œcuménique établie en 1967, un an après la rencontre historique entre l’archevêque de Canterbury Michael Ramsey et le pape Paul VI. Elle a pour but de faciliter la réunion ecclésiologique de la communion anglicane et de l’Église catholique romaine et d’adopter des positions communes dans les débats sociaux et éthiques.

Quelles sont les limites de ce dialogue ?

À la différence des textes adoptés en commun avec d’autres Églises, les dirigeants catholiques et anglicans n’ont jamais abouti à une déclaration commune concernant des points de doctrine. Il faut noter que, même s’ils sont mandatés par l’Église catholique et la Communion anglicane, les travaux des théologiens de l’ARCIC ne constituent pas des « déclarations autorisées » des deux institutions.

1971 – 1981: La première phase des discussions (ARCIC – I)

     Des réunions préliminaires ont eu lieu en Italie, en Angleterre et à Malte, où fut adopté le rapport de Malte [1].

     Une déclaration commune fut signée en 1971 sur le thème de « la doctrine eucharistique ». D’autres débats suivent, au sujet du « ministère et de l’ordination » conclu par une déclaration commune en 1973, puis de « l’autorité dans l’Église » qui donne lieu à deux déclarations en 1976 et 1981. L’ensemble est regroupé en un rapport final qui sera publié en 1981 [2].

     Ce document est ratifié par la communion anglicane lors de la conférence de Lambeth de 1988, parlant d’accord substantiel avec la foi des anglicans.

    Réponse catholique

     L’Église catholique donne sa propre réponse en 1991. Si elle salue les travaux accomplis et les points d’accord dégagés, elle constate qu’un tel accord n’est pas possible sur tous les points soumis à la commission, et qu’« il reste entre anglicans et catholiques des différences importantes concernant des éléments essentiels de la foi catholique. ». Certains commentateurs de tendance conservatrice ont considéré qu’il s’agissait d’un désaveu des travaux de l’ARCIC. Selon eux, cet échec est dû à la volonté pressante des représentants catholiques de conclure un accord, fût-ce au prix de formulations d’une inacceptable ambiguïté.

 

1983 – 2007: La deuxième phase des discussions (ARCIC – II)

     La deuxième phase des discussions eut lieu à partir de 1983. Les sujets de dialogue incluent alors la sotériologie (déclaration sur « Le Salut et l’Église » de 1986), la communion ecclésiale (« La vie en Christ : morale, communion, Église » en 1993). En 1999 est publiée une troisième déclaration commune sur l’autorité magistérielle. En 2005 est abordé le rôle de Marie en tant que Theotokos (« Marie : Grâce et espérance dans le Christ »).

     Un document publié en 2007 acheva cette deuxième série de discussions en demandant à la partie anglicane de réfléchir davantage au rôle donné au pontife romain en tant qu’arbitre suprême ecclésiastique [3].

Les difficultés

     Les travaux de la commission ont été paralysés depuis au moins 1993 lorsque l’Église d’Angleterre a voté en faveur de l’ordination des femmes.

     Les discussions ont été interrompues en 2003 lorsque l’évêque homosexuel Gene Robinson fut élu à la tête du diocèse épiscopalien du New Hampshire. Contre l’avis de la majorité de la Communion anglicane et notamment de l’archevêque de Canterbury, l’évêque président Frank Griswold consacre Robinson, mais il démissionne alors de son poste de président de la partie anglicane dans les discussions ARCIC.

     De plus, la question des femmes évêques divise actuellement la communion anglicane de l’intérieur, ce qui oblige en pratique à interrompre le dialogue avec la hiérarchie catholique.

 

La constitution apostolique Anglicanorum Coetibus

     (« À des groupes d’anglicans ») est une constitution apostolique qui crée une structure canonique spécifique destinée à accueillir et intégrer des institutions et groupes anglicans au sein de l’Église catholique romaine, tout en assurant « que soient maintenues au sein de l’Église catholique les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de la Communion anglicane, comme un don précieux qui nourrit la foi des membres de l’ordinariat et comme un trésor à partager »

Certains commentateurs ont vu dans la publication de la constitution apostolique Anglicanorum Coetibus [4] du 4 novembre 2009 permettant l’intégration de groupes d’ecclésiastiques et laïcs anglicans au sein de l’Église Catholique Romaine, un abandon de la démarche de discussions bilatérales. Je ne pense pas que ce soit là un réel danger.

     Une préoccupation pour certains a été de savoir si le processus menant à la constitution apostolique a été, ou non, un exercice d’œcuménisme. Certains y voient un exercice d’unilatéralisme. Cela me semble être surtout une maladresse !

Certainement, la constitution apostolique elle-même semble présenter son système comme une initiative (quasi) œcuménique, qui met l’accent sur le scandale de la division chez les baptisés et les Églises et Communautés chrétiennes séparées  de l’Église catholique .

Mais justifier la création de l’ordinariat par le fait que « Cette unique Eglise du Christ, dont nous professons dans le Symbole qu’elle est une, sainte, catholique et apostolique, « subsiste dans l’Eglise catholique gouvernée par le Successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de ses structures, éléments qui, appartenant proprement par don de Dieu à l’Eglise du Christ, appellent par eux-mêmes l’unité catholique »

On pourrait faire croire revenu le « bon vieux temps » de la théorie de l’œcuménisme façon Pie XII et retour à la Mère Eglise (Catholique et Romaine bien entendu), puisqu’en elle subsiste, etc… C’est un abus de citation de Lumen Gentium fait hors contexte.

Et les choses sont devenues encore un peu plus confuses lorsque le cardinal Kasper a cru nécessaire de donner aux anglicans l’assurance que la constitution n’était pas un substitut pour le dialogue œcuménique entre les anglicans et Rome . Alors c’était quoi ?

Lors d’une réunion le 21 nov. 2009, le pape et l’archevêque de Canterbury ont réaffirmé leur volonté de renforcer les relations œcuméniques entre les deux Eglises. Anglicanorum Coetibus me parait être un moyen que je qualifierai d’inapproprié pour ne pas être désagréable.

 

2011 – ?: La troisième phase des discussions (ARCIC – III)

     Le pape Benoît XVI et l’archevêque de Canterbury Rowan Williams annoncent  leur souhait de voir une troisième session de discussions ARCIC se mettre en place. Le cardinal Levada confirme que les deux démarches seront poursuivies de front et indique que le mandat d’ARCIC III est de « faire avancer le dialogue bilatéral, sur le thème « Eglise comme Communion – locale et universelle », y compris le discernement de questions éthiques à ces deux niveaux et sur leur interaction » [5] .

La troisième phase de discussions démarre le 17 mai 2011. Elle est hébergée par la communauté monastique œcuménique de Bose.

    Les thèmes choisis sont les questions d’ecclésiologie, et la façon de discerner l’enseignement juste en matière d’éthique (principal blocage actuel des discussions) [6], à la fois aux niveaux local et universel.
La composition internationale de cette nouvelle phase de l’ARCIC représente un large éventail de contextes culturels et apporte à la Commission une variété de disciplines théologiques.
Les discussions comptent dix-huit participants, dont cinq femmes.

Sur le plan de la formation, les évêques suggèrent une étude commune des Écritures saintes, et plus particulièrement pour les séminaristes.

De 2011 à 2023 une douzaine de document ont été publiés. Même s’il n’ont pas le statut d’accords doctrinaux, il sont des avancées très importantes sur la voie d’accords théologiques partiels entre catholiques et Anglicans.

 

[5] Documents ARCIC III : https://iarccum.org/author/?a=36
[6] Voir l’article de Sr Martineau: MARTINEAU Suzanne, « Mauvaise passe pour la Communion anglicane », Études, 2004/9 (Tome 401), p. 215-225.  https://www.cairn.info/revue-etudes-2004-9-page-215.htm  

 

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Les grands accords œcuméniques du XX° siècle V

 

XLII Les grands accords œcuméniques du XX° siècle V

 

Les Eglises orientales non catholiques avec l’Eglise Catholique Romaine

 

« Ce qui a été dit plus haut de la légitime diversité en matière de culte et de discipline doit s’appliquer aussi à la formulation théologique des doctrines. Effectivement, dans l’effort d’approfondissement de la vérité révélée, les méthodes et les moyens de connaître et d’exprimer les choses divines ont été différents en Orient et en Occident. Il n’est donc pas étonnant que certains aspects du mystère révélé aient été parfois mieux saisis et mieux exposés par l’un que par l’autre, si bien que ces diverses formulations théologiques doivent souvent être considérées comme plus complémentaires qu’opposées. Quant aux traditions théologiques authentiques des Orientaux, on doit le reconnaître, elles sont enracinées de façon excellente dans les Saintes Écritures ; développées et exprimées dans la vie liturgique, elles se nourrissent de la tradition vivante des apôtres, des écrits des Pères orientaux et des auteurs spirituels ; elles portent à une juste façon de vivre, voire à la pleine contemplation de la vérité chrétienne. »

Décret sur l’œcuménisme « Unitatis redintegration »du concile œcuménique Vatican II

    

Les Églises orthodoxes orientales dans le monde :

  • Religion principale (plus de 75%)
  • Religion majoritaire (50% – 75%)
  • Religion minoritaire importante (20% – 50%)
  • Religion minoritaire (5% – 20%)
  • Religion très minoritaire (1% – 5%)
  • Religion très minoritaire (moins de 1%), mais avec autocéphalie locale

 

Dynamique de ces accords ou déclarations communes

     Je me permet de citer un peu longuement un article [1] d’Hervé Legrand o.p. qui éclaire la dynamique de ces accords ou déclarations communes avec les Eglises orientales non catholiques

     « Le rapprochement avec les autres chrétiens que Jean XXIII espérait de Vatican II ne se révélait donc pas très aisé. La réorientation doctrinale souhaitée eut lieu, cependant, et trouva son expression dans l’une des formulations ecclésiologiques les plus importantes du concile : « L’unique Église du Christ subsiste dans l’Église catholique » (Lumen Gentium 8). Dans sa nouveauté, cet énoncé permettait d’évaluer positivement l’ecclésialité des autres Églises, à la lumière du décret UR, comme Paul VI le confirma aux observateurs non catholiques [2]. Les « Églises séparées du Siège romain » devenaient des « Églises particulières » au sens théologique et non purement conventionnel du terme [3] »

Et plus loin :

« l’œcuménisme progressé entre catholiques et orthodoxes et catholiques et luthériens ces deux-là retiendront notre attention de façon privilégiée car ils sont exemplaires pour saisir la démarche œcuménique par laquelle l’Église catholique s’efforce de dépasser le « catholicisme » pour croître en catholicité…/…

Théologiquement, le catholicisme n’est qu’une figure particulière prise par l’Église catholique, quand, déjà séparée de l’Orient et réduite ensuite géographiquement aux pays méditerranéens par la Réforme, elle a redéfini son identité, intellectuellement par le recours privilégié à la scolastique et ecclésiologiquement par une insistance obsessionnelle sur l’universalité de l’Église, assimilée à une étroite centralisation des décisions pastorales et doctrinales à Rome. Ce catholicisme des derniers siècles, comme Église unitaire, pouvait difficilement servir l’unité de l’Église, comme J. Ratzinger le fit remarquer, à la suite du canoniste luthérien H. Dombois [4] : « L’image d’un État centralisé, que l’Église catholique offrit d’elle-même jusqu’au concile, ne découle pas de la charge de Pierre… Le droit ecclésial unitaire, la liturgie unitaire, l’attribution unitaire des sièges épiscopaux à partir du centre romain… sont des choses qui ne font pas nécessairement partie de la primauté en tant que telle [5]» La catholicité de l’Église n’est pas cet universalisme appauvrissant, précurseur de la mondialisation. En grec, kath’olon signifie « selon le tout » ou, en paraphrasant, « être riche du tout, dans sa particularité ». Mais cette plénitude qualitative demeure l’objet d’une poursuite. Dans le récit de la Pentecôte, la catholicité est symbolisée par le fait que chacun des auditeurs provenant de « toutes les nations qui sont sous le ciel » (Ac 2, 5) entendait « la Bonne Nouvelle en sa langue maternelle » (Ac 2, 8). Ainsi, toute culture est capable de la foi chrétienne et l’Église est appelée à parler toutes les langues, à être une et diverse, bref catholique. »

 

Église syriaque orthodoxe

L’Église syriaque orthodoxe [6] (syriaque : ܥܺܕܬܳܐ ܣܽܘ̣ܪܝܳܝܬܳܐ ܗܰܝܡܳܢܽܘܬܳܐ ܬܪܺܝܨܰܬ ܫܽܘ̣ܒ̣ܚܳܐ1) est une Église orientale autocéphale. Elle fait partie de l’ensemble des Églises des trois conciles [7]. Le chef de l’Église  porte le titre de Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient (en syriaque : ܦܛܪܝܪܟܐ ܕܐܢܛܝܘܟܝܐ ܘܕܟܠܗ̇ ܡܕܢܚܐ , avec résidence à Damas.

Accords bilatéraux :

Le premier d’entre eux, sous le règne du patriarche Ignace Jacques III d’Antioche et du pape Paul VI aboutit à une déclaration commune publiée au Vatican le 27 octobre 1971 signée par les deux responsables religieux [8] :

« La période de récrimination et de condamnation mutuelles a fait place à une volonté de s’efforcer ensemble, sincèrement de diminuer et, éventuellement de supprimer le fardeau de l’histoire qui pèse encore lourdement sur les chrétiens.
Un progrès a déjà été fait, et le pape Paul VI et le patriarche Ignace Jacques III d’Antioche sont d’accord sur le fait qu’il n’y a pas de différences dans la foi qu’ils professent, concernant le mystère du Verbe de Dieu, fait chair et devenu réellement homme même si, au cours des siècles, des difficultés ont surgi des différentes expressions théologiques par lesquelles cette foi était exprimée. »

Ce dialogue a été poursuivi par le patriarche Mar Ignace Zakka Ier Iwas et le pape Jean-Paul II et a abouti à une déclaration commune [9] le 23 juin 1984 à Rome

Église copte orthodoxe

     L’Église copte orthodoxe est une Église antéchalcédonienne et autocéphale. Elle fait partie de l’ensemble des Églises des trois conciles qui rassemble environ 15 à 20 millions de baptisés (principalement Égypte). Son chef porte le titre de pape d’Alexandrie et patriarche de la Prédication de saint Marc et de toute l’Afrique, avec résidence au Caire.

Dialogue bilatéral

      • Mai 1973 : visite à Rome du pape Shenouda III qui rencontre le pape Paul VI. Il s’agit de la première rencontre et du premier rapprochement entre Rome et Alexandrie depuis le concile de Chalcédoine en 451, soit depuis plus de 1500 ans. Les deux patriarches signent une déclaration commune le 10 mai 1973 [10].

À la suite de cette rencontre fut constituée la « Commission mixte entre l’Église catholique et l’Église copte orthodoxe». Parmi les documents produits par ladite commission il y a lieu de souligner :

      • la déclaration christologique [11] du 29 août 1976
      • la formule christologique du 12 février 1988 approuvée par les deux Églises qui déclare :

« Nous croyons que notre seigneur, Dieu et Sauveur, Jésus-Christ, le Verbe Incarné est parfait dans Sa Divinité et parfait dans Son Humanité. Il fit Son Humanité Une avec Sa Divinité, sans mélange, sans amalgame, sans confusion. Sa Divinité n’a pas été séparée de Son Humanité à un seul instant, même pas le temps d’un clin d’œil.

Nous anathématisons à la fois les doctrines de Nestorius et Eutychès »

Église apostolique assyrienne de l’Orient

L’Église apostolique assyrienne de l’Orient [12] ou Sainte Église apostolique assyrienne de l’Orient (‘Ittā Qaddishtā wa-Shlikhāitā Qattoliqi d-Madnĕkhā d-Ātārāyē) est une Église autocéphale de tradition syriaque orientale. Elle fait partie de l’ensemble des Églises des deux conciles. Le chef de l’Église porte le titre de Catholicos-Patriarche de la Sainte Église Apostolique Assyrienne de l’Orient (ou celui, plus traditionnel, de Métropolite de Séleucie-Ctésiphon, Catholicos et Patriarche de l’Orient), avec résidence à Erbil au Kurdistan (Irak).

Déclaration christologique commune

      • 11 novembre 1994 : signature au Vatican d’une « Déclaration christologique commune [13] » par le pape Jean-Paul II et le patriarche Mar Dinkha IV.

Le pape Jean Paul II et le patriarche Mar Dinkha IV, en signant cette déclaration, ont clos, pour leurs Églises, les différentes controverses liées à la querelle nestorienne.

« Sa Sainteté Jean-Paul II, Évêque de Rome et Pape de l’Église catholique, et Sa Sainteté Mar Dinkha IV, Catholicos-Patriarche de l’Église assyrienne de l’Orient, rendent grâce à Dieu qui leur a inspiré cette nouvelle rencontre fraternelle.
Ils considèrent celle-ci comme une étape fondamentale sur la voie de la pleine communion à restaurer entre leurs deux Églises. En effet, ils peuvent désormais proclamer ensemble devant le monde leur foi commune dans le mystère de l’Incarnation
. »

      • 2 juillet 2001 : Rome reconnaît la validité de l’Eucharistie célébrée selon l’anaphore de Addai et Mari [14], qui n’inclut pas le récit évangélique de l’Institution.

Église apostolique arménienne

     L’Église apostolique arménienne [15] (en arménien : Հայաստանեայց Առաքելական Եկեղեցի, Hayastaneayc Arakelakan Yekeqeci) est une Église chrétienne « orthodoxe orientale » autocéphale. C’est une des Églises des trois conciles.

Elle revendique son titre d’« apostolique » en faisant remonter ses origines aux apôtres Jude, Thaddée,   et Barthélemy. Devenue religion officielle du royaume d’Arménie avec la conversion du roi Tiridate IV par saint Grégoire l’Illuminateur, elle développe son particularisme du VIe au début du VIIIe siècle, qui voit sa christologie se stabiliser selon la doctrine miaphysite.

Le « Patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens » qui réside à Etchmiadzin près d’Erevan bénéficie d’une primauté d’honneur parmi les différents hiérarques.

Déclaration commune

      • 1996 : déclaration commune de Jean-Paul II et de Karékine Ier :

« …Ils saluent avec une satisfaction particulière le grand progrès réalisé par leurs Églises dans leur recherche commune de l’unité dans le Christ, le Verbe de Dieu fait chair. Dieu parfait dans sa divinité, homme parfait dans Son humanité, Sa divinité est liée à Son humanité dans la Personne du Fils Unique de Dieu, dans une union qui est réelle, parfaite, sans confusion, sans altération, sans division, sans aucune forme de séparation.

La réalité de cette foi commune en Jésus Christ et dans la succession même du ministère apostolique, a été parfois voilée ou ignorée. Des facteurs linguistiques, culturels et politiques ont largement contribué à l’apparition de divergences théologiques qui ont trouvé une expression dans la terminologie utilisée pour la formulation de leur doctrine. […] en vertu de la déclaration présente, les controverses et les divisions regrettables qui ont parfois découlé des façons différentes d’exprimer cette foi, ne devraient plus continuer à influer de façon négative sur la vie et sur le témoignage de l’Église d’aujourd’hui[16]»

 

 

[1] LEGRAND Hervé, « L’œcuménisme aujourd’hui », Raisons politiques, 2001/4 (no 4), p. 121-132. DOI : 10.3917/rai.004.0121. URL : https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2001-4-page-121.htm)
[2] Acta Apostolicae Sedis, 56, 1964, p. 1010-1011 (in : LEGRAND Hervé, « L’œcuménisme aujourd’hui », Raisons politiques, 2001/4 op. cit.)
[3] Dans les explications préalables au vote du texte, on écarte une objection à cette appellation en rappelant « qu’il est manifeste dans la tradition catholique que les Églises orientales séparées sont appelées Églises et ceci en un sens propre », Acta Synodalia, Vatican, 1975, vol. III, pars 7, p. 35 1011 (in : LEGRAND Hervé, « L’œcuménisme aujourd’hui », Raisons politiques, 2001/4 op. cit.)
[4] Joseph Ratzinger prend appui à deux reprises sur Hans Dombois dans Le nouveau peuple de Dieu (Paris, Aubier, 1971), p. 68 puis p. 124 où il cite « Kirchenspaltung und Einheitsproblematik », dans Begegnung der Christen. Festschrift O. Karrer, Stuttgart, Evangelisches Verlagswerk ; Frankfurt, J. Knecht, 1960 (2e éd.), p. 395 : « L’histoire nous apprend que l’unité de l’Église et l’Église unitaire se contredisent tellement qu’une Église unitaire ne saurait être le modèle de l’unité de l’Église ». (in : LEGRAND Hervé, « L’œcuménisme aujourd’hui », Raisons politiques, 2001/4 op. cit.)
[5] «… Par suite, la tâche à envisager serait de distinguer à nouveau, plus nettement, entre la fonction proprement dite du successeur de Pierre et la fonction patriarcale ; en cas de besoin de créer de nouveaux patriarcats détachés de l’Église latine… on pourra, dans un avenir pas trop éloigné, se demander si les Églises d’Asie et d’Afrique, comme celles d’Orient, ne pourraient pas “devenir l’équivalent” de patriarcats sous ce nom ou tout autre que l’on voudra donner à l’avenir à ces Églises dans l’Église », dans J. Ratzinger, Le nouveau peuple de Dieu, op. cit., p. 68-69. ». (in : LEGRAND Hervé, « L’œcuménisme aujourd’hui », Raisons politiques, 2001/4 op. cit.)
Voir à ce sujet l’article très important de : VANHOOMISSEN Guy, « Une Messe sans paroles de consécration ? À propos de la validité de l’anaphore d’Addaï et Mari », Nouvelle revue théologique, 2005/1 (Tome 127), p. 36-46. DOI : 10.3917/nrt.271.0036. URL : https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2005-1-page-36.htm

 

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Les grands accords œcuméniques du XX° siècle IV

 

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XLI Les grands accords œcuméniques du XX° siècle IV

 

Pays dont des Églises sont membres de la Communion de Porvoo.
Les Églises de la Communion anglicane ont leur nom en magenta ou violet, les Églises luthériennes nordiques et baltes l’ont en rouge

 

Communion de Porvoo (1994)

Historique.

     De profonds changements ont balayé l’Europe du Nord au cours des dernières années du 20eme siècle. De nouveaux liens, se développent, dans le domaine du commerce, de l’éducation, du tourisme et lors de consultations sur des questions d’environnement, entre les régions Nordique/ Baltique et Britannique/Irlandaise. Dans le contexte de cette évolution rapide, les Églises Anglicanes et Luthériennes présentent la vision de douze Églises, rassemblant 50 millions de chrétiens, entrant dans une communion plus étroite et partageant diverses formes de coopérations pratiques dans le cadre de leur mission contemporaine.

L’affirmation commune de Porvoo

L’affirmation commune de Porvoo[1] est le résultat de plusieurs influences majeures :

      • La première vient de la série de Conversations Théologiques tenues entre Anglicans et Luthériens dans la région Nordique/Baltique de 1909 à 1951 et des accords auxquels ces conversations ont abouti
      • Deuxièmement, la connaissance mutuelle de ces Églises a été fortifiée par d’autres événements qui n’étaient pas directement liés à la question de l’unité ecclésiale, notamment la série des conversations théologiques Anglo-Scandinaves (commencées en 1929) et de conférences pastorales (commencées en 1978) qui se poursuivent encore.
      • Troisièmement un nouveau climat pour les débats théologiques est né des dialogues œcuméniques bilatéraux et multilatéraux des années 70 et 80, comme l’attestent les rapports suivants: Pullach 1973, Lima (BEM) 1982, Helsinki 1982, Cold Ash 1983, et Niagara 1988 . Ce dernier rapport, en particulier, éclaire de façon nouvelle de vieilles questions de foi et constitution.

     L’incitation à poursuivre au-delà des premiers accords vint de l’initiative personnelle de de l’Archevêque Robert Runcie (Canterbury) et de l’archevêque Bertil Werkström (Uppsala), associée aux efforts de ces responsables qui ont assuré l’organisation préparatoire ; leur vision et leur détermination ont assuré que chaque pays participant donne une réponse positive.

Une impulsion supplémentaire vint de l’accord Luthéro-Episcopal de 1982 aux États-Unis et de l’Affirmation Commune de Meissen de 1988 entre l’Église d’Angleterre et les Églises Évangéliques de l’Allemagne de l’Est et de l’Ouest.

Chacun de ces accords a conduit à l’hospitalité eucharistique réciproque, dans une certaine mesure à un partage du ministère ordonné à l’occasion à des célébrations communes de l’eucharistie, et à un engagement dans une vie et une mission communes.

La Communion de Porvoo  [2]

C’est la communauté formée par l’accord signé le 13 octobre 1992 entre treize Églises protestantes historiques d’Europe appelée « Déclaration de Porvoo[3])

     L’accord qui établit la pleine communion entre les Églises a été négocié en 1994 dans la ville de Porvoo en Finlande. Les Églises concernées sont les Églises anglicanes des Îles Britanniques, les Églises nationales luthériennes des pays nordiques et les Églises luthériennes des pays baltes. Des négociations postérieures ont amené l’adhésion de deux Églises épiscopaliennes (anglicanes) de la péninsule Ibérique.

     Les Églises luthériennes de l’Europe centrale et occidentale n’y participent pas parce que leur manque la continuité historique de l’épiscopat. Ces communautés ecclésiales ont majoritairement décidé d’approuver l’ordination de femmes, quoique la question des femmes évêques fasse débat au sein de la communion anglicane, en particulier dans les rapports entre l’Église d’Angleterre et l’Église du Nigeria.

 

Églises signataires de la Communion de Porvoo :

    • l’Église d’Angleterre (anglicane)
    • l’Église d’Irlande (anglicane)
    • l’Église épiscopalienne écossaise (anglicane)
    • l’Église au pays de Galles (anglicane)
    • l’Église d’Islande (luthérienne)
    • l’Église de Norvège (luthérienne)
    • l’Église de Suède (luthérienne)
    • l’Église évangélique-luthérienne de Finlande
    • l’Église évangélique-luthérienne estonienne
    • l’Église évangélique-luthérienne de Lituanie
    • l’Église catholique apostolique évangélique lusitanienne du Portugal (anglicane)
    • l’Église épiscopalienne réformée espagnole (anglicane)
    • l’Église du Danemark (luthérienne) depuis octobre 2010
    • Église observatrice : l’Église évangélique-luthérienne de Lettonie

 

[1] Le texte anglais est le texte définitif et original qui seul fait foi. « The Porvoo Common Statement », Council for Christian Unity of the General Synod of the Church of England, London, 1993, Copyright © 1993.

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Les grands accords œcuméniques du XX° siècle III

 

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XL Les grands accords œcuméniques du XX° siècle. III

 

Accord de Bonn

L’Accord de Bonn est le nom d’un accord inter-ecclésial passé en 1931 entre la Conférence internationale des évêques vieux-catholiques de l’Union d’Utrecht [1] et les Églises de la Communion Anglicane, consacrant une intercommunion qui se fonde sur la reconnaissance réciproque de la catholicité et de l’indépendance organique et spirituelle de chacune des communions [2]. Cet accord inclu la communion de chaire et d’autel.

Histoire

     Au sortir de Vatican I, en 1870, une partie des catholiques – particulièrement issue des pays germaniques (Allemagne, Autriche, Suisse) – refusent certaines décisions du concile [3]

Du côté anglican, le prélat Christopher Wordsworth et surtout l’homme politique William Gladstone – qui ne cache pas ses sympathies pour les réformateurs œuvrent au rapprochement de ces communautés catholiques séparées de Rome. La portée anti-sociale du Syllabus puis les décisions vaticanes vers un renforcement de la juridiction universelle ont pour effet de rapprocher anglicans et Vieux-Catholiques contre le « Vaticanisme »

     En 1908, la Société Saint Willibrord -nommée d’après Willibrord d’Utrecht- est créée dans le but d’œuvrer au rapprochement des deux Églises en établissant un climat de confiance et de sympathie réciproque. Le processus bénéficie de l’essor œcuménique qui apparait après la Première Guerre mondiale et une commission est mise en place sous la houlette de l’évêque Vieux-Catholique d’Utrecht Franciscus Kenninck  afin de résoudre le problème de la reconnaissance de la validité des ordinations anglicanes.

     En 1925, la commission émet un avis favorable auquel souscrivent les Vieux-Catholiques Hollandais dans leur ensemble, qui rejoignent ainsi les Églises allemandes et les suisses, levant de la sorte le plus important obstacle au rapprochement.

Quelques semaines plus tard, réunie à Berne, la Conférence épiscopale vieille-catholique -organe de rassemblement des églises de l’Union d’Utrecht mais sans pouvoir ecclésiastique- exprime officiellement le vœu de voir l’avènement d’une étroite communion avec l’Église d’Angleterre et les Églises qui en sont issues, sur un terrain vraiment catholique.

     En 1931, réunis à Bonn (Allemagne), les représentants des deux communions arrivent rapidement à un accord formulé le 2 juillet 1931 dans des conclusions qui prennent le nom d’Accord de Bonn.

     Le 7 septembre 1931 la Conférence des évêques vieux-catholiques annonce les résolutions suivantes, brièvement formulées :

    1. La Conférence des évêques vieux-catholiques de l’Union d’Utrecht, réunie à Vienne, le 7 septembre 1931, accepte l’intercommunion des Églises vieilles-catholiques avec la Communion anglicane, la validité des ordres anglicans ayant été reconnue.
    2. L’intercommunion consiste dans l’admission réciproque des membres des deux Communions ecclésiastiques aux sacrements.
    3. L’intercommunion n’exige d’aucune des deux Communions ecclésiastiques l’adoption de toutes les opinions doctrinales, de toutes les formes de piété sacramentelle ou de toutes les pratiques liturgiques propres à l’autre, mais elle implique que chacune croit que l’autre persévère dans tout ce qui est essentiel à la foi chrétienne.

     Le texte – soumis à l’approbation des autorités compétentes de chacune des deux communions – marque la reconnaissance réciproque de la catholicité et de l’indépendance organique et spirituelle de chacune des communions et privilégie ainsi l’approche de l’intercommunion par rapport à celle d’une union formelle.

     L’accord constate l’accord des deux communions sur les points essentiels de la doctrine et de l’institution de l’Église qui permet la reconnaissance d’une commune réalité et volonté catholique et apostolique, tout en empêchant un alignement doctrinale complet, certaines divergences existant encore dans les domaines de l’interprétation et de la pratique.

 

[1] Dissidence d’avec l’Église Catholique Romaine en 1889, se regroupant autour de la Conférence internationale des évêques Vieux-Catholiques qui souscrivent à la Déclaration d’Utrecht (https://www.mivica.org/declaration-utrecht

 

 


 

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Les grands accords œcuméniques du XX° siècle II

 

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XL Les grands accords œcuméniques du XX° siècle II

 

La déclaration conjointe sur la doctrine de la justification par la foi (DCDJ) (1999)

 

 

     Un peu de vocabulaire pour commencer : On trouve beaucoup d’articles qui parlent de déclaration commune. La page de recherche Google est à ce sujet révélatrice.
     Or il faut être précis: même si dans la déclaration on trouve « ensemble nous déclarons que…» chaque Eglise signataire, et par la suite les Eglises ou fédération d’Eglises qui s’y sont associées, ont tenu à rédiger un addendum pour préciser ce que signifiait leur adhésion.
     Il s’agit donc bien pour chaque Eglise ou fédération d’Eglises de déclarer conjointement que leur manière d’exprimer la doctrine de la justification par la foi n’est pas séparatrice des autres Eglises ou fédération d’Eglises signataires, mais que cette expression ne peut être pleinement commune en l’état des choses.
GF

 

La déclaration conjointe sur la doctrine de la justification (DCDJ) [1] de la Fédération luthérienne mondiale et de l’Église catholique a été signée à Augsbourg le 31 octobre 1999 par le cardinal Cassidy, représentant de l’Église catholique, et l’évêque Krause, président de la Fédération mondiale luthérienne. Le choix d’Augsbourg pour cette signature était particulièrement symbolique, et se voulait un écho à la Confession d’Augsbourg considéré comme le point de divergence théologique fondamental entre catholiques et luthériens.

Un peu d’histoire [2]

 

     Ce qui importe au professeur Luther jusqu’en 1515 c’est la question: qui est sauvé ? Et plus important encore : serai-je sauvé ?

     À cette question, l’Église apporte une réponse qui le plonge dans le tourment. Pour obtenir le salut, dit-elle, il faut refuser le péché, recevoir les sacrements et agir comme Dieu le demande. Refuser le péché ? Luther pense, que notre tendance peccamineuse est si forte que nous ne pouvons lui échapper. L’homme reste pécheur toute sa vie : s’il doit compter sur ses mérites, il est ne peut être trouvé digne du salut.  Alors nous serons damnés. Alors je serai damné. Cette idée, bien sûr, lui semble incohérente avec un Dieu sauveur.

Une Europe inquiète

     Le Réformateur n’est pas une anomalie dans l’Europe des premières années du XVIe siècle. Si Luther est angoissé, l’époque l’est aussi. Dans ce contexte, la préoccupation du salut personnel devient centrale.

     C’est nouveau. Aux siècles précédents, l’individu ne pesait guère, et le salut était une conception beaucoup plus communautaire. Cette angoisse des hommes qui s’inquiètent de savoir ce qu’il adviendra d’eux personnellement dans l’au-delà se traduit par la multiplication des Ars moriendi – ou « art de mourir » –, de petits livres de piété qui permettent aux chrétiens de se préparer au grand passage.

     Luther, lui, se plonge dans les Écritures pour y trouver les réponses à sa quête de sens et sa peur de la damnation. Et finalement, au cours de l’année 1515, il trouve. C’est dans la Lettre de saint Paul aux Romains (3, 28) : « L’homme est justifié par la foi, indépendamment des œuvres de la Loi. »

     Pour Luther, la conclusion à tirer est simple : « Les péchés nous sont remis non à cause de nos œuvres, mais par la seule miséricorde de Dieu, qui ne nous les impute pas. » Et il précise encore : « Nous sommes pécheurs à nos yeux et malgré cela nous sommes justes devant Dieu par la foi. » Que veut dire le théologien allemand ? Que le salut provient de la seule grâce de Dieu, accordée gratuitement, qui suscite la foi dans le cœur du croyant. Sola gratia, sola fide « la grâce seule, la foi seule ». Ces deux points fondamentaux réunissent l’ensemble des confessions protestantes. La perversion radicale que l’homme porte en lui depuis le péché originel devrait nous condamner au feu éternel. Mais Dieu pardonne sans contrepartie, et le chrétien qui a confiance en Lui est sauvé : voilà le fin mot de la justification par la foi.

Contre les indulgences

     L’idée n’est pas neuve : on la trouve chez saint Augustin (354-430) – et Luther, précisément, est un temps membre de l’ordre des Augustins. L’évêque d’Hippone, dans une controverse qui l’avait alors opposé au moine Pélage, avait en effet défendu l’idée que c’est la grâce de Dieu qui sauve et non ce que fait ou ne fait pas le chrétien durant son existence. L’orientation d’Augustin l’avait emportée, et il avait même été fait Père de l’Église. En défendant la justification par la foi, Luther est donc bien loin d’imaginer être suspecté d’hérésie.

     La foi seule sauve et non les œuvres. Et surtout pas les fausses bonnes œuvres acquises par l’argent. Le 31 octobre 1517, Luther l’affirme pour la première fois au grand jour. Dans les 95 thèses qu’il placarde sur les portes de l’église de Wittenberg, il s’en prend aux indulgences. De quoi s’agit-il ? De remises de peine que les fidèles peuvent acheter en espèces sonnantes et trébuchantes afin de raccourcir le séjour au purgatoire de défunts qui leur sont chers, ou pour préparer leur propre trépas en limitant autant que possible la durée de leurs souffrances à venir dans le feu purificateur.

Sitôt que la pièce sonne dans le tronc, l’âme s’envole du purgatoire.

Johann Tetzel o.p.

    La foi seule sauve et non les œuvres. Et surtout pas les fausses bonnes œuvres acquises par l’argent. Le 31 octobre 1517, Luther l’affirme pour la première fois au grand jour. Dans les 95 thèses qu’il placarde sur les portes de l’église de Wittenberg, il s’en prend aux indulgences.

     De quoi s’agit-il ? On a un peu raccourci le débat à son aspect financier (remises de peine que les fidèles peuvent acheter en espèces sonnantes et trébuchantes afin de raccourcir le séjour au purgatoire de défunts qui leur sont chers, ou pour préparer leur propre trépas en limitant autant que possible la durée de leurs souffrances à venir dans le feu purificateur. Mais c’est bien à cause de cet aspect financier que Luther est poursuivi d’abord par l’évêque et ensuite par le pape.). Ce n’est pas la seule pratique du commerce des indulgences que critique Luther, c’est aussi ce qui la fonde : l’idée que l’homme peut contribuer à son propre salut. La question de la justification est donc bien au cœur de la rupture de 1517.

Un rapprochement 

     Face à Luther, l’Église ne remet nullement en question sa doctrine, qui sera d’ailleurs confirmée et approfondie par le concile de Trente (1545-1563) : pour elle, si la grâce de Dieu est nécessaire, les œuvres aussi contribuent au salut. Les œuvres, c’est-à-dire ce qu’un chrétien fait dans la perspective de son salut.

      De quoi s’agit-il ? De la réalisation d’un certain nombre de pratiques, comme l’assistance à la messe ou la récitation de prières, mais aussi de la réception des sacrements, indispensables « moyens du salut », ou encore de ce que l’on entend habituellement par l’expression « bonnes œuvres », c’est-à-dire les actes charitables que le Christ attend de ses fidèles. Le chapitre 25 de l’Évangile de Matthieu en particulier justifie cet attachement aux œuvres chez les catholiques. Le salut y apparaît comme une récompense accordée, au jour du Jugement, à ceux qui ont bien agi, ont donné à boire et à manger aux pauvres, ont visité les prisonniers, ont consolé les affligés. Les œuvres, donc, ne sauraient être suffisantes pour se sauver, mais elles sont malgré tout nécessaires.

Alors que la justification est à l’origine de la rupture entre catholiques et protestants, c’est paradoxalement sur cette question que le rapprochement le plus important a été réalisé par la DCDJ.

Le plan

  L’ ensemble comporte quarante quatre numéros, sous le titre « La Doctrine de la justification » auquel a été adjoint le sous-titre « Déclaration commune de la Fédération luthérienne mondiale et de l’Église catholique romaine ».

    • On a tout d’abord un Préambule ; il situe brièvement le texte qui va suivre à la fois dans le contexte qui a conduit à son élaboration et selon la finalité que lui donnent ses signataires (n° 1 à 7).
    • Vient alors un premier développement, consacré au message biblique concernant la justification. Les membres des deux Eglises se sont mis « à l’écoute de la Parole de Dieu dans l’Ecriture Sainte » (n° 8-12). Fondamentalement, ils entendent bien ne faire qu’en répercuter l’enseignement.
    • Reprenant, pour en souligner l’importance, un point qui est déjà venu dans le préambule, un deuxième développement, très bref (le n° 13), vient souligner le caractère « fondamental et indispensable d’une réflexion sur la justification».
    • Du n° 14 au n° 18, est exposé ce qui est appelé la « compréhension commune de la justification». C’est un fait, nous dit-on, que sur ce point de doctrine capital, il y a « consensus dans les vérités fondamentales ».
    • Cette compréhension commune est ensuite explicitée, puis développée en détail.

     Sept points sont alors successivement abordés, dans le but de manifester comment les deux instances partenaires se situent à propos de chacun d’eux.

    • Le premier prend en compte la position de départ, qui est celle de l’homme devant Dieu : avant de parler d’une justification, on traite de la situation de celui qui est susceptible de la recevoir. Celle-ci est caractérisée comme « I’ incapacité et le péché de la personne humaine face à la justification» (n° 19 à 21).
    • Un deuxième point expose que l’intervention de la justification a pour effet de pardonner le péché et de rendre juste (n° 22-24), avant qu’un troisième point vienne préciser que cet effet est atteint « par la grâce moyennant la foi» (n° 25-27).
    • On continue en détaillant assez longuement ce qui résulte en l’homme de la justification que Dieu lui donne en Christ, à savoir : l’état (ou l’existence) de « pécheur justifié» (n° 28-30).

    Restent trois points pour exposer quelques conséquences de la justification ainsi donnée à l’homme, et qui le met en l’état qui a ensuite été précisé. On nous explique successivement :

    • Comment comprendre le passage, effectivement accompli pour le justifié, du régime de la Loi à celui de l’Evangile (n° 31-33) ;
    • La certitude du salut dans laquelle il est désormais établi (n° 34-36) ;
    • La valeur salvifique réelle des bonnes œuvres qu’il est en mesure d’accomplir une fois justifié (n° 37-39).

     L’ensemble du document se clôt sur un dernier développement, qui consacre les cinq derniers numéros de la Déclaration (n° 40-44) à la signification et à la portée du consensus obtenu.

Un accord largement reçu

 

Déclaration entre luthériens et catholiques à Augsbourg 

 

     La déclaration a été signée à Augsbourg le 31 octobre 1999 [3] par le cardinal Edward Cassidy, représentant de l’Église catholique, et l’évêque Christian Krause, président de la Fédération mondiale luthérienne.

Elle constitue une étape fondamentale dans le rapprochement entre l’Église catholique et les Églises luthériennes.

Déclaration entre méthodistes, catholiques et luthériens à Séoul

 

       Le 18 juillet 2006 la déclaration a été signée [4] par le Conseil méthodiste mondial  en présence du cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, du révérend Ismael Noko, secrétaire général de la Fédération luthérienne mondiale et du pasteur Samuel Kobia, lui-même méthodiste et secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises (COE) et approuvé lors des travaux de la Conférence mondiale des méthodistes le 23 juillet 2006 à Séoul (Corée du sud) [5].

     Le Conseil méthodiste mondial regroupe les Eglises méthodistes de 132 pays rassemblant environ 75 millions de fidèles, selon le site de l’Eglise méthodiste. Il représente un courant du protestantisme né au XVIIIe siècle en Angleterre sous l’impulsion de John Wesley

     Le Conseil méthodiste a également adopté une résolution autorisant la poursuite d’un dialogue débuté en 1966 avec l’Eglise catholique avec pour objectif la pleine communion dans la foi, la mission et la vie sacramentelle.

Déclaration entre la Communion Mondiale d’Eglises Réformées (CMR) et les Eglise Catholiques, Luthériennes et Méthodistes à Wittenberg

 

     Un demi-millénaire après que Martin Luther a affiché ses 95 thèses sur la porte d’une église à Wittenberg, la Communion mondiale d’Églises réformées (CMER) qui constitue l’une des entités les plus importantes du monde protestant (environ 80 millions de fidèles) s’est associée officiellement à la déclaration sur la justification lors d’un culte œcuménique le 5 juillet 2017 à l’église de Wittenberg, avec des responsables des Églises catholiques, luthériennes et méthodistes [6].

 

La Communion Anglicane rejoint la Déclaration Conjointe sur la Doctrine de la Justification

     Le 31 octobre 2017, dernier jour de l’année jubilaire marquant le 500e anniversaire de la Réforme protestante, au cours d’un service spécial à l’abbaye de Westminster, des représentants de la Fédération luthérienne mondiale et de l’Église catholique romaine ont reçu l’affirmation par la Communion anglicane de la Déclaration commune sur la doctrine de la justification.

     Justin Welby  archevêque de Cantorbéry, Primat de la Communion Anglicane, a présenté au secrétaire général de la FLM, le révérend Martin Junge, et au secrétaire du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, l’évêque Brian Farrell, la résolution de 2016 du Conseil consultatif anglican (ACC) « saluant et confirmant le contenu de le JDDJ.

     L’événement s’est déroulé en présence des secrétaires généraux du Conseil Méthodiste Mondial (CMM) et de la Communion mondiale des Églises réformées (CMER ), respectivement le révérend Ivan Abrahams et le révérend Dr Chris Ferguson. [7]

 

[2] Intervention de Mgr Joseph Doré lors de la journée d’étude sur la DCDJ de la Commission doctrinale et de la Commission pour l’unité des Chrétiens :  https://www.portstnicolas.org/pont/l-oecumenisme/enjeux-et-contenu-de-la-declaration-commune-luthero-catholique-sur-la-justification
[3] Pour l’histoire du texte et sa théologie voir : FEDOU Michel. L’accord luthéro-catholique sur la justification dans la NRT 122-1 (2000) p. 37-50 en ligne in : https://www.nrt.be/fr/articles/l-accord-luthero-catholique-sur-la-justification-474
[6] Déclaration méthodiste d’association avec la Déclaration Conjointe sur la Doctrine de la Justification :  https://www.anglicancommunion.org/media/460312/ecumenism_joint-declaration_2019_fr.pdf
[7] Conseil consultatif anglican Résolution 16.17. in : https://www.anglicancommunion.org/media/460312/ecumenism_joint-declaration_2019_fr.pdf p. 43

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Les grands accords œcuméniques du XX° siècle I

 

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XXXIX Les grands accords œcuméniques du XX° siècle

 I

 

La concorde de Leuenberg (1973)

 

Deux « outils » majeurs vont être mis en œuvre: 

Le concept de Promissio:

     « La Parole de Dieu est comprise de façon dynamique comme proclamation de la promesse (promissio) de la présence salvatrice de Dieu et réalisation de l’alliance universelle de Dieu. »[1]. Ce concept est la clef pour comprendre la manière dont les divergences ont été dépassées. On le trouve  dans les discussions sur le baptême (Arnoldshain III-1) et sur la Sainte-Cène (Arnoldshain II-2) [2].

     C’est par l’Ecriture en tant que parole proclamée que Dieu agit en celui qui l’écoute et accueille son salut. Cette proclamation de la parole est auto-communication de Dieu et présence de Jésus-Christ par l’Esprit-Saint. [3]

Le consensus différencié:

     Il comprend les différences doctrinales comme source d’enrichissement mutuel et non plus comme source de séparation (Rencontres de Bad-Schauenburg).

     André Birmelé le définit ainsi [4]: « Le consensus est la relation qui existe entre deux exposés qui ne sont pas séparateurs d’Eglises tout en étant des exposés différents d’une même vérité fondamentale. Il est différencié c’est-à-dire capable d’accepter des différences…/…qui, lorsqu’elles ne remettent plus en question l’affirmation commune, expriment une légitime diversité »

Le texte  [5]

     Les Eglises concernées sont les Églises Luthériennes et Réformées, les Églises Unies qui en sont issues, ainsi que les Églises des Vaudois et des Frères Moraves qui leur sont apparentées qui constatent « une compréhension commune de l’évangile » telle qu’ exposé dans la concorde, qui « leur permet de déclarer entre elles la communion ecclésiale, et de la réaliser » et une même compréhension de l’unité de l’Eglise   (cl 1. et 2.)   qui est la reprise littérale de la Confession d’Augsbourg n°13 « De l’Eglise » [6]: « la condition nécessaire et suffisante de la vraie unité de l’Église est l’accord dans la prédication fidèle de l’Évangile et l’administration fidèle des sacrements. »

I – Le cheminement vers la communion

     Les éléments communs: à l’origine de la Réforme ces Eglises se sont fondées « sur une expérience nouvelle de l’Évangile comme porteur de liberté et de certitude »  en posant l’Evangile comme norme de vie et de doctrine et « la grâce libre et inconditionnelle de Dieu » manifesté en Jésus-Christ. (cl 4) Le texte constate que les évolutions des façons de vivre l’Eglise et l’approfondissement de la théologie permettent une compréhension renouvelée et convergente de la situation ecclésiale. (cl 5.)

II – La compréhension commune de l’Évangile

        1. Le message de la justification

     En tant que message de la libre grâce de Dieu, le message de la justification est réaffirmé par le rappel de la doctrine telle que formulée au XVI° siècle (cl 12.e).  « L’Évangile proclame Jésus Christ, le salut du monde, accomplissement de la promesse faite au peuple de l’ancienne Alliance. Les Réformateurs en ont la juste compréhension dans la doctrine de la justification. »( cl 7.-8.a)

     Cette « juste compréhension » n’est pas doctrinale, mais compréhension de l’action salvatrice de Dieu en Jésus-Christ comme don justifiant à l’homme pécheur moyennant la foi. Cette compréhension s’articule autour de quatre affirmations relevées par Marc Lienhard: [7]

          • Le Christ lui-même est le centre de l’Ecriture (cl 2)
          • Le message de la justification a nécessairement des conséquences éthiques (cl 11)
          • La justification a toujours une dimension eschatologique (cl 9)
          • Elle a une dimension ecclésiologique (cl 10)

Il y a accord sur : « Christ médiateur du salut et fondement unique de toute vie ecclésiale et de tout enseignement. Ce salut est justification du pécheur par la foi seule, il est donné dans la prédication de la Parole et la célébration des sacrements conformément à sa parole » [8]

        1. Prédication, baptême et cène

          (cl 13): « L’Évangile nous est fondamentalement attesté par la parole des apôtres et des prophètes dans les saintes Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testaments. L’Église est chargée de transmettre cet Évangile par la parole orale dans la prédication, et par l’exhortation individuelle, par le baptême et la cène » 

a) Baptême (cl 14a): Pour Calvin « le baptême représente particulièrement deux choses : la purification que nous obtenons par le sang de Christ, et la mortification de notre chair que nous avons eue par sa mort »[9]. Pour Luther le Baptême « opère la rémission des péchés, affranchit de la mort et du diable, et donne le salut éternel à tous ceux qui croient… » [10]

     Là encore le terme « promissio » permet de dépasser ces compréhensions différentes de l’union du divin et de l’humain dans le sacrement. « Un lien est établi entre une compréhension causative et une compréhension cognitive du baptême. [11]«  « Par la parole proclamée et le bain d’eau, Dieu promet au baptisé sa filiation et la lui donne. Nous sommes, dans la foi, assurés que Dieu accomplit par le  Saint-Esprit qu’il a promis et que nous implorons, ce qu’il promet. »[12].  Arnoldshain parle de « Parole habillée en acte » (Thèse III 2)

b) Cène (cl 14b): Tous les dialogues ont abordé ce sujet difficile et à l’origine de toutes les controverses entre les réformateurs dès l’origine du mouvement. La solution est trouvée lors des rencontres d’Arnoldshain par une exégèse des textes de l’institution de la Cène que l’on peut résumer ainsi:

            • Dans la Cène Christ lui-même agit. il est présent par sa parole dans l’Esprit-Saint. (II 1)
            • La Cène est une manière choisie par Dieu pour communiquer sa grâce salvatrice (II 2)
            • Cette promesse (promissio) « permet une compréhension dynamique de la parole qui établit un lien étroit entre parole proclamée et éléments de la Cène. Par elle Jésus-Christ s’offre à nous dans son corps et son sang dans le don du pain et du vin» (Explication de la thèse II 2) [13]

III – L’accord face aux condamnations doctrinales de l’époque de la Réforme.

Cène: « Nous ne saurions dissocier la communion avec Jésus Christ en son corps et en son sang de l’acte de manger et de boire. Toute considération du mode de présence du Christ dans la cène qui serait détachée de cet acte risque d’obscurcir le sens de la cène. »( cl 19.)

     En ce sens le mode de présence du Christ dans la Cène est une différence qui reste réelle mais qui n’est plus séparatrice, à partir du moment où la dynamique de la proclamation de la présence du Christ mort et ressuscité pour mon salut et le don de sa grâce justifiante pour moi aujourd’hui, est reconnue et exprimée dans et par « l’acte de manger et de boire » le pain et le vin que Jésus-Christ lui-même a choisi et par lesquels il se donne. (Lyon: explication de la thèse IV) [14]

Christologie: Plus encore pour les questions christologiques la Concorde de Leuenberg propose de dépasser les oppositions en portant l’accent sur l’action de Dieu trinité en faisant des valeurs propres à chaque église des richesses à redécouvrir et à partager (cl 22.)

Prédestination: Elle est prédestination au Salut. Et seulement cela.

Conséquences: Là où il y a accord sur les points précédents « les condamnations contenues dans les confessions de la Réforme à propos de la cène, de la christologie et de la prédestination ne concernent pas la doctrine dans son état actuel. » (cl 27.)

IV – Déclaration et réalisation de la communion ecclésiale

« La communion ecclésiale au sens de la présente Concorde signifie que des Églises de traditions confessionnelles différentes, se fondant sur l’accord auquel elles sont parvenues dans la compréhension de l’Évangile, se déclarent mutuellement en communion quant à la prédication et à l’administration des sacrements et s’efforcent de parvenir à la plus grande unité possible dans le témoignage et le service envers le monde. » (cl 29)

        1. Déclaration de la communion ecclésiale

Les églises signataires de la Concorde  « se déclarent mutuellement en communion quant à la prédication et à l’administration des sacrements. Cela inclut la reconnaissance mutuelle des ordinations et la possibilité de l’intercélébration. » (cl 33.c)

     Sur le plan œcuménique la déclaration de cl 34 est essentielle: « Les Églises participantes ont la conviction qu’elles font partie ensemble de l’unique Église de Jésus Christ ». Dire que les églises signataires font partie ensemble de l’unique Eglise de Jésus-Christ signifie que cette Eglise de Jésus-Christ est plus grande que cet ensemble.

        1. Réalisation de la communion ecclésiale

Par le témoignage et le service ; la poursuite du travail théologique ; la compréhension commune de l’Evangile ; l’étude des questions doctrinales qui persistent.

Chaque église conserve ses dispositions: « la déclaration de communion quant à la prédication et à l’administration des sacrements et la reconnaissance mutuelle des ordinations, ne porte pas atteinte aux dispositions en vigueur dans les Églises concernant l’engagement au ministère pastoral, l’exercice de ce ministère et l’organisation de la vie paroissiale. » (cl 43)

 

Conclusion: développement

     Quatre-vingt-dix-huit églises ont signé la Concorde de Leuenberg depuis 1973 en tant qu’Eglises dites signataires.

     Sept Eglises méthodistes appartiennent à la Communauté des Eglises protestantes en Europe sur la base d’une « Déclaration commune à l’Eglise ».

     Sur cinq Églises luthériennes scandinaves, qui ont participé à la Fraternité de l’Église de Leuenberg depuis 1973 en tant qu’Églises participantes, deux Églises (Danemark et Norvège) ont signé l’Accord de Leuenberg.

     Le cardinal Ratzinger lui-même écrivait en 1981 que « la voie sur laquelle on s’est engagé avec la Concorde de Leuenberg conclue entre Églises luthériennes et réformées devrait trouver un prolongement correspondant entre les Églises de la Réforme et l’Église catholique romaine » Une première application de ce modèle au dialogue avec Rome sera la Déclaration commune à propos de la doctrine de la justification signée en 1999. On parviendra à un consensus différencié à propos de cette conviction centrale sans cependant pouvoir, pour le moment et à la différence des dialogues entre les familles marquées par la Réforme, déboucher sur une déclaration de communion ecclésiale [15]

 

 

[1] 1964-1967: Les rencontres de Bad-Schauenburg sur l’évolution historique des deux traditions : Thèse 1 in : BIRMELE André. Le salut en Jésus-Christ dans les dialogues œcuméniques, Coll. Cogitatio fidei n°141, Le Cerf Paris 1986. ISBN 2-204-02609-3 p. 406
[2] Sur une base exégétique et historique, la présence réelle du Christ est comprise comme liée aux  éléments de la Cène. https://de.wikipedia.org/wiki/Arnoldshainer_Abendmahlsthesen
[3] 1964-1967: Les rencontres de Bad-Schauenburg sur l’évolution historique des deux traditions : Thèse 3 : in BIRMELE André. Le salut en Jésus-Christ dans les dialogues œcuméniques, op. cit. p. 408
[4] BIRMELE André. La communion ecclésiale. Progrès œcuméniques et enjeux théologiques. Coll. Cogitatio fidei n°218, Le Cerf Paris 2000. ISBN 2-204-06435-1 p. 286
[6] BIRMELE André et LIENHARD Marc. La foi des églises Luthériennes. Le Cerf Paris 1991. La Confession d’Augsbourg, art VII, p.46
[7] Cité par BIRMELE André. Le salut en Jésus-Christ dans les dialogues œcuméniques op. cit. p. 413 note 95
[8] BIRMELE André. Le salut en Jésus-Christ dans les dialogues œcuméniques op. cit. p. 414
[9] Jean CALVIN, brève Instruction Chrétienne, 5ème partie « des sacrements »  in:  http://www.servir.caef.net/?p=5562
[10] BIRMELE André et LIENHARD Marc. La foi des églises Luthériennes. op.cit. Le petit catéchisme de Luther p.311
[11] BIRMELE André. Le salut en Jésus-Christ dans les dialogues œcuméniques op. cit. p. 408
[12] Thèse sur le baptême Arnoldshain 1959 Cité par André BIRMELE op. cit. p.408
[13] Cité in BIRMELE André. Le salut en Jésus-Christ dans les dialogues œcuméniques op. cit. p. 410
[14] Cité in BIRMELE André. Le salut en Jésus-Christ dans les dialogues œcuméniques op. cit. p. 410
[15] BIRMELE André. De Luther à Leuenberg. Revue d’histoire et de philosophie religieuses. 2005, tome 85 n° 1, janvier-Mars 2005. La réformation un temps, des hommes, un message. Hommage à Marc Lienhard à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire. pp. 137-150. www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_2005_num_85_1_1122

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Les grandes avancées œcuméniques protestantes du XX° s

 

Les articles sur l’histoire des Eglises resteront disponibles individuellement pendant trois mois
Ils sont ajoutés sur les pages [Histoire de l’Eglise: Eglise et unité] ou [L’Orthodoxie, Eglise des sept Conciles] au fur et à mesure de leur parution

 

 

XXXVIII Les grandes avancées œcuméniques protestantes du XX° s

 

Les organismes mondiaux de communion

 

Conseil œcuménique des Églises

 

 

     Les racines historiques du Conseil œcuménique des Églises [1] se trouvent dans les mouvements étudiants et laïcs du XIXe siècle, dans la conférence missionnaire mondiale d’Edimbourg de 1910 et dans une encyclique de 1920 du Synode (orthodoxe) de Constantinople suggérant une « communauté d’Églises » similaire à celle du Conseil œcuménique des Églises, la Ligue des Nations.

     Les dirigeants représentant plus de 100 Églises ont voté en 1937-38 pour fonder un Conseil œcuménique des Églises, mais son inauguration a été retardée suite au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
Les organismes qui ont été incorporés au Conseil au fil des décennies comprennent les commissions internationales «Foi et Constitution[2] » (théologie, sacrements, ordonnances) et « Christianisme pratique» (ministères sociaux, affaires internationales, services de secours), le « Conseil missionnaire international » (IMC), ainsi qu’un conseil issu du mouvement des écoles du dimanche du XIXe siècle.

 

     Deux projets pionniers du COE ont été lancés en coopération avec le CIM en 1946 : la Commission des Églises pour les affaires internationales (CCIA) et l’Institut œcuménique de Bossey, en Suisse.
Aujourd’hui, l’Institut œcuménique propose des diplômes de maîtrise et de doctorat en études œcuméniques par l’intermédiaire de la faculté de théologie de l’Université de Genève.

     Lorsque le COE a vu le jour lors de la première Assemblée en 1948, il comptait 147 Eglises membres. Fin 2013, le nombre de membres s’élevait à 345 églises. Le Concile Vatican II a grandement amélioré les relations entre le COE et l’ Eglise Catholiques Romaine qui, si elle n’est pas membre du COE est membre de « Foi et Constitution » depuis 1968.

     Le Programme de lutte contre le racisme suscita mainte controverse, mais contribua à mettre fin à l’apartheid en Afrique australe. Le document intitulé Baptême, eucharistie, ministère [3] (1982), qui constitue un jalon notable, permit de parvenir à un certain consensus entre les Eglises dans leur recherche de l’unité pleine et entière.

     Le Pasteur Jerry Pillay est depuis 2023 secrétaire général du COE. Membre de l’Église presbytérienne unifiante d’Afrique australe, il vient d’Afrique du Sud et était doyen de la Faculté de Théologie et de Religion à l’Université de Pretoria.

  

 

Communion Mondiale d’Eglises Réformées (CMER)

      L’Alliance des Églises réformées dans le monde ayant adopté le système presbytérien » a été créée à Londres en 1875 et regroupait alors 21 églises presbytériennes d’Europe et d’Amérique du Nord. Le Conseil congrégationnel international a également été fondé à Londres en 1891.

     En 1970, à Nairobi, au Kenya, ces deux organisations (congrégationnelle et presbytérienne) ont fusionné pour former l’Alliance mondiale d’Églises réformées (CMER) avec 114 Églises membres dans 70 pays sur tous les continents.

     Parallèlement, le Conseil œcuménique réformé (REC) a été créé en 1946. Il regroupait t des Églises qui n’avaient aucun autre lien œcuménique au niveau international et qui s’étaient engagées à se soutenir mutuellement dans une unité confessionnelle réformée. Le Conseil œcuménique réformé comptait 41 Églises et 12 millions d’adhérents dans 26 pays, dont la majorité en Afrique et en Asie.

     En 2010, à Grand Rapids, au Michigan (USA), l’Alliance réformée mondiale et le Conseil œcuménique réformé ont fusionné pour former la Communion mondiale d’Églises réformées [4].

     Appelée à la communion et engagée pour la justice, la CMER favorise l’unité de l’église et coordonne les initiatives en faveur de la mission, de la réflexion et de la formation théologique, du renouveau de l’église, de la justice et du dialogue.

 

Fédération Luthérienne Mondiale

 

     La Fédération Luthérienne Mondiale a été créée en 1947 en tant que Fédération des Églises luthériennes. Fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à une époque où les Églises luthériennes aspiraient à une plus grande fraternité et solidarité entre elles [5] repose sur quatre piliers :

    1. Sauver les nécessiteux
    2. Initiatives communes en mission
    3. Efforts conjoints en théologie
    4. Une réponse commune au défi œcuménique.

Elle est actuellement présidée par Le pasteur Musa Panti Filibus, archevêque de l’Église luthérienne du Christ au Nigéria (LCCN)

 

Alliance évangélique mondiale (AEM)

     L’Alliance évangélique mondiale est une organisation mondiale  interdénominationnelle d’églises chrétiennes évangéliques et protestantes fondée en 1846 à Londres, en Angleterre.
Elle regroupe 143 alliances nationales d’Églises, 104 associations membres et 6 commissions.
C’est la plus importante organisation internationale d’Églises évangéliques et protestantes. Elle a son siège à Deerfield (Illinois), aux États-Unis. Cette organisation ne regroupe qu’une partie des églises chrétiennes évangéliques.

Son secrétaire général est le théologien allemand Thomas Schirrmacher.

 

Les organismes européens de communion

Conférence des Eglises Européennes

    La Conférence des Églises européennes[6] est née de l’Europe fragmentée et divisée des années 1940 et 1950. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe a réellement eu besoin de surmonter les divisions politiques et d’œuvrer à la guérison et à la paix.

     À cette époque, un petit groupe de dirigeants d’Églises d’Europe de l’Est et de l’Ouest commença à considérer la possibilité de rassembler les Églises de pays européens séparés par des systèmes politiques, économiques et sociaux différents.

     Les premières réunions préparatoires ont eu lieu en 1953 et 1957 et, en 1959, les représentants de plus de 40 Églises se sont réunis à Nyborg (Danemark) pour la première assemblée officielle de la Conférence des Églises européennes .

     Aujourd’hui, la KEK est une association de 114 églises orthodoxes, protestantes et anglicanes de tous les pays d’Europe. Un réseau de conseils nationaux d’Églises nous maintient en contact avec les préoccupations nationales et régionales et les organisations en partenariat développent notre expertise dans un certain nombre de domaines, notamment la théologie publique, la paix et la réconciliation et les droits de l’homme, avec une forte participation des femmes et des jeunes dans les Églises.

 

Communion des Eglises Protestantes en Europe (CEPE)

       Elle rassemble les Eglises signataires de la concorde de Leuenberg [7] (majoritairement en Europe, et majoritairement luthéro-réformées).   (Je reviendrai plus en détail dans un prochain article sur cet accord fondamental)

     Le texte de la concorde de Leuenberg est bref. Une formulation consensuelle aboutit au constat que les condamnations ne concernent plus l’autre tradition dans l’état actuel de sa doctrine.
     La déclaration de la communion et la reconnaissance mutuelle que l’autre famille est une expression authentique de l’unique Église du Christ. Cette reconnaissance inclut la communion de chaire et d’autel.

     La concorde de Leuenberg permet de dépasser les anathèmes hérités de l’histoire qui interdisaient pareille reconnaissance mutuelle. La reconnaissance des ministères est la conséquence de la communion dans la Parole et les Sacrements, condition nécessaire et suffisante de la vraie unité de l’Église.

Portée œcuménique

     La compréhension de l’unité ainsi que la méthode de la concorde de Leuenberg ont conduit à des démarches analogues aux États-Unis et au Proche-Orient.
     Les Églises méthodistes européennes ont par une déclaration complémentaire rejoint les Églises signataires de la concorde de Leuenberg en 1997, et formé avec ces dernières la CEPE en 2003.
     Dans divers pays européens la communion anglicane a mené des dialogues qui ont conduit à des affirmations et des déclarations de communion avec les Églises de la CEPE.
        • L’affirmation commune de Meissen en Allemagne (1987);
        • anglicans et Églises scandinaves (1993)
        • les accords de Reuilly[9](anglicans et Églises luthériennes et réformés françaises en 2001) ont conduit à une reconnaissance mutuelle et à des échanges de ministres, même si l’exercice commun de l’épiscopat n’est pas encore partout possible.

 

Les structures nationales de communion

 

Résultant de la concorde de Leuenberg

          En France , le résultat de la concorde de Leuenberg conduit à la création en 2006, de l’ Union des Eglises Protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL) constituée par les Églises luthérienne (EPCAAL) et réformée (EPRAL) d’Alsace et de Lorraine. (Eglises françaises concordataires).
Chacune des Églises a ainsi rassemblé ses pasteurs dans un corps pastoral unique et a délégué à l’Union une grande partie de ses compétences pour conduire des actions communes.

    De même l’ Eglise Protestante Unie de France -Communion luthéro-réformée est née de l’union de l’Église évangélique luthérienne de France (EELF) et de l’Église réformée de France (ERF)  en 2012, suite aux synodes conjoints de Belfort.

 

Fédération Protestante de France (FPF)

 

     La Fédération protestante de France [10] est créée le 25 octobre 1905. C’est une association à but non lucratif loi de 1901, religieuse mais non cultuelle, qui a pour but de représenter et de rassembler les différentes Églises et associations protestantes de France.

    •      Une trentaine d’union d’Églises issues de toutes les sensibilités du protestantisme (réformée, luthérienne, évangélique, pentecôtiste, adventiste), soit plus de 1 400 paroisses avec 1 600 pasteur(e)s
    • plus de 80 Associations, regroupant 500 Institutions, Œuvres et Mouvements agissant dans divers secteurs (médico-social, d’accueil, de la jeunesse, culturel, etc.).

     La FPF favorise le partage et le débat en son sein, pour fortifier le lien qui unit ses membres : les Églises, les communautés, les institutions, les œuvres et les mouvements.
Elle est présente dans la société par la réflexion et le travail de ses commissions : Écologie et justice climatique, Éthique et société, Droit et liberté religieuse, Jeunesse, Relations avec l’islam, Relations avec le judaïsme, Conseil scolaire, et de ses quatre aumôneries* : aux Armées françaises, aux Prisons, aux Établissements sanitaires et médico-sociaux et aux Aéroports.

La Fédération est présidée par le pasteur Christian Krieger depuis le 1er juillet 2022.

 

Le Conseil national des évangéliques de France (CNEF)

 

     Le Conseil national des évangéliques de France [11] est une alliance évangélique nationale affiliée à l’Alliance évangélique mondiale et l’Alliance évangélique européenne.

     Le 15 juin 2010, se tient la première assemblée générale avec 200 délégués, durant laquelle les textes statuaires sont adoptés, créant officiellement le CNEF

Le CNEF regroupe 33 confessions chrétiennes évangéliques et 172 œuvres en France. L’organisation estime représenter 70% des 2 689 églises évangéliques et de ses 745 000 pratiquants.

Son président est le pasteur baptiste Erwan Cloarec depuis le 7 juin 2022.

 

 

[3] Texte : http://www.catho.org/9.php?d=3t ; Analyse : MEHL Roger. Chronique Œcuménique. Baptême, eucharistie, ministère. In: Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 63e année n°4, Octobre-décembre 1983. pp. 447-453. www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1983_num_63_4_4734
[7] La Concorde de Leuenberg (CL) est la charte fondamentale qui établit et réalise l’unité de l’Église entre les traditions de la Réforme en Europe. Ce document déclarant la communion ecclésiale entre les Églises luthériennes,  réformées,  unies,  vaudoises et les frères moraves a été finalisé en 1973 au centre de séminaire de Leuenberg, à proximité de Bâle (Suisse). C’ est ce texte qui a conduit après 1997 et la signature des Églises méthodistes européennes à la Communion d’Églises protestantes en Europe (CEPE).

 

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Paul VI, après Vatican II

 

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XXXVII Paul VI, après Vatican II

 

Quand le 8 décembre 1965 le pape clôt le concile Vatican II, des questions restent en suspens qui ont été écartées de l’agenda conciliaire par Paul VI, qui les considérait de sa seule autorité : la réforme de la curie et le mécanisme destiné à donner une place centrale à la collégialité, le célibat des prêtres, le refus de laisser le concile débattre de la contraception et du contrôle des naissances. Par ailleurs, les vœux pour le concile exprimés par l’Athénée pontificale salésienne, proposant l’excommunication latæ sententiæ (i.e. automatique) des agresseurs sexuels, clercs ou religieux, ont été écartés lors des débats préparatoires sur deux arguments : laisser les évêques en juger et éviter un scandale préjudiciable à l’Église et au célibat ecclésiastique [1].

 

Des encycliques qui vont marquer l’époque 

 

L’encyclique Ecclesiam suam

 

     Publiée pendant le concile [2] Ecclesiam Suam est connue sous le nom de «l’encyclique du dialogue». Paul VI veut réfléchir sur l’Église, proposer sa réflexion, et il le fait dans un contexte où le Concile œcuménique se questionne sur les mêmes thèmes.

     « Il y a presque un jeu de miroirs entre le discours du 29 septembre 1963, lorsque Paul VI inaugura la deuxième partie du Concile – et la première qu’il préside – et l’encyclique qui développe précisément les thèmes qu’il avait déjà esquissés.

En effet, le dialogue a un rôle central, même si ce n’est pas le seul thème développé dans le document. Mais ce caractère central est également confirmé par une série de notes de Paul VI, intitulées « Notes pour une encyclique sur le dialogue. 

      Pour comprendre la nature du dialogue comme Paul VI l’a voulu, il faut partir de ce que l’on pourrait définir comme sa dimension verticale: car le dialogue de Paul VI est avant tout le “colloquium salutis”, le colloque du salut, que Dieu lui-même commence par la Parole qui interpelle l’humanité, la Parole de sa révélation, la Parole par laquelle il dirige et sauve son peuple. Et c’est précisément parce que Dieu a commencé ce dialogue que Paul VI affirme que la mission de l’Église est d’introduire dans la conversation humaine cette Parole que Dieu lui a confiée, que les croyants doivent d’abord écouter et qu’ils doivent introduire dans le circuit de la conversation et du dialogue entre les êtres humains.

     Paul VI décline également une vision des cercles concentriques, dans lesquels ce dialogue doit se développer. C’est un dialogue qui se développe d’abord avec les chrétiens, d’où l’empreinte et l’importance du thème œcuménique pour Vatican II, que tout son pontificat exprime. Un dialogue qui se manifeste ensuite avec toutes les autres religions et enfin avec toute l’humanité. Nous pouvons dire que Paul VI nous a invités à partager cette confrontation et cet effort, d’une part pour répondre à la Vérité que Dieu a manifestée, d’autre part pour coopérer au bien de l’humanité. [3] »

L’encyclique Populorum progressio

 

     Populorum progressio [4] sur le développement des peuples, publiée le 26 mars 1967, a eu un grand retentissement dans le monde, même dans les milieux non chrétiens.

     Paul VI dénonce le déséquilibre croissant des niveaux de vie entre les peuples ; la misère imméritée des paysans, le scandale des disparités criantes, non seulement dans la jouissance des biens, mais plus encore dans l’exercice du pouvoir ; le heurt entre les civilisations traditionnelles et les nouveautés de la civilisation industrielle

     Dès les premières lignes de l’encyclique, Il souligne la gravité du problème du développement et l’urgence pour le résoudre d’une action solidaire. Il proclame : « La question sociale est devenue mondiale. Les peuples de la faim interpellent aujourd’hui les peuples de l’opulence. L’Eglise tressaille devant ce cri d’angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à l’appel de son frère. » On trouve déjà le thème du développement intégral de l’Homme et du développement solidaire de l’humanité qui annonce le thème de l’écologie intégrale si cher au pape François [5]

Lettre apostolique Octogésima adveniens

 

     Parue le 14 mai 1971, adressée à monsieur le cardinal Maurice Roy, président du conseil des laïcs et de la commission pontificale « justice et paix » à l’occasion du 80e anniversaire de l’encyclique rerum novarum. [6]

     Cette lettre manifeste une évolution de la pensée du magistère. C’est en effet la première fois qu’un document du magistère aborde le thème des effets de l’activité humaine sur l’environnement :

     « Tandis que l’horizon de l’homme se modifie ainsi à partir des images qu’on choisit pour lui, une autre transformation se fait sentir, conséquence aussi dramatique qu’inattendue de l’activité humaine. Brusquement l’homme en prend conscience : par une exploitation inconsidérée de la nature, il risque de la détruire et d’être à son tour la victime de cette dégradation. Non seulement l’environnement matériel devient une menace permanente : pollutions et déchets, nouvelles maladies, pouvoir destructeur absolu ; mais c’est le cadre humain que l’homme ne maîtrise plus, créant ainsi pour demain un environnement qui pourra lui être intolérable. Problème social d’envergure qui regarde la famille humaine tout entière » (21)

          La lettre présente également une inflexion de la pensée sur le progrès, dont l’ambiguïté est soulignée beaucoup plus fortement que dans les textes précédents du magistère : « Un doute aujourd’hui se lève pourtant sur sa valeur et sur sa réussite. Que signifie cette quête inexorable d’un progrès qui fuit chaque fois qu’on croit l’avoir conquis ? Non maîtrisé, le progrès laisse insatisfait. Sans doute a-t-on dénoncé, à juste titre, les limites et même les méfaits d’une croissance économique purement quantitative et souhaite-ton atteindre aussi des objectifs d’ordre qualitatif. La qualité et la vérité des rapports humains, le degré de participation et de responsabilité sont non moins significatifs et importants pour le devenir de la société que la quantité et la variété des biens produits et consommés. Surmontant la tentation de vouloir tout mesurer en termes d’efficacité et d’échanges, en rapports de forces et d’intérêts, l’homme désire aujourd’hui substituer de plus en plus à ces critères quantitatifs l’intensité de la communication, la diffusion des savoirs et des cultures, le service réciproque, la concertation pour une tâche commune.
Le vrai progrès n’est-il pas dans le développement de la conscience morale qui conduira l’homme à prendre en charge des solidarités élargies et de s’ouvrir librement aux autres et à Dieu » ( 41).

   Et un appel pressent à l’action: « Que chacun s’examine pour voir ce qu’il a fait jusqu’ici et ce qu’il devrait faire. Il ne suffit pas de rappeler des principes, d’affirmer des intentions, de souligner des injustices criantes et de proférer des dénonciations prophétiques : ces paroles n’auront de poids réel que si elles s’accompagnent pour chacun d’une prise de conscience plus vive de sa propre responsabilité et d’une action effective. Il est trop facile de rejeter sur les autres la responsabilité des injustices, si on ne perçoit pas en même temps comment on y participe soi-même et comment la conversion personnelle est d’abord nécessaire. » (48)

 

Des encycliques controversées

 

Encyclique sacerdotalis célibatus (1967)

 

     On pourrait traduire le propos de cette encyclique [7] par « circulez rien de nouveau à dire » comme si le  problème était le célibat des prêtres en soi. Or ce qui pose problème c’est l’obligation du célibat pour les clercs.

Des réactions

     Le 25 janvier 1970, dans le cadre du Concile pastoral de la province ecclésiastique des Pays-Bas [8], les évêques néerlandais se prononcent en faveur de l’ordination d’hommes mariés en termes très mesurés : « Les évêques estiment que, pour leur communauté, il serait bon qu’à côté de prêtres vivant dans le célibat choisi en toute liberté, on puisse admettre dans l’Église latine des prêtres mariés, en ce sens que des hommes mariés pourraient être ordonnés prêtres, et qu’en des cas particuliers, des prêtres qui se sont mariés puissent être réintégrés dans le ministère, sous certaines conditions [9] ».

Synode sur le ministère sacerdotal

     Après avoir exprimé « de graves réserves » dans une lettre du 2 février 1970 au cardinal Villot, secrétaire d’Etat, Paul VI décide de réunir, fin 1971, un synode des évêques sur ce thème.

     107 pères optent pour une formule extrêmement restrictive, 87 adoptent une position proche de la réforme envisagée et il y a 2 abstentions et 2 bulletins nuls. La réforme n’est pas adoptée.

     Pour Louis de Vaucelles [10], la procédure est responsable de cet échec : les dossiers préparés par les conférences épiscopales ont été sous-utilisés, il n’y a pas eu de débats, les échanges se réduisant à une série de monologues, et la présidence (trois présidents nommés par le pape) a éludé des questions de manière arbitraire. Ces difficultés ont été accrues par la diversité des mentalités et des situations pastorales.

Encyclique humanae vitae (1968)

 

      le 25 juillet 1968 Paul VI promulgue l’encyclique humanae vitae [11]. Dans cette encyclique, le Magistère rappelle que la doctrine de l’Église sur le mariage est fondée « le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l’homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l’acte conjugal: union et procréation. (12)» tout en reconnaissant la possibilité de différer une naissance (Paternité responsable (10)) au moyen de « méthodes naturelles »

Les prises de position de Paul VI viennent en contradiction [12] avec les travaux de la commission pontificale pour l’étude de la population, de la famille et de la natalité. Créée en 1963 par Jean XXIII

Réactions

      Il y a des vieux reflexes conservateurs dont il faut savoir se défaire. Ainsi même s’il est reconnu officiellement qu’une encyclique n’est pas un document infaillible, d’aucuns exigeraient qu’on se comporte comme s’il l’était.  Comme l’écrit Henri de Lubac dans Paradoxes  : « Il n’y a de « paroles d’évangile » que les paroles de l’Evangile. Les paroles des encycliques sont paroles d’encycliques : chose assurément très digne, très importantes, mais autre chose. »  Et surtout  il y a une certaine schizophrénie à voir tous ces célibataire, théoriquement sans relations conjugales, venir dire aux couples ce qu’ils doivent être et faire dans leur relations de couple.

     L’Eglise catholique n’a manifestement pas perçu qu’elle ne pouvait plus s’adresser à des adultes comme à un « troupeau » fidèle. Humanae vitae apparue à l’automne 1968 est l’exacte erreur d’un pape déconnecté des réalités vécues par les « chrétiens de base » si chers à cette époque.

     De nombreuses conférences épiscopales vont émettre des « grilles de compréhension » bien nécessaires. Ainsi en est-il de de la Conférence des Evêques de France [13]

     Dans ses mémoires, le cardinal français Roger Etchegaray a parlé de « schisme silencieux [qui a] fragilisé l’autorité [papale] ». Le théologien Yves Congar, adressant en 1968 un courrier au secrétariat de l’épiscopat français, déclara : « je n’arrive pas vraiment à juger que des époux, qui ont exercé ou exercent une paternité raisonnable et généreuse, contreviennent à la volonté de Dieu si, pour espacer ou éviter une nouvelle naissance (intention qu’ Humanæ Vitæ reconnaît légitime), ils usent d’un moyen artificiel plus sûr que l’abstinence périodique »

 

Le renouveau charismatique

 

      Paul VI encouragea le renouveau charismatique catholique, qu’il considérait comme une chance pour l’Église et pour le monde.

     Il déclara lors de son discours au IIIe congrès international du renouveau charismatique catholique, le 19 mai 1975 : « Comment alors ce « renouveau spirituel » ne pourrait-il pas être une « chance » pour l’Église et pour le monde ? Et comment, en ce cas, ne pas prendre tous les moyens pour qu’il la demeure ?
Ces moyens, chers fils et chères filles, le Saint-Esprit voudra bien vous les indiquer, selon la sagesse de ceux qu’il a lui-même «établis gardiens pour paître l’Église de Dieu» ( Act . 20, 28). Car c’est le Saint-Esprit qui a inspiré à saint Paul certaines directives très précises, que Nous nous contenterons de vous rappeler. Y être fidèles sera pour vous la meilleure des garanties pour l’avenir.
Vous savez le grand cas que l’Apôtre faisait des «dons spirituels»: «N’éteignez pas l’Esprit», écrivant-il aux Thessaloniciens ( 1 Thess . 5, 19), tout en ajoutant immédiatement: «Vérifiez tout, retenez ce qui est bon» ( Ibid . 5, 21).[14]».

 

Dialogues

 

 

Dialogues œcuméniques

    • Depuis le 7 décembre 1965 avec l’abrogation simultanée des excommunications de 1054 par un bref du pape Paul VI au Vatican et un tomos(décret) du patriarche de Constantinople,  Athénagoras Ier, à İstanbul. Ce dialogue est mené, pour l’Église orthodoxe, d’une manière unifiée (au sein de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe) depuis 1980, ou au niveau de chacune des Églises orthodoxes locales.[15]
    • Entre la Fédération Luthérienne Mondiale et l’Église Catholique au sein de la Commission internationale catholique-luthérienne créée en 1967 [16]
    • Entre la commission internationale anglicane-catholique romaine(ARCIC) établie en 1967 [17]
    • Dans la commission mixte internationale catholique-méthodiste international depuis 1967
 

Dialogue interreligieux

     Le dialogue avec les religions non chrétiennes, en particulier le judaïsme, se développe pendant le pontificat de Paul VI, sous l’impulsion de la déclaration Nostra Ætate.

En dehors du monde chrétien, le pape rencontre en 1971 Kalou Rinpoché lors de son premier voyage en Occident. Le 30 septembre 1973, Paul VI reçoit en audience le 14e dalaï-lama, Tenzin Gyatso au Vatican. Le 17 janvier 1975, il reçoit en audience le 16e karmapa, Rangjung Rigpe Dorje. En 1974, il rencontre les oulémas d’Arabie

 

Il est le premier Pape à voyager hors de Rome.

     Après l’ONU en 1965, ils se rend en pèlerinage à Fatima (Portugal) en 1967 ; en Turquie la même année ou il rencontre le Patriarche Athénagoras (qui sera reçu à Rome trois mois plus tard) ; à Bogota (Colombie) en 1968 ; à Genève (Suisse) ou il se prend la parole devant l’ Organisation Internationale du Travail et le Conseil œcuménique des Églises ; en Sardaigne (Cagliari) en 1969.

Il est également le premier pape accueilli en Afrique, en Ouganda en 1969.

Lors d’un pèlerinage en Asie orientale, Océanie et Australie (du 26 novembre au 5 décembre 1970). Paul VI  effectue une série de visites pastorales en Asie orientale et Océanie.

Le 27 novembre 1970, à son arrivée à l’aéroport international de Manille, Paul VI réchappe d’une tentative d’assassinat. Déguisé en prêtre, crucifix en main, Mendoza parvient à approcher le pape avant de le frapper de deux coups de poignard dans le cou, portés de part et d’autre de la veine jugulaire. Le col rigide que porte le pape pour le soulager de l’arthrose cervicale contribue à la légèreté des blessures dont l’existence n’est toutefois révélée qu’après sa mort en 1978. Paul VI termine sa visite officielle selon le programme prévu.

 

Décès et funérailles.

     Victime d’une crise cardiaque en fin d’après-midi le 6 août 1978, Paul VI meurt dans sa résidence d’été de Castel Gandolfo après quinze ans de pontificat, à l’âge de 80 ans. Il est inhumé le 12 août 1978 et enterré, selon ses souhaits, dans les grottes du Vatican

     

Le 11 mai 1993 a été lancée dans le diocèse de Rome la cause de canonisation. Benoît XVI a déclaré « l’héroïcité de ses vertus » le 20 décembre 2012. Le 9 mai 2014, le Pape François a autorisé la Congrégation pour les causes des saints à promulguer le décret concernant le miracle attribué à son intercession. François l’a « élevé à l’honneur des autels » (déclaré saint) le 19 octobre 2014.[18]

 

 

[5] Le dicastère pour le service du développement humain intégral est créé par le pape François en 2016 en remplacement des conseils pontificaux « Justice et Paix », « Cor Unum », « pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement » et « pour la pastorale des services de la santé ».
[8] Le Concile pastoral de la province ecclésiastique des Pays-Bas avait une composition très innovante pour l’époque (1970) proche du Chemin Synodal Allemand ( https://riposte-catholique.fr/archives/172863#) avec (hélas) aussi peu de succès auprès du pape et de la curie romaine !
[9] BRACHIN Pierre. Paul VI et l’Église des Pays-Bas. In: Paul VI et la modernité dans l’Église. Actes du colloque de Rome (2-4 juin 1983) Rome : École Française de Rome, 1984. pp. 765-784. (Publications de l’École française de Rome, 72) p 772 www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1984_act_72_1_2439
[10] de VAUCELLES Louis, « Journal du synode », Études,‎ décembre 1971, pp.753-763 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k441866v/f128.item
[12] En 1966, les théologiens de la commission déclarent par 15 voix contre 4 que la contraception artificielle n’est pas intrinsèquement mauvaise et, les 24 et 25 juin 1966, approuvent par 9 voix contre 5 un texte final disant qu’« il leur appartient [aux époux] d’en décider ensemble, sans se laisser aller à l’arbitraire, mais en ayant toujours à l’esprit et à la conscience des critères objectifs de moralité  » où l’éloge de la continence périodique est supprimé. Voir ROUCHE Michel. La préparation de l’encyclique « Humanae vitae ». La commission sur la population, la famille et la natalité. In: Paul VI et la modernité dans l’Église. Actes du colloque de Rome (2-4 juin 1983) Rome : École Française de Rome, 1984. pp. 361-384. (Publications de l’École française de Rome, 72). www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1984_act_72_1_2419
[14] Discours du pape Paul VI aux participants au IIIème congrès international du renouveau charismatique catholique :  https://www.vatican.va/content/paul-vi/fr/speeches/1975/documents/hf_p-vi_spe_19750519_rinnovamento-carismatico.html

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