Union et désunion_ II Les réformes

Sommaire

 

   
      Selon nos traditions ecclésiales et nos cultures, nous avons des représentations de l’Eglise qui nous sont propres.
     C’est ainsi que l’Eglise catholique déclare qu’en elle « subsiste » l’Eglise dans toute sa plénitude. Cela va conduire à un certain nombre de représentation ou l’Eglise Catholique est représentée par un tronc d’où les « hérétiques » de tout poil ou les « Eglises séparées » s’éloignent sous forme de branches diverses.
     L’ors de la Rencontre du Bec-Hellouin organisée par l’ACONor en 2013 le Pasteur François Clavairoly,  alors président de la Fédération Protestante de France, se représentait l’Eglise comme un buissonnement de rameaux divers…Comme dit le proverbe: « chacun voit midi à sa porte »
     L’histoire de l’Eglise doit nous rendre modestes : l’unité des chrétiens  fondée et enracinée dans la prière de Jésus (Jn 17,21) : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » est un idéal confronté à notre réalité de péché, qui n’a jamais été pleinement réalisé. Même à l’origine (Pierre et Paul au « concile de Jérusalem » s’accordent…en se séparant !)
     Je me propose dans une série d’articles de faire le point sur ces disjonctions -et aussi conjonctions- qui ont marqué  nos différentes confessions chrétiennes

Beaucoup de renseignements viennent des pages Wikipédia
Autre source, absolument indispensable à la compréhension de l’histoire des Eglises de la Réforme : https://museeprotestant.org/ 

 

 

 

VII Un siècle de réformes 1450-1550 (1ère partie)

 

Chronologie

 

1507 : Guillaume Briçonnet accueille à Meaux Jacques Lefèvre d’Étaples qu’il fréquente depuis 1505.

1515-1516 : Martin Luther donne un cours sur l’épître de Paul aux Romains.

1516 : Ulrich Zwingli rencontre Érasme et l’imprimeur Froben à Bâle.

1517 : Martin Luther publie ses 95 thèses.

1520 : Martin Luther publie ses principaux écrits réformateurs :

  • La Papauté de Rome ;
  • L’Appel à la noblesse chrétienne de la Nation allemande pour l’amélioration de l’ordre chrétien ;
  • De la Captivité babylonienne de l’Église ;
  • La Liberté chrétienne.

1521 :

  • L’empereur Charles Quint promulgue l’Édit de Worms pour interdire le luthéranisme..
  • Les thèses de Martin Luther sont condamnées par la Sorbonne.
  • Le cénacle de Meaux, expérience évangélique, est fondé à la demande de l’évêque de Meaux Guillaume Briçonnet .

1522 :

  • Les publications d’Ulrich Zwingli le font connaître en dehors de Zurich.
  • Martin Luther publie la traduction en allemand du Nouveau Testament.

1523 :

  • Jacques Lefèvre d’Étaples publie la traduction en français du Nouveau Testament à partir de la Vulgate.
  • Zürich est le premier canton suisse à passer à la réforme, grâce à Zwingli.

1524 : Martin Bucer met en place un culte réformé à Strasbourg 

1528 : Jacques Lefèvre d’Étaples publie la traduction en français de l’Ancien Testament à partir de la Vulgate.

1529 :

  • Bâle passe à la réforme. Glaris, Berne, Bienne, Schaffhouse et Saint-Gall suivent.
  • « Protestation » des princes luthériens lors de la seconde Diète de Spire.
  • La République de Mulhouse adopte la réforme inspirée par Ulrich Zwingli (puis par la suite par Jean Calvin) comme unique doctrine d’État.

1530 :

  • Présentation de la confession d’Augsbourg, texte fondateur du luthéranisme.
  • Meaux devient la première paroisse protestante organisée de France.

1531 : Les cantons suisses catholiques attaquent les Zurichois et les battent. Zwingli est tué.

1532 :

  • Au synode de Chanforan, l’église vaudoise fusionne avec les églises réformées.
  • Jean Calvin, converti en 1531, commence à prêcher dans Paris.

1533 : Discours de Nicolas Cop, recteur de la Sorbonne, écrit par Calvin. Scandale. Exil de Calvin.

1534 :

  • Martin Luther publie la traduction en allemand de l’Ancien Testament.
  • Affaire des Placards ; la politique royale française devient répressive.

1536 :

  • Calvin publie à Bâle l’Institution de la religion chrétienne, sans mention de la prédestination.
  • Calvin s’installe à Genève où la Réforme vient d’être adoptée.

1538 :

  • Calvin, banni de Genève en 1538, s’installe à Strasbourg, où il collabore avec Martin Bucer et enseigne dans le collège humaniste nouvellement créé.

1541 : Calvin revient à Genève et y installe une république calviniste dans la ville.

1542 : création de l’Inquisition romaine par Paul III.

1545 :

  • Ouverture du concile de Trente.
  • Le massacre de Mérindol, lors duquel 3 000 Vaudois du Luberon meurent, déclenche l’émoi et une enquête royale.

1546 : mort de Martin Luther.

1552 : Calvin publie De la prédestination éternelle de Dieu.

1555: (25 septembre) : la Paix d’Augsbourg est signée ; elle donne une existence légale aux villes ou aux États luthériens dans l’Empire.

1561 : colloque de Poissy, tentative de conciliation entre théologiens catholiques et protestants français ; le colloque échoue sur la question de la transsubstantiation.

1562 :

  • Calvin publie La congrégation sur l’élection éternelle.
  • massacre d’un rassemblement de Huguenots à Wassy ; début des guerres de religion en France.

1563 : fin du concile de Trente.

 

Un climat délétère

     Les conciles du XVe siècle ne peuvent prendre de décision efficace tant l’autorité du pape est affaiblie.
De fait, les fidèles ne reprochent pas au clergé de mal vivre mais de mal croire.
Et le pape répond mal aux angoisses des fidèles. Depuis le XIVe siècle et la grande peste, les fidèles vivent dans la crainte de la damnation éternelle.

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La peur de la mort et de l’enfer a comme conséquence le développement du culte marial, du culte des saints, des reliques, des pèlerinages, des processions, et la pratique des indulgences. Le but est de gagner son paradis sur la terre même au prix d’un séjour au purgatoire.

     A la fin du XVe siècle, les indulgences sont un moyen de plus en plus en vogue pour réduire le nombre des années passées par une âme au purgatoire après sa mort. Ainsi, l’électeur de Saxe, Frédéric le Sage, futur protecteur de Luther, possède 17 443 reliques, censées lui épargner 128 000 années de purgatoire.
Mais par la suite, les indulgences vont être vendues : “…dès que l’or tombe dans la sébile, l’âme s’échappe du purgatoire” (Albert de Brandebourg Archevêque de Mayence [1]).
De plus en plus, le fidèle se confesse non pas poussé par la conscience de sa faiblesse mais par peur de la punition après la mort.

À côté de la multiplication de ces pratiques, la Bible, proclamée en latin lors des messes, n’est accessible aux fidèles qu’à travers les commentaires des clercs, d’où il s’ensuit une perte de sens.

     À partir du milieu du XVe siècle, le pouvoir d’achat s’amenuise. Les nobles regardent donc du côté des immenses biens fonciers de l’Église, soit le plus souvent 20 à 30 % des terres cultivables. De plus l’Église continue à condamner dans ses tribunaux ecclésiastiques les profits bancaires et le profit monétaire,  même si ses positions se sont quelque peu assouplies.
Les banquiers sont particulièrement nombreux en Allemagne du Sud. Nobles et banquiers sont ainsi moins attachés à l’Église catholique.

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     Les facteurs politiques ne sont pas absents non plus. Le développement des États se heurte à la puissance temporelle de l’Église. De plus en plus, les princes cherchent à intervenir dans le choix des membres du Haut-clergé, évêques, abbés. En effet, les postes ecclésiastiques sont liés à des bénéfices.
Celui qui contrôle l’élection du prélat, contrôle indirectement le bénéfice.
     L’autorité universelle du pape, proclamée par Grégoire VII depuis 1075, se heurte à l’autorité grandissante du souverain. Ce qui provoque des conflits. (en France la “pragmatique sanction de Bourges” est de cet ordre.)

Mais ce qui affaiblit le plus l’Église catholique, c’est la perte de la sacralité. Les fidèles voient trop de fils de prêtres devenir prêtres, trop de clercs s’enrichir aux dépens des laïcs, trop d’évêques vivant comme des grands seigneurs.

 

Les mouvements réformistes avant Luther

La “dévotio moderna”

     La “dévotio moderna” c’est la conversion du cœur où la pratique des vertus chrétiennes prime. La contemplation perd l’aspect intellectuel et ouvertement métaphysique que lui avaient donné les mystiques rhénans et devient simple prière. Elle insiste sur la nécessité du dépouillement préalable de celui qui va prier. Selon elle, il faut avant tout imiter l’humanité du Christ et allier vie active et contemplation.

   jean-busch-devotio-moderna  Le livre “L’Imitation de Jésus-Christ“ est au cœur de cette spiritualité. Le croyant doit demeurer sur Terre pour y agir. Son âme est habitée par le Christ.

     La pratique de la dévotion moderne touche de nombreux ordres religieux. Le bénédictin García Jiménez de Cisneros (es) (1455-1510), abbé du monastère de Montserrat en Espagne, écrit le premier ensemble d’exercices systématiques. La plupart des ordres monastiques et mendiants, surtout les franciscains, adoptent la nouvelle spiritualité. Elle survivra à la Réforme protestante et à la Contre-Réforme catholique. Luther a eu de l’estime pour elle. Ignace de Loyola a toujours considéré que la lecture de l’Imitation avait été déterminante pour ses propres Exercices spirituels.

Guillaume Briçonnet et le “Cénacle de Meaux”

     En 1521, il attire autour de lui plusieurs théologiens et prédicateurs, dont notamment guillaume_briconnetLefèvre d’Étaples, Guillaume Farel, Gérard Roussel, Josse Clichtove, l’hébraïsant François Vatable, Martial Mazurier, Michel d’Arande, Pierre Caroli, prédicateur célèbre, et Jean Lecomte de Lacroix. Ils constituent l’école ou le cénacle de Meaux, foyer de réflexion et de réforme de l’Église de Meaux.

     Il s’agit de retourner aux sources du christianisme, vers l’enseignement originel du Christ en répandant le Nouveau Testament en français : on “délatinise” les textes évangéliques.
     Il crée une imprimerie à Meaux, qui publie les ouvrages de Lefèvre d’Étaples : Commentaires des quatre évangiles (en latin) en 1522, Ancien Testament (en français), Homélies, Épîtres, Évangiles, Actes des Apôtres (1523), et Psaumes (1524). Les textes sont débarrassés de tout apparat critique, et dédicacés au peuple des fidèles chrétiens.
     Des commentaires sont faits de ces textes, devant des petits groupes de personnes ayant un peu d’éducation. Des prières en langue simple sont imprimées à destination du peuple, ainsi que des ouvrages de vulgarisation à partir de 1525.

     Les prêches, qui changent (on ne menace plus de l’Enfer, on ne quête plus à la fin), ont du succès. La Picardie voisine, la Thiérache, le monastère de Livry-en-Aulnoy sont touchés et ce, alors que les thèses de Luther ne sont pas connues en France.

     Alors qu’en 1525, il publie les Épîtres et Évangiles pour les 52 dimanches de l’an, ses ennemis eurent plus de succès dans une troisième attaque.

     Le groupe de Meaux fut dissous et Jacques Lefèvre dut s’exiler à Strasbourg.

Jacques Lefèvre d’Etaples

lefevre-detaples      Il est nommé en 1520 vicaire de Guillaume Briçonnet, devenu évêque de Meaux Peu respectueux de la vieille scolastique, cherchant à inspirer le goût de la critique, de l’Antiquité et des langues savantes. Les novateurs en fait de religion prêchaient le même renouvellement dans les études ecclésiastiques. C’en fut assez pour le confondre avec eux.

     A peine le premier orage était-il apaisé, que sa traduction et son commentaire sur le Nouveau Testament de 1523 suscitèrent contre lui d’autres poursuites. Sa traduction s’appuyait bien sur le texte de la Vulgate latine, mais y ajoutait une soixantaine de corrections d’après les originaux grecs. Les docteurs de Paris furent principalement irrités de l’« Épure exhortatoire » qu’il mit en tête de la deuxième partie, où il recommande à tous les fidèles la lecture de l’Écriture sainte en langue vulgaire.

Lefèvre dut s’enfuir à Strasbourg.

 

Etat des lieux

En ce début de XVIe siècle, l’Eglise d’Occident ne répond plus depuis longtemps aux besoins des fidèles. Trop de compromissions temporelles, trop d’autoritarisme…Les clercs sont ignorants, les évêques cumulent des sièges épiscopaux pour gagner de l’argent.

Les hommes et les femmes du début du siècle vivent dans l’anxiété. La mort et Satan, partout présents, les effraient. La chasse aux sorcières, approuvée officiellement en 1484 par une bulle du pape Innocent VIII, a connu un regain au XVe siècle, et durera jusqu’au milieu du XVIIe.

A cette époque, Dieu lui-même fait peur: de nombreux chrétiens voient en lui un juge impitoyable, qui les condamnera au jour du Jugement dernier.

     A la Renaissance l’homme prenant conscience de son autonomie n’a plus accepté les dictats du religieux. II faut dire que la Papauté, de Sixte IV à Léon X (à part Pie III qui ne règne que vingt-six jours!) donne l’exemple d’une bande de fêtards, d’escrocs et de chef de guerre tout à fait remarquable.  lucrece-borgia-et-son-fils-hercule-deste Alexandre VI, sa fille et son petit-fils

     Pour couvrir les énormes frais que requièrent leurs goûts artistiques, ils vendent des indulgences. En les achetant, dit l’Eglise, l’homme obtient la remise des peines impliquées par son péché. Il peut même espérer gagner le Paradis… 

Le succès de la réforme sera dû en partie au fait qu’elle prospère sur cet abondant fumier. Le concile de Trente  remettra un peu d’ordre, mais trop peu et trop tard, et pas toujours comme il  faudrait.

 

Les réformateurs:

 

Martin Luther (1483-1546)

luther     Martin Luther effectue ses études à Eisenach puis à l’université d’Erfurt où il commence ses études de droit. En 1505 il est pris dans un violent orage : terrorisé par la foudre qui s’abat à côté de lui, il fait le vœu de se faire moine, s’il en échappe.

     Quelques jours après, il entre au couvent des moines augustins à Erfurt contre la volonté de son père et à son insu. Il prononce ses vœux en 1506 et il est ordonné prêtre en 1507. Après un séjour à Wittenberg où il devient bachelier en théologie, il entre au couvent d’Erfurt en 1509.

     En 1512, il est sous-prieur à Wittenberg et prépare un doctorat en théologie qu’il obtient l’année suivante . Il donne alors des cours de théologie à l’université sur les psaumes et les épîtres aux Romains, aux Galates et aux Hébreux. En 1513, il devient professeur et en 1515, il est nommé vicaire des Augustins en Allemagne.

     Cette même année, dans son Cours sur l’épître aux Romains, Luther exprime sa thèse selon laquelle l’homme est à la fois juste et pécheur.

Les indulgences 

(sur la querelle des indulgences et les 95 thèses voir article connexe https://www.oecumenisme-normandie.fr/2016/11/07/la-querelle-des-indulgences-les95-theses-de-luther/)indulgence

     Outre une violente critique des indulgences, contre lesquelles d’autres s’étaient déjà élevés, Luther refuse la théologie des œuvres : le pécheur n’est pas pardonné en raison de ses œuvres mais par la grâce seule.
Tourmenté par la justice de Dieu qui punit le pécheur, Luther réalise que l’homme est justifié (rendu juste) par la foi qui est un don de Dieu. C’est la révélation que décrit Luther dans l’expérience de la Tour, dont ni la date (entre 1512 et 1519) ni le lieu ne sont connus.

La rupture avec Rome

     Les thèses de Luther sont attaquées par Jean Eck, vice-chancelier de l’université d’Ingolstadt. Le pape Léon X charge le général des Augustins de ramener Luther à la raison. Luther est sommé de comparaître à Rome mais Frédéric le Sage demande et obtient qu’il soit jugé en Allemagne.

 Luther et Cajetan    Le pape mandate le dominicain Cajetan pour entendre Luther à Augsbourg devant la diète. Après la séance, tenue en octobre 1518, Luther rédige un appel “Du pape mal informé au pape mieux informé” et quitte la ville en secret. Mais le pape répond par la bulle “Cum postquam” qui réfute les idées de Luther et demande à Frédéric le Sage de le livrer. Le prince électeur interdit à Luther de quitter l’Allemagne. La mort de l’empereur Maximilien en janvier 1519 donne plus d’autorité à sa décision, en effet la charge impériale étant élective, le petit-fils de Maximilien, Charles Ier d’Espagne, le futur empereur Charles Quint, avait besoin du soutien de l’électeur de Saxe pour l’emporter sur l’autre candidat, François Ier.

     Mais la polémique reprend. Au cours d’une confrontation à Leipzig avec Jean Eck, Luther affirme que la Bible est la seule autorité. En réponse à son traité “Sur la papauté de Rome”, la bulle “Exsurge Domine” du 15 juin 1520 somme Luther de se rétracter. Celui-ci jette la bulle au feu.

La diète de Worms (1521)

Luther à Worms     Alors que les idées de Luther commençaient à se répandre en Allemagne et hors d’Allemagne, la bulle Decet “romanum pontificem” du 3 janvier 1521 excommunie Luther et ses partisans. Malgré les demandes pressantes du nonce, Charles Quint refuse de livrer Luther à Rome mais le convoque en sa présence à la diète de Worms, muni d’un sauf-conduit.

     En avril 1521, devant la diète, Luther refuse de désavouer ses écrits : « Je ne puis ni ne veux rien rétracter car il n’est ni sûr ni salutaire d’agir contre sa conscience ». Charles Quint est furieux mais laisse Luther repartir. Pourtant, un mois plus tard, il le met au ban de l’empire.

     Frédéric le Sage, qui avait des sympathies pour Luther, le fait alors enlever pour le mettre à l’abri dans son château de la Wartburg, près d’Eisenach, où Luther passe près d’un an, de mai 1521 à mars 1522. C’est pour Luther une période d’intense activité avec de nombreux écrits sur la vie religieuse et la vie conjugale et surtout la traduction du Nouveau Testament en allemand.

Vers l’Église évangélique

     Luther s’inquiète des profondes transformations de la messe voulues par Carlstadt.  Celui-ci était un réformateur radical qui avait lui aussi, un peu avant Luther, affiché des thèses et pris la tête du mouvement de Réforme pendant que Luther était retenu au château de la Wartburg.

     Malgré les consignes de prudence de Frédéric le Sage, Luther retourne à Wittenberg et se met à prêcher avec son habit de moine. Ne voulant pas heurter les consciences, il introduit graduellement des changements dans la messe. Dans un premier temps il maintient le latin pendant l’office et garde les vêtements liturgiques puis il introduit l’allemand, notamment pour la prédication. Mais Luther tient à retirer à l’eucharistie son caractère de sacrifice. Les fidèles participent par le chant.

     En 1523, dans “De l’autorité temporelle et des limites de l’obéissance qu’on lui doit”, Luther développe la théorie des deux règnes selon laquelle le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel sont complémentaires sans s’exclure : l’un s’adresse aux hommes pieux tandis que l’autre a pour rôle de mater les méchants. Cette distinction, qui écarte la théocratie, convient aux princes allemands attirés par la Réforme.

Le message de Luther trouve aussi un écho favorable dans les villes libres.

L’appel à la noblesse et la révolte des nobles allemands (1522)

     L’appel de Luther A la noblesse de la nation allemande paru en 1520 et qui traitait des pouvoirs temporels et de l’Église avait suscité des espoirs chez certains nobles qui voulaient s’émanciper de l’empereur, des princes ou des villes libres. Ils pensent trouver un allié en Luther. En 1522 éclate une révolte de nobles allemands qui envahissent les terres de l’évêque de Trèves. Luther, ne voulant pas imposer la Réforme par la force, ne soutient pas la révolte.

La révolte des paysans

thomas-munzer     En 1524, des paysans se révoltent en Allemagne du Sud, revendiquant la réduction des impôts et du servage et la souveraineté des Écritures. Ils sont poussés à l’insurrection par Thomas Müntzer, un ancien moine partisan d’une réforme radicale. Face à cette guerre des paysans, Luther appelle à la paix dans son Exhortation à la paix à propos des douze articles de la paysannerie souabe, il dénonce les faux prophètes qui trompent le peuple et condamne la révolte qui ensanglante le centre et le sud de l’Allemagne. Il la traite d’œuvre du diable, alors même qu’il avait été accusé de l’avoir allumée par ses idées. Les paysans révoltés sont battus, la répression est terrible, Müntzer est décapité.

     Luther quitte les Augustins en 1525, peu de temps avant son mariage. Le 13 juin 1525, il épouse Catherine Bora, une ancienne moniale, avec laquelle il aura six enfants.

 

La première diète de Spire (1526)

     En 1525, François Ier avait été vaincu et fait prisonnier à Pavie. Libéré en 1526, il constitue avec l’Angleterre, Florence, Venise, Milan et le pape Clément VII la Ligue de Cognac contre l’Espagne, ce qui affaiblit Charles Quint. Celui-ci doit alors faire des concessions dans l’empire : son frère Ferdinand, qui le représente à la diète de Spire en 1526, accepte la suspension provisoire de la mise au ban de l’empire pour Luther, tandis que les princes obtiennent la liberté religieuse dans leurs états.

Ainsi la nouvelle Église évangélique pouvait s’organiser.

L’organisation de l’Église

     Sur les territoires des princes et des villes ayant adopté les idées luthériennes, il convenait de visiter les paroisses, qui ne dépendaient plus des évêques, pour veiller aux bonnes mœurs des pasteurs et à l’orthodoxie de leur doctrine et s’assurer de la contribution financière des fidèles. Dès 1524, Jean-Frédéric de Saxe, régent de Thuringe veut désigner des visiteurs. Luther refuse d’abord puis finit par accepter que le prince ou le magistrat municipal désigne une commission d’inspecteurs ecclésiastiques composée de théologiens et d’hommes de loi pour inspecter la vie des communautés de la nouvelle Église évangélique.

     Les visites des paroisses révèlent le besoin de l’énoncé d’une doctrine pour préciser la foi. Luther rédige alors deux ouvrages pédagogiques :le Catéchisme allemand ou Grand Catéchisme puis le Petit Catéchisme à l’usage des pasteurs et des prédicateurs peu instruits.

     C’est aussi l’époque d’une controverse entre Luther et Érasme qui avait pris position contre la Réforme dans son traité Du libre arbitre (1525).

La seconde diète de Spire (1529)

     A2diete-de-spireprès le sac de Rome de 1527 par ses troupes mutinées et devant les perspectives de paix avec la France, Charles Quint convoque en avril 1529 une seconde diète à Spire avec une majorité de catholiques. Il veut revenir à l’édit de Worms qui avait banni Luther.
     La minorité acquise à la Réforme « proteste » en affirmant qu’elle ne consentirait à aucun acte ou arrêt contraire à Dieu, à sa Sainte Parole, au salut des âmes et à la bonne conscience. De là vient le nom de « protestant ».

Le colloque de Marbourg (1529)

     Dans l’empire, cinq princes et quatorze villes libres, dont Strasbourg, ont adopté la Réforme.

     Vienne est assiégée par les Turcs de Soliman le Magnifique en 1529. Luther est, comme 250px-marburgle prince électeur de Saxe, Jean le Constant, très attaché à l’empire. Il ne souhaitait pas une union politique protestante mais la recherche d’une unité doctrinale lui paraissait utile : c’est l’objet du colloque de Marbourg en octobre 1529 qui aboutit à une déclaration commune mais laisse subsister des avis divergents sur l’eucharistie.

     Luther reste attaché à l’idée de la présence réelle, et pas seulement symbolique, du Christ dans le pain et le vin de la communion. En cela il est opposé à d’autres réformateurs, dont Ulrich Zwingli.

La Confession d’Augsbourg (1530)

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Luther se fait représenter par Melanchthon (1497-1560) qui soutient une confession de foi, inspirée des idées de Luther et connue sous le nom de Confession d’Augsbourg ; celle-ci affirme le caractère universel de la foi luthérienne. L’empereur n’accepte pas la Confession et demande aux protestants de revenir au catholicisme. Luther demande alors à Melanchthon de composer une apologie de la Confession d’Augsbourg. Charles Quint mécontent remet en vigueur l’édit de Worms contre Luther et somme les protestants de se soumettre avant le 15 avril 1531.

Les électeurs de Hesse et de Saxe refusent et constituent la Ligue de Smarkalde. L’empereur accepte la trêve de Nuremberg en juillet 1532.

L’unité doctrinale de la Réforme dans l’empire est à nouveau évoquée en 1536 lors du colloque de Wittenberg auquel participent Luther, Melanchthon, Bucer et Capiton : la Concorde de Wittenberg admet que le corps et le sang du Christ sont réellement présents dans le le pain et le vin de la communion. Le courant réformé de Zwingli n’est pas représenté.

En 1537, Luther rédige des thèses doctrinales, dites Articles de Smalkalde, pour préparer lafoi-lutherienne position de la Réforme dans la perspective d’un concile qui ne s’ouvrira à Trente que huit ans plus tard en 1545.

Pendant les dernières années de sa vie il s’en prend violemment aux Turcs, aux papistes et aux juifs.

Il meurt le 18 février 1546 à Eisleben, sa ville natale.

 

Source: wikipedia.org: Réforme protestante

[1] En 1517, pour pouvoir effacer la dette qu’il a contractée auprès des Fugger pour payer le pallium (simonie), Albert de Brandebourg concède aux financiers rhénans la moitié des revenus du trafic des nouvelles indulgences accordées par Léon X. Les manœuvres de son agent à Magdebourg, le dominicain Johann Tetzel, donnèrent à Luther la matière de ses 95 thèses.

 

Jean Calvin

 

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Chronologie

    • 1509:
      Il nait le 10 juillet, à Noyon, petite ville de l’Oise : Jean Calvin appartient donc à la génération qui suit celle de Martin Luther.Son père, est administrateur des biens des chanoines de la cathédrale de Noyon.
      Parcours  scolaire   et   universitaire   : études de droit, à Orléans puis à Bourges ; études de la philologie humaniste ; il apprend l’hébreu, perfectionne son grec, et gagne sa vie en donnant des cours sur Sénèque.

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    • En 1532 / 1533:
      Calvin se rallie à la Réforme : il parle lui-même d’une «conversion subite».
      A l’automne 1533, Calvin revient à Paris et s’engage très activement aux côtés du recteur de l’université partisan de la Réforme.
    • 1535:Suite à “l’affaire des Placards” il rejoint le recteur Cop à Genève.
    • 1536-1538 :Premier séjour de Calvin à Genève.En mars 1536, Calvin publie la première édition, en latin, de son “Institutio Christianae Religionis”  (Institution de la religion chrétienne)
    • 1538-1540 :
      strasbourg-16sSéjour à Strasbourg, où Calvin est pasteur de l’Église réformée de langue française.C’est pendant son séjour à Strasbourg que Calvin a élaboré sa liturgie du culte. Il prend appui sur la liturgie strasbourgeoise réformée en langue allemande de 1539 qu’il traduit et adapte. Cette liturgie est publiée en 1540
      En 1540 Calvin épouse Idelette de Bure, veuve d’un premier mariage.
    • 1541: Retour définitif de Calvin à Genève.
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        • Il réorganise l’Église à travers les Ordonnances ecclésiastiques qui définissent la nouvelle Eglise et ses rapports avec le pouvoir séculier.
          Quatre ministères sont établis :
          • les pasteurs, qui prêchent la parole et administrent les deux sacrements (baptême et Cène) ;
          • les docteurs, qui enseignent l’Ecriture ;
          • les anciens, qui veillent à la moralité des fidèles et au respect de la discipline ecclésiastique ;
          • les diacres, qui assistent les malades et les pauvres.
        • La liturgie est reprise en 1542 à Genève sous le titre “La forme des prières et chants ecclésiastiques“, avec la manière d’administrer les sacrements et consacrer le mariage selon la coutume de l’Église ancienne. Dans le culte réformé, si le chant d’assemblée revêt une importance particulière, la place prépondérante est réservée à la lecture de la Bible et à la prédication. Calvin admet que la forme du culte peut varier suivant les lieux et les époques.
        • la Cène:  Calvin n’approuve pas Luther en ce qui concerne la Cène. Pour Luther, le pain et le vin demeurent comme tels, mais le corps et le sang du Christ sont présents en, dans et avec eux, (et non à leur place comme chez les catholiques) : en quelque sorte, ils possèdent une double substance ; on parle de consubstantiation. Pour Calvin, le Sauveur est au ciel, assis à la droite du Père et ne peut être matériellement présent dans le pain et le vin. Pour autant, Calvin n’a pas une conception purement symbolique du sacrement : si le pain reste du pain et si le vin reste du vin, au moment où le croyant prend la Cène, Dieu se rend présent en lui, par le Saint-Esprit ; l’Esprit est présent dans le croyant, et non dans le pain et le vin. Calvin parle de présence spirituelle du Christ lors de la Cène.
        • Première édition en français de l’Institution de la religion chrétienne qui sera remaniée plusieurs fois jusqu’à la dernière édition en 1559. (Dans la publication de 1536, l’Institution de la religion chrétienne est composée de 6 chapitres, et dans celle de 1559, de 4 volumes avec 80 sections. (Voir ci-dessous).  
        • 1564:
          Décès à Genève le 27 mai, à 54 ans.

L’Institution de la religion chrétienne

 Devient rapidement le livre de référence de l’Eglise Réformée
Un corps de doctrinecalvin_-institution-de-la-rel-xenne
     Cette œuvre développe de façon systématique la doctrine de la Réforme telle que prônée par Calvin.  À travers son texte, il accentue le contraste entre la toute-puissance de Dieu et la misère de l’homme, égaré par le péché originel. Depuis ce péché qui a entraîné sa chute, l’homme est corrompu dans sa nature, étant assujetti au péché. La distance de Dieu à l’homme est immense parce que la perfection divine est infinie alors que la créature est radicalement corrompue depuis le péché originel : l’image de Dieu est détruite en elle. L’homme vit sous le règne de la loi de Dieu, signe d’une déchéance dont il ne peut sortir par lui-même : il ne lui reste que la louange de Dieu et la repentance, c’est-à-dire la reconnaissance de son néant et sa totale dépendance de Dieu.
Mais cette attitude même est éclairée par l’infinie miséricorde divine car Dieu donne la foi, signe de sa justification et de son salut. Son salut dépend uniquement de la grâce divine, dont les bénéficiaires sont établis de façon prédestinée.

     Les réformateurs recherchent la vérité dans la Bible, qui est la source de l’Église. Calvin affirme que Dieu se révèle à l’homme par sa parole, l’Écriture à laquelle l’homme adhère par la foi. Ce sont les principes du “sola scriptura” et du “sola fide” : bases de l’édifice.

     L’Institution de la religion chrétienne connaît immédiatement un grand succès dès sa sortie en 1536 à Bâle. Beaucoup de raisons peuvent expliquer ce succès. Non seulement, les réformateurs et les réformés la trouvent intéressante pour résumer leur conviction, mais de plus beaucoup de personnes pensent que ce livre est une voie à suivre pour obtenir leur salut.

     Dans la publication de 1536, l’Institution de la religion chrétienne est composée de 6 chapitres, et dans celle de 1559, de 4 volumes avec 80 sections. Cette évolution montre que cette œuvre a été abondamment retravaillée et enrichie tout au long de la vie de Calvin.

Résumé des quatre volumes du livre de 1559
Premier livre

     Calvin explique qu’il ne faut pas forcément éluder les mystères par des propositions logiques, qu’il n’y a pas besoin de prouver l’existence de Dieu.

     Pour lui, il n’y a pas besoin de preuves réelles, l’évidence de l’existence de Dieu est dans la nature, l’homme, ainsi que sa complexité et son intelligence (pour Calvin, il n’y a que Dieu qui a pu inventer cela). La nature, pour Calvin, est une image visible du Dieu invisible. Il n’y a donc pas besoin d’image représentant Dieu, puisque la nature prouve son existence…
     Il y a pour les catholiques un problème dans le raisonnement de Calvin. Pour Calvin, l’Écriture est au centre. Les gens lui répondent alors que les apôtres ayant existé avant l’Église, c’est l’Église qui a transmis les Écritures sur la base des transmissions orales des paroles des apôtres. Pour les catholiques, c’est l’Église qui prime sur l’Écriture. Calvin pense que malgré le fait que les Écritures sont venues après, elles sont restées importantes parce que les paroles écrites avaient de la valeur. Calvin croit que l’Écriture est inspirée de Dieu.
La Trinité
     Calvin reste fidèle à la trinité. La Bible ne mentionne pas le mot mais la dévoile. Calvin dit que toute doctrine doit être tirée de l’Écriture. C’est le conflit qui l’opposera à Michel Servet.
Dieu et le malheur :

     Pour Calvin, Dieu n’est pas responsable du mal, dans le sens qu’il n’est pas coupable. Mais les événements amenant la souffrance, la difficulté, ne sont pas forcément mauvais du point de vue de Dieu. Ceci n’est pas compréhensible pour Calvin, mais il l’accepte car il a une confiance absolue en Dieu et son action en faveur du bien.

Deuxième livre
Le péché

     Pour Calvin, le péché occupe toutes les parties de l’âme. Nous sommes pécheurs par principe : « Nous sommes de pauvres pécheurs, conçus et nés dans l’iniquité et la corruption, enclins au mal, incapables de tout bien, et dans notre dépravation, nous transgressons les saints commandements de Dieu, sans cesse et sans fin » (paroles de Calvin). Pour Calvin, cette pensée n’est pas culpabilisante, elle dit que nous sommes pécheurs malgré nous. L’autocélébration est le fait de considérer que l’être humain peut faire du bien et progresser. Calvin critique l‘Église catholique car elle s’enrichit grâce aux indulgences que payent les fidèles. Ce système révolte Calvin.

Troisième livre
La foi
     D’après Calvin, la foi est personnelle, elle ne peut pas nous être transférée par l’Église. La foi est un don du Saint Esprit, elle ne peut pas s’acquérir, elle est en nous. La foi nécessite une connaissance intérieure de nous. Calvin réfute que l’on puisse acquérir le droit d’aller au Paradis. Pour lui nous sommes tous pardonnés pour nos péchés, Dieu nous accepte en dépit de qui nous sommes. La Prédestination est la manière dont la grâce divine semble être inégalement répartie entre les différents êtres humains.

     Selon L’Écriture, Dieu décide de la destinée de chacun. Pour Calvin, ces inégalités ne doivent pas décourager les citoyens, car ils n’en sont pas responsables. La volonté de Dieu reste mystérieuse et l’on doit se contenter de l’accepter. Les humains n’ont aucun moyen de juger qu’un acte de Dieu est injuste ou faux.

Quatrième livre
L’existence de l’Église
     Calvin parle d’Église « invisible », qui est connue de Dieu seul. Cette Église « invisible » est composée de l’ensemble de tous les croyants sincères. En opposition, il y a l’Église « visible », qui intègre le bon grain et l’ivraie (les croyants sincères et ceux qui ne le sont pas). Cette Église « visible » est donc imparfaite. D’après Calvin, il ne faut pas créer une Église d’êtres purs (sélection), mais de pécheurs qui cherchent à progresser grâce à l’Évangile. Pour les protestants, deux sacrements seulement sont reconnus : le baptême et l’eucharistie.
     Pour Calvin, l’eucharistie est un signe, une aide visuelle du message de Dieu mais ce n’est pas la transformation réelle du pain en corps du Christ. C’est seulement une évocation symbolique. Tandis que chez les catholiques, la transformation est réelle (transsubstantiation).
Rapport du pouvoir politique et de l’Église
     Le pouvoir politique doit être respecté par les chrétiens parce qu’il est plus ou moins établi par Dieu. Il y a cependant des limites : si un pouvoir politique va trop à l’encontre de l’enseignement de l’Écriture, il peut être remis en question.
L’Écriture se situe au-dessus du pouvoir politique.

 0000000218l     L’autorité de Calvin fut pratiquement incontestée dans les dernières années de sa vie et il disposait d’une réputation internationale en tant que réformateur distinct de Martin Luther. Les deux hommes avaient initialement un respect mutuel l’un pour l’autre mais un conflit doctrinal s’était développé entre Luther et le réformateur Ulrich Zwingli de Zurich au sujet de l’eucharistie. L’opinion de Calvin sur la question força Luther à le mettre dans le camp de Zwingli.

     Calvin participa activement aux polémiques entre les branches luthériennes et réformées du protestantisme. Au même moment, il était consterné par le manque d’unité parmi les réformateurs et il signa le “Consensus Tigurinus” [1] , un concordat entre les églises de Zurich et de Genève.

     Il entra également en contact avec l’archevêque de Cantorbéry, Thomas Cranmer, lorsque ce dernier appela à un synode œcuménique de toutes les églises protestantes. Calvin soutenait l’idée mais Cranmer ne parvint pas à la réaliser.
     La plus grande contribution de Calvin à la communauté anglophone fut l’accueil à Genève des exilés protestants chassés d’Angleterre par les persécutions de Marie Ire à partir de 1555. Sous la protection de la ville, ils formèrent leur propre église réformée menée par John Knox et William Whittingham et ramenèrent finalement les idées de Calvin en Angleterre et en Écosse.

 

     Calvin était cependant plus intéressé par la réforme de son pays natal, la France. Il soutint la construction d’églises en distribuant des livres et en fournissant des pasteurs.
     Entre 1555 et 1562, plus de 100 ministres furent envoyés en France. Ces actions furent entièrement financées par l’église à Genève car le conseil refusa de s’impliquer dans les activités prosélytes.
     Les protestants de France étaient persécutés dans le cadre de l’Édit de Chateaubriand du roi Henri II de France et lorsque les autorités françaises se plaignirent des activités des missionnaires, Genève put nier en être responsable

 

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Martin Bucer 

Humaniste, il a, toute sa vie, tenté de sauvegarder l’unité de l’Église. Dans l’opposition entre Luther et Zwingli sur la Cène (communion) il tente vainement de trouver un accord. Il accueille à Strasbourg les anabaptistes persécutés. Il essaie aussi de rapprocher catholiques et protestants sur les points fondamentaux. Mais ses tentatives échouent.

Chronologie de Martin Bucer

1491:
Martin Bucer naît le 11 novembre à Sélestat.
Il entre en 1506-1507 au couvent dominicain de Sélestat, puis il est envoyé à celui de Heidelberg, où il est immatriculé à l’université en 1517.
naiss-bucer Il se consacre alors à l’étude de la scolastique médiévale (de Thomas d’Aquin essentiellement), ainsi qu’à la lecture des ouvrages des humanistes. Il fait sien le programme d’Érasme, qui veut renouveler le christianisme par le retour à ses sources et par la simplification des institutions, des doctrines et des rites.
1518:
À la fin du mois d’avril  Bucer assiste à la dispute que tient dans la ville Martin Luther. Fasciné par son discours, il lui demande une entrevue. Dès lors, il devient un fidèle partisan des idées de ce frère augustin dissident.
1521:
Suspect aux yeux de l’Inquisition. Il fuit Heidelberg au début de l’année vers Spire où se trouvent plusieurs de ses amis. En même temps, il se fait dispenser de ses vœux monastiques et se met au service du comte palatin Frédéric (le futur électeur Frédéric II) en tant que chapelain, malgré les mises en garde de ses amis. Il le suit notamment à Nuremberg, où il prend contact avec les humanistes et les évangéliques de la ville.
1522:
Il accepte la cure de Landstuhl, où il rencontre Élisabeth Silbereisen, une ancienne nonne de Lobbach. Bravant les interdits, il se marie avec elle durant l’été  et devient ainsi l’un des tout premiers prêtres mariés.

     À l’automne, le jeune couple quitte en catastrophe Landstuhl  pour Wissembourg; Il y prêche de novembre 1522 à avril 1523, malgré les citations à comparaître devant l’évêque de Spire.

1523:
Ce dernier, irrité par l’attitude de Bucer, l’excommunie. Ils décident alors de trouver refuge dans une ville alliée, Strasbourg chez Matthieu Zell, curé de la chapelle Saint-Laurent de la cathédrale Notre-Dame et initiateur de la Réforme au sein de Strasbourgstasbourg-16s.
     Ce dernier aide Bucer à s’installer et à gagner sa vie, en lui proposant de donner des cours bibliques semi-publics et de l’aider au sein de sa paroisse. C’est également grâce à une initiative de Zell qu’il commence à pouvoir prêcher, celui-ci lui laissant de temps en temps sa chaire. L’amitié entre les deux hommes est telle que c’est à Bucer que Zell demande la bénédiction de son union avec Catherine Schutz.

     Il continue parallèlement à développer sa propre pensée théologique, en publiant trois ouvrages durant l’été 1523, dont le premier (“Das ym selbs niemant, sonder anderen leben soll” ou Traité de l’amour du prochain) élabore déjà un programme de la Réforme strasbourgeoise, axé principalement sur un christianisme de la pratique.

1524:
La situation des Bucer s’améliore. Tout d’abord élu prédicateur de la paroisse Sainte-Aurélie, Martin Bucer en devint le pasteur dès le mois d’août.
     De ce fait, il peut enfin participer activement à l’élaboration du nouveau culte évangélique. Il est chargé par les autres réformateurs d’en dresser le tableau justificatif dans un pamphlet.
     Afin de propager la nouvelle doctrine, il entreprend de traduire de l’allemand vers le latin des cycles de sermons de Luther.
1525:
La Guerre des paysans éclate. Bucer, Capiton et Zell essayent, sans succès, de détourner les révoltés de leurs actions violentes.
     En réaction à ce soulèvement dans les campagnes, les messes sont momentanément supprimées à Strasbourg, à l’exception de celles données dans les quatre églises principales.
     Dans un même temps, les querelles deviennent de plus en plus vives entre partisans de Luther et de Zwingli, ce qui désespère Bucer qui correspond avec des membres des deux camps. Il multiplie donc les prises de contact afin de trouver une solution pour conserver l’unité du mouvement évangélique.
     Dans les différents conflits qui agitent le développement de la Réforme, Bucer s’impose progressivement comme le porte-parole du mouvement évangélique strasbourgeois, à la fois vis-à-vis des autorités municipales, des représentants de l’Église catholique (comme Thomas Murner) et des mouvements radicaux dissidents.
1528:
En janvier, il fait son entrée avec Capiton sur la scène européenne, en participant à la dispute de Berne qui aboutit au passage à la Réforme de ce puissant canton suisse.
     Il y trouve de nouveaux appuis, comme le réformateur de Constance, Ambroise Blaurer, qui devient son principal confident. Il poursuit ses efforts quant à une politique d’alliance entre les évangéliques avec de plus en plus d’assurance, proposant une « comparaison » entre Luther et Zwingli en 1529.
1529:
La messe catholique est supprimée dans toutes les églises de Strasbourg à la suite d’un vote des échevins.
marbourg
La ville bascule dans le camp protestant, ce qui permet à Bucer de gagner encore en autorité.
Il devient pasteur de la paroisse Saint-Thomas en  et consacre beaucoup de temps à l’enseignement de l’exégèse et à l’écriture de ses livres.  
 Il assiste au colloque de Marbourg en 1529
1530:
Il est mis à la tête de l’organisation de la nouvelle Église, écrivant la confession propre de celle-ci, la Confession tétrapolitaine lors de la diète d’Augsbourg, qui est appliquée dans quatre villes libres d’Empire, (Strasbourg, Memmingen, Constance et Lindau).
   Il préside également le Convent ecclésiastique, devenu un organisme officiel de la ville à la suite de l’ordonnance du 30 octobre 1531.
   Dans sa lutte contre les non-conformistes, il mène plusieurs disputes. Son effort se conjugue à celui des autorités civiles, Bucer obtenant du Magistrat en octobre 1531 l’institution des Kirchenpflerger, chargés de veiller au respect de la nouvelle doctrine en ville.
1533:
Un synode rassemblant les pasteurs, les professeurs et les Kirchenpfleger est organisé, présidé par quatre membres du Magistrat. Avant tout chargé d’établir un texte fixant l’organisation de l’Église, il se charge également de réduire au silence les revendications des non-conformistes. Bucer prend une grande part à la rédaction. L’Ordonnance ecclésiastique qui en résulte alors est valable jusqu’en 1598.
     Parallèlement à cette intense activité strasbourgeoise, il continue également à se manifester aux différents colloques organisés dans l’Empire: en plus de la diète d’Augsbourg. Il poursuit ses tentatives de réconciliation entre Zwingli et Luther.
     Il participe également à l’introduction de la Réforme dans de nouvelles régions, comme à Ulm. Les morts de Zwingli et d’Œcolampade à la fin de l’année 1531 amènent les Strasbourgeois à se rallier à la Ligue de Smalkalde et donc à signer la confession luthérienne dite d’Augsbourg, ce que Bucer justifie à l’assemblée de Schweinfurt en avril 1532.   
1536:
Strasbourg étant alliée dorénavant aux princes protestants allemands, Bucer cherche ensuite à trouver uneretable-de-wittenberg_der-reformationsaltar-natur entente avec les Suisses, effectuant dans ce but plusieurs voyages.
    En mai, accompagné de Capiton et des délégués de l’Allemagne du sud-ouest, il conclut avec Luther la Concorde de Wittemberg et il réussit à ramener à l’Église la majorité des anabaptistes de Hesse en faisant introduire dans les Ordonnances ecclésiastiques la confirmation des catéchumènes et l’exercice de la discipline des mœurs par les « anciens ».
      Grâce à Bucer, la Concorde de Wittenberg permet un véritable rapprochement entre les protestants et la future hégémonie du luthéranisme doctrinal ; il s’agit de sa plus grande réalisation.
1539:
En mai se tient un nouveau synode, où il est surtout question de la discipline ecclésiastique
ecrits-martin-bucer     . Beaucoup étaient déçus par l’attitude des pouvoirs publics qui n’aidaient pas à combattre l’immoralité au sein de la ville. Les Kirchenpfleger ne faisaient pas le minimum de ce que Bucer et ses amis attendaient d’eux. Il y a un gouffre entre les attentes des réformateurs et les visées pragmatiques des dirigeants qui, s’ils agréaient la nouvelle doctrine, pouvaient également très bien discuter de l’agrandissement du lupanar de la ville. 
Progressivement, Bucer se tourne vers une nouvelle voie, en créant une discipline « interne » à l’Église en créant des Christlichen Gemeinschafften, des petites communautés de chrétiens professants et engagés au sein des paroisses, même si celles-ci restent multitudinistes. Il tente également d’introduire l’excommunication, mais Hédion s’y oppose catégoriquement.
1540:
Le ciel bucérien s’assombrit définitivement.
Son écriture se fait de plus en plus incisive, il continue inlassablement ses voyages, et pourtant, ses entreprises s’enlisent.
   Son projet unificateur, colporté par son activité débordante, irrite de plus en plus, agaçant même Philippe de Hesse, prince et chef de file des protestants de la Ligue de Smalkalde.  
     Martin Bucer éprouve pour lui un profond respect jusqu’au jour où Philippe prend une seconde épouse, au grand effroi des évangéliques. Bucer s’attire la suspicion et le désaveu de bon nombre de ses amis à cause de ses concessions de plus en plus importantes.
1541:
Il subit une cuisante défaite lors de la diète de Ratisbonne, où ni les catholiques ni les protestants ne cherchent à s’entendre, malgré la demande de Charles Quint.
     En 1541 également, il perd sa femme ainsi que la plupart de ses enfants lors d’une grande épidémie de peste qui ravage la ville. Quelque temps plus tard, il se remarie avec Wibrandis Rosenblatt, la veuve de Capiton, ce dernier ayant lui aussi succombé à la maladie.
1547:
Après la terrible débâcle protestante de Mühlberg en avril , qui signe la chute de la Ligue, Charles Quint souhaite établir son propre règlement religieux. Par conséquent, les autorités ordonnent à Bucer de quitter la ville, le réformateur étant devenu un élément de trouble détesté par la plupart des dirigeants. Il se réfugie alors pendant trois semaines chez Catherine Zell, retournant dans la maison qui l’avait autrefois accueilli. 
     Une fois sa fuite préparée, il quitte Strasbourg avec Paul Fagius et se rend au mois d’août 1549 en Angleterre.
     Le royaume d’Angleterre est alors en pleine mutation économique, sociale et religieuse, se tournant très nettement vers le protestantisme, comme le souhaite Henri VIII. C’est pourquoi Bucer avait accepté l’invitation de l’archevêque de Canterbury Thomas Cranmer, jugeant qu’il serait peut-être d’une quelconque utilité dans la mise en place de la nouvelle doctrine. Cependant, la vision idyllique qu’il s’était forgée de ce pays ne correspondait nullement à la réalité, les paysans se révoltant sans cesse contre leurs seigneurs, provoquant un fort sentiment d’insécurité.
     Fagius et lui commencent tout d’abord par faire une nouvelle traduction latine de la Bible, puis ils s’installent à Cambridge où on leur propose de devenir professeurs. Fagius meurt malheureusement peu de temps après et Bucer est lui-même très affaibli. Une fois que sa femme et sa belle-fille l’ont rejoint, l’état de santé de Bucer s’améliore et il décide de faire un nouveau cours sur l’Épître aux Éphésiens. Il retrouve à Oxford l’un de ses anciens collègues strasbourgeois, le théologien protestant italien Pierre Martyr Vermigli.
1550:
Il est rapidement consulté pour organiser l’Église anglaise, comme il l’escomptait. Dans ce but, il rédige un traité sur l’ordination, qui est utilisé pour l’Ordinal officiel de 1550. Son avis est également pris en compte lors de la refonte en 1551 du Book of Common Prayer.
1551: 
À la mi-février, il tombe gravement malade et meurt peu de temps plus tard dans la nuit du 28 février. Il a droit alors à de grandes funérailles.
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Cependant, à la suite de l’accession au trône de la catholique Marie Tudor, son corps est déterré, ainsi que celui de Fagius, et on les brûle publiquement comme hérétiques, avec leurs écrits.

 

Sa mémoire est solennellement réhabilitée en 1560 grâce à l’avènement d’Élisabeth I.

 

 

 

Huldrych Zwingli

 

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     Zwingli réorganise l’Église, s’occupe de la formation des pasteurs (on appelle ainsi les ministres du culte réformé à la suite d’une prédication de Zwingli, en 1523, sur « le berger » ; rappelons que pasteur veut dire berger).

     Zwingli ne veut pas d’une Église coupée de la société : il y a pour lui non pas identité mais interférence entre communauté ecclésiastique et société civile. Ce qui le conduit à lutter, au nom de l’Évangile, contre les abus socio-politiques.

     Certains de ses premiers partisans souhaitent une coupure radicale entre la Cité et l’Église : ils se séparent de Zwingli et sont à l’origine du mouvement anabaptiste (qui refuse le baptême des enfants). Soupçonnés d’être de dangereux anarchistes, ils seront abominablement persécutés à travers toute l’Europe et notamment à Zurich où certains sont noyés dans le lac.

 

Chronologie de Huldrych Zwingli

      • naissance à Wildhaus (dans le canton de Saint-Gall) 
      •  1502S’inscrit à l’université de Bâle, où il obtient le grade de maître ès arts.
      • 1506Achève ses études de théologie et est ordonné prêtre à Constance.
      • 1506-1516Curé de la ville de Glaris. Ses sermons anti-mercenariat ne plaisent pas à la communauté rurale.
      • 1516-1518Chapelain de l’abbaye territoriale d’Einsiedeln (Notre-Dame des Ermites).
      • 1512Comme aumônier militaire des Suisses à la solde du pape, il participe aux batailles de Novare (1513) et de Marignan 1515.
      • 1516Rencontre Érasme et l’imprimeur Johann Froben à Bâlezurich-5d2e_8314
      • 1519: Le 1er janvier : Zwingli prêche pour la première fois à la Grossmünster de Zürich. Marqué par l’épidémie de peste qui décime plus du tiers des habitants de la ville cette année-là, il approfondit sa foi et devient peu à peu un authentique réformateur.
      • Devient curé de Zurich.
      • 1520Renonce volontairement à sa pension papale.
      • 1522 : 16 mai Par la publication de “Exhortation contre les enrôlements et les pensions“, Zwingli commence à se faire connaitre en dehors de Zurich.
      • Le-Grossmünster-dans-le-centre-de-la-ville-médiévale-de-Zurich

        1523: Passe définitivement à la Réforme avec la rédaction des 67 thèses (les Schlussreden) qu’il rédige pourparticiper à la première dispute de Zurich [1] qui se tient le 29 janvier. Dès lors Zwingli va tout faire pour que Zurich devienne une cité réformée.

      • 1524 : Épouse la veuve Anna Reinhart. Ils auront quatre enfants .
      • 1525 : Septembre Zurich abolit la messe (Berne l’interdira en 1528, Bâle et Glaris en feront de même en 1529).
      • 1526 :   Mars:  Le premier culte réformé est célébré. Les moines se dépouillent de leurs habits religieux, la lecture du texte sacré se substitue au chant et les reliques sont abandonnées.   Mai:  Zwingli est excommunié à la suite de la dispute de Baden (canton d’Argovie).
      • 1529 : Colloque de Marbourg.[2] Sous la présidence du landgrave Philippe Ier de Hesse, Zwingli y rencontre Martin Luther pour faire le point de leurs accords et désaccords sur la doctrine eucharistique.
      •    En juin, première bataille de Kappel. La Réforme, grâce à la Ligue évangélique réunissant les cantons de Berne, Saint-Gall, Bâle et Zurich, et sous l’action de Zwingli, s’étend aux bailliages communs (« alliance combourgeoise ») après la première paix de Kappel. Zwingli était devenu l’oracle des Suisses qui partageaient ses opinions religieuses. Les catholiques, de leur côté, le détestaient autant que les protestants l’estimaient. Ils le regardaient généralement comme un boute-feu et comme la cause des maux de la patrie. Ils persécutaient violemment les partisans des nouvelles idées, qui, à leur tour, ne se montraient ni assez prudents, ni assez réservés. Au milieu de tant de tracasseries, de tant de violations de la liberté de conscience de part et d’autre, il était impossible que la paix se conservât. Elle fut rompue.
      • 1530: Zwingli envoya à la diète d’Augsbourg une confession de foi approuvée de tous les Suisses, et dans laquelle il expliquait nettement que le corps de Jésus-Christ, depuis son ascension, n’était plus que dans le ciel, et ne pouvait être autre part ; qu’à la vérité, il était comme présent dans la cène par la contemplation de la foi, et non pas réellement ni par son essence. Il accompagna sa confession de foi d’une lettre à Charles-Quint, dans laquelle il tient le même langage. La même année, il envoya à François Ier, par son ambassadeur, une autre confession de foi.
      • 1531mort-de-zwingliOctobre Les cantons catholiques attaquent les Zurichois et les battent à la 2e bataille de Kappel. Zwingli – aumônier des troupes zurichoises – est tué sur ce champ de bataille le 11 octobre 1531 alors qu’il assiste blessés et mourants.

Les trois disputes de Zurich (1523-1524)

Première Dispute (janvier 1523)
     Au jour fixé [29 janvier 1523], le colloque ouvrit ses séances. L’évêque de Constance y était représenté par Jean Faber, son grand vicaire, et par d’autres théologiens ; le clergé du canton avait à sa tête Zwingli et ses amis. Il y avait en tout près de six cents personnes. Zwingli demanda instamment qu’on le convainquît d’hérésie, s’il en était coupable, en se servant toutefois de la seule autorité de l’Écriture.
     Le conseil ordonna que Zwingli, n’ayant été ni convaincu d’hérésie ni réfuté, continuerait à prêcher l’Évangile comme il l’avait fait, que les pasteurs de Zurich et de son territoire se borneraient à appuyer leur prédication sur l’Écriture sainte.

 

Deuxième Dispute (octobre 1523)
     Le grand conseil convoqua un nouveau colloque pour examiner si le culte des images était autorisé par l’Évangile et s’il fallait conserver ou abolir la messe.
     Le colloque dura deux ou trois jours. Zwingli ne réussit pas à persuader le grand conseil, qui ne prit aucune détermination, par la crainte peut-être de choquer les autres cantons et les évêques qui avaient refusé d’envoyer des députés au colloque.

 

Troisième Dispute (janvier 1524)
     En janvier 1524, il se tint une troisième conférence, qui fut un nouveau triomphe pour le réformateur. L’abolition de la messe en fut le résultat, et désormais le sénat et le peuple de Zurich montrèrent la plus grande déférence aux avis de Zwingli.
     Quant à la messe, elle ne fut définitivement supprimée qu’en 1525, le jour de Pâques, où l’on célébra la cène.

 

 Colloque de Marbourg  

     Zwingli s’y rendit en 1529, avec Rodolphe Collinus, Martin Bucer, Hédion et Œcolampade ;
Luther avec Mélanchthon, Osiander, Jonas, Agricola et Brentius.
   Après bien des entretiens particuliers et des contestations publiques, ces théologiens rédigèrent quatorze articles qui contenaient l’exposition des dogmes controversés, et ils les signèrent d’un commun accord.
     Quant à la présence corporelle dans l’eucharistie, il fut dit que la différence qui divisait les Suisses et les Allemands ne devait pas troubler leur harmonie, ni les empêcher d’exercer, les uns envers les autres, la charité chrétienne, autant que le permettait à chacun sa conscience.

 

Johannes Hausschein dit Œcolampade

 

Chronologie de Œcolampade

 

      • oecolampade1482 : Naissance de Johannes Huszgen à Weinsberg dans le Palatinat. Rapidement, le patronyme fut interprété par des amis de la famille dans le sens de Hausschein (lumière de la maison) et hellénisé en Icolampadius ou Œcolampadius.
      • 1510: Il est ordonné Prêtre catholique
      • 1515 : Collabore avec Érasme à l’édition du Nouveau Testament.
      • 1518 : Est nommé prédicateur à Bâle puis à Augsbourg.      Docteur en Théologie à Bâle. Découvre les écrits de Luther.  1
      • 1522 : La même année, après s’être rallié à la Réforme, Œcolampade. se rend à Bâle où il ne tarde pas à devenir le meneur théologique du toutbale récent mouvement réformateur. Il  rejoint le groupe d’humanistes à l’Erbenburg autour de Sickingen.
      • 1523 : À Bâle, au contact d’Œcolampade, Guillaume Farel fortifie sa doctrine luthérienne.
      • 1526 – 1528 : Dirige le parti protestant aux disputes de Bade et de Berne.
      • 1523 : Enseignant en théologie il Entreprend des commentaires bibliques à l’université.
      • 1525 : Devient prêtre à Saint-Martin et achemine la ville vers l’adoption de la Réforme.
      • 1529 :   De retour à Bâle, il fait officiellement introduire la réforme à Bâle. Il devient pasteur de la cathédrale et chef de l’église bâloise.

cathedrale

Colloque de Marbourg
       Dans la même année il participe au Colloque de Marbourg. Avec Bucer il tente d’unir les positions divergentes de Zwingli et de Luther sur la présence du Christ dans l’eucharistie. Malgré une déclaration qui prend acte des convictions communes, la division de la famille protestante en branches indépendantes est consommée.

Œcolampade organise l’Église en réservant une place importante aux laïcs mais il ne peut faire aboutir ses idées sur une séparation de l’Église et de l’État.

     Proche des positions de Zwingli, Il se sépare des luthériens par une conception différente de la Cène. Comme Zwingli, Œcolampade défend la présence symbolique du Christ dans la Sainte-Cène et s’oppose aux luthériens qui y voient une présence réelle.

Il prend une part active à l’implantation de la Réforme à Ulm, Memmingen ainsi qu’à Biberach et participe à la conversion des vaudois au protestantisme.

    • 1531: Œcolampade meurt à Bâle en  à l’âge de 49 ans.

 

VII Un siècle de réformes (2ème partie). Henri VIII et l’Eglise d’Angleterre

 

Henri VIII 1509

   Henri VII meurt de la tuberculose le , et le jeune Henri lui succède sous le nom d’Henri VIII.

Peu après l’enterrement de son père le , il déclare qu’il épousera Catherine même si les questions entourant la dispense pontificale restent irrésolues.

La cérémonie de mariage est sobre et organisée à l’église franciscaine de Greenwich.

Le Henri VIII mène Catherine de la tour de Londres à l’abbaye de Westminster pour leur couronnement qui a lieu le lendemain 24 juin 1509

 

C’ est un catholique pieux et instruit dont le traité théologique qu’il rédigea en 1521 contre les attaques de Martin Luther lui vaut de recevoir le titre de Défenseur de la Foi par le pape Léon X

 

Séparation avec Rome

En 1527, le roi, fait appel au pape pour lui demander l’annulation de son mariage avec Catherine d’Aragon

Anne Boleyn

nièce de Charles Quint, qui ne lui avait pas donné d’héritier mâle (et qui l’empêchait dans son projet d’épouser Anne Boleyn, la sœur de sa maitresse Mary)

Le pape refuse car il ne veut pas désavouer son prédécesseur et irriter Charles Quint, l, dont les troupes se trouvent à proximité du Vatican et ont pillé Rome en mai 1527.

Passant outre l’obstruction papale et faisant voter l’annulation par une cour ecclésiastique anglaise, Henri VIII est excommunié par le pape Paul III ainsi que  l’archevêque de Cantorbéry Thomas Cranmer.

En retour, il fait voter par le parlement l’Acte de suprématie, promulgué le 3 novembre 1534, qui fait du roi l’« unique chef suprême de l’Église d’Angleterre »

 

Structuration de l’Eglise d’Angleterre

Henri VIII introduit plusieurs législations entre 1532 et 1537 pour structurer l’Église d’Angleterre naissante et affaiblir l’influence du pape.

  • La loi sur la restriction de l’appel de 1533 permet d’accuser de trahison et de condamner à mort ceux qui défendaient les bulles pontificales en Angleterre, affirmant ainsi que l’Angleterre était un pays indépendant à tous les égards.
  • D’autres lois renforcent le pouvoir royal sur l’Église dont le Suffragan Bishops Act de 1534 qui oblige le clergé à élire des évêques nommés par le souverain.
  • Enfin, après l’excommunication du roi, l’Ecclesiastical Licences Act supprime le denier de Saint-Pierre et affirme que la « couronne impériale » de Henri VIII avait été affaiblie par « les usurpations et les exactions déraisonnables et peu charitables » du pape.

L’Église d’Angleterre bénéficie depuis lors d’un statut officiel qui lui accorde des droits et des privilèges garantis par l’État en échange de certaines obligations à l’égard des pouvoirs publics.

Thomas Cranmer

Ce statut, dont profite également l’Église presbytérienne d’Écosse, est resté quasi inchangé depuis le XVIe siècle.

Ce lien étroit entre réforme religieuse et projet politique explique largement la figure singulière qui a fini par être celle de la Réforme en Angleterre. Cela entraîna l’adoption des Six Articles [1] en 1639 qui réaffirmaient la doctrine catholique traditionnelle sur plusieurs points fondamentaux comme la transsubstantiation et limitait l’expansion de la réforme en Angleterre.

Cela fut suivi par le développement d’une liturgie réformée et du Book of   Common Prayer [2]  sous l’influence de Cranmer mais ce processus ne fut pas achevé avant 1549.

Evolution

 

Cromwell

     Le reste du règne d’Henri VIII vit un lent éloignement de l’orthodoxie religieuse et cette évolution fut favorisée par la mort des principaux dignitaires religieux d’avant le schisme avec Rome dont notamment les exécutions de Thomas More et de John Fisher qui avaient refusé de renoncer à l’autorité papale.

     Henri VIII établit une nouvelle théologie politique de l’obéissance à la Couronne qui reflétait la nouvelle interprétation par Martin Luther du quatrième commandement (« Honore ton père et ta mère ») introduite en Angleterre par William Tyndale.

Politique fiscale religieuse

     Lorsque les taxes auparavant payées à Rome furent transférées à la Couronne, Cromwell eut besoin d’estimer la valeur des importantes possessions de l’Église et cela donna naissance au compendium Valor Ecclesiasticus (« Valeur de l’Église »).  En septembre 1535, il exigea une inspection complète des institutions religieuses.

     Les informations accumulées entraînèrent en janvier 1536 le début de la dissolution de tous les monastères [3] par laquelle toutes les institutions aux revenus annuels inférieurs à 200 £ (environ 100 000 £ de 2024) furent saisies par la Couronne.
Les autres couvents furent progressivement transférés à la Couronne et à de nouveaux propriétaires.
En janvier 1540, près de 800 monastères avaient été fermés.
     Les actions de Cromwell permirent le transfert d’environ 20 % de la richesse foncière anglaise dans de nouvelles mains et créèrent une aristocratie terrienne redevable à la Couronne.

Les réponses à la réforme furent variées

Les monastères étaient les seuls soutiens des plus pauvres et leur dissolution fut une des causes du soulèvement du pèlerinage de Grâce de 1536-1537.

Ailleurs, les changements furent acceptés et ceux qui conservèrent les rites catholiques entrèrent dans la clandestinité.

Ils réémergèrent lors du règne de Marie Ire entre 1553 et 1558.

 

[1] les articles furent abrogés par son fils Édouard VI.

 

 

VII Un siècle de réformes (3ème partie). Bilan: deux projets de sociétés qui s’opposent 

Il y a à saisir que deux projets de sociétés qui s’opposent, l’un se nourrissant d’expériences autonomes -et ce seront les réformes “protestantes”-, l’autre préférant le renforcement des pouvoirs centraux -et ce sera le concile de Trente qui est un concile de réforme plus que de “contre-réforme” même si c’est l’apparition du protestantisme qui le questionne-.

     Nous avons vu dans les chapitres précédents le contexte de crise dans lequel la réforme va se développer. Il n’en reste pas moins qu’une poignée d’hommes qui veulent  soit réformer l’église catholique soit la remplacer vont convaincre environ la moitié des pays d’Europe occidentale de la justesse de leurs doctrines.
     Un second point important à noter est que ces mouvements de réformes sont  concomitants sans être forcément liés: si Bucer et Œcolampade viennent à la réforme par les écrits de Luther,  Calvin, de même que Farel et  Zwingli développent des pensées très proches mais de façon indépendante.

 

Une réforme en plusieurs modèles

 

La réforme au XVIe siècle s’exprime selon quatre courants :
  • la Réforme luthérienne qui, partie d’Allemagne, s’appuie sur les princes et sur certains éléments urbains, tandis qu’en Suède elle s’appuie sur l’Église et le souverain,
  • le courant réformé qui, parti de Suisse avec Zwingli et de Genève avec Calvin, dépend fortement d’un élément populaire ou du moins bourgeois,
  • la Réforme anglicane, en Angleterre, qui s’accomplit d’en haut, selon la volonté du souverain, mais qui est plus -au moins au début- une réforme de structure plus qu’une contestation théologique.
  • la Réforme radicale, partie d’éléments populaires en Allemagne et en Suisse qui, estiment que les luthériens et les réformés ne vont pas assez loin et que la réforme s’arrête à mi-chemin. Elle remet profondément en cause les dogmes et l’ecclésiologie de l’Église catholique. Seul l’anabaptisme pacifique a réellement survécu aux diverses répressions orchestrées par les institutions tout au long du XVIeme  siècle. Ce courant apparaît d’abord en Suisse sous l’action de Grebel et Mantz. Puis, il se développe dans le Tyrol avec les huttérites. Enfin, Menno Simons donne un nouveau souffle à ce courant en l’homogénéisant quelque peu. Ce courant est devenu l’ Eglise Mennonite

Les trois premiers courants constituent la « Réforme magistérielle » parce qu’ils sont conduits par des théologiens.

Il arrive que les deux types de réforme,  Réforme magistérielle  et Réforme radicale, entrent en conflit : Luther est confronté à la révolte des paysans en 1525, Calvin combat les anabaptistes et ceux qu’il appelle les « libertins spirituels », accusés de semer le désordre social ou la zizanie.

 

 

     La Réforme protestante, si elle se retrouve toujours dans certaines affirmations fortes (justification par la foi, importance de la grâce, primauté de la Bible sur l’institution ecclésiale), s’est prêtée historiquement à des expressions souvent contradictoires.
     Faut-il parler malgré tout de la Réforme au singulier, ne vaut-il pas mieux dire les Réformes au pluriel ?
L’expression « la Réforme protestante » garde le mérite de souligner les incontestables convergences qui existent entre ces différentes sensibilités, perçues comme une richesse et non comme une faiblesse dans un monde contemporain, familier du pluralisme.

 

Petite biographie parallèle des principaux réformateurs

Plusieurs étapes jalonnent la progression du luthéranisme:

 

La diète de Spire en 1529

qui voit les princes des Etats allemands gagnés à la Réforme protester (d’où le nom «protestants») contre Charles Quint qui veut leur retirer la liberté de professer leur foi, pourtant accordée en 1526.

La Confession d’Augsbourg

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     Durant l’été 1530, Charles Quint convoque une diète à Augsbourg pour tenter une conciliation entre catholiques et protestants au sein de l’empire.

     Luther se fait représenter par Melanchthon (1497-1560) qui soutient une confession de foi, inspirée des idées de Luther et connue sous le nom de Confession d’Augsbourg ; qui affirme le caractère universel de la foi luthérienne.

     L’empereur n’accepte pas la Confession et demande aux protestants de revenir au catholicisme. Luther demande alors à Melanchthon de composer une apologie de la Confession d’Augsbourg.

     Charles Quint mécontent remet en vigueur l’édit de Worms contre Luther et somme les protestants de se soumettre avant le 15 avril 1531. Les électeurs de Hesse et de Saxe refusent et constituent la Ligue de Smarkalde. L’empereur accepte la trêve de Nuremberg en juillet 1532.

 

Articles de Smalkalde

     En 1537, Luther rédige des thèses doctrinales, dites Articles de Smalkalde, pour préparer la position de la Réforme dans la perspective d’un concile qui ne s’ouvrira à Trente que huit ans plus tard en 1545.

 

La Paix d’Augsbourg de 1555

    Signée le  dans le cadre du Saint-Empire romain germanique par  l’empereur Charles Quint, représenté par son frère Ferdinand, et les princes catholiques d’une part, les princes luthériens de la ligue de Smalkalde d’autre part
    Elle reconnaît la division confessionnelle de l’Allemagne et au terme de plusieurs mois de négociations, Ferdinand concède aux princes allemands, par le recès d’Augsbourg, le libre choix de leur religion, catholique ou luthérienne. Il leur donne en prime le droit d’imposer leur religion à leurs sujets selon l’adage de l’époque: « cujus regio, ejus religio » (tel prince, telle religion).
Seules les villes dépendant directement de l’empereur bénéficient de la tolérance religieuse.
     Deux exceptions importantes concernent
      • les principautés ecclésiastiques gouvernées par un évêque. Ce dernier, s’il se convertit au luthérianisme, ne peut contraindre ses sujets catholiques à se convertir ou émigrer. Réciproquement, les habitants de ces principautés ont le droit de suivre la foi de Luther.
      • D’autre part, les protestants autres que luthériens (calvinistes, anabaptistes, zwingliens) sont exclus du compromis d’Augsbourg.

La Formule de Concorde de 1577

Apaise les controverses internes au luthéranisme et, avec la Confession d’Augsbourg et d’autres textes, constitue le canon de la foi luthérienne.

 

La réforme se développe selon plusieurs axes

      Presque en même temps que Luther à Wittenberg, Zurich devient un des principaux pôles de la Réforme. Zwingli semble avoir adopté une position réformatrice vers 1520, sans avoir été influencé par Luther. Il est soutenu dans sa volonté réformatrice par le Conseil de Zurich, rapidement convaincu par ses arguments. La réforme prônée par Zwingli, accomplie pour l’essentiel de 1524 à 1525, est très proche de celle de Luther: seule l’Ecriture fait autorité, la messe est abolie, les images supprimées dans les sanctuaires, les couvents sécularisés.

     La Réforme s’étend dans la Confédération Helvétique et gagne plusieurs cantons. Une guerre civile éclate entre cantons protestants et catholiques. En 1531, Zwingli meurt à la bataille de Cappel. Henri Bullinger poursuit à Zurich son œuvre réformatrice et conclut en 1549 avec Calvin le Consensus Tigurinus, qui contribua largement à unir les réformes de Calvin et de Zwingli dans la confession qu’on appelle aujourd’hui «réformée».

     Après Wittenberg, Zurich et Strasbourg -qui était devenu un foyer très actif de la Réforme grâce à Martin Bucer–  c’était au tour de Genève de rallier le mouvement.

     Jean Calvin, originaire de Noyon en Picardie, arrive une première fois à Genève en 1536, où il fait halte alors qu’il se rend à Strasbourg. Il a rompu avec l’Eglise romaine en 1534. En mars 1536, il a publié l’Institution de la religion chrétienne, pour présenter la foi évangélique au roi François Ier. Cet ouvrage, réédité et traduit à de très nombreuses reprises, deviendra la somme théologique des “Réformés”.
     Le Dauphinois Guillaume Farel presse Calvin de rester à Genève pour y organiser la Réforme, qu’il prêchait dans cette ville depuis 1532. Calvin accepte et commence à organiser la structure de l’Eglise. Mais il rencontre rapidement l’opposition du magistrat et des bourgeois sur deux points litigieux: le droit qu’il demande pour l’Eglise d’excommunier les grands pécheurs et l’obligation pour tous les citoyens de signer une profession de foi.
Le réformateur picard quitte Genève en 1538 et s’installe à Strasbourg.
     En l’absence de Calvin et de Farel, qui s’est fixé à Neuchâtel, la situation se dégrade à Genève. Le magistrat demande à Calvin de revenir. Le réformateur accepte à contrecœur. Il arrive en 1541, et restera à Genève jusqu’en 1564, date de sa mort.
     Il amènera les Genevois à vivre selon l’Evangile au moyen d’une discipline ecclésiastique rigoureuse et ne manquera pas de se faire de nouveaux ennemis. Mais il tiendra bon.
Son succès sera consacré en 1559 par la création d’une Académie dont la réputation se répandra rapidement dans toute l’Europe. A la mort de Calvin, Théodore de Bèze assurera la continuité de son œuvre réformatrice.
  • On appela en France les partisans de Luther ou de Calvin, les Huguenots. Le basculement ne sera pas de la même ampleur, il aboutira au deuxième tiers de ce siècle à une guerre de religion qui durera plus de trente ans
  • En Angleterre, c’est le pouvoir royal qui provoquera le schisme anglican et les conséquences de nombreux troubles en Irlande et en Écosse.
  • Au Danemark, l’on poussera de force les Islandais à choisir la Réforme.
  • En Allemagne, les conversions sont massives, et ont un grand écho populaire.

La querelle sur la présence réelle dans la sainte Cène 

(Voir l’article passionnant et très complet de Marc Lienhardt :“Théologie et pratique de la cène : les convergences entre luthériens et réformés” sur la foi eucharistique des Eglises réformées hier et aujourd’hui) [1]

 

     A partir de 1525, un sérieux conflit opposa Luther à Zwingli, le réformateur de Zurich. Le premier maintenait avec vigueur l’affirmation de la présence réelle du Christ dans la Cène. En recevant le pain et le vin, le fidèle recevait véritablement, selon Luther, le corps et le sang du Christ sacrifiés pour lui sur la croix.       Les Églises luthériennes conservèrent l’autel dans les églises, la célébration régulière de la Cène tous les dimanches (du moins au XVIe siècle), l’usage de l’hostie, une attitude respectueuse des fidèles envers les éléments, qu’ils recevaient le plus souvent à genoux.

     L’orientation de Zwingli était différente. À Zurich on ne célébra plus la Cène que quatre fois l’an. Zwingli lui donnait une autre signification que Luther. Il ne convenait pas, à ses yeux, de parler de présence du corps du Christ. Tout au plus le Christ était-il présent dans le souvenir de ceux qui célébraient la Cène. Par la célébration, les fidèles ne commémoraient pas seulement l’œuvre du Christ accomplie sur la croix, ils manifestaient leur engagement au service du Christ et exprimaient leur appartenance à son Église.

     Calvin, le véritable père spirituel des Églises réformés, se tiendra à mi-chemin entre Luther et Zwingli. Comme Luther, il soulignait dans la Cène l’importance du lien établi par le Saint-Esprit entre le fidèle et le corps du Christ. Par ailleurs, il était loin de relativiser les signes du pain et du vin : “Il vous faut avoir cette confiance indubitable, qu’en prenant le signe du corps, nous prenons pareillement le corps“.

     Mais la localisation du corps du Christ en un ciel compris de façon locale l’empêchait d’affirmer avec force la présence réelle du Christ. Un certain spiritualisme ne lui permettait pas de lier aussi fortement que Luther le corps et le sang du Christ aux éléments. Et surtout, il ne pouvait concéder que dans la Cène, les non-croyants recevaient également le corps du Christ.

Le colloque de Marbourg

     Dans l’empire, cinq princes et quatorze villes libres, dont Strasbourg, ont adopté la Réforme.

     Vienne est assiégée par les Turcs de Soliman le Magnifique en 1529. Luther est, comme le prince électeur de Saxe, Jean le Constant, très attaché à l’empire. Il ne souhaitait pas une union politique protestante mais la recherche d’une unité doctrinale lui paraissait utile : c’est l’objet du colloque de Marbourg en octobre 1529 qui aboutit à une déclaration commune mais laisse subsister des avis divergents sur l’eucharistie. Luther reste attaché à l’idée de la présence réelle, et pas seulement symbolique, du Christ dans le pain et le vin de la communion. En cela il est opposé à d’autres réformateurs, dont Ulrich Zwingli.

     Ce sera le point de divergence principal entre Eglise Luthérienne et Eglise Réformée qui ne trouvera sa solution qu’avec la concorde de Leuenberg en 1973

     Donc en moins de cinquante ans, un nouveau rapport de force se met en place. A la sortie du Moyen âge, le catholicisme prédominait, et voilà que pointe un nouveau visage religieux et politique de l’Europe.

     Pendant l’épanouissement de la Réforme, l’Eglise catholique n’est pas restée inactive. La papauté s’est enfin décidée à convoquer un concile réformateur à Trente

 

[1] LIENHARDT, Marc. Théologie et pratique de la cène : les convergences entre luthériens et réformés. Les cahiers de l’Ecole Pastorale 29-30 sept 1997. En ligne in: https://www.croirepublications.com/cahiers-ecole-pastorale/la-sainte-cene/article/theologie-et-pratique-de-la-cene-les-convergences-entre-lutheriens-et-reformes 

 

Sources
Lien généraux
Film sur la vie de Luther (1h58):  “Luther”: https://youtu.be/KCk2QhJP5LY

 

 

Dans le cadre des conférences données à Rouen pour commémorer le début de la réforme le Pasteur Luc Réaux de l’Eglise Evangélique Protestante du Buisson Ardent nous a présenté la réforme radicale.
C’est le début de sa conférence que je reproduit ici avec son aimable autorisation dont je le remercie.
Geo

VIII La Réforme radicale au XVI° siècle

Une tentative de retour aux sources à l’ombre de la Réforme magistérielle

             

Introduction

 

     La réforme radicale adhère à tous les « soli » de la Réforme y compris le sacerdoce universel.
Ce qu’elle reproche aux luthériens et aux réformés, c’est de s’arrêter en route, de ne pas aller jusqu’au bout de leurs principes. Elle entend aller plus loin qu’eux.

 

     La réforme radicale recrute beaucoup parmi les artisans, les ouvriers spécialisés, les techniciens, les ingénieurs. Elle a été abominablement persécutée, aussi bien par les catholiques que par les luthériens et les réformés“(André Gounelle).

 

Un radical lié à Luther, Thomas Münzer (1489-1525)

 

      Il a étudié la théologie à l’université de Leipzig. Il est pourvu d’une charge de prêtre auxiliaire dans la ville d’Halle (Saxe-Anhalt)

 

     Il se rallie à Luther à Leipzig en 1519 qui le nomme pasteur à Zwickau en Saxe en 1520 mais ses idées sur la nécessité d’une révolution sociale le séparent de Luther. Très vite, il veut atteindre la masse des analphabètes

 

     En 1521, il rédige le Manifeste de Prague dont voici un extrait :
“… Ce sont eux, les seigneurs qui se goinfrent et boivent comme des bêtes et festoient et cherchent  jour et nuit le moyen de s’empiffrer et d’accumuler les prébendes, (Ezéchiel 34).

 

     Ils ne sont pas comme le Christ, Notre Seigneur bien-aimé, lequel se compare  à une poule qui réchauffe ses petits, (Matthieu 23). Ils ne dispensent pas non plus aux hommes désespérés et abandonnés le lait de la fontaine intarissable de l’exhortation divine. Car ils n’ont pas fait l’expérience de la foi. Ils sont comme la cigogne qui ramasse les grenouilles dans les prairies et les marais pour les recracher ensuite toutes crues à ses petits restés au nid.

 

     C’est ainsi que sont ces prêtres avides de profits et percepteurs de rentes, qui ingurgitent
les paroles mortes de l’Ecriture pour déverser ensuite sur le pauvre, pauvre et juste peuple la lettre et la foi non éprouvée, laquelle ne vaut pas un pou. Ainsi, par leur faute, plus personne n’est sûr du salut de son âme. Car ces mêmes valets de Belzébuth ne font rien d’autre que mettre à l’encan des fragments de la sainte Ecriture. Hélas ! L’homme ne sait pas s’il mérite la haine ou l’amour de Dieu.”

 

Son acceptation de la violence

     Il s’associe à la révolte des Paysans et participe à la rédaction des “Douze Articles” ou “manifeste de Memmingen”, plateforme revendicative qui veut alléger les fardeaux pesants, mettre fin aux enrichissements illégaux et démocratiser la vie des communes.

     La forme se veut respectueuse:
Si une forêt n’a pas été achetée honnêtement, on devra s’arranger avec le détenteur dans un esprit de fraternité chrétienne.
Lorsqu’il s’agit d’un bien d’abord accaparé et vendu à un tiers par la suite, il faudra trouver un arrangement conforme à la situation et inspiré par l’amour fraternel et par l’Ecriture sainte.”

 

     Le douzième article n’est pas sans intérêt !
“Voici notre conclusion et notre avis final : Si un ou plusieurs articles ici proposés n’étaient pas conformes à la parole de Dieu, (ce que nous ne pensons pas) et si on nous expliquait par l’Ecriture, qu’ils sont contraires à la parole de Dieu, nous y renoncerions.
Si on admettait maintenant plusieurs articles et que l’on trouvât par la suite qu’ils fussent iniques, ils devraient être considérés aussitôt sans valeur et déclarés nuls et non avenus.
De même, si on découvrait dans l’Ecriture encore d’autres articles qui feraient apparaître
des choses contraires à Dieu et nuisibles au prochain, nous voulons nous le réserver.
 Nous voulons nous exercer dans toute la doctrine chrétienne et l’appliquer.
Nous prions Dieu le Seigneur de nous accorder ce que lui seul peut nous accorder.
Que la paix du Christ soit avec nous tous.”

 

     Plusieurs penseurs révolutionnaires se sont réclamés de Thomas Münzer: en 1850, Friedrich Engels dans son ouvrage la Guerre des paysans en Allemagne « fait de Thomas Münzer le héros d’un communisme primitif précurseur du communisme scientifique… » (Élie Barnavi).
En 1921, Ernst Bloch écrit le livre “Thomas Münzer, Théologien de la Révolution” dans lequel
il essaie de donner un point de vue un peu plus neutre que ses prédécesseurs.
En République démocratique allemande, son effigie orna le billet de 5 marks. Le parti communiste d’Allemagne de l’Est décida en 1973 d’édifier en sa mémoire un musée panoramique sur le lieu même où il livra son dernier combat et où 5000 paysans furent massacrés. Inauguré en septembre 1989, il contient une toile de 1 800 m2 de Werner Tübke intitulée: “Première révolution bourgeoise en Allemagne.”

 

Un radical lié à Zwingli, Conrad Grebel (1498–1526)

 

Il a été éduqué à Bâle, Vienne et Paris
En 1521, il s’associe au groupe de Huldrych Zwingli
En 1523, il se sépare de Zwingli car il veut abolir plus vite que lui la Messe et ses abus

Le second sujet de division est celui du baptême des enfants

Contrairement à Thomas Münzer, il est farouchement pacifiste

Il a (n’a) écrit (que) 69 lettres de septembre 1517 à juillet 1525, trois poèmes, une pétition au conseil de Zürich et le pamphlet contre le baptême des enfants.
Pourtant, Il est considéré comme le père des Anabaptistes.

 

Le baptême, aspect historique

     Le conseil municipal de Zürich vote en faveur de Zwingli et du baptême des enfants
Il ordonne le baptême de tous les enfants non encore baptisés. Grebel refuse (il a lui-même une fille Isabella qui n’est pas baptisée).
Il réunit son groupe chez Felix Manz, autre réformateur radical, le 21 janvier 1523, date qui est considérée comme celle de la fondation de l’anabaptisme.
     Après cette rencontre dans laquelle il y eut plusieurs baptêmes, les participants partent évangéliser dans diverses villes.
La répression est sévère. On les noie dans le lac avec une sentence à l’humour sinistre :
ils ont pêché par l’eau, ils seront punis par l’eau.”

 

Le baptême, aspect théologique

     Grebel dit à Zwingli :”Quel passage du Nouveau Testament t’autorise à baptiser les bébés ?
On doit interdire tout ce que la Bible ne commande pas expressément
Zwingli répond :”Quel passage du Nouveau Testament me défend de baptiser les enfants ?
Tu transformes le silence de la Bible en interdiction
    • Zwingli veut supprimer ce à quoi s’oppose l’enseignement biblique (Réformation)
    • Grebel veut que tout soit fondé sur des textes bibliques (Restitution).
     La Confession de Schleitheim (1527) veut se démarquer de diverses dérives (hérésies et mœurs). Elle est le texte fondateur de ce groupe d’anabaptistes que l’on appelle les Frères Suisses.
En voici les sept points :
  • 1 – Interdiction du baptême infantile
  • 2 – “meidung” : mise à l’écart du frère ou de la sœur -Chrétien(ne)- “tombé(e) dans l’erreur”.    Ceux qui tombent dans le péché devraient être avertis deux fois dans le secret,    mais au troisième délit ils devraient être excommunié(e)
  • 3 – “unité de cœur” lors de la Sainte Cène (comprendre que des exclusions ont précédé la communion)
  • 4 – Séparation d’avec le Mal : comprendre une séparation complète d’avec toutes les institutions politiques et toutes les églises “de la multitude” (catholique et protestante) ; interdiction de faire la guerre
  • 5 – Nomination de pasteurs qui peuvent prononcer des admonestations et des exclusions
  • 6 – Interdiction d’user de l’épée, c’est-à-dire de participer à l’institution judiciaire  à quelque titre que ce soit (juge, témoin, plaignant)
  • 7 – Interdiction du serment

Menno Simons (1496-1561) est le fondateur du mouvement mennonite

 

  • Ordonné prêtre à Utrecht en 1524, devient vicaire à Pingjum (Frise – Pays Bas).
  • De 1526 et 1531, prêcheur « évangélique » sans quitter l’Église catholique
  • En 1534, son écrit « La Résurrection Spirituelle » est de facture anabaptiste

     Les violences liées à la prise du monastère d’Oldeklooster en avril 1535 et à l’établissement d’une « république théocratique » par Jan van Leyden à Münster le marquent. Il s’oppose au projet münsterite d’établir le royaume de Dieu sur terre par le glaive.

     En janvier 1536, il quitte ses fonctions ecclésiastiques et travaille jusqu’à la fin de sa vie à rassembler les fidèles anabaptistes dans une voie non-violente.

 

 

IX Avant le concile de Trente

 

Etat politique

 

Dans la Bulle que, plus tard, il devait envoyer au concile de Trente, Paul III résumerait parfaitement la situation lors de son arrivée au trône pontifical: “En ces jours-là, tout était plein de haines et de dissensions. Partout s’opposaient les uns aux autres les princes à qui Dieu confia le gouvernement. L’unité du nom chrétien était disloquée par les schismes et les hérésies. Les Turcs, par mer et par terre, progressaient; Rhodes était perdue, la Hongrie dévastée, l’Italie menacée, comme l’Autriche et la Slavonie. La colère divine s’abattait sur nous tous pécheurs.”

L’irruption du protestantisme, c’est-à-dire d’un grand nombre de chrétiens qui ne reconnaissent plus l’autorité de l’Église, complique le jeu délicat qui se joue depuis Constantin entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel. Le Saint-Empire romain germanique est concerné au premier chef. L’Appel à la noblesse chrétienne de la nation allemande que Luther publie en 1520 encourage l’élite du pays à se séparer de Rome. L’indépendance religieuse que propose Luther apparaît aux princes allemands comme le complément de leur indépendance vis-à-vis de l’empereur et du pape.

     En 1547, Charles Quint, après une guerre sans bénéfice avec François 1er lance une guerre contre la ligue de Smalkalde [1] et persuade la Pape Paul III de s’allier à lui, espérant en cas de victoire obliger les Luthériens à venir au Concile.
La durée de la guerre et sa conclusion vont faire échouer ce projet.
Il remporte une victoire militaire à Mühlberg contre une coalition commandée par l’électeur de Saxe, protecteur de Luther, mais sans résultat réel.
     La paix d’Augsbourg signée entre les États du Nord et Ferdinand Ier en 1555, consacre le principe  “Cujus regio, ejus religio ” (A chaque région sa religion ), c’est-à-dire que la religion du peuple est la religion de son prince.

     A la fin de son pontificat (1549) le Pape Paul III, alors qu’il négocie avec l’Empereur la suspension du concile, va tenter de monter une ligue contre lui comprenant la France, la Suisse, de nombreuses villes italiennes et parle même de relancer les Turcs contre Vienne !

 

Etat religieux

 

Déjà Innocent III en convoquant le 4° concile du Latran (Latran IV du 11 au 30 novembre 1215) était persuadé que La réforme des mœurs du clergé et de la discipline des laïcs étaient la solution à tout succès d’une hérésie.

Le nouveau pape, Clément VII, un Médicis, a peur du concile pour lui-même (il est de naissance illégitime et a été élu grâce à sa puissance financière) et il a peur d’une contestation du pouvoir monarchique du pape.

      Le 5° concile du Latran ( du 3 mai 1512 au 16 mars 1517) réuni pour répondre aux français qui réclamaient une certaine indépendance de l’Eglise de France (gallicanisme) est complètement dans la main du pape Dans le sermon d’ouverture du concile, le supérieur général des Augustins, Gilles de Viterbe, fait une description hélas réaliste des abus de la Curie et des bénéficiers.

     Ce concile entame une timide réforme de la Curie romaine: il déclare nulle et non avenue toute élection papale entachée de simonie, rappelle les cardinaux à leurs devoirs et tente de limiter les tarifs pratiqués par la Curie. En ce qui concerne le clergé, il fixe de nouveau un âge minimal pour les évêques (30 ans), interdit la commende [2], le cumul de bénéfices, et restreint certaines exemptions.
     En fait la pratique des Papes elle-même est en contravention avec ces beaux principes: le premier acte du pontificat de Paul III qui convoquera le concile est de créer cardinaux deux de ses petits-enfants (il est père de quatre enfants) âgés de 14 ans. Et les Papes suivants s’ils sont plus vertueux dans leur vie privée n’hésitent pas à promouvoir leurs proches.

 

Cela peut paraître des cancans plus dignes de “Closer” que d’une chronique sur l’histoire de l’Eglise, mais il se trouve que l’action des Papes sur la “mécanique” du concile consistera à éviter tout article de réforme de la curie romaine, en grande partie pour préserver les privilèges qui leurs permettent d’enrichir leurs familles.

A l’orée de ce Concile, même si -au moins au début- elle désire trouver un terrain d’entente avec les Protestants, la papauté doit accepter la réalité. Les pays latins, la France, l’Autriche, la Pologne et la Hongrie restent dans le giron du catholicisme, mais la plus grande partie de l’Europe du Nord et une majorité d’États allemands basculent du côté du protestantisme. La chrétienté est profondément divisée avec d’un côté l’Empereur, le pape, et l’Angleterre et de l’autre la ligue de Smalkalde soutenue par le roi de France.

     A l’ouverture du concile il y a seulement quatre cardinaux (dont les trois légats) quatre archevêques, vingt et un évêques (un Anglais, un Français, un germanique, quatre Espagnols et quatorze Italiens) et les cinq supérieurs d’ordres mendiants.
Calvin plaisantera à ce sujet : ” Si c’était seulement un synode provincial, ils devraient avoir honte de se trouver si peu “

 

Pourquoi ce concile ?

 

Le Concile fut convoqué par le pape Paul III suite aux demandes insistantes de Charles Quint, Empereur du Saint Empire Germanique en 1542, pour entreprendre la réforme de l’Église catholique face à la Réforme protestante qui menaçait l’unité de ses états.

Le défi de Luther était de deux ordres:

  • Le premier concerne la façon dont nous sommes sauvés. Et pour Luther avant d’être une question théologique c’est une question existentielle et personnelle: ” Comment puis-je trouver un Dieu miséricordieux ?” Sa réponse sera par la foi seule tirée de l’Ecriture seule
  • Le second défi est d’ordre pratique: réforme des diverses fonctions ecclésiastique et des pratiques religieuses

Le concile de Trente est conçu au départ pour dialoguer avec les Protestants appelés de façon générique “les luthériens” et si possible les ramener dans l’ Eglise Catholique. Mais le temps du dialogue est passé et les conditions mises par les “luthériens” à leur venue est incompatible avec les projets de Rome.

     Le concile va donc être conçu ensuite comme une instance de condamnation des “luthériens”. Quant à la réforme de l’église, le pape fait de la réforme de la curie un domaine réservé (pour un tas de mauvaises raisons exposées plus haut). Le but déclaré du concile sera donc “l’éradication des hérésies et la réforme du clergé et du peuple chrétien” avec véto absolu contre toute tentative de traiter de la question de l’autorité du siège apostolique. Le fantômes du conciliarisme[4] du Concile de Constance étant encore très présent

Mais, en raison des guerres et du contexte politique, le Concile comporta trois grandes périodes: de 1545 à 1549, (le Concile fut transporté provisoirement à Bologne en 1547), puis de 1551 à 1552 sous le pontificat de Jules III, (mais sans représentant français). De nouveau suspendu, pendant dix ans de 1552 à 1562 à la suite de l’invasion de l’Allemagne méridionale par les troupes protestantes, sa dernière période, de 1562 à 1563, eut lieu sous le pontificat de Pie IV.

 

[2] Dans le régime de la commende, un ecclésiastique ou un laïc tient une abbaye ou un prieuré “in commendam”, c’est-à-dire en percevant personnellement les revenus de celui-ci.
[4]    Le conciliarisme est une théorie ecclésiologique qui affirme qu’un concile œcuménique a autorité suprême dans l’Église catholique, autrement dit qu’un concile général d’évêques constitue une instance supérieure au pape. Si la question de la prééminence est discutée dès les premiers temps de l’Église, cette théorie apparaît surtout lors du grand schisme d’Occident (1378 – 1417), avant d’être finalement condamnée lors du premier concile œcuménique du Vatican en 1870 (constitution dogmatique Pastor æternus), puis à nouveau rejetée lors du concile Vatican II (constitution dogmatique Lumen gentium, promulguée le 21 novembre 1964). (https://fr.wikipedia.org/wiki/Conciliarisme)

 

 

X Le concile de Trente (1ere partie): Première période: Huit sessions, du 13 décembre 1545 au 17 septembre 1547

 

 

Le concile:

 

    Les Pères conciliaires qui se réunissent pour cette première session, comme leurs théologiens, ont été témoins de la rupture avec Luther. Mais formés à l’école humaniste ils espèrent pouvoir concilier une condamnation des “erreurs” des réformateurs sans condamner les réformateurs eux-mêmes.

Le légat qui ouvre la première session précise les buts de la réunion : exaltation de la foi et de la religion chrétienne, extirpation des hérésies, paix et union de l’Église, réformation du clergé, extinction des ennemis du christianisme.  Tous les aspects de l’Église sont visés.

Rapidement, les Pères conciliaires entendent s’affranchir de la tutelle impériale. Contre Charles Quint qui entendait les limiter aux abus ecclésiastiques, ils se saisissent également des questions dogmatiques. Ils décident également de se saisir ensemble des questions de réforme nécessaires qui en résulteraient.

Devant leur audace, Paul III s’inquiète, alors que ses relations avec l’Empereur se tendent.

Les Pères condamnent les doctrines protestantes cherchant à préciser la doctrine catholique face à la doctrine protestante d’une façon très tranchée :

  • le 8 avril 1546, décret sur la réception des livres saints et des traditions.
  • le 17 juin, décret sur le péché originel.
  • le 13 janvier 1547, décret sur la justification
  • et le 3 Mars 1547, décret sur les sacrements [3]

Ils ne réussissent pas cependant à faire advenir la réforme de la tête tellement souhaitée, et si nécessaire.

     En 1547, les protestations répétées et violentes des prélats allemands envers l’autorité papale amenèrent les légats à faire courir le bruit que la peste était aux portes de la ville. Giovanni Maria Del Monte, légat pontifical et secrétaire du concile, fait transférer le concile à Bologne, plus au centre de l’Italie, et en territoire pontifical.
     Furieux, Charles Quint interdit à ses prélats de quitter Trente, et déclare invalide le transfert.

Dès lors, les sessions tenues à Bologne sont purement formelles. Les pères conciliaires, uniquement Italiens, prennent soin de ne prendre aucune décision, qui serait contestée par l’Empereur : aucun décret n’est voté pendant cette session. Parallèlement, Charles Quint ne fait pas poursuivre les travaux aux prélats allemands restés à Trente.

Le pape met donc fin à cette première série de réunion qui a compté jusqu’à 70 votants le 17 septembre 1549. Il meurt peu après (le 10 novembre 1549).

 

[1]Le 27 février 1531, différentes principautés et villes d’Allemagne constituent à Smalkalde, en Thuringe, une ligue destinée à tenir tête à l’empereur Charles Quint. Les ligueurs, tous protestants de confession luthérienne, entendent avant tout préserver leur liberté religieuse. Pour cela, ils ne craignent pas de solliciter l’aide du très catholique roi de France.
Après la paix de Crépy-en-Laonnois conclue en 1544 avec François 1er, l’empereur décide d’en finir avec la ligue. Après une victoire des troupes impériales à Mühlberg, en 1547, le landgrave fait sa soumission tandis que l’Électeur est déposé et remplacé par son rival Maurice de Saxe.
Malgré ce succès, Charles Quint va devoir se résigner à la division religieuse de l’Allemagne. (Paix d’Augsbourg en 1555)
[2] Jean Calvin: “Les actes du concile de Trente avec le remède contre le poison” (1547)
[3]Pour le détail du texte des décrets voir : http://nouvl.evangelisation.free.fr/concile_de_trente.htm

 

 

X Le concile de Trente (2eme partie): Inter-session: 17 septembre 1549 – du 1 mai 1551

 

Après l’état semi-comateux de la dernière année du concile à Bologne, le pape “autorise les derniers évêques encre sur place à retourner chez eux” sans ajourner ni clôturer le concile [1].

     Après la mort de Paul III le 10 novembre 1549 c’est un candidat de compromis qui est élu: Giovanni Del Monte le principal légat à Trente qui prend le nom de Jules III. Sans être un parangon de vertu, vu les mœurs du temps on peut le considérer comme modèle de retenue…
     Neutre politiquement, il souhaite ne fâcher ni le Roi de France ni l’Empereur et est prêt a autoriser le reprise du concile à Trente pourvu que ce dernier ne remette pas en cause l’autorité du Siège Apostolique et ne se mêle pas de réforme de la Curie ( Même s’il ne tombe pas dans le népotisme effréné de son prédécesseur, il est sujet de quelques scandales peu reluisants)

   Ce climat politique plus favorable incite Charles Quint à tenter de faire pression sur les Luthériens pour les faire venir à Trente. Mais les conditions posées par ceux-ci sont telles qu’ il n’y a pas de terrain d’entente possible. Et sauf l’Empereur pour des raisons politiques internes, personne ne le souhaite vraiment.[2]

La guerre entre Henri II de France qui a succédé à François Ier le et Charles Quint vint mettre la pagaille là où c’était déjà le désordre et tout le monde se trouva brouillé avec tout le monde.

C’est au milieu de ce chaos que va s’ouvrir l’éphémère seconde session du Concile de Trente.

 

 

X Le concile de Trente (3eme partie): Deuxième session: huit sessions, du 1 mai 1551 au 28 avril 1552.

 

     Jules III, succède à Paul IV en 1550
     En 1542, on lui avait confié le travail préparatoire à la convocation du concile de Trente. En février 1545, il fut nommé le premier président du concile. Il y représentait les intérêts pontificaux contre l’empereur Charles-Quint.
     Prié par l’empereur de rouvrir rapidement le Concile, il donne son accord et dans une Bulle, datée du 13 novembre 1550, il ramène le concile de Bologne à Trente et ordonne qu’on y reprît les séances le 1er mai 1551.

Charles Quint force ses États protestants à dépêcher des représentants au concile. Seuls les ducs de Saxe et de Wurtemberg, l’électeur de Brandebourg et la ville de Strasbourg s’y plient.

     Sitôt arrivés, les ambassadeurs protestants posent leurs conditions, qui sont rejetées par le concile qui, au contraire, réaffirme le dogme de la transsubstantiation.
Parallèlement, les Pères espagnols et la papauté s’opposent sur la réforme disciplinaire des clercs.

Les discussions portèrent sur l’Eucharistie, la pénitence, l’extrême-onction, et sur des questions juridiques, sans oublier toutefois, de jeter l’anathème contre les thèses de Zwingli et de Luther.[1]

     En 1552, les États protestants et Henri II déclarent la guerre à Charles Quint. L’armée de Maurice de Saxe qui dirige la ligue de Smalkalde[2] menace le sud de l’Allemagne.
     Le Concile est suspendu de nouveau le 15 avril  parce que les évêques français ne peuvent pas y participer et que, pour échapper à ses ennemis, l’empereur doit fuir d’Innsbruck et signer la paix de Passau, défavorable aux impériaux
     Le 28 avril, le concile est levé et évacue la ville. Le nombre de votants n’a pas dépassé les 65 pendant cette deuxième session.

 

[1] La ligue de Smalkalde  est une union militaire au sein de l’Empire romain germanique de Charles Quint, formée  en 1531, par des princes protestants allemands du Nord dirigés par Philippe de Hesse, puis l’Électeur Jean-Frédéric de Saxe. Ces princes ont besoin d’appuis supplémentaires. La ligue demande alors l’aide du grand rival de l’Empereur, le roi de France François Ier, puis Henri II

 

 

X Le concile de Trente (4eme partie): Inter-session  du 28 avril 1552 au 18 janvier 1562

 

10 ans !
La seconde session du concile de Trente se termine le 28 avril 1552 et ne reprendra que le 18 janvier 1562.

 

Dix ans d’interruption. Pourquoi ?

 

Des raisons politiques:

     La paix de Passau signée par Ferdinand, frère de l’empereur Charles Quint en 1552 préfigure les termes de la paix d’Augsbourg qui sera signée en 1555, et qui accorde la légitimité au luthéranisme sur les terres d’empire, et permet aux princes souverains de déterminer quelle sera la religion de leur territoire selon le principe “cujus regio, eius religio” (A chaque région sa religion )[1]
     En 1556, Charles Quint abdique et partage ses possessions entre son fils Philippe II et son frère Ferdinand Ier du Saint-Empire. Il meurt en 1558.

     En 1559, c’est le roi de France Henri II qui trouve la mort accidentellement.
     Son successeur François II meurt dès l’année suivante laissant le trône à son frère Charles IX qui, avec leur mère, Catherine de Médicis, face à une France déchirée, souhaite alors convoquer un concile purement français pour régler la question religieuse.
Ce sera la tentative du colloque de Poissy (1561).
Pour la papauté, un concile séparé est inacceptable.

 

Des raisons religieuses

     Jules III prend acte de l’échec du concile en matière d’unité chrétienne. Il se replie sur la réforme de l’Église catholique mais meurt le 23 mars 1555 avant d’avoir pu publier la bulle “variétas temporum [2]” qui devait réformer profondément la Curie et l’Eglise.
     Après le après le très bref pontificat de Marcel II (21 jours  du 9 au 30 avril 1555) Paul IV est élu pape à l’âge de 79 ans le 23 mai 1555.
     Jusque-là, il n’avait cessé de parler de réformes, mais une fois élu il pratique un népotisme jugé outrancier même pour l’époque.
     Pour renforcer l’Église catholique, Paul élargit les pouvoirs de la “Sainte Inquisition”. Ce fut politiquement et spirituellement une brute [3]. Il ne continua pas le Concile de Trente, qui avait été suspendu, puisqu’il regardait la rénovation de l’Église comme une tâche relevant essentiellement de la Curie pontificale et du Sacré-Collège.
     Un de ses derniers actes fut de mettre en vigueur en 1559, une censure des livres par l’interdiction des écritures suspectes d’hérésie et/ou de subvsersion morale par le moyen de l’Index librorum prohibitorum, institution qui demeura (hélas) en vigueur jusqu’en 1966, sous Paul VI.

     Pie IV, élu en décembre 1559 doit faire face à des pressions divergentes. Le roi d’Espagne Philippe II veut reprendre les débats du concile. L’Empereur Ferdinand Ier, les Français, les Allemands souhaitent l’organisation d’un nouveau concile qui réaliserait un accord avec les protestants.

     Le pape convoque de nouveau, le concile, conformément à la capitulation électorale votée par les cardinaux pendant le conclave, et avec l’appui du roi d’Espagne, rouvre en 1562 le concile de Trente.

 

[1] Cette doctrine est d’origine protestante et ne correspond pas à la conception catholique du gouvernement civil. En effet, la doctrine catholique exigeait que les souverains soient soumis au pape, ce qui favorisait l’unité religieuse des royaumes et limitait les risques de conflits entre les princes. De surcroît, elle confirme la fin de l’unité confessionnelle de l’Empire, chaque prince souverain ayant désormais le libre choix de se déclarer catholique ou protestant.
[2] “La bulle Varietas temporum, véritable réforme de l’Église en 150 chapitres dont les numéros 86 à 102 concernaient les pratiques curiales des absolutions et des grâces, devait être publiée au printemps 1554. Elle ne fut jamais officialisée, pour des raisons apparemment inconnues, et la mort de Jules III (23 mars 1555) remisa le tout au fond des tiroirs.” in: http://www.publications.efrome.it/opencms/export/sites/efrome/documenti/B347_FRANCE_POUVOIR_PONTIFICAL_PONCET_INTRODUCTION.PDF.pdf.

 

 

X Le concile de Trente (5eme partie): Troisième session. Neuf sessions, du 18 janvier 1562 au 4 décembre 1563

 

Contexte

 

      En seulement dix ans le paysage politique et religieux à l’ouverture de cette dernière session du concile de trente à complètement changé:

  • – Quatre papes vont se succéder sur le trône de Pierre: Jules III, Marcel II, Paul IV et Pie IV;
  • – Du côté de l’Empire: Charles Quint  abdique en faveur de son frère Ferdinand Ier  et de son fils Philippe II roi d’Espagne.
  • – Dans les Pays-Bas espagnols, les guerres de Religion prennent la forme d’une guerre d’indépendance connue sous le nom de guerre de Quatre-Vingts Ans[1].
  • – En France, François II (15 ans) succède à Henri II pour 17 mois. Son frère Charles IX (10 ans) lui succède sous la régence de Marie de Médicis. Déclanchement des guerres de religion par le massacre des protestants à Wassy le 1er mars 1562 par François de Guise.[2]

 

    Le pape Pie IV va inviter (sans succès il est vrai, mais quand même !…) des Eglises Orientales séparées, ainsi que le patriarche des Coptes d’Alexandrie, le Patriarche Œcuménique de Constantinople, le patriarche de l’ Eglise Arménienne d’Antioche et le Patriarche de Moscou.
Il invite les princes allemands luthériens à dépêcher des envoyés au concile.

 

     Pour diverses raisons  plus ou moins fallacieuses les Catholiques ne sont pas plus empressés ce qui fera dire au légat Comodone que “les protestants sont bien éveillés alors que les catholiques sont assoupis. On a l’impression que ce ne sont pas les protestants mais bien les catholiques qui mettent leur confiance dans une foi sans les œuvres au vu du peu d’efforts qu’ils déploient pour empêcher l’effondrement complet du catholicisme en Allemagne [3]
     Dans ce contexte, le refus des protestants et des Français de participer à un concile qu’ils trouvaient trop lié à Rome, retarde à nouveau le début des séances qui ne reprennent que le 18 janvier 1562.

 

Le concile redémarre

 

     Le 18 janvier 1562, le concile est de nouveau ouvert, cette fois avec davantage de prélats, mais encore majoritairement italiens.

 

La nature de l’épiscopat.

     Le blocage du concile pendant dix mois (17 septembre 1562 au 15 juillet 1563) est dû au débat portant sur la nature de l’épiscopat.
     En novembre, la délégation française arrive, présidée par le cardinal de Lorraine. Les affrontements sont rudes entre la “conception romaine” fondée sur le pouvoir pontifical et la “conception épiscopaliste” défendue par les Espagnols, les Français et une minorité italienne, selon laquelle la fonction de l’évêque est d’institution divine.
     Finalement les canons 3 et 8[4] positionnent l’évêque comme délégués du siège apostolique. (Il faudra attendre Vatican II pour que l’ évêque trouve sa place comme étant dépositaire de la plénitude du sacerdoce et pasteur de son diocèse par son ordination épiscopale. [5]
     Ce blocage fut résolu grâce à la grande habileté du nouveau légat pontifical, le cardinal Morone qui va conduire le concile à bonne fin.

 

Dans leur élan, les Pères conciliaires entendent s’attaquer aux abus des princes. Aussitôt, les rois de France et d’Espagne font part de leur mécontentement. Les ambassadeurs français quittent Trente après maintes protestations. Le projet de décret est finalement écarté.

 

Clôture du Concile de Trente

 

Le concile s’achève, l’ennui et le découragement aidant, par l’adoption facile de décrets importants, notamment sur le célibat des prêtres et le Purgatoire, le culte des saints ou encore les reliques et la célébration de la messe qui donnait lieu avant le concile à des fantaisies et/ou des omissions de parties entières (y compris le canon !).

     Les 3 et 4 décembre 1563 se tient la séance de clôture.
     L’ensemble des décrets du concile est lu devant les Pères, rassemblés dans la cathédrale Saint Vigile de Trente. Les archevêques et les évêques y sont beaucoup plus nombreux que dans les réunions précédentes.
220 prélats signent l’acte final le 4 décembre 1563.
     Au terme de cette lecture, le légat Giovanni Girolamo Morone, secrétaire du concile, demande aux Pères s’ils souhaitent clore leur assemblée. Tous ayant répondu amen, le cardinal de Lorraine rend grâce aux différents acteurs du concile,  religieux ou laïcs .
Enfin, il s’exclame : « Anathème à tous les hérétiques ! », repris par les Pères : « Anathème, anathème ! »

 

[5] CONCILE VATICAN II. Décret sur la charge pastorale des évêques dans l’Eglise. n°4 in Vatican II , ed Bayard compact 2002 p 387

 

 

X Le concile de Trente (6eme partie): Bilan du concile

 

 

Concile de Trente: Réforme ou contre-réforme ?

     A son ouverture le concile est divisé comme l’ analyse Nicole Lemaître [1]: ” Si depuis le dernier concile l’autorité du pape sur le concile a été rétablie, la méfiance reste grande pourtant, aussi le pape ne participe-t-il au concile que par légats interposés.
     Ces derniers, dont plusieurs deviendront papes, ont su arbitrer entre les groupes nationaux. Ils avaient en général l’appui du clergé italien, proche du pape en raison de son pouvoir, mais c’était bien différent avec le clergé espagnol, qui se distinguait par sa haute culture théologique.
     Le clergé français était gallican, c’est-à-dire attaché aux privilèges nationaux de la France et hostile à l’intrusion de la papauté dans ses affaires.
     Le clergé allemand était enclin au compromis avec les protestants.
     Pour tous, le Saint-Siège était responsable du désastre, mais ils n’étaient pas d’accord entre eux : Espagnols et Allemands voulaient une réforme disciplinaire et en particulier obliger les évêques à la résidence pour mieux défendre leur pouvoir de droit divin sur leur diocèse. Les Italiens et les Espagnols s’affrontaient aux Français pour imposer des définitions des dogmes antérieures à la venue des Français, en 1562.
     La majorité était cependant favorable à la réforme du Saint-Siège, contre les Italiens.”

Les décisions importantes du Concile de Trente 

A Trente l’Église catholique revoit entièrement ses fondements et précise le contenu de sa foi. C’est sur les décisions de ce concile qu’ elle s’appuiera, pendant plusieurs siècles.[2]

Le travail du Concile de Trente a permis à l’Église catholique, face aux propositions de la Réforme protestante, de redéfinir ses dogmes.

Les abus qui minaient l’Église Catholique à cette époque furent dénoncés et parfois corrigés, et des réformes importantes proposées et misent en œuvre..

Au final, Trente est un concile à la fois doctrinal et pastoral.

  • Au plan doctrinal, il forge la réponse catholique à la doctrine de la justification et réaffirme face aux luthériens l’importance des sacrements, notamment de l’Eucharistie.
  • Au plan pastoral, la réforme de l’Église fut une entreprise encore plus difficile. La Curie et les papes firent leur possible pour la différer, prenant justement prétexte de cette autre Réforme qui se mettait en place dans l’Europe du Nord. Il est vrai que les papes ne sont guère des modèles de vertus, alors que, sur le terrain, les fidèles sont laissés à eux-mêmes par des évêques absents, ou cumulant les diocèses par souci du gain.
  • Des prêtres guère plus présents (en moyenne, à peine la moitié des curés résident dans leurs paroisses…)  De ce point de vue, le concile fit œuvre considérable. L’institution de séminaires, pour les futurs prêtres, est 
  • souvent considérée comme sa réussite majeure.
  • Trente réaffirme aussi le rôle du curé, lui donne pour charge de prêcher, et en remettant le sacrement de la confession au centre de la vie catholique, le place dans le rôle de ” juge des consciences “. Le confessionnal, inconnu avant le concile, devient en quelques décennies l’indispensable mobilier des lieux de culte catholique.
  • Le rôle de l’évêque est redéfini. Le concile précise qu’il doit prêcher, s’occuper des séminaires, visiter les institutions, tenir des synodes avec le clergé, et parfois des laïcs. Bref, il ” appartient ” à son diocèse comme les pasteurs à leurs paroisses.

Et le pape ?

     En début de concile, la papauté est contestée par les souverains européens, mise à mal par les cardinaux réfractaires au pouvoir de la Curie, décrédibilisée par son propre comportement, et défiée par les hérésies protestantes.

     A la clôture du concile, le pape symbolise l’unité préservée du catholicisme. Le concile lui donne la possibilité d’unifier et donc de contrôler la formation des fidèles et des prêtres (publication d’un catéchisme), l’organisation des diocèses, le rite et même la langue, avec le latin, désormais langue liturgique.

 

Face à l’émergence des Églises protestantes nationales, le catholicisme s’organise. Mais il le fait autour de l’institution papale, qui en sort, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, plus que jamais, renforcée [3]. Le jésuite Robert Bellarmin, va donner la définition de l’Église qui aura cours jusqu’au concile Vatican II (1962 soit quatre siècles plus tard) : ” l’Église est la société des fidèles institués par Jésus Christ, gouvernée par le pape, et par les évêques sous l’autorité du pape “.

« D’une façon générale, Trente sous-tend une vision très cléricale de l’Église, qui passe par une différenciation sociale du clerc : le clerc doit être décent, s’habiller de façon distincte des laïcs, ne pas fréquenter les tavernes ». C’est Charles Borromée, en tant que cardinal secrétaire d’État, qui mettra en œuvre l’application du concile. [4]

 

Conclusion

Le concile est adopté avec joie par le clergé mais aussi par les intellectuels catholiques:

  • Premièrement c’est la preuve que par-delà des difficultés politiques, il a su exprimer un consensus catholique, et que ses décisions correspondent aux attentes et aux sensibilités du moment.
  • Deuxièmement, dans les difficultés de réception, la forme de l’Église catholique centralisée et bureaucratisée, sous l’autorité pontificale s’affirme rapidement.
  • Troisièmement, le retour à l’unité des chrétiens est abandonné par les catholiques comme il l’était par les protestants depuis 1545.

Ce concile réuni pour ramener les protestants dans l’ Eglise Catholique Romaine, entérine de fait la division.

Dès l’origine de la réforme Luthérienne le principe d’autorité posé par les représentants du pape ne pouvait que conduire à l’échec. Avec l’aspect politique qui s’est développé plus tard chez les Protestants, municipal d’abord, puis après la paix d’Augsbourg en 1555 officialisée au niveau des états princiers, il ne pouvait plus être question pour les protestants d’engager le dialogue.

La lutte infernale menée par le pouvoir papal pour conserver la mainmise sur les revenus de l’ église catholique et son corollaire: l’empêchement de toute réforme de la curie romaine, à consommé un état de fait.

     Dès son ouverture le concile de Trente est un concile de contre-réforme. Et pourtant, au fur et à mesure de son déroulement, il devient un concile réformateur. L’église catholique qui en est issue va durer quatre siècles.
     On peut aujourd’hui critiquer des prises de positions, des affirmations, voire des décisions inappropriées au regard de notre théologie aujourd’hui.
     Mais à l’aurore de cette année 1563 les 220 Pères qui sortent de la cathédrale Saint Vigile de Trente pour la dernière fois peuvent le faire avec le sentiment du devoir accompli.

 

 

 

 

 

XI Expansion du protestantisme dans les pays nordiques

Source : https://www.museeprotestant.org/notice/le-protestantisme-dans-les-pays-nordiques/

 

 

Danemark

Hvorup, église à Nørresundby

Le luthéranisme s’implante à partir de 1523 sous le règne de Frédéric 1er (1523-1533) : la Diète d’Odense proclame la liberté religieuse et politique vis-à-vis de Rome.

En 1530 une confession de foi explicitement luthérienne (affirmant la justification par la foi) est adoptée par le Roi. Mais c’est sous le règne de son fils, le roi Christian III (1534-1559) que la Réforme luthérienne, imposée autoritairement par le roi, devient la religion nationale du Danemark.

En 1537 (Diète de Copenhague) une liturgie nouvelle en danois remplace l’ancienne ; les évêques catholiques qui refusent de se convertir sont déposés et remplacés. Les couvents et biens des églises catholiques sont redistribués dans l’Église luthérienne qui met en place une organisation synodale. Un consistoire assure les liens entre les dirigeants de l’Église et le pouvoir royal. L’université de Copenhague devient luthérienne..

 

Norvège

      La domination danoise impose le luthéranisme dès 1537, en vertu du principe Cujus regio, ejus religio.

Comme au Danemark, les activités catholiques sont proscrites, la langue danoise remplace le latin et devient la langue liturgique. Mais ces changements sont mal reçus par les couches pauvres de la population, qui restent encore attachées à certaines traditions catholiques jusqu’au début du XVIIe siècle.

De ce fait, le luthéranisme s’implantera de manière plus progressive et prudente qu’au Danemark, d’autant que si certains évêques catholiques sont emprisonnés, beaucoup d’entre eux deviennent luthériens. En 1683 fut décidée la confiscation des biens des habitants restés fidèles au catholicisme.

 

Suède

     En 1523, Gustave Vasa (1496-1560) chasse les Danois de Suède. Élu roi, Il introdui la Réforme en Suède.

Dès 1527, la diète de Vasterâs déclare que « la parole de Dieu doit être prêchée dans sa pureté dans tout le royaume ». C’est la naissance de l’Église nationale suédoise. Les biens de l’Église, qui représentent plus de 20% des richesses foncières du pays, sont confisqués, ce qui permettra à Gustave Vasa de donner une solide assise financière à la Couronne.

La révolte paysanne dans le sud du pays, soutenue par les prêtres catholiques, conduisent le roi à la rupture avec l’Église catholique

En 1529. L’Église est officiellement luthérienne et organisée selon le modèle synodal et consistorial mais elle conserve une grande partie des traditions romaines. A la différence de celle du Danemark, cette Église n’est liée à l’État ni dans les textes, ni dans les pratiques : l’Église suédoise est semi-indépendante, elle continue d’être dirigée par l’archevêque d’Uppsala et ne reconnaît les droits du souverain que pour les questions séculières.

 

Finlande

    Dans cette possession du royaume de Suède, le luthéranisme s’impose pacifiquement dès le milieu du XVIe siècle.  L’évêque Michel Agricola, traduisant la Bible, est le créateur de la langue finnoise.

Ce luthéranisme respectera la plupart des traditions catholiques, y compris la mariologie et le purgatoire : la création de cette Église nationale luthérienne se fera ainsi sans déchirure brutale.

Contrairement à la presque totalité des Églises luthériennes d’Europe, elle n’a pas signé la Concorde de Leuenberg de 1973, qui affirme la pleine communion des Églises luthériennes, réformées et unies.

 

 

XII L’église de Calvin: extension

Certains aspects des dispositions de Calvin pour Genève les rendaient hautement aptes à l’exportation. Notamment l’autonomie (toute relative) de l’Église, et la responsabilité des laïcs.

 

Influence internationale du Calvinisme

 

La France

 Les docteurs, ici comme ailleurs, disparaissent rapidement de la circulation (puisqu’iln’y avait pas d’académie ni d’université protestante). La situation changera de nouveau dès la création des Académies de Saumur, de Sedan, de Die.

Première modification :

     La structure synodale : nous avons affaire en France non seulement à une église comme à Genève, mais à une structure applicable à tout un pays. Il est établit une construction pyramidale :

      • consistoire (église locale),
      • colloque (groupement de plusieurs églises locales),
      • synode régional,
      • synode national (premier synode national déjà en 1559 !)

À noter : la relative autonomie de l’Église par rapport à l’État permet à l’Église calviniste de survivre dans un contexte hostile.

Deuxième modification,(et première « hérésie ») :

     Morély et le « congrégationalisme »: Pourquoi, selon Morély, restreint-on seulement à quelques anciens / notables représentatifs, le rôle des laïcs dans l’Église ? C’est une extension logique de la pensée de Calvin que de proposer que toute l’assemblée doit pouvoir participer à la gestion de l’Église. La doctrine de Morély était vigoureusement condamnée par Bèze, Viret et les synodes.

 

     À noter dans ces deux modifications : la responsabilité de l’individu. Pendant un siècle entier après la révocation de l’édit de Nantes (1685), l’Église réformée (clandestine) se trouvait en situation d’hors-la-loi, et privée presque entièrement de pasteurs. Elle n’aurait jamais pu survivre sans cette capacité de résister dans un environnement hostile, et sans une part très active jouée par les laïcs.

 

Les Pays-Bas

     On trouve le même scénario (autonomie de l’Église, responsabilité des laïcs) ; il faut ajouter le nationalisme anti-espagnol (avec implications pour l’emploi de la langue vernaculaire, vite associée à la réforme naissante).

     On constate aux Pays-Bas une multiplicité de coexistences calvinistes, luthériens, beaucoup d’Anabaptistes. Ils accueillent aussi des dissidents parmi les puritains anglais, les Brownistes, influencés probablement par les doctrines de Morély.
Ce sont eux qui vont partir sur le Mayflower en 1620).

     Vers la fin du XVIe siècle : l’Église calviniste, minoritaire, devient Église d’Etat. Alors, doit-on réserver le baptême seulement aux enfants des fidèles (point de vue ecclésiastique) ou doit-il être accessible à tous ceux qui le demandent (point de vue du gouvernement) ? Comme l’État paie les salaires des pasteurs, c’est l’État qui gagne. Mais au cours des multiples conflits et péripéties, on constate des modifications, des divergences, des déviations, qui sont le sort d’un calvinisme dynamique et en évolution.

 

L’Angleterre

      Elizabeth Ière cherchait à rassembler les croyances multiples sous la bannière du sentiment national.

     La réforme anglaise était le résultat de diverses décisions gouvernementales, non d’un mouvement populaire : la liturgie, par exemple, devait se réciter en latin sous Henry VIII, en anglais sous Edouard VI, de nouveau en latin sous Marie Tudor, enfin en anglais sous Elizabeth. Et les fidèles – les laïcs aussi bien que le clergé – étaient en partie « réformés », en partie partisans de l’Église traditionnelle.

     Les « puritains » (en quelque sorte disciples de Calvin) cherchaient à faire avancer l’Église vers une réforme plus totale (ils se réfèrent explicitement au statut, et à la liturgie, de Genève). Mais ils furent bloqués par l’esprit de compromis du « Elizabethan Settlement », qui recherchait consciemment l’ambiguïté doctrinale. Ce qui fait que le calvinisme en Angleterre se trouve aussi en « terre hostile »

     Les « puritains » ont formé le noyau des « non-conformistes » (qui comprennent aussi des congrégationalistes, des baptistes, plus tard des méthodistes) qui jouent un rôle de plus en plus important aux XVIIIe et XIXe siècles. Certains puritains d’autre part se joignent à des dissidents « Brownistes » des Pays-Bas pour partir vers la Nouvelle Angleterre.

 

L’Écosse

      L’Écosse est « convertie » très tôt (1560) par John Knox, donc vers un calvinisme pur et dur.

Knox figure parmi les exilés du règne de Marie Tudor qui s’établissent à Genève (1555-1559). Il participe à la rédaction de la Geneva Bible (publiée en 1560), et à la Forme des prières en langue anglaise (1558), qui suit de près la liturgie française de Calvin (1542).      À son retour en Écosse il emporte non seulement le livre des prières mais aussi des principes très « calvinistes » pour la structure et discipline d’une Église réformée.

     On pourrait dire que c’est le pays le plus directement héritier du modèle calvinien ; c’est le premier pays à adopter le calvinisme comme religion officielle (à remarquer que le réformateur de Genève n’est pourtant pas nommé ; il s’agit de l’Église « presbytérienne »).

 

L’Allemagne

 

     Sujet manifestement trop vaste et trop compliqué pour entrer dans le cadre de l’esquisse présente. Je mentionnerai simplement deux faits.

    • La Paix d’Augsbourg (1555) installa le modus vivendi « cuius regio, eius religio » mais cet accord visait les catholiques et les luthériens ; les réformés en étaient exclus.

     Malgré cela certains des états qui constituaient l’Allemagne (une vingtaine sur environ 120 états) s’orientaient vers une réforme de type calviniste. Notamment le Palatinat, qui comprenait la célèbre université de Heidelberg : l’électeur Friedrich III y imposa la réforme, et attira à l’université quelques théologiens de première qualité.

     Ils composèrent le Catéchisme de Heidelberg (1563)12, qui eut un immense succès, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Amérique… Tant et si bien que Heidelberg devint un centre d’études calvinistes qui rivalisait avec Genève.

    • Après la révocation de l’édit de Nantes (1685), la diaspora des réfugiés français protestants se distribua en de nombreux pays. Parmi les contingents les plus importants on trouve les quelque 20 000 personnes qui se rendirent dans les domaines de Frédéric-Guillaume, Électeur de Brandebourg et duc de Prusse. Celui-ci avait hérité d’un domaine ruiné par la Guerre de Trente Ans, appauvri, et peuplé – maigrement – par un mélange de catholiques et de luthériens (et une minorité de réformés), slaves et allemands. Il était heureux d’accueillir ces réfugiés français qui apportaient de nombreuses compétences (on trouve sur les registres des artisans de toutes sortes, des médecins, des pasteurs, des enseignants, des soldats…) et qui contribuaient ainsi à l’essor de l’État prussien (et de son armée).

 

La Hongrie

Le pays était divisé en trois : à l’ouest la région germanophone et essentiellement luthérienne. Au milieu, et depuis la défaite de Mohács en 1526, un triangle sous domination turque. À l’est (la Transylvanie), magyarophone… qui devient essentiellement calviniste.

Comme aux Pays-Bas, la religion réformée devient synonyme du mouvement national d’émancipation, et la langue magyare y est fondamentale : la première encyclopédie du monde moderne est composée en magyar par des protestants. Et, comme ailleurs dans le monde réformé, l’éducation prend une grande importance. Dont un grand centre intellectuel, Debrecen, important jusqu’à nos jours.

 

L’Amérique du nord

     Les « Pères pèlerins », Brownistes des Pays-Bas renforcés par des Anglais qui les rejoignent à Plymouth (GB) (donc pas des calvinistes « orthodoxes »), installent la première colonie dans le Massachusetts (1620).

     Exemple frappant des adaptations nécessaires du calvinisme : au lieu de Genève, ville-république avec pratiquement pas d’arrière-pays, les colons trouvent un vaste pays avec pratiquement pas de villes. Le modèle congrégationaliste, qui comporte une multitude de communautés quasi autonomes, est beaucoup plus approprié à cette situation que le modèle genevois.

     On parle surtout des « Pères pèlerins » ; mais il ne faut pas oublier qu’ils n’étaient pas les seuls représentants d’une religion réformée. D’autres courants ont également influencé l’implantation religieuse du « calvinisme » :

    • Les Hollandais, qui ont installé leur première colonie, « la Nouvelle Amsterdam », sur l’île de Manhattan en 1621 – mais qui ont été supplantés par les Anglais un demi-siècle plus tard ;
    • Les Huguenots réfugiés après la révocation de l’édit de Nantes (peu nombreux, environ 2 000 personnes), qui se sont identifiés rapidement avec les Églises déjà présentes et n’ont laissé que peu de traces ;
    • Les presbytériens écossais et irlandais, qui sont devenus très nombreux et très influents à partir du XVIIIe siècle.

     Notons enfin encore une fois notre leitmotiv de l’importance de l’éducation. À peine seize ans après l’arrivée des Pères pèlerins, donc en 1636, on ressentait le besoin d’un centre de hautes études : on fonda l’université de Harvard, suivi en 1701 par Yale.

     La contribution de la religion réformée au développement de l’enseignement en Amérique est vaste.

 

 

XIII Les débuts de la réforme en France.

 

     Tout se passe comme si la Réforme française avait une histoire, mais pas de date de naissance.
     Sur le site de l’Eglise Protestante Unie de France, le protestantisme français est présenté comme ayant une double source, l’humanisme (le cercle de Meaux et Lefèvre d’Etaples) et les influences luthérienne et réformée, le tout étant structuré par Calvin.
     Il serait apparu vers 1520, avec la pénétration des idées de Luther et Zwingli, sur fond de climat de liberté intellectuelle.[1]

 

La Normandie

Elle accueille la Réforme très tôt et avec beaucoup de ferveur[2].

     Dès 1529, le Petit catéchisme de Luther y est imprimé par Simon Dubois protégé de Marguerite de Valois-Angoulême[3] à Alençon.

     C’est à Rouen, dans la salle du Palais, qu’eut lieu ce que l’on a considéré comme la première manifestation publique de diffusion de la pensée de Luther en Normandie : « l’affaire des libelles », libelles considérés comme « hérétiques et blasphématoires contre le Saint Sacrement ».
     C’est à Caen, à l’université, que les thèses de Luther sont affichées en 1533.[4]
     Après les premiers succès du luthéranisme, qui coexiste pacifiquement avec le catholicisme pendant une trentaine d’années malgré l’excommunication de Luther en 1521, une deuxième vague de prédicateurs protestants se répand en France sous l’influence de Jean Calvin, parmi lesquels Guillaume Farel ou Guy de Brès.

En 1560, environ 10 % des Français sont devenus protestants (appelés « huguenots »), proportion qui monte à 30 % chez les nobles français.

En mai 1559 a lieu la première assemblée nationale (ou synode) de l’Église réformée de France.

 

La montée des périls

     William T. Cavanaugh, dans son livre le « Mythe de la violence religieuse [5]», par une étude serrée de l’histoire du mot « religion, » met en évidence que le terme n’apparaît dans son acception actuelle qu’après le XVIIe siècle. Auparavant, religion signifie « piété » et l’idée qu’il puisse exister des « religions » différentes est impensable pour l’homme médiéval car il n’existe pour lui qu’une seule vraie connaissance de Dieu. Le reste est hérésie (voir par exemple Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, livre 1, question 6).
     En ce sens le protestantisme était un mouvement de réforme de l’Eglise et non une volonté de séparation. La séparation sera largement le fait de l’église catholique qui rejette réforme et réformateurs.
     Les conflits que nous qualifions aujourd’hui de « religieux » sont, au XVIe siècle, essentiellement d’ordre politique. Le contenu théologique des oppositions reste second -même s’il n’est pas secondaire- par rapport aux intérêts politiques ou économiques en jeu.
     L’opposition entre les protestants tenus pour hérétiques et les catholiques romains constitue le levier dont les acteurs politiques vont se servir pour manœuvrer le peuple.

 

Les premiers troubles

     Les premiers troubles religieux apparaissent sous le règne de François Ier (1515-1547). Malgré son inclination pour l’humanisme, le roi considère la Réforme comme néfaste à son autorité.
En 1529, Berquin, ami d’Érasme, est exécuté.

 

l’affaire des Placards (1534)

     A partir de “l’affaire des placards”  (Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, des placards furent apposés à Paris et à Amboise, jusque sur la porte de la chambre royale, par le parti prostestant). Ils attaquaient à la fois la transsubstantiation catholique et la consubstantiation luthétienne. En réaction, François Ier confessa ouvertement sa foi catholique et déclencha la persécution des protestants.
     De nombreux protestants s’exilèrent, notamment Calvin.
     En 1545, 3 000 Vaudois du Luberon sont massacrés à Mérindol sur l’ordre du Parlement d’Aix et avec l’assentiment du roi.

 

Le règne de Henri II (1547-1559)

      C’est sous le règne de son fils Henri II (1547-1559), que les tensions religieuses augmentent  dangereusement. Le roi met en place une législation antiprotestante. Il multiplie les édits répressifs.

  • L’édit de Compiègne de 1557 réserve aux tribunaux laïcs le jugement des protestants dès qu’il y a scandale public.
  • L’édit d’Écouen de 1559 demande d’abattre sans jugement tout protestant en fuite ou révolté. Il donne aussi la mission à certains notables de se rendre en province pour réprimer l’hérésie.
  • Enfin la « chambre ardente » créée en 1547 au parlement de Paris pour condamner au bûcher les « hérétiques » fait exécuter en deux ans 37 personnes.

     Malgré cette persécution, le protestantisme connaît un essor considérable. La répression voulue par le roi reste limitée par la faiblesse de ses institutions. Les édits sont mal appliqués du fait qu’une partie non négligeable de ses officiers éprouve des sympathies pour la Réforme.

     Le protestantisme se diffuse surtout en milieu urbain parmi les gens qui ont accès à la culture : bourgeois, artisans, gens d’Église, érudits, écrivains et officiers de justice. Le roi réagit.
  • L’édit de Châteaubriant, en 1551, précise minutieusement les modalités de la répression. On augmente les peines qui frappent les libraires, éditeurs et diffuseurs de livres interdits.

 

La noblesse française vient à la Réforme à partir de 1555.

     De grands personnages de la cour, tels que le prince de Condé et François d’Andelot, contribuent à son développement.

     A la fin du règne d’Henri II, le protestantisme réalise de tels progrès que les premières églises se forment. La réaction du roi est brutale, à l’image de l’arrestation de six conseillers au parlement de Paris, dont Anne du Bourg, lors de la séance du 10 juin 1559.
     Le roi meurt un mois plus tard. Sa disparition ouvre une période d’incertitude. En outre, le traité du Cateau-Cambrésis, signé au mois d’avril de cette même année, a laissé la noblesse sans emploi et disponible pour des guerres intérieures.
      En 1560, différents partis s’opposent pour contrôler le pouvoir royal placé depuis juillet 1559 entre les mains du jeune roi François II, âgé de 15 ans et de santé fragile. Celui-ci confie le gouvernement aux oncles de son épouse, le duc de Guise et le cardinal de Lorraine, partisans catholiques de la fermeté à l’égard des protestants. La légitimité de leur présence au pouvoir est remise en cause par les protestants, dont le prince de Condé.

 

Opposition nobiliaire:

Trois grands clans nobiliaires, par ailleurs tous liés par divers liens familiaux, vont ainsi s’opposer pour contrôler le pouvoir royal.

 

Les Montmorency : Il s’agit d’une ancienne et puissante famille qui tire sa fortune de la formidable ascension politique du connétable Anne de Montmorency sous le règne de François Ier. Dans cette famille s’illustrent les deux fils du connétable, François de Montmorency et Henri de Damville ainsi que leurs cousins germains, les trois frères Châtillon (Gaspard de Coligny, François d’Andelot et Odet, cardinal de Châtillon). Bien que partagés entre catholiques et protestants, les Montmorency-Châtillon s’unissent à l’occasion pour contrer l’influence croissante des Guise, leurs rivaux.

Les Guise : Ce sont les meneurs du parti catholique. Cousins du duc de Lorraine, ils connaissent leur ascension politique grâce à Claude de Lorraine et son fils François, les deux premiers ducs de Guise.            Grâce au mariage de Marie Stuart (petite-fille de Claude et nièce de François) avec l’héritier du trône (futur François II), les Lorrains renforcent les liens entre leur maison et la dynastie des Valois.

     Si l’hostilité manifestée par les Guise à l’encontre de la politique de tolérance religieuse de Catherine de Médicis cause parfois leur mise à l’écart sous le règne de Charles IX, cette intransigeance catholique leur permet de cultiver une grande popularité auprès du peuple. Loués comme champions de la foi, ils reviennent triomphalement sur le devant de la scène sous Henri III grâce à la Ligue.
     En 1588, les ligueurs parisiens parviennent à chasser Henri III de la capitale, ce qui renforce considérablement l’influence des Lorrains. Catherine de Médicis elle-même finit par « prier » son fils de « rendre content » le duc de Guise.
     L’année suivante, la Ligue destitue le roi à la suite de l’assassinat des deux chefs de la maison ; leur frère survivant, Charles, duc de Mayenne, devient le principal opposant à l’avènement du roi protestant Henri IV.
Les Bourbons : Descendants de saint Louis en ligne directe, ce sont des princes du sang.
Les membres de cette maison ont donc la préséance sur tous les autres gentilshommes du royaume et siègent non loin du roi dans les cérémonies.
     En dépit des indécisions et volte-face politiques et religieuses du chef de famille Antoine de Bourbon, les Bourbons se distinguent comme meneurs du parti protestant durant les guerres de Religion grâce au frère cadet d’Antoine, Louis de Condé, puis au fils de ce dernier, Henri de Condé.
     Mais c’est le fils d’Antoine de Bourbon et de Jeanne d’Albret, Henri de Navarre, qui finit par s’imposer progressivement à la tête des huguenots malgré une conversion forcée et temporaire au catholicisme après le massacre de la Saint-Barthélemy.

 

Un pays au bord de la crise.

     En fonction du clientélisme nobiliaire, les gentilshommes choisissent le parti protestant autour de Condé et des Châtillon ou celui catholique autour des Guise et des Montmorency, chefs de file des catholiques intransigeants.

Colloque de Poissy et édit de tolérance

     En vue de maintenir la paix religieuse en France, la reine mère Catherine de Médicis tente d’effectuer un rapprochement entre catholiques et protestants, en réunissant quarante-six prélats catholiques, douze ministres du culte protestant et une quarantaine de théologiens du 9 septembre au 14 octobre 1561 dans le prieuré royal Saint-Louis de Poissy.
     Malgré l’échec du colloque, Catherine de Médicis fait signer en janvier 1562 un édit de tolérance qui constitue une véritable révolution puisqu’il autorise la liberté de conscience et la liberté de culte pour les protestants, à la condition que ceux-ci restituent tous les lieux de culte dont ils s’étaient emparés et que les offices se déroulent en dehors des villes closes.
     Ce colloque est également un des facteurs qui contribue à l’installation des jésuites en France, introduits dans le royaume à l’occasion de cette conférence.
La tolérance civile instaurée par la reine va produire l’effet contraire à celui recherché.
Entre le 28 janvier et le 11 février 1562, un nouveau colloque se réunit, sans résultat.
     Dans beaucoup d’endroits, les protestants détruisent les chapelles et les églises, plutôt que de les rendre. Ils pratiquent ainsi ce qu’ils appellent le vandalisme pédagogique. En détruisant les images, les croix, ils font remarquer que Dieu reste muet devant ces profanations.

 

Le massacre de Wassy[6] marque le début de la première guerre de Religion en France.

Le massacre survenu le 1er mars 1562 à Vassy (bourg de la principauté de Joinville dont le seigneur est le duc de Guise) au cours duquel une cinquantaine de protestants furent tués, et environ cent cinquante blessés par les troupes du duc de Guise ouvre l’ère des guerres de Religion en France.

 

[1] GAILLARD, Gabriel Henri, Histoire de François premier, roi de France, dit le grand roi et le père des lettres, vol 6. Paris, chez Saillant et Noyons libraires rue Saint-Jean-de-Beauvais. 1769. Disponible sur le web : https://books.google.fr/books?id=nawuAAAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
[2] GOUPIL Stéphane. Protestantisme en Normandie. [en ligne] 2008. http://geneahist-goupil.over-blog.com/article-16758112.html
[3] Marguerite de Valois-Angoulême est la sœur de François Ier. Duchesse d’Alençon par son premier mariage (1509), elle est faite duchesse de Berry (1517) par François Ier, et devient reine consort de Navarre par son second mariage (1527). En 1528, elle donne naissance à Jeanne d’Albret (reine de Navarre en 1555 et mère d’Henri de Bourbon, futur Henri IV, roi de France et de Navarre).
[5] William T. Cavanaugh, The Myth of Religious Violence : Secular Ideology and the Roots of Modern Conflict, Oxford University Press, 2009 _Cité dans « https://fr.wikipedia.org/wiki/Chronologie_des_guerres_de_Religion_en_France »
[6] Pour plus de détails voir l’ article: https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Wassy

 

 

XIV Les guerres de religion en France

 

 

Après le massacre de Wassy

     A son retour à Paris, François de Guise est accueilli en héros et le peuple réclame une croisade contre les huguenots. Le massacre de Wassy déclenche une première « Saint-Barthélemy ». Des protestants sont massacrés à Sens, à Tours, dans le Maine et en Anjou.
     Les protestants prennent les armes sous la direction du prince Louis de Condé qui occupe Orléans. Ils s’emparent par surprise de plusieurs grandes villes situées sur la Loire.
La lutte s’organise pour le contrôle de l’espace urbain. En un mois, les protestants parviennent à s’emparer d’un grand nombre de villes dont de très importantes comme Lyon, Poitiers ou encore Rouen, à l’époque la deuxième ville du pays.
     Les massacres se multiplient des deux côtés.  Le pays s’installe dans la guerre civile.

 

Première guerre de religions (1562 – 1563)

     Prise au dépourvu par la précipitation des événements, Catherine de Médicis tente une ultime

démarche pour maintenir la paix entre les deux partis, mais le duc de Guise entreprend un coup de force en contraignant le jeune roi Charles IX et sa mère à le suivre à Paris sous le prétexte de les protéger des protestants, les obligeant par ce moyen à prendre le parti des catholiques.

Le conflit se répartit sur trois principales zones de combat.
  • La plus importante est celle qui se déploie en Normandie et sur la Loire, où l’armée royale tente de reprendre Orléans qui sert de point de ralliement des protestants.
  • La deuxième zone de combat se situe dans le Sud-Est, en particulier en Languedoc abandonné presque entièrement aux protestants,
  • La troisième dans le Sud-Ouest où Burie (Charles de Coucis), Lieutenant général en Guyenne, aidé de Blaise de Monluc sauve Bordeaux et bat les protestants à la bataille de Vergt.
     C’est une troupe réduite qui rejoint Condé à Orléans. L’armée protestante est encadrée par des réseaux nobiliaires expérimentés, mais doit faire appel à des mercenaires allemands.
     Avec le traité d’Hampton Court [1], signé en septembre 1562, L’armée protestante a le soutien financier de la reine d’Angleterre à qui les réformés livrent Le Havre.
Les protestants échouent cependant à réunir leurs trois armées (sud-ouest, sud-est, vallée de la Loire). Ils mènent plusieurs assauts sur les faubourgs de Paris, mais doivent se replier faute de pouvoir s’imposer.

Après la prise de Rouen où le roi de Navarre a trouvé la mort, l’armée royale se porte sur la Loire pour empêcher la jonction de l’armée de Condé avec la ville du Havre qui venait d’être livrée par les protestants aux Anglais. La bataille a lieu à Dreux, le 19 décembre 1562. Les protestants sont battus et le prince de Condé est capturé, mais le camp catholique souffre également de plusieurs pertes ; le maréchal de Saint-André est tué et le connétable Anne de Montmorency fait prisonnier par les protestants.

La mort de François de Guise au siège d’Orléans dans une embuscade permet à Catherine de Médicis de proposer la paix. Elle lance des négociations avec le prince de Condé qui est son prisonnier, qui aboutissent le 13 mars 1563 à la signature de la paix dans l’Isle aux Boeufs près d’Orléans confirmé le 19 mars par l’édit d’Amboise.

 

 

L’édit d’Amboise le 19 mars 1562 

     L’édit[2] autorise le culte protestant dans certains lieux réservés (chapelle des châteaux, une ville par bailliage) et rouvre une période de tolérance civile. Il précise que personne ne doit être inquiété pour ses opinions religieuses.

     Si les villes de Rouen, Orléans et Lyon sont rendues au roi, la guerre y a laissé de lourdes plaies (la première guerre de Religion a été très destructrice). Les églises et les cathédrales prises par les protestants ont été extrêmement endommagées. La fin de la guerre amène beaucoup de catholiques à se venger des protestants et durant l’année 1563, de nombreux procès sont intentés pour condamner les protestants qui ont pillé les églises.     Les réformés se plaignirent de voir leur culte soumis à des conditions rigoureuses et blâmèrent le prince de Condé d’avoir signé le traité, tandis que les catholiques reprochaient à Catherine sa mansuétude vis-à-vis des dissidents.

     A travers le royaume, les querelles reprirent. Selon les régions, l’un ou l’autre parti imposait sa loi (les victimes étant plus nombreuses du côté protestant, qui constituait une minorité) : émeutes, pillages, massacres se succédèrent. Le 1er janvier 1564, deux serviteurs de la reine mère, le mestre de camp Charry et son adjoint La Tourette, furent assassinés à Paris par un séide de Coligny. Malgré tout, Catherine tenait à ce que les protestants comme les catholiques fussent représentés au Conseil (Coligny y avait repris sa place), mais, dans les cœurs, les passions continuaient à bouillonner.

     Finalement, la paix imposée par la reine-mère reste précaire. Le parlement de Paris renâcle à enregistrer le nouvel édit de paix qu’il juge trop tolérant.

     Profitant de la paix, Le Havre est repris aux Anglais par les catholiques et les protestants réconciliés.
Catherine de Médicis entame en 1564 un tour de France royal, afin de montrer le jeune Charles IX à son peuple. Partout, il est accueilli triomphalement, et les manifestations de loyauté, aussi bien des catholiques que des protestants, sont générales.

 

 

Seconde guerre (1567-1568)

Après avoir connu la paix pendant quatre ans, le royaume de France est de nouveau la proie des armes. La reprise des hostilités en 1567 s’explique par trois raisons :

  • l’échec de l’édit d’Amboise qui ne laisse la liberté de culte qu’aux nobles,
  • le contexte international orageux,
  • la rivalité de cour entre le prince de Condé et le jeune frère du roi, Henri duc d’Anjou. L’ambitieux Condé prend ombrage de l’ascension politique du jeune prince à peine âgé de seize ans et quitte la cour pour manifester sa contrariété.

La “surprise de Meaux”

     Sentant monter les périls, Condé décida de monter une action préventive malgré les réserves de Coligny. Prenant prétexte que le roi de France était menacé par les Italiens qui envisageaient de le capturer, il fit investir, le 28 septembre 1567 le château de Montceaux-en-Brie, près de Meaux, pour s’emparer de la personne du roi. Celui-ci et sa mère ne parvinrent à échapper aux protestants que d’extrême justesse et purent s’enfuir à Meaux puis gagner Paris.
     Cette opération que l’histoire a retenue sous le nom de « surprise de Meaux » fut le prétexte au déclenchement de nouvelles violences. L’échec du complot faisant craindre aux protestants des représailles, ils s’emparent du pouvoir dans les villes où ils sont puissants.

Catherine de Médicis abandonne sa politique de tolérance. Michel de l’Hospital est renvoyé.

     Les villes protestantes du Midi se soulèvent à nouveau et les deux armées s’affrontent  à nouveau.
Le lendemain, jour de la Saint-Michel, des prêtres catholiques furent massacrés et des atrocités furent commises lors de la « Michelade [1]) » de Nîmes.

La bataille de Saint-Denis, l’apogée de cette guerre en novembre 1567, est restée indécise : si le prince de Condé a été repoussé, le connétable de Montmorency a été tué. Dès lors, les deux armées se cherchent sans pour autant souhaiter s’affronter : les protestants tentent la jonction avec les reîtres allemands du prince palatin Jean Casimir, l’armée royale attend les troupes allemandes du duc de Saxe et les troupes italiennes du Piémont.
Le manque de finances de part et d’autre oblige les deux camps à la paix.
     Négocié par Odet de Coligny et François de Montmorency, le traité de Longjumeau [2] conclut la deuxième guerre de religion française. Les conditions de l’édit d’Amboise sont renouvelées (culte autorisé dans une ville par bailliage, interdiction de culte à Paris, dans les villes intra-muros). Les armées sont licenciées, celle des protestants partant en premier.
     Cependant la paix de Longjumeau est fragile car le pouvoir royal ne fait plus confiance au prince de Condé, et l’idée d’une coordination internationale des catholiques pour la répression du protestantisme s’accrédite de plus en plus.
     La paix de Longjumeau permet surtout aux belligérants d’organiser leurs armées.

 

Troisième guerre (1568-1570)

 

     Quelques mois après la signature de la paix, la guerre reprend.
     Les catholiques tentent de capturer par surprise le prince de Condé, au château de Noyers, près de Sens en Bourgogne, et l’amiral de Coligny, au château de Tanlay, dans l’Yonne également, le 29 juillet 1568.
Le projet échoue et les chefs protestants se rassemblent avec leurs armées à La Rochelle où Coligny et Condé ont trouvé refuge ainsi que Jeanne d’Albret, son fils Henri de Navarre et Andelot. Les protestants craignent d’être exterminés.

 

 

     Le 12 septembre 1568, une bulle de Pie V ordonnant la croisade contre les hérétiques est enregistrée au Parlement de Toulouse. Elle ne fait que confirmer les craintes des protestants.
L’ensemble de la campagne se déroule dans l’Ouest de la France, au Sud de la Loire. L’objectif de l’armée royale est de s’emparer des villes protestantes situées entre la Charente et la Dordogne.

 

    Le duc d’Anjou remporte le 13 mars 1569 à Jarnac une victoire, où le prince Louis de Condé trouve la mort.

Coligny qui lui succède à la tête des calvinistes, nomme Henri de Navarre qui a alors 17 ans et Henri de Condé chefs de l’armée huguenote, mais demeure en réalité le seul chef véritable.

     Côté catholique, Anjou ne parvient pas à exploiter sa victoire, faute d’artillerie suffisante et ne réussit pas à prendre Cognac. Il n’a pas non plus de troupes suffisantes pour fournir en garnison les villes prises aux protestants.

     L’amiral de Coligny est battu le 3 octobre par le duc d’Anjou à la bataille de Moncontour, au nord-ouest de Poitiers. Six à dix mille protestants sont tués ou faits prisonniers, et les catholiques achèvent les prisonniers, en représailles de la bataille de La Roche-L’Abeille. C’est une très lourde défaite des protestants.
Les opérations militaires tournent à l’avantage de l’armée royale qui reprend une à une les villes protestantes du Poitou. Les négociations reprennent et aboutissent à une trêve des armes par la capitulation de Saint-Jean-d’Angély, le 3 décembre 1569.

Pendant les négociations, Coligny qui a réuni les lambeaux de l’armée, continue sa retraite par le Midi. Il passe en Languedoc et remonte ensuite le long de la vallée du Rhône. À la grande surprise des catholiques, il remporte sur Cossé la bataille d’Arnay-le-Duc le 27 juin 1570. Il s’établit ensuite à la Charité-sur-Loire, bloquant la route du Midi aux catholiques.

Cet évènement précipite la signature d’une nouvelle trêve, l’édit de Saint-Germain, le 8 août 1570.

Edit de Saint-Germain [1]

 

    Il accorde aux protestants une liberté limitée de pratiquer leur culte dans les lieux où ils le pratiquaient auparavant ainsi que dans les faubourgs de 24 villes (2 par gouvernement).

Ce traité garantit quatre places de sûreté aux protestants : La Rochelle, Cognac, Montauban et La Charité.

 

[1] http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification/edit_05

 

Quatrième guerre de Religion (1572-1573)

 

La paix de Saint-Germain-en-Laye est précaire car les catholiques les plus intransigeants ne l’acceptent pas.

    Le retour des protestants à la cour de France les choque, mais la reine-mère Catherine de Médicis et son fils le roi Charles IX sont décidés à ne pas laisser la guerre reprendre. Conscients des difficultés financières du royaume, ils défendent la paix et laissent Gaspard de Coligny, le chef des protestants, revenir dans le conseil royal.

Pour concrétiser la paix entre les deux partis religieux, Catherine de Médicis projette de marier sa fille Marguerite de Valois avec le prince protestant Henri de Navarre, futur Henri IV. Le mariage princier initialement prévu pour le mois de mai 1572, est repoussé au 18 août 1572, suite au décès de Jeanne d’Albret, mère d’Henri de Navarre. Il n’est accepté ni par les catholiques intransigeants, ni par le pape qui demande la conversion du fiancé, et refusant d’envoyer la dispense de consanguinité.

Les massacres de la Saint-Barthélémy

     Le 22 août 1572, un attentat à l’arquebuse, commandité – voire commis en personne – par un personnage relativement peu important, proche du milieu guisard et pro-espagnol, -Le nom de Charles de Louviers, seigneur de Maurevert, est le plus fréquemment avancé à l’époque- est perpétré contre Gaspard de Coligny à sa sortie du Louvre, alors qu’il se dirige vers son hôtel, rue Béthizy. Les protestants venus en grand nombre à Paris pour le mariage réclament vengeance.

 

     Le soir même du 23 août 1572, le roi aurait tenu une réunion avec ses conseillers (le « conseil étroit ») pour décider de la conduite à suivre. Se retrouvaient auprès de la reine-mère, le duc d’Anjou, le garde des Sceaux René de Birague, le maréchal de Tavannes, le baron de Retz, et le duc de Nevers.
     C’est très probablement ce conseil qui décida de procéder à une « justice extraordinaire » (bien qu’il n’existât aucun document permettant d’affirmer avec certitude que cette décision eût été prise lors de cette réunion). Il s’agissait de mettre hors d’état de nuire les capitaines de guerre protestants.
Le conseil épargna les jeunes princes du sang, le roi de Navarre et le prince de Condé.
C’est ainsi que commence le massacre de la Saint-Barthélemy, à Paris, dans la nuit du 23 au 24 août 1572.
Il y aura en fait deux épisodes de la st Barthélémy

 

La première Saint-Barthélemy

     Peu de temps après cette décision, les autorités municipales de Paris furent convoquées. Il leur fut ordonné de fermer les portes de la ville et d’armer les bourgeois afin de prévenir toute tentative de soulèvement. Le commandement des opérations militaires fut confié au duc de Guise et à son oncle le duc d’Aumale. Ils ont l’appui des princes connus pour leur intransigeance au sein du cercle royal ; le duc de Nevers, le duc de Montpensier et le bâtard d’Angoulême.

     Le « commando » du duc de Guise fut mené rue de Béthizy, au logis de l’amiral de Coligny, qui fut tiré de son lit, achevé et défenestré.
Les nobles protestants logés au Louvre furent évacués du palais puis massacrés dans les rues avoisinantes.

 

     Les troupes de Guise s’attaquèrent ensuite aux chefs protestants logés dans le faubourg Saint-Germain (qui était à cette époque encore en dehors de la ville). Le contretemps apporté par la fermeture des portes de la ville et la disparition de ses clefs permit aux protestants d’organiser une riposte et de s’enfuir.
Ces assassinats constituent le « deuxième acte » du massacre.

 

La seconde Saint-Barthélemy

     Le « troisième acte » débute au cours de la nuit : les assassinats de chefs protestants se transforment en massacre généralisé de tous les protestants, sans considération d’âge, de sexe ou de rang social. Alertés par le bruit et l’agitation de l’opération militaire, les Parisiens les plus exaltés se laissent emporter par la peur et la violence. Ils attribuent à tort le trouble nocturne aux protestants et se mettent à les poursuivre, pensant agir pour la défense de leur ville. Ce serait pour cette raison que le tocsin aurait sonné à la cloche de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, proche du Louvre, tocsin rapidement repris par d’autres clochers de la ville.

     La tuerie dure plusieurs jours, malgré les tentatives du roi pour la faire arrêter. Enfermés dans une ville quadrillée par la milice bourgeoise, les protestants sont massacrés.

     Dès le matin du 24 août 1572, le roi ordonne en vain l’arrêt du massacre. Il prend différentes mesures pour rétablir l’ordre et tenter vainement de protéger la vie des gens menacés. Le roi envoie notamment le duc de Guise et le duc de Nevers protéger les protestants bénéficiant d’un statut ou d’un rang particulier.

 

Les Saint-Barthélemy des provinces

     Averties par des témoins, des courriers de commerçants, encouragées par des agitateurs comme Jean de Chambes, comte de Montsoreau dans le val de Loire, les villes de province déclenchèrent leurs propres massacres. Le 25 août, la tuerie atteint Orléans (où elle aurait fait un millier de victimes) et Meaux ; le 26, La Charité-sur-Loire ; les 28 et 29, à Saumur puis Angers ; le 31 août, à Lyon, où le musicien Claude Goudimel figure parmi les victimes ; le 11 septembre, à Bourges ; le 3 octobre, à Bordeaux ; le 4 octobre à Troyes, Rouen, Toulouse ; le 5 octobre, à Albi, Gaillac. Bourges, Romans, Valence, et Orange furent aussi touchées. On manque de sources pour reconstituer la violence dans d’autres villes.

     La réaction des autorités est variable : parfois elles encouragent les massacres, comme à Meaux, où c’est le procureur du roi qui en donne le signal, ou encore à Bordeaux (le gouverneur Montferrand y participe), Toulouse (le vicomte de Joyeuse, gouverneur, y est très favorable)
Assez souvent, les autorités tentent de protéger les huguenots, en les mettant en prison (au Mans, à Tours). Cela ne marche pas toujours, les prisons sont forcées et les protestants y sont massacrés (comme à Lyon, Rouen, Albi). Plusieurs gouverneurs militaires essaient d’empêcher les massacres, comme Gordes en Dauphiné. Charles IX avait fait partir des messagers avec l’ordre verbal de tuer les protestants, avant d’interdire ces exécutions le 28 août.

Au total, le nombre de morts est estimé à 3 000 à Paris, et de 5 000 à 10 000 dans toute la France, voire 30 000.

 

Les versions des faits donnée par Charles IX

     Les réactions en Europe sont le fruit de la version des faits donnée par Charles IX.

     Dès le 24 août, le roi expédie en province et à l’étranger des déclarations présentant « la grande et lamentable sédition » comme une vendetta entre les deux familles Guise et Châtillon.

     Le 25, de nouveaux messagers partent avec une nouvelle explication : un complot protestant dirigé contre lui. Cette thèse est reprise le 26 devant le parlement de Paris où au cours d’un lit de justice, le roi déclare que « « c’est pour prévenir l’exécution d’une malheureuse et détestable conspiration faite par ledit amiral [Coligny], chef et auteur d’icelle et sesdits adhérents et complices en la personne dudit seigneur roi et contre son État, la reine sa mère, MM. ses frères, le roi de Navarre, princes et seigneurs étant près d’eux. »

     Cette déclaration confirmée le 27 devient la version officielle des événements, celle qui se propage en Europe.

 

Conséquences religieuses et politiques

     Charles IX et Catherine de Médicis entendent laisser la liberté de conscience aux protestants et leur rendre justice pour les pillages dont ils ont été victimes, mais sous la pression des catholiques intransigeants et dans l’espoir de rétablir rapidement l’unité de la foi, ils font interdire l’exercice de leur culte. L’édit de Saint-Germain est rendu caduc.

     Dans les mois qui suivirent le massacre, différentes mesures discriminatoires sont prises à l’encontre des protestants. L’accès à un emploi public leur est désormais interdit.

     Par ailleurs, le roi encourage vivement les conversions. Le roi et sa mère cherchent à obtenir celles de leurs proches et avec leur appui le cardinal de Bourbon obtient celles de ses neveux et nièces, princes et princesses de sang. Le roi Henri III de Navarre, beau-frère du roi, abjure ainsi le protestantisme le 26 septembre. Le prince et la princesse de Condé sont remariés selon le rite catholique le 4 décembre à Saint-Germain-des-Prés.

Dans les provinces:

     Durant le mois de novembre, les gouverneurs reçoivent également l’ordre de rassembler les gentilshommes protestants et de les persuader de se convertir. Le duc de Guise parvient ainsi à faire disparaître le protestantisme dans son gouvernement de Champagne.
     Mais le plus souvent, ce sont des conversions forcées qui ont lieu dans le royaume. À Rouen, 3 000 protestants abjurent. Sous la pression et les menaces, les communautés protestantes s’essoufflent et se dissolvent dans les lieux où elles sont minoritaires.
En revanche, les communautés de la France méridionale, beaucoup plus importantes, parviennent à résister.

     Jusqu’à la fin de l’année 1572, les exactions entraînèrent une forte émigration. Beaucoup de réfugiés allèrent à Genève, qui prit le surnom de « cité du refuge » : au lendemain des évènements, la ville accueillait dix à vingt réfugiés par jour.

     À l’issue du massacre, Charles IX décide également de sacrifier les chefs protestants partis à la rescousse des calvinistes qui s’étaient emparés de Mons, aux Pays-Bas espagnols, sous la conduite de Louis de Nassau.  Après la capitulation de la ville, le 19 septembre, les Français (600 à 800 hommes) obtiennent du duc d’Albe, gouverneur des Pays-Bas, la concession de rentrer en France, mais ils sont éliminés une fois passée la frontière.

     Le parti huguenot est désormais privé de ses chefs militaires, hormis quelques-uns protégés par le roi qui espère maintenant rétablir son autorité sur tout le royaume.

     En novembre 1572, commence le siège de La Rochelle : il va représenter, pour le pouvoir royal, l’impossibilité de vaincre militairement les huguenots. La Saint-Barthélemy a été présentée comme un acte politique dénaturé par les excès de la population. Henri d’Anjou, frère du roi et commandant en chef de l’armée royale, ne peut plus décemment s’acharner sur les protestants et le siège de La Rochelle est levé début juillet 1573.
L’échec du siège de la Rochelle par l’armée royale et le manque de moyens du Trésor mettent un terme rapide aux opérations.

 

Edit de Boulogne[1] appelé aussi Paix de la Rochelle

     Par l’édit de Boulogne[1] appelé aussi Paix de la Rochelle (11 juillet 1573) Charles IX remet en vigueur les clauses d’Amboise et enlève aux protestants Cognac et La Rochelle.

     Mais les protestants du Sud de la France le rejettent et restent en armes. Le massacre de la Saint-Barthélemy a creusé un fossé entre le pouvoir royal et les protestants. Le parti protestant qui n’a plus foi dans le roi s’organise encore plus fortement que par le passé.

     Le pouvoir monarchique absolu commence à être remis en cause par la constitution de l’Union des protestants du Midi, véritable gouvernement parallèle, qui lève des impôts (sur les catholiques et les protestants), possède ses états (élus par les fidèles), établit un programme de négociation avec le roi et possède sa propre organisation militaire.
     Il y a donc en France une sorte de république protestante avec comme capitales Nîmes et Montauban et un grand port, celui de La Rochelle. En 1574, les protestants se choisissent un gouverneur général et protecteur des Églises réformées en la personne du prince de Condé.

     L’échec de ces pourparlers va déboucher sur la cinquième guerre de Religion.

 

[1] http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification/edit_06

 

Cinquième guerre de Religion (1574-1576)

 

Cette guerre s’ouvre par le complot des Malcontents au printemps 1574. Depuis le renforcement du pouvoir royal et la faveur accordée par le roi aux radicaux du parti catholique, un mouvement de fronde naît au sein même de la cour et de la famille royale.

     L’opposition est menée par François d’Alençon, le propre frère du roi contre le gouvernement de Catherine de Médicis et les partisans de Henri d’Anjou alors roi de Pologne. Il a le soutien du clan des Montmorency, des monarchomaques[1] et de tous les déçus de la monarchie.
La conjuration des Malcontents s’accompagne d’une prise d’armes des protestants. Ils s’emparent de places en se déguisant de costumes carnavalesques. C’est la surprise du Mardi-gras.
Réfugié en Angleterre depuis la Saint-Barthélemy, le comte de Montgomery, chef huguenot échappé du massacre, lance une offensive sur la Normandie.

Gravement malade, Charles IX croit pouvoir maîtriser la situation en réprimant la fronde sévèrement. Le 30 avril, les conjurés La Mole et Conconat sont exécutés. Le 4 mai, le duc de Montmorency et le maréchal de Cossé sont embastillés. Devant la fermeté du roi, les Malcontents Condé, Thoré et Turenne prennent le parti de fuir en dehors de Paris ou à l’étranger et le gouverneur du Languedoc, Damville de s’allier avec les protestants.

     Le 30 mai 1574, Charles IX meurt sans héritier. Son frère, le roi de Pologne devient roi de France sous le nom d’Henri III.

En attendant son retour, sa mère Catherine de Médicis assure la régence. Elle poursuit la lutte et tente de reprendre la situation en main. Le 26 juin 1574, Montgomery qui a été fait prisonnier par le gouverneur de Normandie Matignon, est exécuté.

En rentrant de Pologne, Henri III tente en vain de reconquérir les provinces du Sud.

 

     Après l’avènement d’Henri III, en 1574, la lutte devient politique : son frère François, dit « Hercule », le nouveau duc d’Anjou, ancien duc d’Alençon, un brouillon sans envergure, se met à la tête des protestants et reprend la lutte.

Revenu à sa foi originelle, le prince de Condé fait entrer dans le royaume les reîtres qu’il a recrutés dans le Palatinat. Malgré la victoire du duc de Guise, qui dirige les troupes royales le 10 octobre 1575, à Dormans, la situation reste largement favorable aux révoltés. En décembre 1575, Jean Casimir, fils du comte palatin (Luthérien), pénètre avec 25 000 hommes dans l’Est du royaume qu’il dévaste.

En 1576, la fuite du roi de Navarre assigné à la cour depuis quatre ans, l’encerclement de Paris par les troupes coalisées et leur supériorité numérique contraignent Henri III à s’incliner.

La paix d’Etigny

 

     La paix est signée à Étigny.  (La cinquième, l’édit de Beaulieu dit aussi « paix de Monsieur » (6 mai 1576)) Elle renforce la puissance des protestants.[2] Le roi s’engage à convoquer les États généraux. Le frère du roi reçoit le duché d’Anjou en apanage et le prince allemand Jean Casimir repart avec une indemnité colossale.

La paix de Monsieur, comme on peut s’y attendre, exaspère les catholiques. Ceux-ci se regroupent dans une Ligue destinée à unifier les différents mouvements locaux pour mieux organiser la résistance.

 

[1] Les monarchomaques sont ceux qui contestent l’autorité royale. Ils lui opposent l’autorité du peuple qui, réuni en assemblée, est capable de faire la loi et de choisir le roi par élection. Ils pensent même que la révolte est légitime si le roi ne gouverne pas pour le bien de tous et ne respecte pas les libertés et franchises du peuple. Ces théories qui ont d’abord circulé en Allemagne et en Angleterre sont propagées en France par les protestants François Hotman (Franco-Gallia), Théodore de Bèze (Du droit des magistrats sur leurs sujets), Languet et La Boétie
[2] Le 6 mai 1576, le roi accorde l’édit de Beaulieu qui répond favorablement aux revendications des malcontents. Il accorde aux protestants la liberté de culte et des places de sûreté (garanties militaires). Il crée dans les parlements des chambres mi-parties où les protestants et les catholiques sont représentés à parts égales. Le roi indemnise également toutes les victimes de la Saint-Barthélemy. Les dispositions nouvelles de cet édit sont à la base de l’édit de Nantes de 1598 (http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification/edit_07)

 

La sixième guerre (1576-1577)

Les catholiques trouvent que les dispositions de la paix de Beaulieu sont excessives. Ils constituent des ligues locales unies entre elles par un serment et se préparent à la guerre.

Le roi apparaît de plus en plus isolé, entre les catholiques, les protestants et le groupe des « Politiques » qui s’est constitué autour de la pensée de Jean Bodin et qui soutient une théorie de la souveraineté qui fonde en droit l’autonomie de l’État par rapport au problème confessionnel, et rend légitime la liberté de conscience et de culte.

La réunion des États généraux à Blois n’apporte aucune amélioration à la situation et la guerre recommence en mai 1577.

Les Politiques, soucieux de l’unité du royaume, rejoignent l’armée royale. Leur chef, François d’Alençon, dirige les opérations.

Encore une fois, aucun parti n’est en mesure de l’emporter. La paix de Bergerac, concrétisée avec l’édit de Poitiers, met un terme provisoire au conflit. Elle restreint les avantages accordés l’année précédente aux protestants. Le culte est limité à une seule ville par bailliage et seulement dans les faubourgs.

 

 

Septième guerre de Religion (1579-1580)

     Bien qu’une septième guerre, menée par le jeune roi Henri de Navarre, ensanglante encore le sud-ouest du pays de 1579 à 1580, après 1577, les conflits politiques prennent le pas sur les dissensions religieuses (premiers états généraux de Blois en 1576-1577). Ce qui est alors en cause, c’est le sort de la monarchie, minée par les ambitions des Guises, qui mettent à profit les antagonismes religieux pour accroître leur puissance.

Catherine de Médicis entreprend un nouveau voyage dans tout le royaume. Elle rencontre les différents partis, les gouverneurs des provinces, les Grands. Son objectif est d’établir une paix définitive. Le , elle signe au nom du roi le traité de Nérac [1], qui donne aux protestants quinze places de sûreté pour six mois. Six mois plus tard, les protestants refusent de rendre les places. Henri de Navarre prend Cahors. La paix du Fleix [2] (près de Bergerac) accorde le maintien de quinze places de sûreté pour six ans aux protestants.

Durant les guerres, l’autorité royale n’a cessé de se réduire face aux gouverneurs des provinces :

  • Côté protestant, Henri, roi de Navarre, seigneur en Rouergue et en Quercy est en plus gouverneur de Guyenne. Condé est gouverneur de Picardie.
  • Côté catholique, le parti des Guise contrôle les gouvernements de la Bretagne, de la Bourgogne, de la Champagne, la Normandie. Dans certaines régions, les deux partis se partagent le pouvoir comme en Provence

 

Huitième guerre de Religion (1585-1598)

 

 

Henri III

      Le 10 juin 1584, le duc d’Anjou, François d’Alençon, frère cadet du roi et héritier présomptif du trône meurt sans descendance.   Henri III n’a pas lui-même d’enfant et il est douteux qu’il en ait un jour. La maison de Valois est menacée de disparaître. Depuis l’extinction des Capétiens directs, la règle de succession en vigueur en France est celle de la primogéniture mâle qui exclut les filles et leurs descendants de toute prétention au trône.

     Le successeur légitime devient le chef du parti protestant Henri de Navarre.

 

La ligue

 

 

       Le parti catholique ne veut en aucun cas d’un souverain protestant qui risquerait d’imposer sa religion à tout le royaume.
Le 31 décembre 1584, les Guise signent alors avec les Espagnols le traité de Joinville : il est convenu que le successeur d’Henri III serait le cardinal Charles de Bourbon, oncle du futur Henri IV. Philippe II s’engage à verser 50 000 écus par mois pour payer les soldats de la Ligue.
Au printemps 1585, la Ligue revigorée prend le contrôle de nombreuses villes.
     Tentant de contrôler la Ligue, Henri III s’en déclare le chef le 7 juillet 1585.
     Pour donner des gages à la Ligue, il publie l’édit de Nemours le 18 juillet 1585 qui interdit le culte protestant et déchoit Henri de Navarre et Condé de leurs droits.
     Il va provoquer l’exil de nombreux protestants -entre autres normands « Le cas rouennais est sans doute le plus éloquent puisque, selon Philip Benedict, « la plupart des membres de la désormais modeste église réformée choisissent de partir en Angleterre ou en Zélande »[1]

     Il reçoit l’appui du pape Sixte V qui lui rappelle que le roi de Navarre est hérétique et relaps.

     Et la guerre recommence. Henri de Navarre inflige des pertes sévères aux ligueurs mais Guise bat les reîtres protestants allemands durant la bataille de Vimory le 26 octobre 1587, puis à la Bataille d’Auneau le 24 novembre 1587.

     Grisé par sa victoire, Guise commet une erreur majeure : il se fait acclamer par le peuple de Paris et humilie le roi, qui doit abandonner la capitale aux ligueurs après la journée des barricades du 12 mai 1588 [2].

La ville se déclare alors en faveur de la Ligue et se dote d’institutions nouvelles.

     Le roi profite de la réunion des États généraux à Blois pour faire assassiner les chefs de la Ligue, le duc de Guise et son frère le cardinal Louis de Lorraine en décembre 1588.

Après ces deux meurtres, Henri III s’écrie : « À présent, je suis roi ! ».

 

     A la nouvelle de l’assassinat de ses chefs, la Ligue rompt tout contact avec le roi déclaré tyran et traître à la cause catholique et prend le contrôle de Paris.
Les docteurs de la faculté de théologie de Paris déclarent les sujets français déliés de leur serment de fidélité.
Henri III n’a plus d’autre solution pour sauver son trône que de s’allier aux protestants.
Il se réconcilie avec le roi de Navarre et ils unissent leurs forces pour assiéger Paris.

 

     Henri III est assassiné à Saint-Cloud le 1er août 1589 par le dominicain Jacques Clément [3], faisant ainsi de fait Henri de Navarre, chef des protestants, le nouveau roi de France.

Les politiques catholiques comme protestants reconnaissent la légitimité du nouveau roi.

De plus, dès le 4 août, Henri IV, influencé en ce sens par Michel de Montaigne, proclame son intention de se faire instruire dans la religion catholique.

 

Salle des états généraux de Blois

 

Henri de Navarre, à la conquête du pouvoir

     La Ligue, qui tient toute la France du Nord et peut compter sur le soutien de Philippe II d’Espagne, refuse de reconnaître un roi protestant. Dès le mois d’août 1589, les ligueurs parisiens proclament le cardinal de Bourbon comme nouveau roi de France. Mais celui-ci meurt en mai 1590, laissant un vide politique parmi les ligueurs.
En 1589 et 1590, Henri de Navarre multiplie les opérations près de Paris et en Normandie.
En 1593, les États généraux de la Ligue se réunissent à Paris. Ils demandent un souverain catholique.

 

Abjuration et sacre de Henri IV

 

 

     Henri IV comprend de son côté qu’il ne sera jamais accepté s’il reste protestant. Des conférences de négociation ont lieu à ce sujet à Suresnes entre fin avril et fin mai 1593. Il annonce sa conversion au catholicisme et il abjure solennellement le protestantisme, le 25 juillet 1593 en la basilique Saint-Denis.
Il est rejoint par des nobles et des troupes catholiques.

     Après de nouveaux succès militaires, il est sacré roi le 27 février 1594 en la cathédrale Notre-Dame de Chartres, car Reims, la ville traditionnelle des sacres, est encore occupée par la Ligue. Il entre dans Paris que les espagnols évacuent le 22 mars 1594 et accorde un large pardon aux ligueurs repentis.

     L’absolution que lui accorde le pape Clément VIII le 17 septembre 1595, lui assure le ralliement progressif de toute la noblesse et du reste de la population.

 

La guerre contre l’Espagne

     La guerre contre l’Espagne commença officiellement en janvier 1595. Battus à Fontaine-Française (juin 1595), les Espagnols durent évacuer la Bourgogne et furent poursuivis jusqu’en Franche-Comté.
Mayenne se soumit en octobre, Joyeuse et Épernon suivirent.
En Bretagne, Mercœur continua une guerre de partisans jusqu’en 1598.

     Les opérations contre les Espagnols ne furent guère favorables aux Français en 1596 et 1597. Le traité de paix fut signé par les deux monarchies épuisées en mai 1598 : ce traité de Vervins revenait aux clauses du traité de Cateau-Cambrésis.

 

[1] FOA, Jérémie. Dans les petits papiers du pouvoir. Abjurations huguenotes du temps de l’édit de Nemours (1585) In : Pouvoir politique et conversion religieuse. 1. Normes et mots [en ligne]. Rome : Publications de l’École française de Rome, 2017 (généré le 03 mai 2020). Disponible sur le Web : https://books.openedition.org/efr/3476 . ISBN : 9782728313037. DOI : https://doi.org/10.4000/books.efr.3476.
[3] BORELLO Céline. Reforme.net. 1er août 1589 : le moine Jacques Clément assassine le roi Henri III. Publié le 31 juillet 2019. Disponible sur le web : https://www.reforme.net/religion/histoire/2019/07/31/1er-aout-1589-le-moine-jacques-clement-assassine-le-roi-henri-iii/

 

Fin de guerres de religions en France 1598-1680

Henri IV et l’Edit de Nantes : Un édit de tolérance pour une paix armée

     Henri IV se déplace à Angers pour préparer un nouvel édit de pacification et soumettre, à Nantes, le duc de Mercœur. Il “règle” a Nantes, le problème protestant par l’adoption d’un édit de tolérance [1].

     Les réformés obtiennent la liberté de conscience, une liberté de culte limitée et l’égalité civile avec les catholiques. Ils doivent payer la dîme, mais le roi finance la formation des pasteurs et les synodes. Ce financement est toutefois irrégulier et s’arrête avec la mort du roi en 1610.

Des garanties judiciaires leur sont assurées

    •  Par la constitution de « tribunaux mi-parties » dans quatre villes.
    • 144 « places de sûreté » pour huit ans, privilège renouvelé puis supprimé en 1629 par la paix d’Alès, clôturant le soulèvement du Midi protestant qui verra la destruction de 38 places fortes.

     Le nombre de protestants a fortement diminué. À la fin des guerres de Religion, ils ne sont plus qu’un million en France.

     L’édit de Nantes instaure en France, pour 87 ans, un État catholique dans lequel le protestantisme est toléré, mais reste défavorisé. En effet, l’édit proclame le rétablissement de la religion romaine partout où elle avait cessé de s’exercer et le retour des églises et biens ecclésiastiques à leurs premiers possesseurs, alors que le culte protestant ne peut s’exercer librement partout.
     La recatholicisation du royaume devient alors possible. C’est ainsi qu’à partir du début du XVIIe siècle Henri IV poursuit une politique favorisant clairement la réforme catholique, comme le montre son soutien aux jésuites.

 

Louis XIII

     Louis XIII doit faire face à de nouvelles rébellions protestantes. Elles s’expliquent facilement par le réflexe de peur d’une minorité craignant la réalisation d’un grand « dessein royal » à ses dépens. Ces révoltes touchent seulement l’Ouest et le Midi.

    • En 1615, l’assemblée de Nîmes décide de soutenir les nobles qui s’opposent au mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche.
    • En 1620, le roi se rend dans le Béarn, province majoritairement acquise à la Réforme, avec une armée. Il y rétablit le culte catholique selon les termes de l’édit de Nantes. La conséquence en est le soulèvement des protestants en mai 1621 par la première des rébellions huguenotes.
    • Le conflit est marqué par deux campagnes de Louis XIII dans le Midi, en 1621 et 1622. Les protestants perdent 80 places fortes : Montpellier, Millau, Nîmes, Castres et Uzès perdent la moitié de leurs fortifications.
    • En 1625, Benjamin de Rohan, prend l’initiative d’un nouveau soulèvement, que le Languedoc suit sans enthousiasme. Il se termine par le traité de Paris signé en février 1626 qui reconduit la paix précédente.
    • Charles Ier d’Angleterre pousse ensuite les huguenots à leur dernière grande révolte (1627-1629). Les troupes royales assiègent La Rochelle d’août 1627 à octobre 1628).
    • Le souverain lui-même se rend en Languedoc où il prend Privas en mai 1629.
     L’édit de grâce d’Alès de juin 1629 pardonne la révolte, laisse aux protestants les libertés religieuses prévues par l’édit de Nantes, mais ordonne la destruction de toutes les fortifications adverses.
Les assemblées politiques huguenotes sont désormais interdites.

 

     Dès lors, l’édit de Nantes est interprété de manière plus restrictive : tout ce qu’il n’autorise pas est interdit. En 1680, ne subsiste que la moitié des temples de 1598, moins du tiers en 1683, le quart fin 1684.

 

De la négation au droit

 

Louis XIV

À partir de 1678, particulièrement hostile au protestantisme, Louis XIV met en place (ou laisse s’installer, malgré quelques rappels à l’ordre de serviteurs trop zélés) une politique de conversion puis de vexation, voire de persécution[1].

     En 1681, Marillac, intendant du Poitou envoie les dragonnades forcer les familles protestantes à se convertir. La méthode, avec 30 000 conversions forcées, arracha en avril 1681, à Madame de Maintenon, célèbre petite-fille du calviniste Théodore Agrippa d’Aubigné, ce cri d’enthousiasme : « Si Dieu conserve le Roi, il n’y aura pas un huguenot dans vingt ans ! ».

     Cette politique de « conversion » forcée ne se cantonne pas au sud de la France. Normandie, Brie et Champagne subissent les persécutions ainsi que l’Est jusqu’en 1687

L’édit de Fontainebleau

     En 1685, la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV supprime définitivement laliberté de culte. La survie des protestants est dès lors en cause s’ils ne se convertissent pas au catholicisme. Cela les conduit à fuir vers les pays protestants d’Europe, même si l’édit interdit sévèrement et punit toute aide à l’émigration des huguenots.

     L’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, à l’article « Réfugié », affirme : « Louis XIV, en persécutant les protestants, a privé son royaume de près d’un million d’hommes industrieux[2] ». Des estimations plus prudentes évoquent le chiffre de 200 000 personnes après la révocation mais la persécution avait commencé dès Louis XIII avec la prise de la Rochelle puis de Privas avec des pertes importantes en vies humaines. Dans son Mémoire pour le rappel des Huguenots, édité en 1689, l’ingénieur Vauban détaille l’ensemble des dégâts qu’a causé sur l’économie française le départ des artisans, marins et soldats protestants.

     Les nombreux entrepreneurs huguenots qui ont dû prendre la fuite ont perdu leurs biens mais emporté avec eux le plus précieux, leur savoir-faire, car la plupart d’entre eux étaient à l’origine des artisans, qui ont ensuite pris des risques pour se reconstituer un patrimoine. Beaucoup avaient développé des connaissances en agronomie et en irrigation ou dans le domaine du textile et de la construction navale. Fuir était puni par la pendaison ou les galères, pour les hommes, la prison à vie pour les femmes. Les paysans étaient nombreux à fuir, car leur abjuration était jugée suspecte et n’empêchait pas les persécutions.

Ceux qui restèrent en France furent persécutés jusqu’au milieu du XVIIIe siècle par les dragons, avec une interruption notoire sous la Régence de Philippe d’Orléans (1715-1723).

 

Louis XVI

Il faut attendre les critiques des Lumières pour voir enfin l’instauration d’une véritable tolérance religieuse. Le roi Louis XVI par l’édit de Versailles (7 novembre 1787 et enregistré au parlement le 29 janvier 1788) accorde un état-civil aux protestants. Il n’accorde cependant aucun droit quant au culte: il précise que « la religion catholique […] jouira seule, dans notre royaume, des droits et des honneurs du culte public ». L’édit de Versailles donne aux non-catholiques de France un statut juridique et civil, incluant le droit de contracter un mariage civil sans avoir à se convertir à la religion catholique qui demeure la religion officielle du royaume de France. Les principaux concernés sont les protestants mais aussi les juifs

 

La révolution de 1789

C’est seulement avec la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 que les protestants sont pleinement réintégrés dans leurs droits civiques au sein du royaume de France. (Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.)

À la fin du XVIIIe siècle, on compte entre 500 000 et 650 000 réformés dans le royaume, guidés par quelque 150 pasteurs

 

[1] Voir l’excellent article du Musée Protestant : https://museeprotestant.org/notice/les-dragonnades-1681-1685/

XV Divagations religieuses de l’Angleterre au 16° et 17° siècle

 

 

1509-1547_Le roi Henri VIII Tudor se sépare de l’Eglise de Rome

     Le roi Henri VIII sépare l’Église d’Angleterre de la tutelle de Rome en 1534. Cette rupture eut un effet qu’il n’avait pas prévu : elle a ouvert une brèche aux chrétiens anglais qui voulaient réformer l’Église dans le sens des idées de Martin Luther.

 

 

1547-1553_Edouard VI Tudor

     C’est pendant le règne d’Édouard que le calvinisme est établi pour la première fois en Angleterre avec des réformes qui comprennent l’abolition du célibat des prêtres et de la messe, la disparition des statues et vitraux des églises et l’imposition de l’anglais lors des offices. L’architecte de ces réformes est Thomas Cranmer, archevêque de Cantorbéry, dont le Book of Common Prayer (« Livre de la prière commune ») est toujours en vigueur.

 

10 au 19 juillet 1553_Jeanne Grey

     Edouard tombe malade en  et, quand son entourage comprend qu’il arrive à la fin de sa vie, le conseil de régence et lui élaborent une lettre patente intitulée Devise for the Succession (un « Testament successoral ») pour tenter d’empêcher le pays de retourner au catholicisme.

Édouard y nomme pour successeur sa cousine Jeanne Grey et écarte ainsi de la succession ses demi-sœurs, Marie (fille de la première épouse de son père, Catherine d’Aragon) et Élisabeth (fille d’Anne Boleyn).

Les bases juridiques de sa nomination au trône sont toutefois très fragiles. Édouard a transgressé la loi anglaise en déshéritant Marie, qui fait valoir selon l’Acte de Trahison de 1547 [1] que cette lettre patente peut être définie comme acte de haute trahison.

     Marie est considérée comme légitime selon le Troisième Acte, et Jeanne comme usurpant le trône.
Sur ordre de la reine Marie, elle est exécutée le 12 février 1554

 

1554-1558_ Marie I Tudor : l’Angleterre revient au catholicisme romain

Cette dernière annule bon nombre des réformes religieuses de son frère en faveur des calvinistes. Durant son règne, l’Angleterre revient au catholicisme romain. De nombreux protestants furent exécutés (Mgr Cranmer et d’autres grandes figures de la Réforme condamnés au bûcher), persécutés et contraints à l’exil en Europe.

 

1558-1603_Élisabeth I Tudor rétablit le protestantisme

     Ses premières actions, quoique rétablissant le protestantisme, déçurent ceux qui aspiraient à une vaste réforme, dans le sens des idées de Calvin, qu’on appela les Puritains.

 

 

 

1603-1625_Jacques Ier Stuart

En montant sur le trône d’Angleterre, Jacques, estimant qu’il pourrait avoir besoin du soutien des catholiques, avait assuré qu’il ne persécuterait pas « quiconque fera preuve de discrétion et d’obéissance à la loi, ne serait-ce qu’en apparence »A la Conférence de Hampton Court en 1604, le roi, qui n’était pas Puritain lui-même et qui se méfiait d’eux, rejeta leurs doléances.

 

 

1625-1649 : Charles Ier Stuart

 

     La pression assimilatrice de l’Église d’Angleterre augmenta encore sous Charles Ier sous l’influence de son archevêque William Laud [2]. Les Puritains étaient vus comme des fauteurs de trouble mettant en péril l’unité de la monarchie et de l’Église, mais les idées puritaines continuaient à gagner du terrain en Angleterre.

Lorsque le conflit entre le Parlement et Charles Ier dégénéra en véritable guerre civile en 1640, les Puritains se hâtèrent de saisir l’occasion d’exhorter la nation à renouveler son contrat avec Dieu.De 1643 à 1648, le parlement anglais organise une série de rencontres à l’abbaye de Westminster afin de clarifier les questions du culte, de la doctrine, du gouvernement et de la discipline dans l’Église d’Angleterre.

Parmi les fruits de cette assemblée de Westminster, la confession de foi de Westminster, confession de foi réformée suivant la tradition théologique calviniste, est rédigée en 1646 et largement adoptée par l’Église d’Angleterre, comme par l’Église d’Écosse. Elle aura une influence prépondérante sur les églises presbytériennes à travers le monde.

Lors des deux guerres civiles (1642-1645) et (1648-1649) les troupes royales furent défaites. et Charles Ier fut arrêté, jugé et exécuté pour haute trahison.

 

1649-1660_interrègne : Les Cromwell et le pouvoir Puritain

     Olivier Cromwell, chef de file des Puritains, dissout le Parlement le . Un régime républicain est alors instauré sous le nom de Commonwealth de l’Angleterre, dirigé par un Lord Protecteur. Le lendemain.de l’adoption de l’Instrument of Government le , il est nommé Lord Protecteur d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande.Il décline la couronne que lui offre le Parlement en 1657. La mort d’Olivier Cromwell, en 1658 et le court passage de son fils Richard qui démissionne en 1659 donnent lieu à une crise politique qui permet la restauration de la monarchie.

 

1661-1685_Charles II Stuart

     Invité à rentrer en Grande-Bretagne, Charles est acclamé lors de son entrée dans Londres, le jour de son trentième anniversaire.

Le Parlement rétablit l’Église d’Angleterre. La confession de foi calviniste fut déclarée invalide par le parlement après la Restauration, en 1660. Charles accepte le texte, bien que lui-même favorise une politique de tolérance religieuse.

En 1670, Charles signe en secret le traité de Douvres avec son cousin germain Louis XIV : ce dernier accepte d’aider Charles lors de la Troisième Guerre anglo-néerlandaise, tandis que Charles s’engage à se convertir au catholicisme à une date non précisée.

En 1679, les révélations sur un prétendu « complot papiste » entraînent un projet de loi (Exclusion Bill) visant à exclure de la succession au trône le frère cadet (et héritier présomptif) de Charles, Jacques Stuart, en raison de sa foi catholique. Après avoir dissous le Parlement d’Angleterre plusieurs fois et vu que le projet d’Exclusion Bill perd toute assise populaire, Charles gouverne seul à partir de 1681 jusqu’à sa mort quatre ans plus tard.

Il se convertit au catholicisme sur son lit de mort.

 

1685-1689_Jacques II Stuart le catholique

     Jacques était le second fils du roi Charles Ier et donc l’arrière-petit-fils de Marie Stuart. Son catholicisme, sa politique pro-française et ses ambitions absolutistes le rendirent très impopulaire et il dut affronter une opposition de plus en plus radicale de la part de l’élite religieuse et aristocratique anglaise. Lorsque sa seconde épouse Marie de Modène donna naissance à un fils,  laissant présager la mise en place d’une dynastie catholique, les nobles anglais demandèrent l’aide du protestant Guillaume III d’Orange, son neveu qui avait épousé Marie Stuart, fille de Jacques II

 

1689-1702 Guillaume III d’Orange-Nassau

     Ce dernier débarqua en Grande-Bretagne à la tête d’une armée hollandaise et Jacques II fut contraint de se réfugier en France.
Le Parlement considéra que cette fuite équivalait à une abdication et accorda la couronne à Guillaume et Marie qui furent couronnés ensemble le 11 avril 1689

Guillaume III encouragea le passage de l’Acte de tolérance de 1689 qui garantissait la liberté religieuse de certains « non-conformistes[3] » protestants. Cela ne permit cependant pas d’étendre la tolérance aussi loin que Guillaume III l’aurait souhaité car les libertés religieuses des catholiques, des anti-trinitariens et de certains protestants restaient encore limitée.

Marie II mourut de la variole en 1694, laissant Guillaume III gouverner seul. Malgré sa conversion à l’anglicanisme, la popularité de Guillaume III diminua fortement .

 

1702-1714 : Anne I Stuart

     Deuxième fille de Jacques II, elle est sacrée le 23 avril 1702 par l’archevêque de Cantorbéry Thomas Tenison le 1er mai 1707, en vertu de l’Acte d’Union qui unit les royaumes d’Angleterre et d’Écosse.

La reine, dernière souveraine de la maison Stuart, souffre d’une santé précaire tout au long de sa vie et meurt à l’âge de quarante-neuf ans en 1714.

 

(1714-1727) George Ier de Hanovre

 

     En vertu de l’Acte d’établissement de 1701, qui exclut les catholiques de l’ordre de succession, le trône revient à son cousin issu de germain, le prince-électeur de Hanovre George Ier de Hanovre

Les politiciens whigs considéraient que le Parlement avait le droit de déterminer la succession et de l’accorder au parent protestant le plus proche de la reine tandis que les tories considéraient que le droit héréditaire des Stuart primait. En 1710, George annonça qu’il succéderait au trône britannique par droit héréditaire, car seuls les droits des héritiers catholiques étaient annulés.

 

Par la suite la question religieuse s’apaisât et le Roi, chef de l’Eglise d’ Angleterre n’eut plus a intervenir dans les questions religieuses, qui restent du domaine de l’archevêque de Cantorbéry

 

[3] Les non-conformistes, appelés aussi dissidents (dissenters), étaient ceux qui, en Angleterre, refusaient de suivre la doctrine de l’Église anglicane. Il s’agissait notamment des puritains, des presbytériens ou calvinistes, des anabaptistes et plus tard des quakers

 

 

XVI Développement des différentes églises issues du mouvement réformateur du 16° siècle

 

 

Les Eglises réformées

 

Les Eglises presbytériennes

 

     Le presbytérianisme est une forme du protestantisme calviniste qui s’est développée en Écosse, puis notamment en Irlande du Nord et aux États-Unis.

     Les bases théologiques et ecclésiales en sont communes avec les églises réformées, mais l’usage a consacré le terme presbytérien pour désigner les églises, essentiellement anglophones, qui se situent dans une tradition héritée de l’Église d’Écosse.

     Les calvinistes anglais (qui sont généralement appelés puritains) sont pour la plupart restés au sein de l’Église d’Angleterre qui conserve une confession de foi calviniste : la Confession de foi de Westminster.
Ceux qui ont voulu rendre l’Église totalement indépendante de l’État sont devenus les congrégationalistes (aussi appelés independents ou non-conformistes).

Les efforts missionnaires très importants des presbytériens ont conduit à la création de nombreuses Églises presbytériennes dans le monde et notamment aux Etats-Unis

 

Amérique du nord

Les Etats-Unis

     La plus grande dénomination presbytérienne américaine actuelle, l’Église presbytérienne (États-Unis) (PC (USA)) est l’héritière de cette première Église presbytérienne, de même que les Églises suivantes qui s’en sont séparées à diverses occasions

soit à l’occasion du grand réveil ou du second grand réveil :

          • Église presbytérienne Cumberland (CPC), fondée en 1810 à la suite du second grand réveil
          • Église presbytérienne Cumberland en Amérique, détachée de la précédente en 1974 pour former une Église afro-américaine
          • soit à l’occasion de la guerre de sécession et du conflit sur la tolérance ou non de l’esclavage aux États-Unis, mais ces divisions ont pris fin en 1983 lors de la création de la PC (USA),
          • soit à l’occasion des polémiques moderniste-fondamentaliste des XIXe et XXe siècles :
          • Église presbytérienne orthodoxe (OPC), fondée en 1936
          • Bible Presbyterian Church (en) (BPC), détachée de la précédente en 1937, d’orientation fondamentaliste

soit encore, entre les années 1970 et 2012, en réaction à ce qui est perçu par de nombreux conservateurs comme une dérive libérale de la PC (USA) :

          •  Presbyterian Church in America (PCA), fondée en 1973, deuxième plus importante église presbytérienne des États-Unis
          • Église presbytérienne évangélique (EPC), fondée en 1981
          • Evangelical Covenant Order of Presbyterians (en) (ECO), créée en 2012
          • Reformed Presbyterian Church in the United States (en) (RPCUS), créée en 1983
          • Reformed Presbyterian Church General Assembly (en) (RPCGA), séparée de la précédente en 1991
          • Reformed Presbyterian Church – Hanover Presbytery (en) (RPC-Hannover), séparée de la précédente en 1991
          • Covenant Presbyterian Church (en) (CPC), séparée de la RPCGA ci-dessus en 2006.
          • First Presbyterian Church à Phoenix, en Arizona
Certaines divisions étaient intervenues au sein de l’Église d’Écosse avant l’émigration aux États-Unis.

     Ces églises presbytériennes convenantaires ou sécessionnistes ont également migré et ont été fondées sur le sol américain respectivement en 1753 et en 1774. Certaines de ces Églises se sont réunies en tout ou partie aux Églises du premier groupe, notamment à la principale d’entre elles, l’Église presbytérienne (États-Unis), mais les Églises suivantes issues de ces traditions covenantaire et sécessionniste sont restées indépendantes à ce jour :

          • Reformed Presbyterian Church of North America (RPCNA)
          •  Associate Reformed Presbyterian Church (ARP), fondée en 1810
          • Presbyterian Reformed Church, fondée en 1965 en Ontario, avec des paroisses au Canada et aux États-Unis
          • Westminster Presbyterian Church in the United States (WPCUS), fondée en 2006 à l’instigation du théologien écossais John Murray
          • Free Presbyterian Church of North America (FPCNA), hostile à l’œcuménisme, fondée en 1951.

     A ces Églises issues de l’immigration écossaise et irlandaise, s’ajoutent de nouvelles Églises presbytériennes issues de l’immigration en provenance d’anciens champs de mission presbytériens comme la Korean American Presbyterian Church, fondée en 1978

Le tableau ci dessous exprime la complexité de cette histoire:

 

Canada

     Au Canada, la plus grande dénomination presbytérienne – et en fait la plus grande dénomination protestante – était l’Église presbytérienne au Canada, formée en 1875 par la fusion de quatre groupes régionaux.

En 1925, l’Église unie du Canada a été formée en réunissant la majorité des paroisses presbytériennes, en association avec l’Église méthodiste du Canada et l’Union congrégationaliste du Canada.

     Une importante minorité de presbytériens canadiens, principalement dans le sud de l’Ontario, s’est cependant retirée et s’est reconstituée en tant qu’organisme presbytérien indépendant continué. Ils ont repris l’usage du nom d’origine d’Église presbytérienne au Canada en 1939.

L’Église unie du Canada compte environ 2 millions de membres et l’Église presbytérienne au Canada environ 400 000.

 

Amérique latine.

Le presbytérianisme est arrivé en Amérique latine au XIXe siècle.

Mexique

La plus grande Église presbytérienne est l’Église nationale presbytérienne du Mexique (Iglesia Nacional Presbiteriana de México,

mais il existe d’autres petitesdénominations comme l’Église presbytérienne réformée associée au Mexique, fondée en 1875 par l’Église réformée associée en Amérique du Nord, l’Église presbytérienne indépendante, l’Église réformée presbytérienne au Mexique ou l’Église presbytérienne conservatrice nationale au Mexique.

Brésil

Au Brésil, l’Église presbytérienne du Brésil (Igreja Presbiteriana do Brasil) compte environ 1 011 000 membres. Il existe plusieurs autres Églises presbytériennes au Brésil qui regroupent environ 350 000 membres.

Belize

L’église presbytérienne du Belize compte 14 paroisses et un séminaire réformé y a été fondé en 2004.

Autres états d’Amérique latine

     Des Églises presbytériennes existent dans les autres pays d’Amérique latine, notamment au Pérou, en Bolivie, à Cuba, à Trinité-et-Tobago, au Venezuela, en Colombie, au Chili, au Paraguay, au Costa Rica, au Nicaragua et en Argentine, mais chaque fois avec peu de membres. Il y a probablement un peu plus de quatre millions de presbytériens en Amérique latine.

 

Afrique

     Le presbytérianisme est arrivé en Afrique dès le XVIIIe siècle mais surtout au XIXe siècle grâce au travail de missionnaires anglais, suisses, allemands ou écossais.

     Les Églises presbytériennes se sont beaucoup développées et sont maintenant présentes dans au moins 23 pays d’Afrique.

Asie

Corée du Sud

La Corée du Sud compte 9 millions sont presbytériens, répartis entre une centaine de dénominations différentes.

 

Taïwan

L’Église presbytérienne de Taïwan (PCT) est de loin la plus grande dénomination protestante de Taïwan, avec quelque 238 000 membres en 2009 (y compris la majorité des indigènes de Formose).

Inde

Dans l’État indien majoritairement chrétien du Mizoram, le presbytérianisme est la première confession chrétiennes. Il y a été implanté par des missionnaires gallois à partir de 1894.  L’Église presbytérienne en Inde a été intégrée en 1970 à l’Église unie de l’Inde du Nord (créée en 1924). C’est la plus grande dénomination presbytérienne en Inde.

 

Océanie

Australie

En Australie, le presbytérianisme est la quatrième plus grande dénomination chrétienne avec près de 600 000 membres actifs d’après le recensement du Commonwealth de 2006.

En 1977, les deux tiers de l’Église presbytérienne d’Australie, avec la plupart de l’Union congrégationaliste d’Australie et toute l’Église méthodiste d’Australasie, se sont regroupés pour former l’Église unifiante d’Australie (Uniting Church of Australia) qui compte aujourd’hui 350 000 membres actifs.

Le troisième tiers, qui ne s’est pas uni, s’est déterminé en fonction de son attachement culturel à sa tradition propre, mais souvent aussi en fonction d’opinions théologiques ou sociales conservatrices.

Nouvelle-Zélande

     A l’origine, il y avait deux branches du presbytérianisme en Nouvelle-Zélande.Les deux Églises ont fusionné en 1901, formant ce qui est aujourd’hui l’Église presbytérienne d’Aotearoa Nouvelle-Zélande (PCANZ). Il existe également une église presbytérienne plus conservatrice appelée Grace Presbyterian Church of New Zealand

Vanuatu

Le presbytérianisme a été introduit au Vanuatu par des missionnaires écossais. C’est le seul pays du Pacifique Sud à avoir une tradition et une présence presbytérienne importante. (Presbyterian Church in Vanuatu, PCV)

 

Les Eglises Evangéliques_l’Anabaptisme

 

Le mouvement a son origine le 21 janvier 1525, où Conrad Grebel a réuni un groupe de croyants opposés aux baptême des enfants à la maison de Felix Manz à Zollikon en Suisse, et a exercé le premier baptême du croyant.      Cette date est considérée par certains comme celle de la fondation de l’anabaptisme moderne, alors que d’autres anabaptistes soutiennent qu’il n’a jamais été refondé et qu’il n’est que la continuation des groupes anabaptistes primitifs cités plus haut.

1527 : La Confession de Schleitheim

     La Confession de Schleitheim est publiée en 1527 par les « Frères Suisses ». Selon cette confession, sept traits de la théologie illustrent l’anabaptisme :

  1. Le baptême est réservé aux croyants adolescents ou adultes (baptême du croyant), c’est-à-dire aux croyants sûrs de la rédemption et qui veulent vivre dans la fidélité au message du Christ.
  2. La cène n’est que symbolique. C’est une cérémonie du souvenir faite avec du pain (parfois sans levain) et du vin (parfois non alcoolisé) mais il n’y a ni consubstantiation ni transsubstantiation.
  3. Le pasteur est élu librement par la communauté et n’est pas investi du sacerdoce.
  4. Sont exclus de la cène tous les fidèles tombés dans l’erreur ou le péché.
  5. La séparation du monde est totale, aussi bien religieusement que politiquement. Il s’agit de se séparer de toutes les institutions qui ne sont pas dans l’Évangile.
  6. Ne pas « user de l’épée », c’est-à-dire de participer à l’institution judiciaire (juge, témoin, plaignant).
  7. Ne pas prêter serment.

     Dans les faits, de petites communautés de croyants sont réunies dans des conventicules, le plus souvent clandestins, afin de lire la Bible. Les chefs des communautés sont des laïcs qui officient en habit civil. La discipline est importante pour maintenir une pureté éthique et doctrinale.

     La progression de l’anabaptisme en Europe centrale est un véritable problème pour les autorités religieuses en place, puisqu’il incite les parents à ne pas faire baptiser leur enfant avant leur âge de raison (autour de 13 ans), ce qui risque de les priver du salut en cas de décès selon la doctrine catholique ou protestante de l’époque.

     Par ailleurs, sur le plan politico-religieux, les anabaptistes refusent la soumission de la religion au prince. Ils ne s’engagent pas dans l’armée.

     Les sociétés anabaptistes sont surtout urbaines et pacifistes. Face à l’opposition qu’inspire l’absence de baptême chez les autres chrétiens, les anabaptistes s’exilent dans les campagnes.

      • Entre 1525 et 1529, il y a 29 sociétés anabaptistes à Zurich et 10 à Schaffhouse.
      • Vers 1630, on les estime au nombre de 4 000.

     Ils ont été très violemment persécutés dans les cantons de Zurich et de Berne. Certains émigrent aux États-Unis et créeront le mouvement Amish du nom de Jacob Amman prêcheur anabaptiste. D’autres se réfugient dans les hauteurs du Jura.

 Menno Simons et les Mennonites [1]

     En réaction aux violences des disciples de Thomas Müntzer, et notamment à l’attaque par plusieurs centaines d’entre eux du monastère d’Oldeklooster, en Frise en avril 1535, le prêtre frison Menno Simons, proche des anabaptistes, écrit un pamphlet contre les dirigeants münsterites et leurs projets de théocratie violente, intitulé Le Blasphème de Jan van Leyden.

     En janvier 1536, Menno quitte l’Église catholique, à la suite de ses doutes concernant les sacrements.

     En 1540, il publie Fondation de la doctrine chrétienne, un livre théologique sur les croyances et pratiques anabaptistes, qui sera traduit en d’autres langues . Cette publication et d’autres de Menno Simons ont servi de fondations à l’anabaptisme et au mennonitisme .

     En 1544, la régente des Pays-Bas expulse les anabaptistes, mais tolère les mennonites. C’est la première fois que le terme « mennonite » est employé. Les anabaptistes de la vallée du Rhin prennent le nom de mennonites

     La Conférence mennonite mondiale est fondée lors de la première Conférence mennonite mondiale à Bâle, en Suisse, en 1925 pour célébrer les 400 ans de l’anabaptisme. En 2018, l’organisation compterait 1,47 million de fidèles rassemblés dans 107 dénominations nationales.

     Au xxe siècle, les mennonites sont mis à l’épreuve pour leur pacifisme, cherchant à respecter la doctrine de la non-résistance (refus d’utiliser la force contre tout être humain, par amour du prochain).
     Face à la généralisation de la conscription et des guerres mondiales, ils demandent de plus en plus à être exemptés, au lieu de devoir fuir le pays comme par le passé, en faisant pression sur les autorités politiques pour obtenir le droit de faire des services civils.

 

Les Amish [2]

     En 1693, Jakob Amman, un leader anabaptiste conservateur venu de Berne, se trouve en divergence théologique avec les mennonites de la région de Sainte-Marie-aux-Mines, en Alsace, qui trouvent des accommodements avec la société locale. Il déclenche le schisme qui va conduire à créer le mouvement amish.

     En majorité expulsée d’Alsace en 1712 à la suite d’un édit de Louis XIV, la communauté Amish est aujourd’hui surtout présente en Amérique du Nord où le nombre de ses membres est en très forte augmentation. En France, il ne subsistait qu’environ 3 000 Amish au début du xxe siècle. Ces derniers actèrent la disparition de la branche française en 1907 en votant leur réintégration au sein de la communauté mennonite. La première règle Amish est : « Tu ne te conformeras point à ce monde qui t’entoure ».

Baptistes [3]

     Le baptisme est une confession chrétienne évangélique issue d’un réveil lancé par le pasteur anglican anglais John Smyth en Hollande en 1609.

     Thomas Helwys fonde la première église baptiste générale d’Angleterre à Spitalfields, à l’est de Londres en 1612.
     Ce mouvement se caractérise par l’importance donnée à la Bible, à la nouvelle naissance, au baptême du croyant en tant que témoignage volontaire, un esprit missionnaire, un engagement moral de vie ainsi que par l’autonomie locale des églises, la séparation de l’Église et de l’État, et finalement l’autorité de la congrégation (congrégationaliste)
     En 2010, le baptisme compterait 100 millions de croyants. Une certaine partie est regroupée dans l’Alliance baptiste mondiale.

Les réformes radicales du mennonitisme et du baptisme seront à l’origine du développement du mouvement évangélique .

 

L’Église adventiste du septième jour [4]

     L’Église adventiste du septième jour est une « dénomination » chrétienne née d’un mouvement de « réveil ». Le mot « adventiste » vient du latin adventus qui signifie « arrivée », « venue », « avènement », en référence au retour du Christ annoncé par la Bible.

     Le « Septième jour » désigne le sabbat (samedi), le septième jour de la semaine, considéré par les adventistes comme le jour biblique de repos et d’adoration.

     Sous la direction de Joseph Bates, James White et sa femme Ellen White, l’Église adventiste du septième jour fut officiellement organisée en 1860 à Battle Creek dans le Michigan, avant d’établir en 1863 la Conférence générale (la direction mondiale de l’Église adventiste). Les adventistes se livrèrent dans la prière à une étude intense de la Bible au cours  des “réunions sur le sabbat et le sanctuaire” (1848-1850). Ils établirent les premiers fondements doctrinaux de l’adventisme : notamment le retour du Christ, le sabbat, l’immortalité conditionnelle et les dons spirituels.

     Les adventistes du septième jour sont très attachés aux principes de la liberté de conscience dans le respect de l’ordre public et la dignité de la personne, à la séparation des Églises et de l’État et au dialogue interreligieux. Ils sont fortement impliqués dans la défense de la liberté religieuse par leur présence active dans des associations comme IRLA ou AIDLR. (Promotion de la liberté religieuse dans le monde)

     Les deux fédérations adventistes françaises métropolitaines ont reçu  le 29 novembre 2003 l’approbation d’adhésion à la Fédération protestante de France et depuis le 12 mars 2006 y participent pleinement.