Union et désunion_ V Le 21eme siècle

 

XLX Benoit XVI

Elu pape le 19 avril 2005 il prend le nom de Benoît XVI. En qualité d’évêque de Rome, il est le 265e pape de l’Église catholique ainsi que le chef d’État du Vatican jusqu’à sa renonciation le 28 février 2013.

 

Joseph avant Benoit

     Théologien reconnu, docteur et professeur à l’université, il participe au concile Vatican II -où il est considéré comme réformateur- comme expert ou il prépare, pour le card. Frings de Cologne, un discours très audacieux prononcé le 8 novembre 1963 sur les actions du Saint-Office qui « ne sont pas en harmonie avec les temps modernes et sont une source de scandale pour le monde entier [1]».
     Pour lui, l’Église devait revenir aux sources de la théologie catholique en remontant à la Bible et aux Pères de l’Église afin de pouvoir revivifier l’enseignement de la théologie et permettant de revitaliser la vie catholique
      En 1977, il est nommé par le pape Paul VI successivement archevêque de Munich et Freising et cardinal.

Le pape Jean-Paul II en fait en 1981 son préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi,  président de la Commission biblique pontificale ainsi que de la Commission théologique internationale, à la tête desquelles il reste 23 ans,

Immédiatement après sa prise de fonction, les évêques, théologiens et prêtres contestés ont été invités à Rome dans les cas importants afin de se confronter personnellement à leurs divergences d’opinion. Il aura renforcé les droits des auteurs et donné pour la première fois aux théologiens accusés de déviation dogmatique le droit de se défendre.

Cependant, dans les faits, il affirme de plus en plus une ligne doctrinale conservatrice. Au lieu de faire de la Congrégation un outil de réflexion sur la doctrine et la théologie, ou un espace de dialogue où mettre les idées nouvelles à l’épreuve et aplanir les divergences, de nombreux théologiens catholiques de grand renom ont ainsi été condamnés, comme Hans Küng [2] qui remet en question le concile Vatican I dans ses écrits, et remet en cause le dogme de l’infaillibilité pontificale proclamé en 1870 par Pie IX ; Edward Schillebeeckx o.p.[3] qui aborde la question de la succession apostolique et affirme qu’il y a là une donnée non essentielle pour l’exercice du ministère ; et une grande partie des théologiens de la libération [4] comme Leonardo Boff o.f.m. qui critique l’Église, la considérant comme trop hiérarchisée et comme ayant « passé un pacte colonial avec les classes dirigeantes » et Jon Sobrino s.j.

Déclaration Dominus Iesus

     Dominus Iesus [5] (« le Seigneur Jésus » en latin) est une déclaration de la Congrégation pour la doctrine de la foi,  sur l’unicité et l’universalité de Jésus-Christ et de l’Église catholique, initiée par le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la Congrégation à l’époque, publiée le 6 août 2000.

     Cette déclaration « confirmée certa scientia e apostolica sua auctoritate par le Saint-Père lui-même [6]» est intéressante de bien des manières. Et particulièrement par ce qu’elle montre du rétrécissement dogmatique opéré par celui qui deviendra le pape Benoit XVI à propos du « subsistit in » ( subsiste dans ) qu’on trouve dans Lumen Gentium 8,2 : « Cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, c’est dans l’Église catholique qu’elle subsiste, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui ».

     Dans « Dominus Iesus » le cardinal Ratzinger ajoute un mot qui modifie le sens du terme « subsistit in » : « Par l’expression subsistit in, le Concile Vatican II a voulu proclamer deux affirmations doctrinales : d’une part, que malgré les divisions entre chrétiens, l’Église du Christ continue à exister en plénitude dans la seule Église catholique ; d’autre part, « que des éléments nombreux de sanctification et de vérité subsistent hors de ses structures (DI 16)»

     La note 56 de DI précise : « L’interprétation qui tire de la formule subsistit in la thèse que l’unique Église du Christ pourrait aussi subsister dans des Églises et Communautés ecclésiales non catholiques est donc contraire à la signification authentique du texte conciliaire. Le Concile avait, à l’inverse, choisit le mot subsistit précisément pour mettre en lumière qu’il existe une seule « subsistance » de la véritable Église, alors qu’en dehors de son ensemble visible, existent seulement des « elementa Ecclesiae » qui -étant des éléments de la même Église- tendent et conduisent vers l’Église catholique » Ce qui est falsifier le sens de « subsiste dans »que les pères conciliaires avaient délibérément choisi : ne pas identifier Eglise catholique romaine et Eglise du Christ. [7]

Après avoir été perçu comme un théologien progressiste durant sa participation au concile, le cardinal Ratzinger est au moment de son élection réputé pour ses vues conservatrices sur la foi et les mœurs, ou l’œcuménisme.

 

Pape Benoit XVI

     Après un conclave d’à peine plus de vingt-quatre heures, le 19 avril 2005, le cardinal Ratzinger est élu comme 265eme successeur de Pierre et prend le nom de Benoit XVI. À 78 ans, il est le pape le plus âgé au jour de sa prise de fonctions depuis Clément XII en 1730.

Au cours de l’audience générale du mercredi , le pape a expliqué, en français, les raisons de son choix : « J’ai voulu m’appeler Benoît pour me rattacher en esprit au vénéré pontife Benoît XV, qui a guidé l’Église au cours d’une période difficile en raison du premier conflit mondial. […] C’est sur ses traces que je désire placer mon ministère au service de la réconciliation et de l’harmonie entre les hommes et les peuples ».

Mais Benoît XVI se réfère également à saint Benoît de Nursie, patron de l’Europe, fondateur de l’ordre des Bénédictins : « Le nom de Benoît évoque aussi le père du monachisme occidental, copatron de l’Europe, particulièrement vénéré dans mon pays et surtout en Bavière. Saint Benoît de Nursie avait inscrit dans sa règle de ne rien mettre au-dessus du Christ. Nous lui demanderons donc de nous aider à rester le regard fixé sur le Christ »

Un pape de restauration

     Il s’agit bien du sens que lui donne les historiens français d’une restauration d’un ordre ancien précédent. Ainsi par exemple, Benoît XVI a changé les règles d’élection du pape, revenant à celles d’avant la modification décidée en 1996 par Jean-Paul II [8]

     En novembre 2005, il réduit et fait contrôler les initiatives œcuméniques des franciscains d’Assise. « Le décret de Benoît XVI est une référence dans l’évolution de son pontificat, vieux de sept mois », estiment de nombreux observateurs de l’Église. Jusqu’à présent, son règne a été un exercice de resserrement des pratiques pour correspondre à la doctrine de l’Église telle qu’il la voit. [9]

     Dans son premier message de Noël, adressé au monde depuis la loggia centrale de la basilique Saint-Pierre de Rome, le 25 décembre 2005, le pape Benoît XVI appelle l’humanité du 3e millénaire à un « réveil spirituel », sans lequel a-t-il dit « l’homme de l’ère technologique risque d’être victime des succès mêmes de son intelligence ».

     Le 22 février 2007, il publie une exhortation apostolique post-synodale du nom de Sacramentum Caritaris qui vise à défendre la beauté et la nécessité du culte eucharistique, central dans la liturgie chrétienne [10].

Exhortation Verbum Domini

     Le 30 septembre 2010, il signe l’exhortation Verbum Domini [11] suite à la XIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, du 5 au 26 octobre 2008, qui a eu pour thème La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église.

     Le but de cet exhortation est de réaffirmer le lien profond entre l’Esprit saint et la parole de Dieu ainsi que de clarifier la position de l’Église face à celle-ci.

      Bible et œcuménisme

     « Tout cela nous renforce dans la conviction qu’écouter et méditer ensemble les Écritures nous fait vivre une communion réelle même si elle n’est pas encore pleine; « l’écoute commune des Écritures nous pousse ainsi au dialogue de la charité et fait grandir celui de la vérité ». En effet, écouter ensemble la Parole de Dieu, pratiquer la lectio divina de la Bible, se laisser surprendre par la nouveauté, qui jamais ne vieillit ou ne s’épuise, de la Parole de Dieu, dépasser notre surdité par ces paroles qui ne s’accordent pas avec nos opinions et nos préjugés, écouter et étudier dans la communion avec les croyants de tous les temps : tout cela constitue un chemin à parcourir pour atteindre l’unité de la foi, en tant que réponse à l’écoute de la Parole » (n°46)

Reforme de la curie romaine

     Benoît XVI place ainsi des hommes de confiance, mais selon le journaliste vaticaniste Sandro Magister, des secteurs entiers de la curie vont « à la dérive », notamment celui de la communication [12].

     Certains analystes décrivent par ailleurs les nominations comme une prise de pouvoir des traditionalistes et des intransigeants. Cependant, Benoît XVI nomme comme sous-secrétaire de la commission des ordres religieux, une femme, sœur Nicoletta Vittoria Spezzati, contribuant à féminiser la hiérarchie de l’Église catholique.

Exhortation Ecclesia in Medio Oriente

    Le 14 septembre 2012, le Saint-Père publie la quatrième et dernière exhortation de son pontificat, intitulée Ecclesia in Medio Oriente [13] et dans laquelle il défend l’œcuménisme spirituel, le rôle de l’Église au Moyen-Orient ainsi que les relations entre l’Église catholique romaine et les Églises catholiques orientales

     Dans les n° 11 à 18 L’ensemble est un appel en faveur de l’unité œcuménique « qui n’est pas l’uniformité des traditions et des célébrations ». En ligne avec le Concile Vatican II, le Pape invite à l’œcuménisme spirituel, à une communion comprise non comme une confusion, mais comme une reconnaissance et un respect de l’autre. En même temps, il souligne à nouveau l’importance du travail théologique, aussi bien des différentes commissions œcuméniques que des communautés ecclésiales, afin que -en accord avec la Doctrine de l’Église Catholique Romaine- elles parlent d’une seule voix au sujet des grandes questions morales (famille, sexualité, bioéthique, liberté, justice et paix).

     L’œcuménisme diaconal (service de la charité) est également important, aussi bien au niveau caritatif qu’éducatif. Figurent ensuite quelques propositions pour une pastorale œcuménique d’ensemble: parmi celles-ci : « Pour une pastorale œcuménique renouvelée, en vue d’un témoignage commun, il est utile de bien comprendre l’ouverture conciliaire vers une certaine communicatio in sacris pour les sacrements de la pénitence, de l’eucharistie et de l’onction des malades, qui n’est pas seulement possible, mais qui peut être recommandable dans certaines circonstances favorables, selon des normes précises et avec l’approbation des autorités ecclésiastiques. Les mariages entre fidèles catholiques et orthodoxes sont nombreux et ils demandent une attention œcuménique particulière. J’encourage les Évêques et les Éparques à appliquer, dans la mesure du possible, et là où ils existent, les accords pastoraux pour promouvoir peu à peu une pastorale œcuménique d’ensemble. » (N°16)

     Le Pape se dit, en outre, certain de pouvoir trouver un accord sur une traduction commune du Notre-Père dans les langues locales de la région.

Les relations œcuméniques

Sa compréhension de l’Eglise Catholique Romaine tient plus de la conception préconciliaire que de Vatican II.

Au fond sa vision de l’œcuménisme est l’image d’un dialogue favorisant le retour des  autres confessions vers la seule vraie Eglise en qui subsiste l’Eglise du Christ dans toute sa plénitude. (Voir supra) avec cependant une nuance : ce n’est pas conçu comme une « reddition en rase campagne » comme pour Pie XII mais comme un apport de richesses, un partage de dons.

   La création des Ordinariats anglicans est un bon exemple de l’œcuménisme selon Benoît XVI: il s’agit de réintégrer dans celle-ci des communautés dissidentes [de leurs Eglises] en conservant leur patrimoine spirituel. « Le but est l’unité dans la pluralité, pas l’uniformité. Il en va de même pour les communautés luthériennes qui souhaitent se rapprocher de l’Eglise, et bien sûr aussi, éminemment, pour les Eglises orthodoxes. » [14]

    En ce sens la renonciation par Benoit à son titre de «patriarche d’Occident» est significatif. Et même si les raisons invoquées sont « raisonnables » il faut s’interroger sur l’urgence de procéder à un tel ajustement et son sens profond. Le Pape de Rome, patriarche d’occident, avait un primat d’honneur et d’arbitrage par rapport aux autres patriarcats. Ne plus se reconnaitre comme Patriarche d’Occident, c’est aussi renoncer à être ce « primus inter pares » (premier parmi ses pairs), mais pour être quoi ? 

Le pape François rétablit le titre dans l’Annuario Pontificio de 2024

Dialogue catholique-orthodoxe

    C’est sans aucun doute dans le dialogue catholique-orthodoxe que les acquis ont été les plus importants. Un an après son élection il a pris des mesures qui ont considérablement facilité le dialogue avec le patriarche de Moscou Alexis II, dont les relations avec son prédécesseur Jean-Paul II étaient très tendues.

     L’événement le plus marquant du pontificat en ce qui concerne le dialogue catholique-orthodoxe est probablement la signature d’un document commun, le document de Ravenne [15] du 13 octobre 2007, qui affirme une conception commune de l’Eglise et des ministères. Les partenaires s’accordent également sur la reconnaissance du primat de l’évêque de Rome, mais notent cependant un désaccord sur la manière d’interpréter ce primat.

     le 1er mars 2006, Benoît XVI a pris la décision de renoncer à son titre de «patriarche d’Occident». Il suffit de lire la réaction de L’évêque Hilarion de Vienne et d’Autriche (qui sera plus tard président du département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, de 2009 à 2022) pour comprendre la fausse manœuvre : « Certains ont vu dans cet abandon du titre de patriarche d’Occident un signe du désir du pape d’améliorer les relations avec l’Eglise orthodoxe. Cependant, les raisons pour lesquelles la suppression du titre pourrait améliorer les relations du siège de Rome avec les Eglises orthodoxes restent mystérieuses. Bien au contraire, ce geste peut être interprété comme une preuve des prétentions croissantes de l’évêque de Rome à la primauté universelle [16] »

     Il a fallu une note du Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens expliquant que « le terme Occident recouvre aujourd’hui une réalité bien différente de celle des siècles passés. En effet, cette décision vise aussi à faciliter l’unité des chrétiens. »

Ce qui est sans doute vrai dans la manière de concevoir l’unité des chrétiens de Benoit XVI, mais qui n’est pas partagée par ses interlocuteurs…

Dialogue catholique-protestant

Benoît XVI avec Nikolaus Schneider, président du Conseil de l’Église évangélique en Allemagne, au couvent des Augustins, à Erfurt     Si le dialogue catholique-protestant n’a permis d’aboutir à la signature d’aucun accord au cours du pontificat, il faut signaler le voyage remarqué de Benoît XVI à Erfurt (Allemagne), ville natale du réformateur Martin Luther, en septembre 2011. A cette occasion, il avait rencontré les responsables de l’Eglise protestante allemande (Evangelische Kirche in Deutschland) et leur avait adressé un discours rendant hommage à la figure de Luther et à sa quête inlassable de la miséricorde de Dieu [17].

     Il avait appelé dans ce discours à ne pas se concentrer sur ce qui sépare encore les différentes confessions chrétiennes au point d’oublier l’étendue de ce qu’elles ont en commun. «Le grand progrès œcuménique des dernières décennies est pour moi, que nous nous soyons rendu compte de cette communion», a-t-il déclaré à cette occasion.

Relations avec les anglicans

     Le 23 novembre 2006, Benoit XVI et l’archevêque de Canterbury Rowan Williams, Primat de la Communion Anglicane, ont reconnu l’existence dans une déclaration commune de « sérieux obstacles au progrès œcuménique ». Ils s’engagent cependant à « poursuivre le dialogue ». Les deux chefs religieux ont aussi appelé leurs fidèles à témoigner et agir ensemble pour « la paix au Proche-Orient et dans d’autres parties du monde

     Durant le pontificat se poursuit le dialogue avec la Communion anglicane traditionnelle [18], fondée en 1991 à la suite de divergences au sein de la Communion anglicane

Constitution apostolique Anglicanorum Coetibus (À des groupes d’anglicans)[19]

     Sur l’établissement d’ordinariats personnels pour les anglicans qui entrent dans la pleine communion avec l’église catholique (4 novembre 2009) destinée à accueillir et intégrer des institutions et groupes anglicans au sein de l’Église catholique romaine, tout en assurant « que soient maintenues au sein de l’Église catholique les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de la Communion anglicane, comme un don précieux qui nourrit la foi des membres de l’ordinariat et comme un trésor à partager (3)».
A la Conférence de presse de présentation du document, le cardinal Kasper, pourtant alors à la tête du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens, était absent, prétextant un voyage à Chypres.

      C’est au nom de sa façon particulière d’interpréter le « subsistit in » (voir supra) que Benoit XVI au nom de l’unité de l’Eglise créé cet ordinariat.

     Toute l’ambiguïté de la démarche est relevée par les lefebvristes de la FSSPX qui célèbrent le « vrai œcuménisme » de Benoit XVI : « à l’occasion de cette constitution, il a été déclaré au plus haut niveau de la hiérarchie ecclésiastique que cette démarche d’accueil des demandes de ces communautés d’origine anglicane réalisait le but réel et ultime de l’œcuménisme véritable, c’est-à-dire l’entrée de non-catholiques dans l’Église catholique.

Même si elle est contestée en sourdine par certains (notamment par le calamiteux cardinal Kasper), une telle affirmation tend à rectifier le flou voire l’erreur qui règne sur le faux œcuménisme issu de Vatican II, à savoir une sorte d’œcuménisme de convergence « postconfessionnelle » ou, pour reprendre la formule très douteuse de l’abbé Couturier, la recherche de « l’unité de l’Église quand Dieu le voudra et comme Dieu le voudra », qui évacue subrepticement l’article tout à fait actuel du Credo : « Je crois à l’Église catholique. »[20] 

 

Dialogue interreligieux

Relations avec le judaïsme

     En février 2008, le pape Benoît XVI, dans sa volonté de permettre l’ancien rite de la messe en latin, a décidé de maintenir, avec quelques modifications, une prière pour la « conversion des juifs » contenue dans le missel en latin pour le Vendredi saint. Cette autorisation suscite alors des protestations de la part de membres de la communauté juive

     Au printemps 2009, Benoît XVI s’est rendu en Israël et en Jordanie. Au mémorial de Yad Vashem, il a prononcé le mot de « Shoah » dans son discours et parlé sans ambiguïté des « six millions de Juifs » assassinés par les nazis. En août 2009, Benoît XVI affirme que les camps d’extermination nazis sont des « symboles de l’enfer sur la terre ».

     Le 17 janvier 2010, Benoît XVI renouvelle la visite que Jean-Paul II avait faite, 23 ans plus tôt, à la synagogue de Rome ; le contexte en est plus difficile, à la suite du projet de béatification de Pie XII. Lors de son discours, le pape rappelle que Pie XII a sauvé des Juifs « de façon souvent cachée et discrète » et le président de la communauté juive de Rome, Riccardo Pacifici répond que « le silence de Pie XII durant la Shoah » demeure douloureux.

Relations avec l’islam

Discours de Ratisbonne et ses conséquences

     Le 12 septembre 2006, dans son discours à l’université de Ratisbonne, le pape déplore énergiquement toute violence commise pour des desseins religieux. Dans son discours, le pape signifie que Dieu est le Verbe, le Logos, la Raison primordiale. Or, la raison s’oppose à la violence et aux passions. Il cite notamment l’empereur byzantin Manuel II Paléologue (1391-1425) : « (…) l’empereur, avec une rudesse assez surprenante qui nous étonne, s’adresse à son interlocuteur simplement avec la question centrale sur la relation entre religion et violence en général, en disant : « Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait ». L’empereur, après s’être prononcé de manière si peu amène, explique ensuite minutieusement les raisons pour lesquelles la diffusion de la foi à travers la violence est une chose déraisonnable. La violence est en opposition avec la nature de Dieu et la nature de l’âme. »

     Cette citation des propos de Manuel II dans son discours déclenche de vives réactions politiques et religieuses dans le monde, majoritairement négative dans les pays à majorité musulmane, plutôt positive dans les pays occidentaux prenant la défense du pape au nom du dialogue religieux et de la liberté d’expression.

     Le 20 septembre, lors de l’audience générale à Rome, le pape revient à nouveau sur le discours qu’il a tenu à Ratisbonne. Il insiste sur l’idée centrale de son discours : « Ce ne sont pas la religion et la violence qui vont ensemble, mais la religion et la raison ». Il souhaite aussi que ce discours et le débat qui a suivi puissent « constituer une impulsion et un encouragement à un dialogue positif, même autocritique, aussi bien entre les religions qu’entre la raison moderne et la foi des chrétiens ».

          En mai 2009, lors de son voyage en Jordanie, précédant son séjour en Israël, le pape rencontre le prince Ghazi Bin Muhammad Bin Talal, cousin du roi Abdallah II, et inspirateur de la lettre « Une parole commune entre vous et nous [21]» et note que les musulmans ont aussi particulièrement apprécié l’éclaircissement donné par le Vatican, selon lequel ce qui a été dit à Ratisbonne ne reflétait pas l’opinion de Votre Sainteté, mais était simplement une citation dans un discours académique.

     Cette invitation au dialogue est entendue par des personnalités musulmanes. Un mois après le discours de Ratisbonne, 38 savants musulmans écrivent une lettre ouverte au pape, en vue « de parvenir à une compréhension mutuelle ». En octobre 2007, 138 personnalités musulmanes envoient au pape, et aux responsables des autres confessions chrétiennes, une lettre ouverte intitulée Une parole commune entre vous et nous. Cette initiative est suivie de la création d’un forum permanent de dialogue catholico-musulman [22] dont la première session se tient à Rome, du 4 au 6 novembre 2008.

Relations avec les lefebvristes de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X

Le motu proprio Summorum Pontificum

     C’est une lettre apostolique sous forme de motu proprio publiée le 7 juillet 2007, par laquelle le pape Benoît XVI redéfinissait le cadre juridique de la continuation de la célébration de la forme du rite romain qui était en vigueur en 1962, le rite tridentin [23]. Son principal effet pratique était d’autoriser (art. 1) tout prêtre catholique de l’Église latine, quand il célébrait la messe sans le peuple, à utiliser soit l’édition 1962 soit l’édition 2002 du Missel romain ; et d’autoriser les curés et les recteurs d’églises qui ne sont ni paroissiales ni conventuelles à accepter si un groupe stable de fidèles leur demandait de célébrer la messe selon l’édition 1962 (ce qui a été appelé « le rite extraordinaire ») et à utiliser le « rituel ancien pour l’administration des sacrements du baptême, du mariage, de la pénitence et de l’onction des malades ».

Tentative de réintégration de la FSSPX

     La publication du motu proprio est apparue comme une tentative de « réintégration » de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) dans la pleine communion ecclésiale.
     En effet, Mgr Fellay avait présenté deux conditions préalables :
        • la reconnaissance du droit de tout prêtre catholique de célébrer la messe tridentine
        • la levée de l’excommunication des quatre évêques de la Fraternité
     Par un décret du 21 janvier 2009, le préfet de la Congrégation pour les évêques le card. Re, agissant au nom du pape, lève l’excommunication des quatre évêques de la FSSPX.
     Au sein de la FSSPX, une forte opposition au projet de rapprochement avec le Saint-Siège s’est manifestée et aucun accord n’a été trouvé.
Au sein de l’Eglise Catholique aussi. Benoit XVI écrira à ce sujet en mars 2009 une lettre aux évêques de l’église catholique au sujet de la levée de l’excommunication des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre [24]

     Publié le 8 juillet 2009 par le pape, le motu proprio Ecclesiae unitatem précise les relations entre le Vatican et la FSSPX. En vertu de ce décret, la Commission pontificale Ecclesia Dei, instituée par Jean-Paul II en 1988, est désormais rattachée de façon étroite à la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Les négociations durent trois ans.

     Malgré cette tendance à la normalisation entre les autorités vaticanes et la FSSPX, une opposition interne à ce rapprochement existe au sein du mouvement. En avril 2012, Bernard Tissier de Mallerais, Richard Williamson et Alfonso de Galarreta – trois des quatre évêques consacrés par Marcel Lefebvre — adressent un lettre à Bernard Fellay, quatrième évêque consacré par Lefebvre et supérieur de la FSSPX à l’époque, pour dire leur opposition quant à la possibilité d’un accord « purement pratique » avec le Saint-Siège.

     Richard Williamson est expulsé de la FSSPX en octobre 2012 ; il était l’un des opposants les plus acharnés qui œuvraient contre le rapprochement avec le Saint-Siège.

     Quand le 2 juillet 2012, Gerhard Ludwig Müller, évêque de Ratisbonne, devient préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il est également de fait, président de la Commission pontificale Ecclesia Dei.      C’est lui qui déclare, en septembre 2012, que, après une dernière discussion avec les traditionalistes, les négociations ont abouti à un échec ; elles ne reprendront pas.

Séparation d’avec la FSSPX

Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (FSSP)

     La Fraternité sacerdotale Saint-Pierre [25] a été fondée le 18 juillet 1988 en l’abbaye de Hauterive en Suisse par une douzaine de prêtres et de séminaristes, anciens membres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X qui ont refusé la situation de schisme de celle-ci provoquée par des consécrations canoniquement illicites. Peu de temps après sa fondation et grâce à l’aide du cardinal Joseph Ratzinger, elle a été accueillie au sanctuaire marial bavarois de Wigratzbad.

     Le 10 septembre 1988, la commission pontificale Ecclesia Dei accorda l’usage des livres liturgiques de 1962. D’abord accordées à titre expérimental, puis revues en détail par le Saint-Siège en 1999 et par le chapitre général de la fraternité en 2000, les constitutions de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre ont été approuvées définitivement le 29 juin 2003 par le Saint-Siège. La FSSP est en pleine communion avec le Vatican et reçoit l’ensemble du magistère de l’Église et de l’enseignement des papes.

 

Renonciation

 

Le 11 février 2013, à l’issue d’un consistoire public ordinaire convoqué pour valider des propositions de canonisations, le pape annonce, à la stupeur générale, sa renonciation pour le 28 février à 20 heures (heure de Rome), la justifiant par la « vigueur qui, ces derniers mois, s’est amoindrie en moi d’une telle manière que je dois reconnaître mon incapacité à bien administrer le ministère qui m’a été confié. »

Sa renonciation est conforme au Code de droit canonique de 1983 régissant les activités du Saint-Siège : « S’il arrive que le Pontife romain renonce à sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite librement et qu’elle soit dûment manifestée, mais non pas qu’elle soit acceptée par qui que ce soit [26] »

A partir de 20 heures, il devient officiellement « Sa Sainteté Benoît XVI, pape émérite » ou « Sa Sainteté Benoît XVI, pontife romain émérite ». Son successeur, François, se nommant lui-même comme évêque de Rome, appelle à prier pour son prédécesseur qu’il qualifie justement comme « évêque émérite »[27].

Décès

     Le 28 décembre 2022, le pape François annonce que Benoît XVI est gravement malade. Après plusieurs jours de détérioration de son état de santé, le pape Benoît XVI meurt à 9 h 34 le matin du 31 décembre 2022, à l’âge de 95 ans au Vatican, dans le monastère Mater Ecclesiae

 

[1] PEDOTTI Christine. La bataille du Vatican. 1962-1962 op. cit. p 278-279
[3] La façon de voir de Schillebeeckx a eu une influence considérable sur le concile Vatican II (1962-1965), en particulier sur la Constitution concernant la Révélation divine (Dei Verbum, 18 novembre 1965) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Schillebeeckx
[4] Pour la pratique, l’instrument d’analyse et d’observation utilisé s’inspire du marxisme. La théologie de la libération entend renouer avec la tradition chrétienne de solidarité. Parmi ses représentants, on compte les archevêques Hélder Câmara et Oscar Romero2 ou encore le théologien Leonardo Boff.  https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9ologie_de_la_lib%C3%A9ration
[7] LEGRAND Hervé, « Quelques réflexions ecclésiologiques sur l’Histoire du concile Vatican II de G. Alberigo », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 2006/3 (Tome 90), p. 495-520. n° 44 à 49. in : https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2006-3-page-495.htm 
[8] . Jean-Paul II avait en effet permis, dans le cas où aucun candidat n’aurait obtenu, au bout de 34 tours de scrutin, la majorité des deux tiers plus une voix, d’élire le nouveau pape à la majorité simple. À la suite de la décision de Benoît XVI, le prochain souverain pontife devra donc à nouveau recueillir les deux tiers des voix des cardinaux réunis en conclave pour être élu, quel que soit le nombre de scrutins.
[9] La réaction à la décision du Vatican a été vive dans toute l’Italie. « Le bastion du dialogue est tombé. Désormais, les franciscains ont les mains liées et ne peuvent plus être un pont entre l’Église et la société », a déclaré Livia Turco, membre du plus grand parti de la coalition d’opposition italienne, les Démocrates de gauche. https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.washingtonpost.com%2Fwp-dyn%2Fcontent%2Farticle%2F2005%2F11%2F28%2FAR2005112801707.html#federation=archive.wikiwix.com&tab=url  
FAMEREE Joseph. «Communion ecclésiale, conciliarité et autorité». Le document de Ravenne. In: Revue théologique de Louvain, 40ᵉ année, fasc. 2, 2009. pp. 236-247.www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2009_num_40_2_3762
[16] https://www.cath.ch/newsf/rome-pourquoi-le-pape-a-renonce-au-titre-de-patriarche-de-l-occident/ voir aussi DELAIGUE Christophe. Quel pape pour les chrétiens. Groupe Artège, Desclée de Brouwer, Paris 2014 (prix du CECEF )
[27] Ce qui est un non-sens. Être Pape est une fonction de l’Evêque de Rome. Le titre de « pape émérite » n’est prévu par aucune législation de l’Église catholique.